Avec les méthodes transmissives (et nous incluons l'enseignement explicite, bien qu'il ait donné de bonnes performances), l'enseignant détient la connaissance. Il est alors tout abilité à choisir ce qui doit être appris, comment cela doit se faire et à quel moment. C'est le capitaine et les mousaillons suivent (ou coulent!).
Dès lors, l'élève qui veut réussir se plie au maximum aux exigences pour réussir le test qui viendra vérifier qu'il a bien appris. Nestojko et al. (2014) ont montré qu'un élève qui s'attendait à être testé apprenait plus de détails (bachottage) mais en avait une moins bonne compréhension.
Suivant les théories socio-constructiviste, l'apprentissage se développe dans les interactions sociales, entre l'apprenant et son environnement. On apprend donc jamais seul. Alors, pourquoi ne pas donner ce rôle à l'enseignant?
Matériellement, il ne peut répondre à toutes les solicitations. Ce qui a pour conséquence que certains élèves qui auraient besoin, se retrouvent démunis. Mais surtout, l'enseignant souffre d'un mal assez généralisé, l'amnésie du spécialiste. C'est-à-dire qu'à force de répéter les mêmes choses de manières différentes, il connaît tellement bien son sujet, qu'il ne peut plus se mettre au niveau d'un élève qui découvre la matière et qui a besoin de temps et d'exercices. C'est pourquoi un pairs sera bien mieux qualifié, même si ses explications sont plus hasardeuses. Il sera dans sa zone proximale de développement (ZPD) (Vygotski, 1997), légèrement plus à l'aise, il utilisera les termes appropriés sans aller dans la surcharge cognitive.
Un élève qui avait corrigé la multiplication de fractions avait des réponses avec des grands nombres. En puriste, je lui ai tout de suite demandé d'aller un peu plus loin et de demander à ce que son apprenti simplifie. Il me répondit sans hésiter que ce serait bien trop compliqué (sous entendu trop d'informations à traiter) et qu'il avait au moins pu expliquer la méthode de multiplication. Dans ce cas, il avait raison, car son camarade n'aurait peut-être pas pu apprendre s'il devait réaliser trop de tâches.
Cette mise à niveau est la base même de l'étayage selon Bruner. C'est-à-dire que le tueur doit se mettre à niveau et donner des pistes pour aider l'apprentissage de son camarade et réduire les difficultés par la médiation sociale.
Ainsi, l'explication ne profite pas qu'au tutoré, mais aussi au tuteur. Lorsqu'il doit expliquer, il verbalise un savoir en construction. Mettre des mots sur des concepts et faire des liens entre eux permet d'évaluer et améliorer sa propre compréhension. Comme le disent souvent mes élèves:
Il arrive aussi que l'expert se trompe ou que les deux ne soient pas d'accord. Les conflits socio-cognitifs (Doise, 1991) sont alors une formidable source d'apprentissage ou tuteur et tutoré doivent échanger pour se comprendre et essayer de se mettre d'accord. Ils pourront demander à l'enseignant de trancher en cas de doute.
Parfois, le travail à corriger concerne une compétence un peu oubliée. Le tuteur doit alors réinvestir le savoir pour être à même de réaliser la tâche. Ces répétitions permettent de réactualiser les savoirs.