Ci-dessus l'abbé Galley ( médaille des Justes)
La Gestapo était très active, aidée par les miliciens et par certains collaborateurs. Elle opérait des arrestations et faisait effectuer des rafles par des sections de SS qui passaient la ville au peigne fin.
Il me souvient que le commissariat avait été avisé qu’un contrôle de la population par les troupes allemande devait avoir lieu. Avisé au dernier moment je n’ai pas pu faire grand chose, cependant, dans notre immeuble, maison Bailly, 3 place du marché (actuellement place Charles de Gaulle), une famille de juifs français était réfugiée. Il s’agissait de la famille Nassi qui possédait un magasin de confection à Lyon. Ils avaient deux fils dont Isy qui avait installé un petit magasin rue nationale. Dès que j’ai été au courant du contrôle, j’ai prévenu cette famille et le jour J, j’ai emmené Isy au commissariat et je l’ai caché dans la prison durant la rafle.
En ce qui concerne les parents , la chance a été avec moi, car bien que leurs ayant fait de fausses cartes d’identité, je suis certain qu’ils n’auraient pas résisté un seul instant à un interrogatoire de la Guestapo ; ils étaient déjà traumatisés et diminués par tous ces événements. Il est certain aussi que les allemands n’auraient apprécié ni mon activité ni les documents que je leur avais remis. Mon arrestation était assurée.
La chance a voulu que les deux patrouilles qui perquisitionnaient les maisons place du marché se soient mal comprises, chacune pensant que l’autre avait visité la maison Bailly.
Heureusement car M. Nassy , en proie à une peur impossible à maîtriser s’était alité et son épouse affolée se demandait ce qui allait lui arriver. Il faut dire qu’ils avaient vu les agents de la gestapo : Kiel et Mandelson faire baisser le pantalon des jeunes qui se trouvaient à l’hostellerie savoyarde pour vérifier qu’ils n’étaient pas circoncis.
Un jour, j’ai été avisé que deux jeunes juifs allemands étaient arrivés à l’hôtel Terminus, face à la gare d’Evian. Je suis allé aussitôt les voir dans leur chambre. Je me suis trouvé face à deux jeunes gens de 20 et 25 ans , complètement désemparés et qui cherchaient à passer en Suisse. Lorsqu’ils ont su que j’étais policier, ils m’ont imploré, craignant que je les conduise au commissariat. Je n’en avais pas du tout l’intention mais je n’ai pu m’empêcher de leur dire que vu leur âge le mieux serait de rejoindre le maquis .Je ne pense pas les avoir convaincus. De toute façon, il fallait qu’ils quittent Evian sans délai car leur présence avait déjà été repérée puisqu’on nous avait avertis. Ils auraient été arrêté dans les 24 heures.
Je leur ai indiqué qu’ils fallait qu’ils gagnent la montagne au plus vite pour passer en Suisse.
Je sais qu’ils m’ont écouté mais j’ignore ce qu’ils sont devenus et s’ils ont réussi. Combien d’autres cas similaires se sont présentés à moi, chaque fois je leur ai conseillé de quitter Evian au plus vite en raison de la présence de la Gestapo dans notre ville.
Un jour j’ai été appelé à contrôler des nouveaux arrivants, pension Gavet, avenue des Sources.
Il s’agissait d’un Rabbin, sa femme et de ses trois enfants en bas âge. Je leur ai demandé s’ils avaient une solution car ils auraient été très vite repérés à Evian. Il m’a répondu qu’il était en rapport avec un passeur et qu’il pouvait faire face à ses premières dépenses en Suisse.
J’ignore s’ils ont réussi dans leur entreprise, je ne les ai plus revus et personne n’a jamais parlé d’eux.
M. Fauche, directeur du groupe majoritaire de la société des eaux m’a demandé une fausse carte d’identité pour leur femme de ménage juive , Mme Rosin. Grâce à cette carte, elle à pu quitter le pays vers la Suisse et gagner les USA.
Un jour, je fus prévenu par téléphone que des personnes demeurant à Evian devaient être arrêtées le lendemain par la gendarmerie pour être internées dans un camp à St Sulpice la Pointe. Il s’agissait de M. Hazan, ex directeur du casino, retraité, juif, dont l’épouse tenait , avec la propriétaire, le bureau de tabac « Au Khédive » rue Nationale..
J’ai prévenu cette femme de l’arrestation imminente de son mari, en lui recommandant de prendre leur disposition pour disparaître. Je n’ai pas pensé un seul instant à l’affolement qui allait gagner ces gens, car à peine étais –je sorti du bureau de tabac, que tous deux couraient vers moi en criant et se lamentant aux risque d’ameuter tout le quartier et surtout les Allemands. J’ai eu toutes les peines du monde à les calmer et les faire rentrer dans le magasin. J’ai dû leur expliquer que j’avais appris incidemment cette nouvelle mais qu’il ne fallait absolument pas qu’ils le fassent savoir. Il fallait agir avec prudence, mais c’était à eux de prendre une décision . Ces gens, catastrophés, sont restés sans réaction et le lendemain la gendarmerie est venue chercher M. Hazan, qui a été interné pour la durée de la guerre. Il a été libéré au départ des Allemands en septembre 1944.
Ci dessous l’exemple d’une lettre de dénonciation ,détournée par les postiers, concernant une juive allemande