Le monde de la Méditation est vaste. Ici est abordé un type de méditation, dite "laïque" : la Méditation de Pleine Conscience ou Mindfulness.
Méditation :
Terme générique désignant un ensemble d’exercices de l’esprit, et des états consécutifs à ces pratiques.
Méditation est le mot pour traduire Bahvana (sanskrit) ou Gom (tibétain) qui signifie entraînement, familiarisation, habituation (c'est l'esprit que l'on va entraîner).
Son intention est de pacifier l’esprit et le clarifier, permettant progressivement de nous rencontrer nous-même dans nos fonctionnements, d'en être plus libre et dévoiler notre richesse intérieure.
Pleine Conscience :
"Porter son Attention d’une certaine manière : délibérément, au moment présent, sans jugement" - Jon Kabat-Zinn, « Où tu vas, tu es »
"La conscience qui émerge de l’orientation volontaire de l’attention de manière ouverte, non jugeante et discernante." - Shapiro & Carlson
«L'observation dénuée de jugement du flux continu de stimuli internes et externes ». Baer, 2003
"Pleine Conscience" est la traduction du mot anglais "Mindfulness", lui-même tiré de "Sati" (mot Pali) ou "Smrti" (Sanskrit) traduit par "Attention" (plus précisément, "Sati" recouvre l’attention, la lucidité, la vigilance et la présence).
La Pleine Conscience représente un état de conscience qui permet d’être présent à la réalité et attentif aux événements internes et externes. Elle est l'opposé du «pilote automatique » qui consiste à agir de façon réactive, conditionné par les expériences antérieures et les schémas de pensée préétablis.
Cet état de présence implique donc une orientation volontaire vers l'instant présent, et une posture intérieure qui est un "mode être" au lieu d'un "mode faire" (occupation permanente à réduire l'écart entre ce que l'on voudrait qu'il soit et ce qui est).
Autres termes : Attention Consciente, Pleine Présence
Ce n’est pas faire le vide.
60000 pensées par jour disent les neurosciences...
On « n’arrête » pas les pensées ou les émotions, on apprend à vivre nos pensées ou nos émotions sans "être" elles.
Ce n’est pas une réflexion intellectuelle.
De Platon à Descartes, la méditation comme activité de réflexion.
Ce n'est pas le cas ici, la méditation n'est pas une réflexion sur ce qui est, mais une observation attentionnée de ce qui est (ce qui apparaît à notre conscience).
Ce n’est pas de la relaxation ni de la « méditation cocooning ».
Si la méditation peut avoir de profonds effets relaxants, sa particularité est d'être un état d'intense présence, non "brumeux", ouvert et réceptif à l'instant présent, ici et maintenant.
Ce n’est pas du Bouddhisme déguisé.
Toutes les traditions ont leur pratiques méditatives, et le bouddhisme en a fait un axe central.
Et même si les scientifiques occidentaux y ont puisé l'inspiration, la méditation n'est pas une invention du Bouddha pas plus que la gravité n'est une invention de Newton.
Ce n'est pas un substitut à tout traitement ou prise en charge thérapeutique pertinent, qu'il soit physique ou psychologique.
Ce n'est pas chercher des "expériences" extraordinaires ou mystiques.
Ce n'est pas un long chemin tranquille, comme tout entraînement, c'est exigeant et fluctuant.
Aujourd'hui, il nous est offert de pouvoir pratiquer la méditation sans avoir à adhérer à quoi que ce soit, ni se raser le crâne ou porter une robe orange!
La Méditation de Pleine Conscience dans sa version grand public, popularisée par médecins et scientifiques, est dite laïque, séculaire.
