CUNNINGHAM Merce
Danseur et chorégraphe américain
Biographie :
Merce Cunningham (né Mercier Philip Cunningham le 16 avril 1919 à Centralia dans l'État de Washington aux États-Unis et mort le 26 juillet 2009 à New York) était un danseur et chorégraphe américain. Son œuvre a contribué au renouvellement de la pensée de la danse dans le monde. Il est considéré comme le chorégraphe qui a réalisé la transition conceptuelle entre danse moderne et danse contemporaine notamment en découplant la danse de la musique, et en intégrant une part de hasard dans le déroulement de ses chorégraphies.
Son art
Présenter le travail chorégraphique de Merce Cunningham a ceci de particulier qu’il nous engage à parler d’un mode de pensée, d’une vision du monde plus que de l’histoire personnelle d’un individu.
Merce Cunningham fait partie de tout un courant artistique - de l'art moderne - qui a affecté le monde des arts plastiques, de la musique et dans une moindre mesure celui de la danse.
Merce Cunningham était danseur chez Martha Graham lorsqu’il a entamé son parcours chorégraphique. Martha Graham était une des grandes figures de ce qui s’appelait alors la « modern dance ». Le concept à l’œuvre dans la modern dance était celui du retour à l’origine, le retour aux sources avant la civilisation et ses méfaits. Avec la danse, Martha Graham pensait pouvoir rétablir le contact avec des énergies anciennes, naturelles et mythiques qui dorment en nous sous la surface de la culture, d’où son exploitation artistique des mythes anciens par exemple. La danse de Martha Graham exaltait de grands sentiments, des valeurs morales. C’était un univers très émotionnel où l’on allait chercher au fond de soi pour exprimer ce qui y serait enfoui. C’était d’ailleurs l’époque qui était axée sur cette idée de l’expression (voir par exemple Jackson Pollock pour la peinture).
C’est donc dans ce contexte que Cunningham, poussé par son compagnon le compositeur John Cage, va composer ses premières pièces. Il quitte la compagnie de Graham en 1945 et crée ses premiers solos.
En 1953, il fonde sa compagnie, la Merce Cunningham Dance Company (en) (MVDC) au Black Mountain College.
En 2002, Merce Cunningham reçoit à Monaco, pour l'ensemble de sa carrière, le Prix Nijinski remis par Robert Rauschenberg.
En 1951, sa pièce 16 danses pour soliste et compagnie de trois va marquer le premier pas dans une autre direction que celle du retour au moi profond. Cunningham utilise le hasard pour composer cette danse : il jette des pièces pour déterminer l’ordre des sections de la danse. L’utilisation du hasard lui permet de prendre des décisions esthétiques de manière objective et impersonnelle. On peut dire que ce moyen d’arriver à la création, non par intuition, instinct ou goût personnel, a été une sorte de point de non-retour dans la conception chorégraphique de Cunningham.
Cette idée d’utiliser les procédés de hasard pour composer a été d’abord mise en œuvre par le compositeur John Cage, compagnon de Cunningham pendant plus de 50 ans jusqu’à son décès en 1992. Le cercle d’artistes gravitant autour de Cage et Cunningham se composait entre autres de plasticiens comme Robert Rauschenberg et Jasper Johns, de compositeurs comme Earle Brown, Morton Feldman, David Tudor, pour ne citer qu’eux. Tous ces artistes étaient des gens profondément ancrés dans leur temps. On pourrait dire que ce sont des artistes « urbains » qui ne tournent pas le dos aux impressions sonores et visuelles émanant de la vie citadine, ni aux innovations technologiques de leur temps.
Ainsi, comme dans la vie, dans les chorégraphies de Cunningham coexistent la danse, la musique, l’œuvre plastique, qui, travaillées chacune de leur côté, sont superposées le jour du spectacle en une rencontre artistique ouverte. Cunningham ne veut qu'aucune forme ne prédomine sur l'autre en scène, mais qu'elles forment un tout.
Pourquoi cette utilisation du hasard dans ces œuvres ? C’est un moyen de se surprendre soi-même, d’aller au-delà de son propre ego, de sortir de ses habitudes.
