L'expérience du pic d'Adam

Di 21/03/10 : de Dalhousie à Colombo


2 heures du matin : avant même que le garçon d’étage ne nous réveille, nous tournons la clé de la porte d’entrée et nous éclipsons discrètement. Dehors, la nuit est douce même si on supporte pour l’instant une petite polaire, le temps de nous échauffer. Hervé met en marche son GPS pour se donner une idée de notre progression.

C’est parti pour trois heures d’ascension.

Pendant la première demi-heure, on commence par une marche d’approche entre la rangée de boutiques dont beaucoup sont ouvertes et éclairées, même à cette heure.

La montée se fait progressive au début. D’abord quelques marches espacées, rien de bien méchant. Passage sous l’arche d’entrée, puis devant un dagoba.

Au fil de notre avancée, la montée devient plus difficile, les marches se rapprochent, de hauteurs différentes, cassant le rythme. On a chaud, on s’arrête pour boire et souffler un peu. On fait des zigzags pour soulager les genoux.

Mais nous sommes étonnés : il y a énormément de monde qui descend, uniquement des locaux… et seulement quelques touristes qui montent. Peut-être n’y aura-t-il pas tant de monde que ça là-haut ?

En attendant, Hervé égrène les dénivelés sur le GPS.

300 mètres…

400 mètres… ça commence à être douloureux, les marches sont de plus en plus rapprochées et très hautes.

500 mètres : Hervé me déleste de mon sac à dos et je me sens pousser des ailes.

700 mètres : nous commençons à rattraper les pèlerins qui sont partis hier après-midi ou soir et qui se sont arrêtés pour dormir ou se restaurer dans des sortes de préaux prévus à cet effet.

Nous sommes admiratifs devant la détermination de tous ces gens : des vieillards en tongs, des infirmes, des couples avec des bébés dans les bras, des familles avec de jeunes enfants !

850 mètres : ça bouchonne… car à partir d’ici, le côté droit est prévu pour la montée et le côté gauche pour la descente. Entre les deux, une rampe pour aider à la progression et c’est vrai que ça soulage de pouvoir se hisser à l’aide de la rampe. Mais, en même temps, on n’avance plus !

En Français indisciplinés, nous avançons un peu sur le côté destiné à la descente mais rapidement, la foule qui descend devient aussi compacte que celle qui monte.

Nous réintégrons alors la file montante et c’est à touche-touche qu’on progresse. Je suis bien contente de porter un sac dans le dos, cela me crée un espace de sécurité. Hervé surveille, inquiet, ses objectifs photo.

900 mètres : le vent se lève, il faut se couvrir et ceux qui montent ou descendent en tee-shirt grelottent de tous leurs membres. Heureusement, nous avons prévu polaires et coupe-vent. Il doit faire 10°.

950 mètres : ça n’avance plus et les cinquante derniers mètres de dénivelé vont nous prendre plus d’une demi-heure.

5 h 15 : nous arrivons enfin au sommet. Une foule dense (plusieurs milliers de personnes ?) se presse là-haut et nous tentons de nous trouver une petite place. Dans ces conditions, pas moyen d’accéder ni au monastère, ni à l’empreinte de Bouddha, ni au côté opposé au soleil levant.

Quelques policiers essaient de contrôler tant bien que mal la foule. Les gens se bousculent, se pressent pour apercevoir les premières lueurs du jour. Des haut-parleurs débitent des discours en sri lankais (des consignes de sécurité ?).

6 heures passées : ça y est… le ciel rosit et le contour des sommets commence à se dessiner. Les appareils photo et surtout les téléphones portables crépitent alors que résonne la prière du matin.

Le lever de soleil est certes beau mais, plus encore, c’est le spectacle de la foule qui est impressionnant.

En principe, après avoir vu le lever de soleil, il est intéressant d’aller observer, du côté opposé, un phénomène curieux : l’ombre du pic n’est pas projetée sur le sol comme elle devrait l’être, mais se dresse fièrement à la verticale dans le paysage, comme un double de la montagne...

... comme ceci !

Mais là, impossible d’envisager son observation. Nous préférons quitter rapidement le sommet pour prendre de l’avance sur toute cette foule.

Le jour est maintenant bien levé et nous pouvons visualiser à partir d’ici tout le trajet effectué. Hélas, nous avons aussi la vue sur tous les détritus (ils se voient même sur la photo) qui jonchent les abords. Quel dommage !

Il y a bien une association qui sensibilise la population à l’environnement au début du parcours, elle échange les sacs plastique contre des sacs en tissu. Malheureusement, cela ne résout pas le problème plus général des emballages que les gens abandonnent au bord du chemin.

En nous retournant, on ne manque pas d’admirer le pic. De jour il est majestueux ! Dire qu’on est montés là-haut !

Pour adoucir la descente, à chacun ses petits trucs : nous, on court pour soulager nos genoux. Quant à ce moine, il s’appuie sur son parapluie.

Au pas de course, la descente est rapide et fluide. Cela nous laisse le temps de nous attarder devant quelques sites aperçus de nuit, à l’aller.

