Avant d’expliquer d’où provient cette photo, nous vous proposons de la regarder ensemble et de réfléchir à sa signification.
Il semble que l’image soit structurée en deux parties, d’un côté le sol et le personnage qui représente la terre, d’un autre côté, la représentation du céleste et du rêve avec la lune.
Les lignes horizontales au sol de la cabane attirent l’œil vers le personnage qui est au centre de la pièce dans le même axe.
En opposition, les lattes en bois verticales renvoient à la hauteur et l’élévation, ce qui évoque l’infini. Cette élévation s’apparente également à l’allégorie du céleste et du rêve.
À travers les âges, la lune a inspiré de nombreux mythes. Elle est source de rêves, d'inspiration, ou d'illumination. Le dieu lunaire fut considéré par de nombreuses civilisations comme le seigneur du temps et de la sagesse. Maître incontesté des mystères, il vogue chaque nuit à bord de sa barque dans les grandes eaux célestes. Dans certains mythes, la lune prend également un visage féminin. Elle apparaît plus douce et bienveillante que son homologue, frère ou mari, le soleil. C’est un symbole de fertilité et de renaissance, elle est la gardienne protectrice des hommes.
Dans cette image, on peut penser que la lune est une représentation de la mère du réalisateur, que celui-ci a perdue pendant le génocide des Khmers Rouges ; plus tard dans le film, elle apparaît en photo à plusieurs reprises.
La lumière est très importante, la pièce semble éclairée par la lune qui est la seule source de lumière de la cabane. Si on regarde plus attentivement, un puits de lumière apparaît et forme un triangle avec le personnage. La lune veille sur l’homme, meurtri, dans son sommeil, pour lui apporter un certain réconfort. En quelque sorte, cette lumière l’apaise et lui permet de se tranquilliser. La nuit est le seul moment où il peut voyager dans ses rêves et s’échapper de la terreur des camps.
Revenons sur le contexte de la photo. Elle est extraite du film Exil de Rithy Panh.
Rithy Pahn, réalisateur Franco-cambodgien, a réalisé une vingtaine de films sur le génocide des Khmers Rouges au Cambodge. Exil est une représentation de ce que peut vivre un survivant du génocide. A travers ce film, l’auteur évoque l’éloignement forcé de son pays natal, s’interroge sur l’idéal révolutionnaire et la façon de s’en prémunir. En quelque sorte, il est une représentation du passé et du présent.
À travers l’image manquante, son précèdent film, il met en scène des figurines en terre cuite. Le but était de raconter son histoire et celle de sa famille. Cette pratique est clairement “une esthétisation” de l’horreur.
En comparaison, avec Exil, son objectif est de faire ressentir les sentiments qu’un exilé, survivant de la dictature des khmers Rouges, peut ressentir. A travers une allégorie du céleste et du rêve avec des objets signifiants, une représentation du souvenir par des images d’archives des camps et les photos des membres de sa famille, le réalisateur nous fait ressentir la solitude, les regrets et le questionnement de l’exilé.
Aigline Szabo
Gérôme Olivier