Nicole Molinari: Bonjour Simona Innocente, adjointe au maire de la commune de Bobbio, déléguée au tourisme, à la culture et au marketing territorial, aux relations avec les associations, aux jumelages et à l’aménagement urbain, bienvenue à l’Istituto Tecnico Commerciale San Colombano de Bobbio. Je suis Nicole Molinari et avec mes camarades, nous aimerions vous poser quelques questions au nom de la classe 4^AFM de l’ ITC San Colombano, avec laquelle nous menons un projet sur le thème du marketing territorial dont le titre est: “Un plongeon dans la Trebbia. La promotion touristique du territoire de Bobbio et de la Haute Vallée de la Trebbia à destination des touristes francophones”.
Stefano Ertola: Vous représentez deux niveaux institutionnels distincts, la mairie de Bobbio certes, mais aussi l’union des communes des vallées Trebbia et Luretta. Pouvez-vous nous aider à mieux comprendre qui fait quoi et quel est le rôle de l’Union des communes par rapport à la commune de Bobbio?
Simona Innocente: Je suis ici en tant que maire de Bobbio, je ne représente pas l’Union des Communes parce que je ne peux pas la représenter, car je ne suis pas conseillère de l’Union des communes.
Alors, disons qu’ils ont des rôles différents: d’un côté, l’Union des Communes est un organisme de second niveau au-dessus de la commune. Elle n’a donc pas beaucoup de pouvoir décisionnel dans certains domaines. Par exemple, elle n’a pas de budget propre, sauf dans des cas particuliers. Tout ce que vous voyez dans la commune de Bobbio, à 90% voire 99%, a été financé, fait, conçu par la municipalité de Bobbio et donc par l’administration communale.
Les délégations sont également présentes parmi les conseillers de l’Union des Communes, mais nous disons que le budget communal est celui qui prévaut sur tout le reste et par conséquent je dirais que si nous parlons d’investissements territoriaux - à 90% - ceux-ci sont effectués par l’administration communale et donc par la municipalité de Bobbio.
Nicole Molinari: Notre projet porte sur la promotion touristique de la Haute Vallée de la Trebbia, à quels niveaux administratifs définit-on une stratégie dans ce domaine? Est-ce davantage la commune, l’Union des communes ou faut-il regarder encore plus loin?
Simona Innocente: Cela dépend... Vous pouvez regarder à tous les niveaux, parce que vraiment tous les niveaux, soient-ils nationaux, régionaux, départementaux, communaux, voire même européens, plutôt qu’à celui des cantons (Unions des communes).
Disons qu’avant mon arrivée (cela fait 14 ans que je suis ici et j’en suis maintenant au troisième mandat), on m’a dit qu’il y avait aussi plusieurs possibilités au niveau national, donc, grâce à ces avis nationaux, des choses importantes ont été faites à Bobbio: par exemple, le parking souterrain à plusieurs niveaux a été réalisé et financé entièrement par un avis national. Maintenant, c’est beaucoup plus difficile car il y a clairement moins d'avis et moins d’argent. Maintenant nous avons réussi à obtenir quelque chose d’important, mais ce n’est plus comme avant.
Le marketing territorial fonctionne à tous les niveaux. L’Union des Communes fonctionne un peu comme de la colle, du ciment, parce qu’elle est formée de huit communes (de Zerba à Piozzano, ce dernier qui est territorialement loin de nous, mais historiquement proche, donc il en fait partie). Ça marche comme de la colle dans le sens où tous les maires sont là et je suppose qu’ils parleront de tourisme également.
Mais je répète que chaque commune est si différente. Par exemple, Travo, qui est une grande commune, est très différent de nous: il y a des besoins différents, il n’y a pas d’office de tourisme (Bobbio est le seul à en avoir parmi ces 7 municipalités). Je crois donc que le marketing territorial pur se fait vraiment à l’intérieur de sa commune, à partir des compétences et des ressources économiques.
Tommaso Cozzi: Selon vous, quelles sont nos forces et nos faiblesses si nous pensons au secteur touristique?
Simona Innocente: Notre potentiel est infini: le paysage, pour lequel nous avons une rivière, la Trebbia, dans laquelle on peut se baigner, nous avons une excellente situation géographique, très proche de la Lombardie (les Lombards apportent une aide importante à l’économie de Bobbio).