Dagoba

Bouddha de pierre

Il commence à faire chaud et déjà la brume envahit les collines.

8 heures : Retour à la pension.

Autour du petit déjeuner, nous partageons avec nos compatriotes (ceux d’hier soir) nos impressions réciproques. Indiscutablement, c’est une expérience à faire, il serait dommage de venir jusqu’au pied du pic sans en faire l’ascension. Mais aucun de nous quatre n’avait imaginé autant de monde. Bien sûr, nous n’espérions pas être seuls mais à ce point… Le fait d’être le week-end ainsi qu’en période de fête pour les hindous y a sans doute été pour beaucoup.

Alors que nous poursuivons notre échange, la jeune femme nous raconte qu’un Français s’est fait voler son iPhone au sommet.

Sur ce, Hervé tâte ses poches… et blêmit… La pochette contenant nos deux passeports, la carte bleue et des espèces (qu’il avait dans une poche de pantalon fermée par un scratch) a disparu !

Branle-bas de combat dans la chambre pour vérifier si elle n’avait pas été mise ailleurs. Très vite, il faut nous rendre à l’évidence, elle nous a bel et bien été dérobée, un pickpocket a dû sévir dans la foule.

Je vois déjà nos vacances anéanties avec un retour prématuré en France. Comment envisager la poursuite du voyage aux Maldives sans passeport ? Notre vol est programmé pour ce soir à minuit.

Déclaration à la police locale, coups de fil à l’Ambassade de France, opposition sur la carte bancaire, rangement des valises : tout s’accélère en cette fin de matinée et, à 11 heures, nous prenons la route, direction Colombo et l’Ambassade de France.

Pas la tête à regarder le paysage… mais sur les nerfs… à imaginer tous les scénarios possibles.

Peu avant Colombo, nous trouvons un photographe pour les fameuses photos d’identité aux dimensions spécial passeport. Voilà déjà une chose de faite !

Vers 15 heures, nous entrons dans les faubourgs de Colombo. Un coup de fil au Consul pour le prévenir de notre arrivée (n’oublions pas que nous sommes dimanche, il se déplace exprès pour nous). Trente minutes plus tard, nous sommes en face de lui.

Il nous annonce d’emblée que l’établissement d’un passeport provisoire n’est pas possible sans l’aval de la sous-préfecture d’origine, or les administrations en France sont fermées le dimanche. Vingt-quatre à quarante-huit heures seraient, au minimum, nécessaires pour obtenir ce feu vert.

Et nos vacances, alors ?

Heureusement M. le Consul est un homme compréhensif et plein de ressources. Après s’être mis en rapport avec les autorités maldiviennes, il nous délivre des laissez-passer, au vu d’une copie de carte d’identité qu’Hervé a retrouvée, par hasard, dans ses papiers de plongée. Car, bien sûr, en voyageurs imprudents, nous n’avions pas fait de copie des passeports et n’avions plus aucun moyen de prouver notre identité.

Tous les détails de notre voyage (vol, hôtels) sont alors envoyés au Consul honoraire des Maldives chargé de prévenir les services de l’immigration de ce pays.

Ce document devrait par conséquent nous permettre de poursuivre notre voyage… à condition que les services de l’immigration des pays concernés l’acceptent.

Au bout d’une heure trente, nous sortons de l’Ambassade soulagés et reconnaissants. En tout cas, chapeau à cette administration efficace et disponible au service de ses ressortissants vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Bon, maintenant, il ne reste plus qu’à nous rendre à l’aéroport et à voir comment les douaniers vont accueillir notre papier.

Un dernier verre avec notre chauffeur, petit mot dans son livre d’or, échange d’adresses mail, pourboire bien mérité… et au revoir, Nimal !

Une longue attente commence jusqu’à 0 h 15, avec toujours une petite pointe d’anxiété.

Ouf, les douaniers sri lankais ont l’air d’avoir l’habitude de ce genre de papier… pas de problème pour sortir du pays.

A moitié rassurés, nous nous écroulons littéralement dans l’avion (nous sommes levés depuis 2 heures du matin, avons mille mètres de dénivelé dans les jambes et il est minuit) pour n’ouvrir les yeux qu’à l’atterrissage à Malé.

Le douanier maldivien est plus dubitatif. Il en appelle à son collègue et le papier passe de main en main. Les autres passagers regrettent d’avoir fait la queue derrière nous ! Enfin, la chef arrive et s’excuse. Elle était occupée mais bien mise au courant de notre situation. Ouf, ouf, elle donne son aval, encore quelques coups de tampon : nous sommes maintenant assurés de pouvoir poursuivre nos vacances.

Après toutes les émotions de la journée, un dernier trajet en bateau puis en taxi et enfin… nous pouvons nous laisser aller dans les bras de Morphée dans la jolie petite chambre de la pension "House Clover" : il est 2 h 30 heure locale, soit 3 h 30 heure du Sri Lanka et cela fait vingt-cinq heures que nous n’avons pas dormi.