Cours expliqués

La révolution des mœurs.

Quand je commence ce cours avec les secondes (autrefois les quatrièmes) ma phrase d'accroche était que l'on allait étudier la manière dont les gens faisait pipi et caca autrefois. L'image d'accroche étant cette dame faisant pipi dans la rue. Autant dire que mon auditoire est immédiatement captif !

Je leur montre des tableaux ou des photos de chaises percées, et nous lisons des extraits de traités de civilité à commencer par celui d'Erasme. Leur étonnement et leur joie sont alors à leur comble accompagnées de moues de dégouts.

J'ai en fait rebaptisé révolution des mœurs ce que Norbert Elias avait nommé processus de civilisation. Cette formule me semble plus simple pour des adolescents et elle permet d'introduire le mot révolution dans une perspective des temporalités braudéliennes.

Ce détour inattendu permet d'aborder beaucoup de notions, mais aussi de permettre aux élèves de déconstruire leur monde : nos manières de table, notre rapport au corps et celui à notre propre corps, nos dégouts ne sont pas des faits de nature, ils ne sont pas seulement le résultat d'une éducation à l'hygiène, ils sont surtout le résultat d'un lent processus de distinction, la distinction sociale, processus qui a duré près de cinq siècles. S'ils prennent conscience de cela, j'espère les amener à plus de réflexion sur eux-mêmes et à leurs pratiques quotidiennes. Accessoirement aussi plus d'ouverture à l'altérité.

Analyser le monde c'est ma manière de faire de l'EMC (sans morale).

Saint-Domingue, colonie française d'Amérique.

Une leçon qui me suit et que j'ai remaniée plusieurs fois de manière à toujours pouvoir la caser. Evidente dans le programme de quatrième, j'ai dû faire quelques contorsions pour la glisser en seconde. La leçon sur L'ouverture atlantique ne portant que sur les empires ibériques, je l'ai glissée dans chapitre sur le mercantilisme dans le cours L'affirmation de l'Etat dans le royaume de France.

Le point de passage et d'ouverture du programme de 2019 propose d'étudier la Compagnie des Indes du Levant. J'ai changé et j'ai pris en étude de cas le poids lourd colonial de l'Ancien régime, Saint-Domingue et son sucre. Bon, d'accord c'est encore Haïti. Mais mon initiative permet aussi d'aborder des choses intéressantes comme l'esclavage, la traite et la société coloniale. L'esclavage est avant le XVIIIe siècle une évidence (There Is No alternative aurait la Dame de Fer si elle avait vécu à cette époque). L'invention de la couleur de peau et du racisme en est la conséquence. Voir la couleur, mobiliser les discours de la science pour créer des catégories sont des constructions issues de la traite atlantique et de l'esclavage colonial.

J'étudie évidemment le mercantilisme — puisque c'est le programme — à travers l'exclusif colonial et l'analyse du Code noir. On aborde ses aspects insupportables (l'esclave est un bien meuble, article 44). On l'étudie surtout pour son objet et dans son contexte : une des premières législation économique qui a pour but la protection des outils de travail (les esclaves !) y compris contre les maîtres.

Tout ceci permet de déconstruire les discours : ceux, essentialistes, sur la couleur et ceux sur la traite auxquelles les société africaines participaient parce que c'étaient des sociétés complexes et développées à l'interface du continent et du commerce mondial (bref l'homme africain est depuis toujours entré dans l'histoire !). L'analyse du Code noir comme législation mercantiliste permet d'étudier les eaux glacées du calcul égoïste de ce premier capitalisme : un calcul de rentabilité et non une méchanceté immorale.

Analyser le monde c'est ma manière de faire de l'EMC (sans morale).