Le Décret de Nécessité et d’Urgence (DNU) N° 70/2023, "Bases pour la reconstruction de l'économie argentine", modifie et abroge une multitude de régimes normatifs. En le promulguant, le Pouvoir Exécutif National a altéré des règles essentielles de l'architecture constitutionnelle et s'est attribué des pouvoirs extraordinaires interdits par la Constitution nationale, transformant ainsi le Pouvoir Législatif en un simple spectateur de changements juridiques et constitutionnels profonds. Cela rend impossible sa correction par le Congrès.
Le conflit de Milei avec la Constitution argentine
Le DNU N° 70/2023 abroge des lois, en abroge partiellement d'autres ou les modifie. Il s'agit de lois qui affectent les droits humains tels que le logement, la santé, le travail et l'environnement. L'émission de ce DNU porte atteinte à la séparation des pouvoirs en ne respectant pas l'article 99, paragraphe 3, de la Constitution nationale, et au système de protection des droits humains. La réforme constitutionnelle de 1994 a conféré une hiérarchie constitutionnelle aux traités internationaux sur les droits humains, limitant ainsi l'exercice du pouvoir public. Les organes internationaux de protection des droits ayant compétence sur ces traités soulignent que l'État de droit, le principe de légalité et la démocratie représentative sont inhérents au régime de protection des droits humains.
Le président Javier Milei a fait un usage inconstitutionnel des pouvoirs d'urgence que lui accorde la Constitution nationale. Le DNU 70/2023 viole la règle constitutionnelle qui stipule que "le Pouvoir Exécutif ne peut, en aucun cas et sous peine de nullité absolue et incurable, émettre des dispositions de caractère législatif". La Constitution établit que le président de la Nation peut promulguer des décrets pour des raisons de nécessité et d'urgence, "seulement lorsque des circonstances exceptionnelles rendent impossible le suivi des procédures ordinaires prévues par cette Constitution pour l'adoption des lois". Selon l'interprétation de la Cour Suprême de Justice de la Nation (CSJN), pour maintenir la validité d'un DNU, il est nécessaire que l'adoption de la loi par la procédure ordinaire prévue par la Constitution soit impossible, pour des raisons exceptionnelles telles que des actions militaires ou des catastrophes naturelles, ou que la situation nécessitant une solution législative soit d'une telle urgence qu'elle doive être résolue immédiatement, dans un délai incompatible avec la procédure normale.
Les mesures de Milei, à l’encontre des traités internationaux
La Cour interaméricaine des droits de l'homme (Cour IDH) a affirmé dans son avis consultatif 6/86 que "la protection des droits humains exige que les actes de l'État qui les affectent fondamentalement ne soient pas laissés à l'arbitraire du pouvoir public, mais que (...) les limitations soient établies par une loi adoptée par le pouvoir législatif, conformément à ce que prévoit la Constitution". La procédure législative permet à différents groupes d'exprimer leur désaccord et de participer à la formation de la volonté politique, et elle entrave l'exercice arbitraire du pouvoir.
La Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) a affirmé qu'en période de crise, il est fondamental d'approfondir la défense des institutions démocratiques et la transparence des actions publiques. À cet égard, elle a souligné que l'État de droit implique la division des fonctions des pouvoirs de l'État et un système de contrôle pour l'exercice de ces fonctions. Le DNU viole complètement ces principes : il cherche à imposer une réforme massive et systémique des normes régissant presque tous les aspects de notre vie et restreint les droits consacrés dans la Constitution et les traités internationaux ayant une force constitutionnelle.
D'après de nombreuses associations de défense des droits humains, organisations syndicales et partis politiques, le DNU doit être rejeté en raison de son inconstitutionnalité et de son incompatibilité avec la Convention américaine des droits de l'homme (CADH).
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1. Garantías judiciales en estados de emergencia (Arts. 27.2, 25 y 8 Convención Americana sobre Derechos Humanos). Opinión Consultiva OC-9/87 de 6 de octubre de 1987. Serie A No. 9.
2. Que est-ce que c’est la CIDH ?
3. CIDH. Pandemia y Derechos Humanos. Informe de 9 de septiembre de 2022.