Habiter l'UniverCité en poètes

L’installation de la Sorbonne Nouvelle à Picpus donne lieu à de nouvelles lignes d’écritures poétiques et invite à en inventer d’inédites. Le poète québécois Gaston Miron y résonne d’ores et déjà tout particulièrement. En effet, l’œuvre Ici et maintenant d’Iván Argote (missionné dans le cadre le cadre du 1% artistique) reprend deux de ses vers les plus célèbres (« Je ne suis pas revenu pour revenir /Je suis arrivé à ce qui commence »), tandis que la chaise-poème de Michel Goulet, Me voici en moi, trouvera une place de choix à la Bibliothèque Gaston-Miron, au sein de la BU. Je propose de prendre appui sur ces inscriptions pour mener une enquête en deux volets complémentaires. Côté recherche-action-création, il s’agira pour le Centre d’études québécoises d’interroger la cartographie de ces inscriptions, c’est-à-dire d’envisager la manière dont elles tracent un chemin à la fois dans l’univerCité et dans son rapport avec le quartier alentour, les environs immédiats. Côté pédagogie, il s’agira de proposer aux étudiantEs de l’UE F6LS002 (initiation aux littératures du Québec) d’activer cet enseignement en réalisant des écritures collectives visuelles et sonores, qui formeront un parcours de promenade guidée. Il s’agit donc d’habiter notre nouveau campus en y déployant une recherche-création couplée à une pédagogie conviant des artistes et des graphistes partenaires de l’enquête. La forme finale sera celle d’une carte accompagnée d’un audio-guide pour suivre les écritures poétiques qui parcourent l’espace public ainsi que l’espace universiTERRE.

Nous vous convions à une nouvelle promenade à la rencontre des œuvres-poèmes installées sur le campus (en 

Déambulation en écritures urbaines dans le campus et le quartier

Lundi 17 avril | 16h-18h

Nous vous convions à une nouvelle promenade à la rencontre des œuvres-poèmes installées sur le campus (en commençant par la chaise-poème de Michel Goulet et les inscriptions d’Iván Argote) ainsi que dans le quartier alentour. Cette déambulation visuelle, sonore et performative explore les formes que peuvent prendre l’art en s’inscrivant dans l’espace public et de décloisonner l'institution universiTerre par la marche. Retrouvez les interventions in situ des étudiantEs de L3 en initiation aux littératures du Québec et découvrez les œuvres inédites des artistes invitéEs : Stefania Becheanu (paysages sonores et chorégraphiques), François Massut (Poésie is not dead) et Laurent Marissal (art furtif). Dans la foulée de cette seconde édition, Marine Ruault (graphiste) et David Christoffel (création sonore) réaliseront des cartes pour guider de futurEs curieuxEs à retrouver nos traces ! A suivre, donc...


Retour à quatre mains sur la déambulation

Habiter l’univerCité en poètes

Édition SAM du 13 mars 2023


La déambulation Habiter l’univerCité en poètes, initiée par le Centre d’études québécoises en complicité avec la Bibliothèque Gaston-Miron et soutenue par la Cité des Écritures, a eu lieu pour la première fois lors de la Semaine des Arts et Médias de la Sorbonne Nouvelle le lundi 13 mars 2023 de 16h à 18h. Quel plaisir de retrouver et rencontrer une quarantaine de promeneuses et promeneurs! Les étudiantEs de L3 en initiation aux littératures du Québec nous ont guidéEs pour découvrir les formes que prend l’art dans l’espace public et décloisonner les espaces universiTerres par une marche artiviste dans et hors campus !

L’invitation consistait à découvrir des œuvres-poèmes installées sur le campus universiTerre et dans le quartier alentour. Cette déambulation visuelle, sonore et performative a permis d’explorer les formes que peuvent prendre l’art en s’inscrivant dans l’espace public. La promenade s’est donc déroulée de sorte à rejoindre les œuvres déjà installées et celles performées en direct. Nous avons navigué entre des œuvres installées à la Fac, des interventions in situ des étudiantEs de L3 en initiation aux littératures du Québec et des créations inédites des artistes invitéEs : Stefania Becheanu (paysages sonores et chorégraphiques), François Massut (Poésie is not dead), Laurent Marissal (art furtif), Marine Ruault (graphiste cartographe) et David Christoffel (création sonore) – le tout en présence de Maisie-Nour Symon Henry, arrivé•e de Montréal pour partager avec nous cette occasion de rencontres désirantes entre les arts visuels, la musique de concert et la poésie.

 

Cet événement se proposait donc de décloisonner l’UniverCité, nouvellement installée dans le XIIème, par le biais des arts. Un des enjeux de cette promenade est de rendre poreux le campus universiTerre avec son quartier, ce qui nous semble particulièrement essentiel en contexte de mobilisation sociale.

