Journalisme

Notre rencontre avec le Phnom Penh Post fut une première approche avec le monde du journalisme au Cambodge, un pays soumis à la censure. Ce quotidien n’est pas pro-gouvernemental et s’affirme comme indépendant, tout en prenant des distances pour ne pas paraître subversif. La prudence est de rigueur dans un État où l’on recense plusieurs journalistes emprisonnés. Et la fermeture récente pour une obscure raison fiscale du Cambodia Daily, ramène le Royaume dans une triste 132ème place sur 180 dans le classement de la liberté de la presse. Un constat établi par les Reporters sans Frontières accablant des agissements aussi fermes que la politique du premier ministre Hun Sen, se préparant ainsi à un inéluctable sixième mandat dès juillet 2018. Même si la politique ne constitue pas leur premier intérêt, les cambodgiens tiennent à l’information. Ils peuvent donc toujours compter sur le regard complet établi par le Phnom Penh Post depuis 1993, et en version digitale depuis 2008. Preuve de sa bonne santé, le journal éditera sa propre application dans les semaines qui viennent. Celle-ci sera accessible, comme la version papier et digitale, en langue khmer traduite de l’anglais. Le public majoritaire est surtout local mais près d’un tiers des lecteurs sont établis à l’étranger, qu’il s’agisse des États-Unis ou de la France. De tous les sujets traités, notre dialogue s’est penché évidemment sur le statut de ceux qui permettent au journal de tenir debout. Un ensemble de journalistes et photographes du Cambodge et de pays anglophones. Parmi elles, les personnes qui nous ont accueillis : le PDG Marcus Holmes, mais aussi James Reddick (Deputy Managing Editor) et Jodie de Jonge (Managing Editor-Digital); une ancienne du Cambodia Daily. Une volonté de fer de partager l’information et de continuer à analyser les faits, soutenue de moins en moins par les revenus publicitaires au profit d’un bénéficiaire australien. Si le PPP atteint aujourd’hui symboliquement 2500 exemplaires, le quotidien voit 90% de son lectorat provenir d’Internet. Il est le témoin de la digitalisation de l’info et de la nouvelle génération plurielle du Cambodge très présente en ligne et notamment sur les réseaux sociaux. Sur sa première page, le PPP se revendique comme le dernier journal indépendant. Espérons qu’il continue d'exister alors que chaque salarié a une épée de Damoclès au-dessus de sa tête, chaque journée.

Le travail des sources officielles telles que celle du Phnom Penh Post et la volonté de défendre l’information de ses journalistes inspirent par ailleurs le travail des jeunes étudiants du département de médias et communication de la Royal University of Phnom Penh. Le DMC est la première institution académique du Cambodge qui fournit une formation spécialisée en communication, journalisme et médias. La deuxième année est notamment dédiée aux études autours de la presse écrite : les cours vont de la production de contenu à la gestion de la mise en page. Des enseignements sur les techniques de reportage, et de droit et éthique de l’information sont également prévus, tout comme les interventions de professionnels du secteur.

Les étudiants sont encouragés à s’ouvrir à l’international à travers des expériences d’études dans des campus en Allemagne, Canada, Etats Unis et Australie. Néanmoins une grande importance est accordée aux projets ancrés territorialement. Les étudiants qui nous ont accueillis se sont montrés très engagés envers le soutien du journalisme et de la presse, et ont affirmé leur conviction de la nécessité de protéger le pluralisme et les valeurs à la base du même. Le travail de sensibilisation et professionnalisation des étudiants passe bien sûr à travers la recherche et la production d’ouvrages mais aussi à travers la publication d’un journal propre à la faculté.

Les initiatives de protection de l’information et de ses sources cherchent à être défendus à plusieurs niveaux. La difficulté reste, comme expliqué par la responsable de la communication de l’Ambassade de France au Cambodge, celle de maintenir la position de recul que le gouvernement exige tout en évitant l’autocensure des journalistes. A ce sujet, les initiatives de journalisme citoyen se multiplient : c’est notamment Facebook, grâce aux pages officielles des institutions telles que l’Ambassade ou du Phnom Penh Post ou l’accroissement de plateformes de journalisme citoyen, qui devient la première plateforme consultée pour la recherche d’informations.

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