dissidence

Sobhi Al-Toufayli, fondateur du Hezbollah, affiche sa dissidence

LE MONDE GEO ET POLITIQUE | 29.03.2013 à 15h06 | Laure Stephan

A la différence de la plupart des foyers chiites de la plaine de la Bekaa, berceau du Hezbollah, dans l'Est du Liban, le salon du cheikh Sobhi Al-Toufayli à Ain Bourday, sur les hauteurs de Baalbeck, ne renferme pas de portrait d'Hassan Nasrallah, le chef du "parti de Dieu". Et pour cause : ce sexagénaire, qui fut l'un des fondateurs du Hezbollah, en est aussi l'un des rares dissidents.

Écarté de la scène politique depuis près de quinze ans, Sobhi Al-Toufayli redonne de la voix. Il condamne l'implication militaire du Hezbollah en Syrie. Si la formation dément combattre aux côtés de Bachar Al-Assad, elle concède que des militants opèrent dans des villages syriens proches de la Bekaa pour y défendre les habitants, des Libanais chiites. Une version à laquelle le cheikh ne croit pas : il accuse le Hezbollah d'être "un outil du régime syrien".

Qu'est-ce qui l'anime ? L'esprit de revanche contre le parti qui l'a exclu en 1998 pour son opposition à l'évolution politique du mouvement ? La colère, alors qu'il considère toujours le Hezbollah comme sa créature ? "Je suis fier de ses victoires militaires contre Israël, mais j'ai honte de ses activités politiques. Si le Hezbollah était fidèle à son idéologie, il serait du côté du peuple, affirme-t-il. Par son rôle en Syrie, il sert les Israéliens, car il alimente le conflit entre chiites et sunnites au Liban et attise le risque de guerre civile». Toufayli en est convaincu: le soutien de Hassan Nasrallah à Damas divise le parti.

Celui qui fut le premier secrétaire général du Hezbollah, de 1989 à 1991, dit se consacrer uniquement à des activités religieuses. Loin de songer à lancer un nouveau mouvement de désobéissance civile, comme en 1997 avec la «révolte des affamés», qui dénonçait une marginalisation de la région de la Bekaa. Il n’est pas un homme tranquille pour autant. Des gardes armés font le guet devant sa maison; les visiteurs sont fouillés avec minutie. Sobhi el-Toufayli traîne une réputation sulfureuse.

Avec Téhéran, dont il défendit naguère la révolution islamique, il a coupé les ponts. «Ceux avec qui j’étais en relation sont dans l’opposition et en prison». L’accession de Ali Khamenei au rang de guide suprême en 1989 a signé sa marginalisation progressive au sein du Hezbollah. «Téhéran a ordonné au parti d’entrer dans le jeu politique libanais en 1992. J’y étais opposé, pour ne pas collaborer avec un État sous la coupe syrienne». Sobhi Al-Toufayli finira par affronter le Hezbollah par les armes.

Le monde

article repris dans magazine.com