Pourtant si vous vous interrogez sur la relation méditation laïque et religieuse, voici un petit début d'amorce d'approche, qui n'est qu'une réflexion ne valant NI VÉRITÉ, NI RÉFÉRENCE, avis personnel, limité, imparfait et partial. Donc totalement DISCUTABLE. [Bon, j'espère avoir émis assez de réserves :) ]
Nota : le mot "religieux" est utilisé dans son sens de transcendance ou d'immanence, dans sa dimension de "religere" (relier), et ne se réfère pas à l'institution, à la culture, la tradition ou le folklore. Il pointe donc la dimension "indicible", et non pas ce qu'en fait l'humain, dans ses beautés ou ses déviances.
Un bon début pour distinguer une méditation dite laïque d'une méditation religieuse, serait de ne pas se limiter aux apparences, au decorum, à "ce qu'on fait", mais au sens profond de ce qui est pratiqué.
Vous pouvez fermer le yeux en vous reliant à Dieu, au transcendant : vous êtes simplement quelqu'un qui ferme les yeux mais en fait c'est religieux et de dehors cela n'en a pas l'air.
Vous pouvez vous prosterner 3 fois devant Bouddha en ne pensant que "vivement la prochaine bagnole que je vais m'acheter" : ça a l'air religieux mais ça ne l'est pas.
Un élément important qui fera la différence c'est "pourquoi "et "pour quoi" vous le faites.
Vers quoi allez-vous? Quelle est votre intention, votre aspiration, votre vue, et votre sincérité.
Dans la médiation laïque, chacun a sa raison de pratiquer, mais on trouvera assez communément comme axe majeur un mieux être, un fonctionnement plus optimal, plus heureux, ce qui est déjà formidable.
La méditation religieuse a cette composante, mais elle vise plus loin : chaque tradition ses mots, comme union avec le Divin, Nature de Bouddha, Réalisation de l'Atman, Libération, Paradis, Eveil, ... tentant de donner un nom à un état où souvent mots et concepts vont être insuffisants. Et à chaque tradition ses pratiques et rituels.
Il y a des pratiques communes à la Méditation de Pleine Conscience laïque et à la Méditation Religieuse : par exemple s'asseoir et observer tout simplement son souffle en laissant filer les pensées. Laïque ou religieux, pas d'exclusivité.
Il y a des pratiques exclusivement religieuses : par exemple, visualiser la représentation d'une qualité telle que la bonté sous la forme d'un être anthropomorphe, dont le regard nous inonde de cette bonté, est une pratique religieuse : elle relie à une dimension de l'Etre (immanente ou transcendante suivant la tradition à laquelle on se réfère) autre que le commun.
Pour atteindre cette dimension (qu'on l'appelle Eveil ou autre), la tradition bouddhiste parle de 3 entraînements :
Entraînement à l'Éthique (au moins ne pas nuire, au mieux être bienfaisant, réfléchir et pratiquer les intentions et qualités qui vont avec)
Entraînement à la Sagesse (discernement ): rencontrer et voir la réalité telle qu'elle est, rencontrer la nature et l'essence de l'être, des choses, des phénomènes, de l'esprit.
Entraînement à la Méditation
Plus précisément, dans l’enseignement fondamental du Bouddha se trouve les 4 Vérités des Nobles (Vérité de la souffrance, Vérité de ses causes, Vérité de sa cessation, et la 4ème est la Vérité du Chemin qui mène à la Cessation de la souffrance - Nirvana). Ce Chemin comporte 8 entraînements, dit Noble Octuple Sentier (Compréhension Juste, Intention Juste, Parole Juste, Action Juste, Moyens d’Existence Justes, Effort Juste, Attention Juste, Concentration Juste), que l’on peut regrouper dans les 3 catégories/entraînements cités ci-dessus.
La Pleine Conscience laïque, même s'il elle implique naturellement et n'est pas dissociée d'une approche de la sagesse et de l'éthique, mise principalement sur 1 des 3 points : la Méditation.
C'est ce génial travail d'exégèse qu'ont réalisé les scientifiques, J. Kabat Zinn en tête : tirer une méditation séculaire, laïque, de courants spirituels, avec pour objectif une visée médicale ou tout au moins d'amélioration de la condition psychophysiologique de l'individu.