Le but de la danse de Cunningham est de donner à voir le mouvement et son organisation dans l’espace et dans le temps. Il n’y a pas de sens caché dans les chorégraphies de Cunningham et c’est à chacun de trouver son chemin dans son œuvre. Le spectateur est appelé à être actif, puisqu’il n’y a pas de sens qui lui soit donné, il est libre de voir ou d’entendre ce qu’il veut, selon son propre désir. On pourrait dire que la danse de Cunningham serait une danse de l’intelligence par opposition à la danse de l’émotion de la modern dance. C’est une danse pudique qui tient l’émotion à distance. Libre à chacun d’éprouver du plaisir à ces jeux de collage que sont les chorégraphies de Cunningham et de son équipe. En dehors du hasard, c’est le traitement du temps qui est spécifique chez Cunningham. Ce n’est plus le temps de la musique que l’on suit, mesure à mesure, mais c’est le temps du chronomètre. Les séquences de danse ont telle ou telle durée. Chaque cellule a sa propre musicalité dans ses rapports des mouvements entre eux et avec ceux des autres. La musicalité est interne au mouvement et à celui qui le danse, elle n’est pas imposée de l’extérieur.
Le rapport à l’espace est très spécifique également. Ce n’est plus celui de la perspective. Chaque danseur est son propre centre. L’espace se fait et se défait, se tisse sous les yeux des spectateurs, libre à eux de choisir ce qui les intéresse plutôt que de fixer le danseur étoile au centre de la scène.
Du point de vue de la technique du mouvement, Cunningham utilise les mouvements des jambes qui sont proches du classique dans leur forme, mais l’intention et l’énergie qui les animent se situent dans un autre registre, d’autant que s’y ajoutent des mouvements de dos choisis de manière aléatoire et qui l’utilisent dans toutes ses directions possibles : en avant, en arrière, sur les côtés, sur les diagonales avant et arrière…
Ainsi, danser chez Merce Cunningham demande une grande disponibilité mentale, une maîtrise de son corps non rigide, il faut avoir l’esprit toujours vigilant pour danser cette danse. C’est d’ailleurs en cela qu’il serait difficile de dire que la danse de Cunningham est abstraite, car c’est bien le corps qui est utilisé très loin dans ses possibilités, y compris dans ses rapports à l’intelligence.
Cunningham a été l’un des premiers chorégraphes à s’approprier l’usage de la caméra pour filmer la danse, non comme un témoin de travail, mais comme un objet visuel en soi.
Contribution à la réalisation d'un logiciel d’écriture du mouvement
En 1989, Merce Cunningham collabore avec des chercheurs en informatique de l'Université Simon Fraser aux États-Unis pour la création d'un logiciel, nommé « Life Forms », permettant d'écrire des mouvements chorégraphiques. Ce logiciel possède trois rôles. Le premier est de pouvoir enregistrer des exercices ou des enchaînements à partir de cellules chorégraphiques informatisées se substituant aux notations choréologiques. Le deuxième est de générer à partir de ces données une chorégraphie originale et aléatoire, ce qui constitue la base du travail historique de Cunningham. Enfin le troisième est de créer des images à partir de capteurs de mouvements posés sur les danseurs et traités par l'informatique. Pour Merce Cunningham, ce logiciel est la rencontre entre la logique binaire des sciences informatiques, les théories scientifiques développées par la physique contemporaine et les théories développées par la pensée philosophique du Yi King. Le spectacle emblématique de l'utilisation de ce logiciel dans la démarche de création est Biped, créé en 1999.
Principales chorégraphies
1948 : Untitled Solo
1951 : 16 Danses pour soliste et compagnie de trois
1956 : Suite for Five
1956 : Changelings
1958 : Summer Space
1958 : Antic Meet
1960 : Crises
1968 : RainForest
1968 : Walkaround Time
1970 : Second Hand sur une musique de John Cage
1970 : Objects
1973 : Un jour ou deux
1976 : Sqaregame sur musique de Takehisa Kosugi (en)
1980 : Duets
1982 : Quartet
1983 : Roaratorio sur une musique de John Cage
1988 : Changing Steps et Five Stone Wind
1991 : Beach Birds
1993 : CRWDSPCR sur une musique de John King
1997 : Scenario avec des costumes de Rei Kawakubo
1998 : Hand Drawn Spaces
1998 : Pond Way avec des décors de Roy Lichtenstein et sur une musique de Brian Eno
1999 : Biped
2000 : Interscape avec des décors et des costumes de Robert Rauschenberg
2003 : Split Sides
2005 : Views on Stage
2006 : EyeSpace
2007 : Xover
2009 : Nearly Ninety
Prix et distinctions
1982 : American Dance Festival Award pour l'ensemble de sa carrière
Site officiel : Merce Cunningham Trust
Source : Wikipédia