Donc, en résumant, nous avons un emplacement stratégique, une belle rivière, le mont Penice, en hiver, qui malheureusement cette année a peu fonctionné, bien que pour les enfants, les adolescents et pour les écoles de ski, cela fonctionne très bien et représente donc une alternative supplémentaire que nous avons. Nous avons l’histoire et la culture, et au fil des ans, nous avons été en mesure grâce à l’administration municipale de convaincre les commerçants et les habitants de Bobbio à faire plus et mieux pour accueillir les touristes. Avant 2009, les magasins de Bobbio étaient fermés le dimanche; le village était alors désert et désolé et donc les commerçants étaient obligés de fermer leurs activités. Voici un exemple de comment, au bout de 14 ans seulement, nous avons fait de grands progrès. Aujourd’hui, les magasins sont ouverts le dimanche et font des horaires continus, voire il y a même la queue dehors. Donc parfois, quand quelqu’un se plaint, il ou elle devrait penser à ce qu’il y avait avant. Des progrès ont été réalisés et surtout la chose importante, à laquelle je tiens beaucoup, est le fait de mettre une brique après l’autre sans sauter aucun passage parce que brûler des étapes est très facile. Donc nous avons d’abord arrangé l’Office du Tourisme (IAT), nous en avons confié la gestion à Cooltour de sorte qu’il est maintenant ouvert même le week-end et est donc un service important pour la population locale et pour les touristes. Nous avons aménagé l’hôpital, les bureaux de la poste, bref tous ces services complémentaires à ce qui est un tourisme plus stable. Nous sommes arrivés à un bon résultat grâce aussi à cela. Nous avons aussi notre calendrier des manifestations: il y a de nombreuses années, il était petit (environ 10 pages), mais maintenant il est beaucoup plus grand, parce que de nombreux événements ont été ajoutés.
Donc, au fil des années, des investissements ont été faits, pas seulement par l’administration communale et par les associations présentes sur le territoire, avec un investissement important en ressources, et nous sommes ainsi parvenus à obtenir un produit unique en Italie (c’est-à-dire le calendrier des manifestations). Je doute qu’il existe une commune qui compte environ 3500 habitants et qui a un calendrier de plus de 200 événements de divers types.
Donc grâce à la collaboration avec tout le territoire, avec toutes les associations et les commerçants, nous avons réussi à obtenir de bons résultats.
Un résultat qui fonctionne, comme le confirment les commentaires positifs. Si une chose ne fonctionne p,lus les gens le font remarquer, alors que si quelque chose fonctionne nous sommes très peu nombreux à le souligner, mais nous accordons une importance particulière à ces rares personnes. Notre maire aime parler du "Brand Bobbio" et peut-être que nous y sommes arrivés!
Jessica Nobili: Pouvez-vous dresser un portrait du touriste qui arrive dans la Vallée de la Trebbia?
Simona Innocente: Non, parce qu’il y en a de différentes sortes. Il y a longtemps, il y avait le tourisme en journée, c’est-à-dire ceux qui venaient à la rivière et quittaient les déchets à la Trebbia, ils apportaient leur repas préparé à la maison, puis rentraient le soir; heureusement, ce n’est plus le cas.
Nous apprécions cependant toute sorte de touriste, même ceux qui viennent à la journée et qui n’achètent rien, mais c’est bien parce que ça fait partie du marketing territorial, ils pourraient aussi faire connaître nos territoires à d’autres personnes, en faisant du bouche-à-oreille. Nous devons être ouverts et ne jamais être arrogants envers personne.
Maintenant il y a le touriste qui vient pour les manifestations, celui qui vient parce que nous avons obtenu le titre du "plus beau village d’Italie 2019-2020", les pèlerins (grâce à la Via Francigena et à celle des Abbés) qui viennent visiter le village et ont la possibilité de se loger à l’auberge municipale, mise à disposition pour toutes celles ey ceux qui en ont besoin.
Il nous est même arrivé d’abriter quelques congrès médicaux, ce qui n’était pas le cas avant, donc le tourisme à Bobbio, ça se construit. Il y a actuellement des touristes de nombreuses nationalités, donc pas de typologie précise et uniforme.
Nicole Molinari: Un tournant dans l’image et la reconnaissance de Bobbio au-delà des frontières de la province de Piacenza, c’était en 2019, lorsque Bobbio a remporté le titre "Borgo dei borghi", dans la célèbre émission télévisée de la chaîne publique Rai 3. Pouvez-vous nous dire comment est née cette expérience ?
Quelles retombées avez-vous enregistrées depuis lors sur les arrivées dans la Vallée?
Simona Innocente: En ce qui concerne l’expérience de l’émission ‘IL borgo dei borghi’, nous avons appris de l’existence du programme, nous avons demandé si nous pouvions participer et on nous a dit qu’il fallait l’approbation de la Rai. Après un an de tentatives, nous nous sommes classés troisième. C’était en 2017. Nous étions très heureux de s’être classés troisième, c’est pourquoi notre cote de popularité a commencé à croître avant 2019. En 2019, on nous a appelés encore, nous avons participé à nouveau et nous avons gagné.
