LEOPOLD ROUSSEAUX A CAMPAGNAC (TARN)
Au printemps 1940, des Belges, fuyant en masse devant l'invasion allemande, traversèrent la France pour trouver refuge dans le Sud. C'est ainsi que des familles entières arrivèrent à Campagnac (Tarn). Parmi elles, un prêtre, l'abbé Rousseaux, accompagné de sa mère. Ils venaient, ce 26 mai 1940, chercher asile chez leur cousin au second degré, l'abbé Flament, alors curé du village.
Mais pourquoi honore t’on cet homme aujourd’hui par cette stèle ?
La reconnaissance et même la connaissance de cet homme débuta fortuitement en 1995 grâce à un jeune retraité passionné de vélo qui sillonnait les routes Tarnaise en passant par Campagnac. Cet homme, Mr Bernard Charles, passant devant la maison ou il avait fait connaissance de l’abbé Rousseaux se remémora des souvenirs d’enfance.
Souvenir de ce jour de 1943 ou il lui fut demandé de servir la messe pour un enterrement alors qu’il était en vacances sur la commune voisine de Itzac en remplacement d’enfants de cœurs absents pour cause de travaux agricoles. Invité à passer la soirée et la nuit chez la mère de l’abbé, il fut contraint de s’éloigner plusieurs fois car l’abbé Rousseaux recevait. Du haut de ces huit ans, le jeune Charles, comprit que ces visites nocturnes avaient quelques choses de secret, d’interdit.
50 ans plus tard, tel un enquêteur il sillonna notre département, à la recherche de l’histoire de cet abbé Léopold Rousseaux, connu par certains et oublié par beaucoup. De témoignages en témoignages, d’archives en archives il retraça méthodiquement la vie de cet homme de culte, étranger au pays mais qui laissa une trace indélébile dans le cœur de ses paroissiens.
Mais qui était l'abbé Rousseaux ?
Il est né le 6 avril 1897, à Frasnes-lez-Couvin, au sud de la Belgique. Après ses études secondaires, en 1915, il s'orientera vers la prêtrise. Ordonné prêtre en 1921, il entra à l'Institut Catholique de Louvain pour deux années d’études Supérieures. En 1923, à vingt-six ans, il fut nommé professeur de français en classe de première au Collège de Binche. Puis plus tard ,i1 fut envoyé à Lessines, à la fois comme troisième vicaire et comme professeur de religion dans un établissement secondaire d'Etat.
C'est là qu'un avertissement lui parvint le 16 mai 1940, de la part d'un agent des services secrets anglais. Connu pour son opposition à toutes organisations fascisantes, on lui faisait savoir qu'il était sur la liste noire des renseignements spéciaux allemands et qu'il serait préférable qu'il s'efface.
Il décida alors, avec sa mère, de faire les valises, se souvenant d’un parent, prêtre du diocèse d'Albi, fils d'une cousine germaine, l'abbé Flament. C'est donc à la porte du Tarn qu'il vint frapper ce 26 Mai 1940.
D'octobre 1940 à août 1941, l'abbé Rousseaux quitta Campagnac pour Tonnac où l'Archevêque d'Albi le nomma vicaire économe puis le désigna pour succéder à l'abbé Flament nommé à Dénat .Il revint ainsi à Campagnac, avec fonction de desservir aussi Itzac.
C’est durant cette période trouble de la deuxième guerre mondiale que l’abbé Léopold Rousseaux officia à Campagnac d’Aout 1941 à février 1945.
Il y défendit tout ce qui lui tenait le plus à Cœur sur l'existence et le devenir de l'homme, sur les valeurs essentielles de sa foi :
- Dans son ministère sacerdotal.
- Dans la formation pratique, humaine et spirituelle des jeunes agriculteurs et agricultrices (J.A.C féminisme).
- Dans son souci d’œcuménisme et de rapprochement entre les hommes.
- Dans la Résistance civile avec l’aide aux fugitifs et aux personnes en grand danger.
- La résistance armée avec sa participation à la vie et à l’action des maquis et corps -francs
Dans son domaine sacerdotal , Ce fut celui d'un bon curé de campagne de l'époque avec ses idées personnelles, son tempérament et l'ardeur de sa foi. Catéchisme, offices, visites aux malades, aux plus déshérités, services rendus, préparation à la communion solennelle, au mariage, conseils, soirées dans les familles, l'abbé Rousseaux vivait proche de ses ouailles.
Dans le domaine de la formation l'abbé a rassemblé la jeunesse du village. Il a mis sur pied avec elle des activités ouvertes à tous et auxquelles lui-même participait. Il était organiste, il a initié au chant et à la musique les jeunes du village. Mais son action auprès des jeunes ne se limitait pas au plan local. Le secrétaire général de I Evêché d’Albi, ayant eu connaissance de ses activités antérieures en Belgique auprès de la jeunesse lui proposa en 1941, le poste d'aumônier adjoint départemental de la Jeunesse d'Action Catholique Féminine. Dans les locaux de la colonie de vacances, des jeunes filles du secteur Verdier, regroupant Campagnac, Sainte-Cécile du Cayrou, Saint-Beauzile et Vieux, se retrouvaient avec des cadres de la J.A. C.F. du Tarn.
