Textes utilisés

Chocolat

Julien aime se faire peur, par exemple il aime essayer de dérober un chocolat dans une boite à laquelle il n’a pas le droit de toucher, sans se faire prendre. Deux fois, il a réussi à aller jusqu’à la boite sans que sa mère ne l’entende, mais n’a pas pris de chocolat, c’était trop facile !

La troisième fois est la bonne. Il glisse sur le parquet trop ciré du couloir, et tombe. Aussitôt, dominant le bruit de la radio, s’élève la voix de sa mère, coupante, cinglante :

– C’est toi, Julien ?

Bien sûr, il ne répond pas. Cœur battant, il se faufile, à quatre pattes, dans la salle à manger. Va-t-elle venir ? Il en tremble, il l’espère. Oui, il entend son pas. Elle appelle encore :

– Julien, si je t’y prends, gare à toi !

Elle approche. Il se colle contre le mur. Elle ouvre la porte. Il se mord les lèvres, pour s’empêcher de crier. Elle fait un pas. Il est pris, elle l’a vu. Mais non, sauvé. Elle a à peine regardé, s’est retirée, est retournée à la cuisine en soupirant. Il attend quelques secondes, la main sur son cœur prêt à éclater, puis respire à fond. Enfin, d’un pas décidé, il avance jusqu’au buffet, plonge la main dans la boite rouge et or, saisit un chocolat et le mange. Il l’a gagné, celui-là, bien gagné.

Bernard Friot, Encore des histoires pressées, « collection Milan Poche Junior » © 2007, Éditions Milan

Amandine

Dimanche. J’ai les yeux bleus, des lèvres vermeilles, des grosses joues roses, des cheveux blonds ondulés. Je m’appelle Amandine. Et quand je me regarde dans une glace, je trouve que j’ai l’air d’une petite fille de dix ans. Ce n’est pas étonnant. Je suis une petite fille et j’ai dix ans !

J’ai un papa, une maman, une poupée que j’appelle Amanda, et aussi un chat. Je crois que c’est une chatte. Elle s’appelle Claude, c’est pour cela qu’on n’est pas très sûr. Pendant quinze jours, elle a eu un ventre énorme et un matin, j’ai trouvé dans sa corbeille quatre chatons gros comme des souris.

Michel Tournier, « Amandine ou Les Deux Jardins », in Sept contes © Éditions Gallimard.

Une étrange trouvaille

À la demande de la maitresse, Émilie a accepté d’écrire la fin d’une histoire pour le lendemain. Mais un copain veut

jouer avec elle.

Jojo Grataloup jette à Émilie un regard noir. « Quelle cruche cette Émilie ! pense-t-il. Avec ça, elle va refuser à coup sûr de venir essayer sa nouvelle planche à roulettes. » Sur le seuil de la porte, il dit d’un air détaché :

« Qu’est-ce que tu fais maintenant ?

– J’ai une histoire à inventer. Je rentre chez moi.

– Complètement dingue, cette fille ! » grommèle Jojo dépité. Et Émilie part en courant.

Soudain, elle glisse sur quelque chose de rond et dur, et il s’en faut d’un rien qu’elle se retrouve dans le caniveau.

« Mince ! s’exclame-t-elle. Un crayon ! Il a bien failli me faire casser la figure ! »

Elle se baisse, ramasse le crayon, l’empoche et reprend sa course. C’est alors qu’une petite voix la fait sursauter :

« Dis donc ! Tu crois que c’est drôle, de se retrouver au fond d’une poche toute collante et pleine de miettes ? »

Henriette Bichonnier, Émilie et le crayon magique © Le Livre de Poche Jeunesse, 1990, 2001.

Une première victoire

Depuis un mois, des alpinistes sont au Népal pour réaliser l’ascension du Makalu qui culmine à 8 470 m et qui n’a jamais été vaincu.

Ce 15 mai 1955, Lionel Terray et Jean Couzy ont quitté le dernier camp, le camp VI, pour aller vers le sommet.

Pendant ce temps, leur compagnon monte du camp V au camp VI, avec les sherpas.