Il existe une page Facebook "La Valle delle Favole" (La vallée des contes de fée), un service de marketing territorial gratuit: des gens ont fondé l’association du même nom et s’occupent de poster de belles photos. Sur toute la Vallée de la Trebbia, mais en particulier Bobbio, parce que c’est le village le plus recherché en ligne. Les nouvelles de Bobbio sont affichées beaucoup plus que celles d’autres villages parce que tout est amplifié.
Donc certainement grâce à tout cela, il y a eu un retour numérique important.
En raison du Covid, nous n’avons pu profiter que des premiers mois de succès.
Cependant, à partir de juin 2020, il y a eu un afflux important dans le Val Trebbia.
Le premier week-end où nous n’étions plus confinés, nous avons trouvé des chiffres égaux au 15 août. Il y a donc eu une synergie de facteurs, y compris la victoire et le post-covid.
Sefora Susino: Un autre fait qui a placé Bobbio au centre de l’intérêt médiatique national a été l’hypothèse, avancée par la chercheuse Carla Glori, selon laquelle l’une des peintures les plus célèbres au monde, La Joconde de Léonard De Vinci, aurait pour décor le Pont Bossu et la Pietra Parcellara, et aurait été peinte depuis le dernier étage du château Malaspina-Dal Verme. Qu’en pensez-vous ? Pensez-vous que cette hypothèse soit fiable ou exploitable à des fins de marketing territorial?
Simona Innocente: Tout cela est le mérite de Madame Carla Glori, qui a présenté l’hypothèse à l’administration, nous sommes ouverts à toute éventualité, n’ayant pas les compétences nécessaires pour établir ce qui est vrai ou non, donc nous nous en tenons à ce qui est dit par la chercheuse et par l’académie. Une installation au château de Bobbio a été faite et sponsorisée avec des éléments technologiques, donc vous pouvez voir l’histoire et, là où se trouve la célèbre fenêtre où Léonard aurait peint la Joconde, une reconstruction a été effectuée. C’est quelque chose que l’administration n’exploite pas en termes de marketing territorial.
Nicole Molinari: Les éléments d’attractivité touristique de la Vallé de la Trebbia et du territoire de Bobbio ont changé au cours des décennies et continuent de le faire. Premièrement, station thermale de renom, jusqu’à ce que le tourisme thermal soit en vogue. Ces dernières années, le changement climatique a réduit les précipitations neigeuses dans les mois hivernaux, exigeant une adaptation considérable des installations de sports d’hiver, sans parler des précipitations de plus en plus rares, qui mettent en crise le débit du fleuve Trebbia. Quels sont selon vous les éléments sur lesquels investir? Architectures et monuments ? Ou culture, festivals et fêtes, comme le “Palio delle Contrade” ou le “Bobbio Film Festival”? Ou encore l’histoire et le passé?
Simona Innocente: Ces éléments sont tous très efficaces!
Pour avoir une perspective, il faut au moins deux points de vue, voire plus. L’intelligence administrative consiste à modifier ses objectifs en fonction d’éléments contingents, qui peuvent être tous ceux qui ont été mentionnés. La demande doit être comprise: quelles sont les demandes du touriste, parce que si nous faisons quelque chose qui ne l’intéresse pas, nous devons en être conscients et miser sur autre chose. À Bobbio, nous avons de nombreuses alternatives (paysage, histoire, culture, nature…).
Alessio Cirignotta: Enfin, la pandémie de Covid a également perturbé les flux touristiques, mais en même temps, cela a contribué à attirer de plus en plus de personnes désireuses d’un rapport plus étroit à la nature après des mois de confinement. Est-ce que cela pourrait être le tourisme naturaliste et des sports en plein air, la principale ressource de notre territoire? Quel impact le Covid a-t-il eu de ce point de vue? Il y a eu un plus grand mouvement vers notre vallée après le confinement?
Simona Innocente: Il y a eu un grand afflux dans la vallée. Je n’aime pas parler d’attraction principale, parce que c’est une question de synergie, puisque nous avons beaucoup de ressources, comme les activités de plein air. Il y a une dizaine d’années, nous avons structuré, nettoyé, détecté avec le GPS, 120 km de chemins que vous pouvez tous faire à pied, quelques-uns à vélo et même à cheval. Il y a une carte à l’office du tourisme, qui est également téléchargeable sur l’application de la commune, appelée "Mon Amour", entièrement gratuite, téléchargeable sur tout smartphone.
Je vous invite à promouvoir cette initiative, parce que c’est un investissement qu’a fait l'administration et qui donne d’excellents résultats. Grâce aux vélos électriques, ce secteur évolue. Après le Covid, il y a eu une forte demande de maisons à louer ou à vendre, surtout de la part de nombreux étrangers. La nature est donc devenue fondamentale dans la vie de chacun; l’important est de savoir comment garder les gens sur notre territoire.