Plan de la promenade réalisé par Shaïna

La promenade a commencé au premier étage de la Bibliothèque Gaston-Miron autour de la chaise-poème de Michel Goulet. Cette œuvre, présentée par Karolina, combine un élément de mobilier et une inscription poétique empruntée à Gaston Miron. Pour Michel Goulet, l’objet qu’est la chaise illustre l’idée de communauté et de partage : tout le monde en possède une, elle est à nous le temps où nous sommes dessus puis devient à quelqu’un d’autre le temps d’un répit.

La chaise est parsemée d’objets du quotidien en bronze qui rendent l’assise impossible : il s’agit de se tenir debout, comme l’indique le cartel. La chaise-poème invite à interroger la mobilisation et interroge la manière de représenter le corps et son absence.

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Karolina présentant la chaise-poème de Michel Goulet

Détails de la chaise-poème de Michel Goulet

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Nous avons continué à déambuler dans la bibliothèque, où Pénélope nous a présenté la sculpture sur bois Ô paysage québécois créée par le duo Viatour-Berthiaume et offerte à la Bibliothèque Gaston-Miron. Ce livre en bois représente et acclame la diversité du paysage québécois. Cette œuvre est un hymne à cette nature inspirante, diverse et ressourçante pour les écrivain.e.s. Un extrait du poème Ô paysages rédigé de Gaston Miron est sur le cartel accompagnant l’œuvre, réunissant art et géographie.


Ô Paysages québécois, Viatour-Berthiaume ©Gaétan Berthiaume

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Toujours à la bibliothèque, Shaïna et Flora nous ont présenté The New English Dictionary de Guillaume Clermont. A première vue, on voit la côte d’un très grand dictionnaire… mais lorsque nous l’ouvrons à l’aide de la clef confiée aux bibliothécaires, nous nous rendons compte que c’est une boite ! Derrière la couverture se dissimule ainsi une galerie d’art furtive, un espace d’exposition caché. Shaïna et Flora nous invitent à y déposer poèmes, dessins et autres représentations de ce que le Québec suggère pour nous.

The New English Dictionary par Guillaume Clermont

Shaïna et Flora nous ont présenté The New English Dictionary de Guillaume Clermont

Parmi les autres espaces improbables ouverts par cet artiste, qui pratique aussi l’abandon de ses tableaux dans la rue : New Eldorado (l’art à l’ombre de l’art) dans une cage d’escaliers à Montréal du 1er juin au 6 décembre 2015 (https://new-eldorado.info/) et Le Casier à l’Erg, Bruxelles (http://www.lecasier.be/).

New Eldorado

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C’est au niveau du rez-de-jardin de l’Université que Judith et Sophia nous ont présenté Paradis Bleu et Rouge Or, réalisées dans le cadre du 1% artistique pour notre univerCité. Ces deux œuvres picturales de Béatrice Casadeus aux dimensions impressionnantes (4m sur 9m pour Rouge or et 3m sur 11m pour Paradis bleu) sont disposées en miroir dans cet espace. Les deux tableaux sont composés de plusieurs panneaux assemblés. C’est une fenêtre sur l’art que nous propose l’artiste ; les étudiantes nous expliquent que ces tableaux sont le reflet de l’in(ter)disciplinarité puisque la peinture, ici, s’inspire du cinéma et du théâtre. Le terme « paradis » fait référence à l’appellation utilisée au 19ème siècle pour indiquer les derniers étages des balcons de théâtre et renvoie aussi au film de Marcel Carré : Les Enfants du Paradis). C’est donc une réflexion à propos de la représentation et du choix de ne pas séparer les domaines artistiques. L’artiste nous amène à dépasser les frontières de l’art et à entendre que l’art se modifie à l’infini.

Judith et Sophia présentent Paradis Bleu et Rouge Or.

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Julie nous a ensuite présenté un détail de l’œuvre d’Iván Argote, Ici et maintenant, elle aussi conçue pour le campus dans le cadre du 1% artistique. En face de la salle b.015 sont inscrits comme des vagues deux vers de Gaston Miron un peu revisités : « Je ne suis pas revenu pour revenir / Nous sommes arrivés à ce qui commence ».

Détail d’Ici et maintenant, œuvre d’Iván Argote : marches du théâtre de verdure

Détail d’Ici et maintenant, œuvre d’Iván Argote : vers de Gaston Miron, présentation par Julie

Cette œuvre pourrait symboliser un mouvement qui s’élance dans ce lieu public qu’est l’université. Les lignes parallèles commencent et s’arrêtent au même endroit : l’espace entre les deux lignes pourrait dès lors représenter des temps différents mais une direction commune.

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Nous quittons le campus pour sortir la promenade de l’Université : c’est Place de la Nation qu’Abdelmalek nous conduit. Il avait préparé un travail sur un graffiti qui s’est avéré être recouvert de peinture blanche ce lundi. Mais l’étudiant a fait de cette contrainte une nouvelle manière d’aborder son travail. C’est à travers un slam engagé et accompagné de son camarade Elias à la basse qu’Abdelmalek déclame un hymne à la nouvelle génération. Une performance poétique, musicale et enragée qui rend hommage à ce graffiti : « ceci est le dernier souffle du tag ».