La tente jaune et or du camp VI est maintenant visible, curieusement perchée sur un balcon aérien entre deux falaises de glace. Il reprend son ascension et va vers le camp avec courage.

À plusieurs reprises, il essaie de distinguer ses amis dans les zones supérieures de la montagne. Mais il ne les voit pas. Où sont-ils ? Mais sur l’éperon et sur les arêtes terminales, la lumière est si intense que, malgré ses lunettes, il ne peut pas y fixer le regard.

Il gravit un dernier couloir, une pente plus raide et voici le camp VI. Il est fatigué ! Au moment où il y arrive, des cris répétés lui parviennent. C’est Lionel et Couzy ! Ils sont au sommet.

Victoire ! Le Makalu est gravi ! Il ne sent plus sa fatigue. Il danse et chante de joie.

Jean Franco, Makalu, Éd. Arthaud, 1955.

MON CHIEN, C’EST QUELQU’UN

Les gens ne s’étonnent plus de rien. Moi, la première fois que j’ai entendu mon chien parler, j’étais surpris ! C’est un soir, après le diner. Je suis allongé sur le tapis, je somnole… Je ne suis pas de très bon poil ! Mon chien est assis dans mon fauteuil, il regarde la télévision… Il n’est pas dans son assiette non plus ! Je le sens ! J’ai un flair terrible ! Et subitement, mon chien me dit : « On pourrait de temps en temps changer de chaine ? » Je lui réponds : « C’est la première fois que tu me parles sur ce ton ! » Il réplique : « Oui ! Jusqu’à présent je n’ai rien dit, mais je n’en pense pas moins ! » Un autre jour, alors que je me promène dans la rue avec mon chien, une petite fille vient me caresser la main. Sa maman dit alors : « Tu vois qu’il n’est pas méchant. » Et mon chien croit bon d’ajouter : « Il ne lui manque que la parole, madame ! »

D’après Raymond Devos.

TEXTE – UNE PLAISANTERIE QUI A MAL TOURNÉ

La semaine dernière, Vincent a fabriqué un objet qui ressemblait à un serpent. Il l’a attaché à une ficelle et l’a posé au sol dans la rue. Au bout de quelques minutes, une femme est venue. Elle portait une ombrelle sous le bras et un sac à la main. Vite, Vincent est allé se cacher derrière le portillon et il a expérimenté le maniement du serpent. Celui-ci obéissait. La femme s’est rapprochée, il a alors tiré sur le fil. Le serpent a glissé lentement au milieu de la rue. La femme l’a vu, a poussé un grand cri, a jeté en l’air son sac et son ombrelle en hurlant : « Au secours ! Au secours ! Un serpent ! À moi ! À l’aide ! » Alors Vincent a tout lâché, il a bondi dans la maison, est entré dans la cuisine et s’est caché dans le panier de linge sale. Le cœur battant, il écoutait les cris de la malheureuse. [...] Quel tohubohu pour un pauvre serpent de chiffon !

José Mauro de Vasconcelos, Mon bel oranger, Livre de poche, 2014.

TEXTE – UN ORAGE MYSTÉRIEUX

Un éclair illumine la cave des Hinkle. Éric et Julie ne bronchent même pas. Les deux amis regardent fixement un ballon de football. Une balle en cuir noir et blanc, tout à fait ordinaire… en apparence. Deux secondes plus tard, le tonnerre retentit et l’ampoule suspendue au plafond se met à clignoter. L’orage doit se trouver juste au-dessus de la maison. – Max doit être mort de trouille tout seul chez lui, dit Éric. – Moi aussi, je me sens mal à l’aise, avoue Julie. Appelle-le vite. Dis-lui de venir ! Les deux amis remontent l’escalier quatre à quatre et se ruent dans la cuisine. Éric prend le téléphone et compose le numéro de Max. Un nouvel éclair déchire le ciel, provoquant un grésillement dans l’écouteur. – Allo, Max ? Prends un parapluie et ramène-toi. Tu ne vas pas en croire tes yeux.

Tony Abott, Le Monde de Droon, vol. 3 : L’Île de la sorcière, Pocket Jeunesse, 2007.