13 François Voltaire

Difficile de parler d' « esprits libres » sans passer par François Marie Arouet dit Voltaire qui est sans doute un des plus renommés libres penseurs, né le 21 novembre 1694 à Paris où il est mort le 30 mai 1778. Il a été un écrivain et philosophe français admis à l’Académie française en 1746, ces contes philosophiques sont autant d'affirmations de la vie, mais jamais en se voilant la face sur sa dureté, ni en manquant de dénoncer les travers de l'âme humaine.

En premier lieu Voltaire manifestait une opinion hostile envers le Prophète Muhammad (Que la paix et la Bénédiction de Dieu soient sur Lui) à l’instar de la tragédie « Le Fanatisme ou Mahomet le prophète (1742) », qui, d’ailleurs, a été ardemment critiqué par Napoléon et Renan (Voir Napoléon Bonaparte et Ernest Renan).

En second lieu, Voltaire a vraisemblablement changé d’opinion, c’est sur cette phase que nos extraits porteront.

Extrait : Essai sur les mœurs et l’esprit des nations, et sur les principaux faits de l’histoire depuis Charlemagne jusqu'à Louis XIII (1756)

Edition : Chez Treuttel et Würtz ; 1835 ; Tome Premier ; Chapitre VI : De l’Arabie ; et de Mahomet ; page 74, 75

De tous les législateurs et de tous les conquérants, il n'en est aucun dont la vie ait été écrite avec plus d'authenticité et dans un plus grand détail, par ses contemporains, que celle de Mahomet. Otez de cette vie les prodiges dont cette partie du monde fut toujours infatuée, le reste est d’une vérité reconnue. Il naquit dans la ville de Mecca, que nous nommons la Mecque, l'an 569 de notre ère vulgaire, au mois de mai. Son père s'appelait Abdala, sa mère, Emine : il n'est pas douteux que sa famille ne fût une des plus considérées de la première tribu," qui était celle des Coracites. […]

Edition: Chez Treuttel et Würtz ; 1835 ; Tome Premier ; Chapitre VI : De l’Arabie, et de Mahomet ; page 80

[…]. De tous les législateurs qui ont fondé des religions, il est le seul qui ait étendu la sienne par les conquêtes. D'autres peuples ont porté leur culte, avec le fer et le feu, chez des nations étrangères; mais nul fondateur de secte n'avait été conquérant. Ce privilége unique est aux yeux des musulmans l'argument le plus fort, que la Divinité prit soin elle-même de seconder leur prophète. [...]

Ce n'était pas sans doute un ignorant, comme quelques-uns l'ont prétendu. Il fallait bien même qu'il fût très-savant pour sa nation et pour son temps, puisqu'on a de lui quelques aphorismes de médecine, et qu'il réforma le calendrier des Arabes, comme César celui des Romains. Il se donne, à la vérité, le titre de prophète non lettré; mais on peut savoir écrire, et ne pas s'arroger le nom de savant. […]

Edition: Chez Treuttel et Würtz ; 1835 ; Tome Premier ; Chapitre VII : De l’Alcoran, et de la loi musulmane ; page 101

Il n'y a point de religion dans laquelle on n'ait recommandé l'aumône. Le mahométane est la seule qui en ait fait un précepte légal, positif, indispensable. L'Alcoran ordonne de donner deux et demi pour cent de son revenu, soit en argent soit en denrées.

Edition: Chez Treuttel et Würtz ; 1835 ; Tome Premier ; Chapitre VII : De l’Alcoran, et de la loi musulmane ; page 103,104

La prohibition de tous les jeux de hasard est peut-être la seule loi dont on ne puisse- trouver d'exemple dans aucune religion. […]

Toutes ses lois qui, à la polygamie près, sont si austères, et sa doctrine qui est si simple, attirèrent bientôt à sa religion le respect et la confiance. Le dogme surtout de l’unité d'un Dieu, présenté sans mystère, et proportionné à intelligence humaine, rangea sous sa loi une foule de nations, et jusqu'à des Nègres dans l'Afrique, et des insulaires dans l'Océan indien.

Le peu que je viens de dire, dément bien tout ce que nos historiens, nos déclamateurs et nos préjugés, mais la vérité doit les combattre.

Bornons-nous toujours à cette vérité historique: le législateur des musulmans, homme puissant et terrible, établit ses dogmes par son courage et par ses armes; cependant sa religion devint indulgente et tolérante. […]

Extrait : Examen important de Milord Bolingbroke ou le tombeau du fanatisme, écrit sur la fin 1736

Edition: Chez Lefèvre ; Œuvres de Voltaire Tome XLIII [43] ; Mélanges ; Tome VII ; 1831 ; Chapitre XXXV : Des sectes et des malheurs des chrétiens jusqu'à l'établissement du mahométisme ; page 192, 193

Le mahométisme était sans doute plus sensé que le christianisme. On n'y adorait point un Juif en abhorrant les Juifs; on n'y appelait point une Juive mère de Dieu; on n'y tombait point dans le blasphème extravagant de dire que trois dieux font un dieu; enfin on n'y mangeait pas ce dieu qu'on adorait et on n'allait pas rendre à la selle son créateur. Croire un seul Dieu tout puissant était le seul dogme; et si on n'y avait pas ajouté que Mahomet est son prophète, c'eût été une religion aussi pure, aussi belle que celle des lettrés chinois. C'était le simple théisme, la religion naturelle, et par conséquent la seule véritable. […]

Extrait : Il faut prendre un parti, ou le principe d’action, Diatribe (1772)

Edition : Ch. Lahure, Librairie : L. Hachette ; Œuvres Complètes de Voltaire ; Tome Vingt-deuxième ; 1860 Mélanges (suite) ; page 102

Sa religion est sage, sévère, chaste, et humaine : sage, puisqu'elle ne tombe pas dans la démence de donner à Dieu des associés, et qu'elle n'a point de mystères; sévère, puisqu'elle défend les jeux de hasard, le vin et les liqueurs fortes, et qu'elle ordonne la prière cinq fois par jour; chaste, puisqu'elle réduit à quatre femmes ce nombre prodigieux d’épouses qui partageaient le lit de tous les princes de l'Orient; humaine, puisqu'elle nous ordonne l'aumône bien plus rigoureusement que le voyage de la Mecque.

Ajoutez à tous ces caractères de vérité la tolérance, […]