Ils ont puisé dans les traditions, et majoritairement dans le bouddhisme, l'inspiration des pratiques proposées. Ainsi trouve-t-on facilement dans les livres de J. Kabat Zinn, le mot Dharma (ou Damma), dont une des significations est "Enseignement du Bouddha".
Ainsi la Pleine Conscience laïque a-t-elle par exemple hérité du Satipatthana Sutta, enseignement du Bouddha sur "les 4 Fondements de la Pleine Conscience" encore appelé "les 4 Placements de l'Attention".
Elles sont rares mais existent quand même et se résument à:
Avec un marteau, vous pouvez construire une belle cabane pour vos enfants ou assassiner votre voisin.
Avec de l'électricité vous pouvez vous éclairer ou électrocuter votre chat.
Avec X, vous pouvez faire X positif ou ou Y négatif.
Ce n'est pas l'OUTIL qui est en cause, c'es l'INTENTION et l'USAGE!
Appliquons cette formule sur quelques sujets :
Avec l'Education vous pouvez faire des personnes éclairées ou des ânes qui annonnent.
Avec de la psychologie vous pouvez soigner des gens ou les manipuler.
Avec du développement personnel vous pouvez faire grandir des gens ou les embrigader.
Avec du prendre soin vous pouvez soigner des gens ou les rendre affectivement dépendants.
Avec de l'exercice physique les personnes peuvent améliorer leur santé ou s'abîmer.
etc...
Et on peut appliquer cette formule, même aux approches de Mindfulness.
Donc :
Aucune approche, quelle qu'elle soit, à partir du moment où elle développe l'individu et améliore sa perception du monde pour le meilleur, peut être pervertie par une mauvaise intention. L'humain est aussi génial pour tout embellir que pour tout pourrir.
Il faut du cadre, de la législation, des formations sérieuses, et du sens critique toujours!
La méditation est assez systématiquement présentée avec des images de sérénité et des promesses de mieux-être. Et c'est en partie beaucoup vrai.
Si l'on médite un peu de temps en temps, c'est ce mieux-être que l'on rencontrera. Mais si l'on se lance dans une pratique intensive, tout peut ne pas se résumer à être cool et relaxé, et des instants difficiles mais libérateurs peuvent, ou pas, prendre place.
1er exemple : Si on se rappelle que la méditation c'est porter son attention sur l'instant présent, sans jugement, il est clair que nous passerons moins à côté de nos vies, et que nous serons plus sensibles à la beauté du monde, mais que si on est plus conscient de ce qui est beau, on devient aussi plus conscient de choses moins cool : plus conscient de nos schémas qui nous font souffrir, plus conscient de nos tendances ou travers dont on ne voudrait pas, etc... et ça peut faire mal de "se voir".
Ici il est important de se rappeler quelques attitudes essentielles :
Qu'il faut en passer par là, voir ses fonctionnements, pour s'en libérer. Sinon, ils continueront dans l'ombre à nous mener.
Se réjouir de voir car "un défaut pas vu est un défaut actif, un défaut vu est une qualité potentielle" (car on va pouvoir bosser avec).
Etre bienveillant avec soi-même, essayer de ne pas trop se juger de ce que l'on voit de soi et que l'on voudrait éviter. La bienveillance doit être une alliée absolue de la Pleine Conscience. Et si l'on se juge, se rappeler que le jugement n'est rien d'autre qu'une pensée de plus dans le flot.
2ème exemple : La détente et le lâcher-prise qu'impliquent la pratique, s'ils ont des effets si apaisants (quand on se prend moins la tête, la vie se simplifie!) portent également la libération possible de mémoires, souvenirs ou émotions parfois enfouis, tenus sous-contrôle. Les masques tombent.
Ici l'accueil et la sollicitude de l'enseignant et du groupe seront proprement soutenant. Un contenant bienveillant sera le ferment de la transformation.
[Cf histoire du papillon]