Nicole Molinari: À cet égard, à la suite du Covid, les projecteurs se sont allumés, bien que brièvement, sur les zones intérieures, qui occupent 60% du notre Pays et sur la lutte contre leur dépeuplement. On tend souvent à opposer les populations sédentaires et les populations touristiques, en ce sens que la demande de services diffère entre ces deux catégories de personnes. Comment faire en sorte que dans le Val Trebbia il y ait un repeuplement durable et une revitalisation stable du territoire?
Simona Innocente: Selon moi, il existe un marketing territorial externe, c’est-à-dire à destination des touristes, mais il existe aussi un marketing territorial interne car nous devons faire en sorte que ceux qui vivent sur place se sentent bien, parce que, s’ils ne sont pas heureux de vivre ici , ne pourront jamais promouvoir leur propre territoire.
Par exemple, nous avons refait la bibliothèque parce que nous avons pensé au bien-être de nos enfants et de nos jeunes, en général de ceux qui vivent ici: il y a des livres, des jeux, des bornes Internet, un petit amphithéâtre pour les plus petits.
Le maire s’est toujours battu pour garder l’hôpital ouvert, parce que c’est un service fondamental pour ceux qui vivent sur place.
Mario Bertuzzi: Notre projet "un Plongeon dans la Trebbia" fait partie des ‘Pactes éducatifs de communauté’, dans l’objectif de relier notre école à notre territoire. Quel rôle peut jouer notre école dans le renforcement des synergies du territoire?
Simona Innocente: Vous êtes très bons pour faire un projet, parce que c’est seulement ainsi que les choses avancent, et vous en êtes un exemple parce que vous êtes là avec des questions très ciblées, bien sûr, grâce à votre professeur. L’avenir, c’est vous, les enfants : vous devez avoir des projets que nous, des générations précédentes, n’avons pas.
C’est vous qui, avec des idées, des projets, des collaborations, pouvez faire avancer quelque chose de concret. Nous sommes toujours ouverts à l’école, parce que nous tenons à donner une chance à ceux qui étudient ici. Pour nous, il est donc indispensable qu’il y ait une école à Bobbio, parce que vous avez un rôle important dans la communauté.
Nicole Molinari: À travers quels outils et canaux de communication notre territoire est-il promu et comment le marketing territorial peut-il être amélioré?
Simona Innocente: Par exemple, nous avons un totem à l’entrée où vous pouvez accéder aux services de Bobbio, l’application téléchargeable et une signalisation artistique avec des photos dans le centre historique: grâce à l’application, vous pouvez télécharger des itinéraires à visiter, vous pouvez le faire dans n’importe quelle langue! Nous sommes l’une des rares réalités en Italie à avoir construit une telle chose aussi intégrée.
Personne n’aurait pu s’attendre à ce qu’une petite ville comme Bobbio ait de tels outils pour l’accueil touristique.
Nous avons révolutionné l’office du tourisme, nous y avons mis des fauteuils et des chaises, afin de fournir non seulement des informations mais surtout de l’accueil! Selon le marketing des émotions, nous devons beaucoup travailler sur l’accueil: fondamentalement, un touriste a besoin de s’émouvoir, de se remplir le cœur de souvenirs.
Jessica Nobili: Notre projet vise à faire un tour d’horizon des besoins de ceux qui s’occupent du tourisme au sein de la Haute Vallée de la Trebbia, avec un focus particulier sur les visiteurs francophones: que pouvez-vous nous dire à ce sujet? Vous avez des statistiques ou simplement quelques épisodes ou anecdotes pour nous donner un aperçu de la population touristique internationale qui arrive dans notre vallée?
Simona Innocente: L’office de tourisme les possède, puisqu’il doit soumettre des données à la région, chaque année, par nationalité: nous avons constaté que les Français sont minoritaires. La plupart sont italiens ou anglais. L’exigence du touriste français est inversement proportionnelle au nombre, en ce sens qu’il est difficile de savoir parler anglais, pour lesquels ils ont besoin d’informations en français.
Malheureusement, dans notre vallée, nous avons de nombreuses limites en matière de travail intelligent. Cette nouvelle forme de travail est très demandée par les grandes entreprises surtout des grandes villes. Nous essayons de nous améliorer, mais malheureusement, nous avons le problème de la connexion, qui ne peut actuellement garantir d’excellents résultats, et le problème des espaces, des lieux accueillants et tranquilles où pouvoir travailler en paix. Nous sommes ouverts à des propositions car cela pourrait être une excellente ressource à exploiter actuellement.
Bien sûr, l’emplacement éventuel doit être élégant, confortable et facilement accessible.
On nous reproche parfois le fait que nous investissons peu dans les petits villages environnants (‘frazioni’), même si ce n’est pas vrai, mais le but est que le chef-lieu doit fonctionner, il doit être le moteur.
Les activités des petits pays travaillent à 80% grâce au réflexe de Bobbio.