Sachant que les mesures envisagées par l'exécutif national provoqueraient une forte réaction sociale, Javier Milei a donné des instructions à sa ministre de la Sécurité, Patricia Bullrich, pour mettre en place un système lui permettant de répondre aux manifestations de mécontentement social. Cela s'est concrétisé par la promulgation de la Résolution du Ministère de la Sécurité 943/2023 qui établit un protocole pour le maintien de l'ordre public en cas de blocage de voies de circulation.
Le protocole de gestion de l’ordre, annoncé par la Ministre de Sécurité Patricia Bullrich, impose un état d'exception avec suspension des droits démocratiques et garanties constitutionnelles. Pour atteindre son objectif d'interdire toute contestation contre des mesures impopulaires, il déclare l'illégalité de toute manifestation, mobilisation ou acte de protestation ; il ajuste à sa guise les critères objectifs et subjectifs pour que l'infraction prévue à l'article 194 du Code pénal soit constituée ; il donne des instructions aux forces fédérales pour agir directement sans ordonnance judiciaire ou du procureur et fixe la "libération de la voie publique" comme objectif immédiat avec autorisation d'utilisation de la force.
De plus, il ordonne d'identifier "les auteurs, complices et instigateurs" par le biais d'enregistrements d'images avec n'importe quel dispositif, avec enregistrement prioritaire des données des leaders et organisations associés, et de les arrêter ; d'identifier les véhicules transportant des personnes aux manifestations et leurs conducteurs et de créer un registre - une véritable "liste noire" - avec toutes ces informations sur les personnes et les organisations que le ministère lui-même détiendra. La même persécution s'applique aux mères et/ou pères participant aux manifestations avec leurs enfants, sur lesquels des sanctions seront imposées.
Il annonce également que des personnes et des organisations seront poursuivies pour des dommages et intérêts. Comme ils ont déjà tenté de le faire depuis la Ville de Buenos Aires avec les procès, toujours en cours, contre des organisations politiques qui ont manifesté en décembre 2017 contre la réforme honteuse des retraites et contre les mères et pères d'élèves qui ont occupé les écoles en défense de l'éducation publique. En ce qui concerne spécifiquement les organisations sociales et politiques, on ajoute également la facturation des "coûts liés aux opérations de sécurité". Autrement dit, ils vous matraquent, puis vous font payer le bâton. Pour le cas des personnes migrantes, il promet l'expulsion par le biais de la Direction de l'immigration, reproduisant ce qui s'est passé avec les personnes vénézuéliennes et turques arrêtées arbitrairement le jour de la manifestation contre la loi budgétaire, qui ne participaient même pas à la manifestation. Nous pourrions faire un remake de ce qui a été dit pendant les quatre années de gouvernement Macri, mais cette fois-ci avec plus de rigueur et d'un coup.
Enfin, le protocole abroge la Résolution 210/2011 du ministère de la Sécurité, édictée peu de temps après le massacre répressif au Parque Indoamericano, dans une lignée similaire à celle de 2002, après les 39 décès lors de la répression de la rébellion populaire de 2001, qui établissait certaines limites à l'action des forces fédérales en situation de protestation ou de conflit social. Par exemple, l'interdiction de porter des armes à feu avec des projectiles en plomb, l'obligation d'afficher la plaque avec le nom et le grade des fonctionnaires, ainsi que d'intervenir de manière graduelle et progressive, depuis le dialogue, avec les personnes manifestantes.
D’après la Coordinadora Contra la Represión Policial e Institucional (CORREPI), il n'est donc pas exagéré de définir la résolution 943/2023 comme l'imposition d'un état d'exception avec suspension des droits et garanties. L'exercice du droit légitime de protester est interdit, la criminalisation des personnes et la persécution des organisations populaires progressent, l'utilisation immédiate et directe de la force et l'arrestation des manifestants sont autorisées, et tous les standards imposés par la législation nationale et internationale en la matière sont balayés d'un revers de main.
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1. Article 194 du Code Pénal. - Celui qui, sans créer une situation de danger commun, empêche, entrave ou gêne le fonctionnement normal des transports terrestres, maritimes ou aériens, ou des services publics de communication, d'approvisionnement en eau, d'électricité ou de substances énergétiques, sera réprimé par une peine de trois mois à deux ans de prison.