L'abbé avait toujours été hanté par l'intolérance ou la haine des uns, l'indifférence ou la dureté des autres. Il était persuadé que seuls le dialogue et la concertation pouvaient apaiser les tensions et ramener à l'union et à la paix. C’était un homme de foi et de paix.
Prêtre soucieux des valeurs humaines et spirituelles, éducateur au contact généreux, ami convivial et désintéressé, comment ses paroissiens et la jeunesse qu'il prenait en charge ne l'auraient-ils pas admiré et aimé ?
Si l'appel du 18 juin 1940 était connu de quelques-uns, on n'en parlait que sous le manteau et avec beaucoup de désaccord. L’abbé Rousseaux n'exprima jamais ouvertement à ses nouveaux concitoyens ses sentiments ou ses idées sur les événements de l'époque.
Ainsi l'abbé Rousseaux fut un des premiers à entrer en résistance et le début de ses activités remonte à mars 1941. Ce n'est pas la déclaration de loyalisme à Vichy des cardinaux et archevêques de France du 24 juillet 1941 qui le fit changer d'avis. Il avait même anticipé sur la lettre des archevêques de Toulouse et de Montauban du 26 août 1942, contre la déportation des juifs. L'abbé avait déjà porté assistance à des familles juives en quête de lieu sûr, ce qu'il va souvent renouveler au cours de l'année 1943.
Des rapports, des témoignages archivés dans les ministères de la Défense de France et de Belgique attestent :
- Que l'abbé Léopold Rousseaux était considéré comme l'aumônier général des jeunes Belges évadés en France.
- Qu’il noyauta, c'est à dire qu'il entra et resta en contact du 15 mars 1941 à septembre 1943, avec certains éléments d'une Unité d'Aviation maintenue par Vichy à Gaillac, pour les convaincre de militer auprès de leurs camarades en faveur de la Résistance.
- Que sa maison de Campagnac (Tarn) a servi de refuge à des centaines de Belges, Français, évadés, résistants, maquisards, recherchés par la police de Vichy ou par la Gestapo.
- Qu’il a procuré près de deux cents fausses pièces d'identité dont cent vingt fabriquées par lui-même, grâce en outre à un cachet officiel de la police de Vichy que lui avait remis le Consul de Belgique à Sète.
- Qu’il procurait des vivres aux agents des réseaux SABOT ainsi que des indications de caractère militaire et politique.
- Qu’il a accompli des missions pour les réseaux anglais BUCKMASTER et GREYHOUND et des Forces Françaises Combattantes.
- Qu’il avait donné son accord à l'Intelligence Service pour être à Campagnac le relais d'une filière pour l'Espagne et qu’il s’occupait de façon active des passages
- Que parmi les personnes auxquelles il apporta son aide ou donna asile. On compte vingt-deux israélites à qui il a trouvé une retraite sûre. Les munissant de faux papiers. les avertissant quand le danger menaçait. Faisant passer en Espagne ceux qui le lui demandaient. Plusieurs d'entre eux lui devant ainsi la vie.
- Qu’il participa activement en tant qu’aumônier, fournisseur de vivres et de renseignements au maquis d’Ornano (dans le secteur de Penne) du 18 novembre 1943 jusqu’à sa fin tragique du 20 au 21 Mars 1944.
- Qu’il consacra son engagement au service du Groupe de Résistance de Gaillac –Vendôme ou il fut rattaché à sept Maquis et vingt-deux Corps-Francs. Telles furent ses tâches dans le Groupe Vendôme : aumônerie, ravitaillement, renseignements, liaisons, recrutement, fonctions déjà remplies en partie au maquis d'Ornano.
Cet homme dont le mérite fut reconnu par les autorités civiles, militaires avec la remise de nombreuses décorations mais aussi par la communauté Juive qui lui décerna le titre de Juste parmi les Nations pour son action héroïque auprès de membres de leur communauté durant cette période.
Voilà qui fut l’abbé Léopold Rousseaux et quelle vie il mena à Campagnac ,.
Un prêtre Belge qui consacra quatre années au péril de sa vie ,à sauver, des femmes, des enfants, des hommes qui fuyaient ou combattaient le régime nazi. Un homme de courage, de dévouement qui malgré les dénonciations, les surveillances des autorités aura toujours réussi à mener ses missions grâce aux courages de ses paroissiens Campagnacois et des villages environnants.
Que cet homme soit à tout jamais un exemple pour notre jeunesse surtout en cette période d’instabilité mondiale. Nous qui pensions ne plus jamais connaître la guerre, elle est malheureusement à notre porte.
Bouloc jean-louis
Maire de Campagnac 81140
Chevalier de la légion d’honneur
Chevalier de l’ordre national du mérite
PS. Cet hommage posthume nous le devons à l’acharnement d’un homme, Mr Bernard Charles dont l’ensemble des écrits de ce discours sont extraits de son livre « Prêtre et résistant L'abbé Léopold Rousseaux ».
Un tout grand merci à Monsieur Bernard Charles sans qui l'histoire de l'Abbé serait restée dans l'oubli. Les textes publiés ici et là, parfois sous la signature d'un pseudo historien couvinois ne sont que des plagiats du travail de Monsieur Bernard Charles. Qu'on se le dise !
sa modeste maison qu'il occupait avec sa maman, tout près de l'église