©Myriam Suchet, le 20/02/2023 à Paris Nation (la Gare)

Photographies d’Abdelmalek et couverture de l’ouvrage d’Yves Pagès

Slam d’Abdelmalek, Elias à la Basse

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Si c’était, pour le tag, un dernier souffle, il aura inspiré la prochaine étape de notre balade qui verra naître une fresque collective sous le kiosque de la même place. Une longue bande de papier a été déposée au sol et recouverte de peinture par les étudiant.e.s et les intervenant.e.s de cette promenade. L’idée de départ était de reprendre l’écriture performative de partitions graphiques de l’artiste Maisie-Nour Symon Henry. C’est d’abord en ayant comme fond sonore Stand by me de Ben E. King que l’œuvre s’est créée, puis c’est finalement en chantant du Céline Dion qu’elle s’est achevée. L’idée d’utiliser cette fresque comme moyen de revendication pour les manifestations est apparue suite à l’intervention du gardien du kiosque, puis s’en est suivie celle d’y écrire les inscriptions du tag effacé : nouvelle manière de prolonger encore ce dernier souffle.

Extraits de partitions graphiques par Maisie-Nour Symon Henry

Réalisation et affichage de la fresque collective, kiosque de la place de la Nation

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Depuis la place de la Nation, nous avons repris le chemin de l’université. De retour sur le campus, Lise nous a conduit jusqu’aux toilettes du hall de l’université. Elle y avait affiché des photographies des tags écrits dans les toilettes de notre ancien campus, à Censier. Désormais, les locaux sont gérés par la plateforme Plateau urbain. Elle présente ces « dégradations » comme un moyen d’expression militante pour les étudiant.e.s et une forme indisciplinée de correspondance, renouvelant le genre littéraire épistolaire. Dans ce lieu intime que représentent les toilettes, se noue le politique. Ces tags reflètent ainsi des correspondances interposées nourries d’humour, de rage, d’une volonté de désobéir. C’est aussi pour elle le reflet du (des) corps anonymes qui s’approprient cet espace public qu’est l’université.

Photographies des tags de Censier, réalisées par Lise

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Nous avons achevé cette promenade poétique par une performance proposée par Félix, lui aussi accompagné d’Elias. Une table était disposée dans le hall de l’université, sur laquelle était posée le livre Panique à l’université rédigé par Francis Dupuis-Déri. En fond sonore, un condensé d’attaques envers les wokes (trouvées sur des chaines TV ou autres médias). Au mur, une invitation à la réflexion placardée : « vous pensez quoi ? ». Participative, cette intervention invitait à exprimer désaccords et critiques. Cette performance a permis de rappeler l’origine de l’expression woke et la récupération politique de ce mot par l’extrême droite. Elle invitait à s’interroger : qui peut parler, pour qui, vers qui ? Cette performance a permis de « capturer » les discours afin de les retourner, de se les réapproprier. Un débat a notamment été ouvert sur la volonté de certain.e.s à vouloir discuter avec les ennemis politiques dans l’idée d’atteindre, peut-être, un éveil politique – aux limites des possibilités du dialogue entre adversaires plutôt qu’ennemis.

Performance de Félix accompagné d’Elias - et ouverte à la participation

Les étapes à venir :

Une prochaine édition est prévue le 17 avril 2023.

Les artistes associéEs à cette promenade interviendront aux côtés des étudiantEs avec des créations inédites. Venez les découvrir !

L’aventure se prolongera grâce à une carte graphique qui sera réalisée par Marine Ruault et un audio-guide créé par David Christoffel.

 

Pour aller plus loin :

Travail de Stefania Becheanu (paysages sonores et chorégraphiques) :

https://www.stefaniabecheanu.com/stefania.html

https://www.futurscomposes.com/membres/stefania-becheanu/


Travail de François Massut (Poesie is not dead) : 

-    https://www.marche-poesie.com/wp-content/uploads/2017/02/dossier_de_presse_poe_sie_is_not_dead-1.pdf 

-    https://www.lespressesdureel.com/auteur.php?id=3915


Travail de Laurent Marissal (art furtif) : 

-    https://horscadres.hypotheses.org/286 

-    https://www.laurentmarissal.net/

-    https://www.erudit.org/fr/revues/inter/2015-n120-inter01823/77851ac.pdf

 

Travail de Marine Ruault (graphiste cartographe) :

-    http://marineruault.com/contact.html

-    https://horscadres.hypotheses.org/category/actualites-news

 

Travail de David Christoffel (création sonore) : 

-    http://www.dcdb.fr/

-    http://www.m-e-l.fr/david-christoffel,ec,62


Travail de Maisie-Nour Symon Henry :

-    https://symonhenry.com/

-    https://www.youtube.com/watch?v=Tjm4Kl1WobA

 

 

Remerciements :

aux étudiantEs de L3 en initiation aux littératures du Québec, qui se sont considérablement investieEs dans la préparation et la réalisation de cette déambulation


La Cité des Écritures qui a cru dans cette proposition et qui en a rendu possible la mise en œuvre

La Semaine Arts et Média qui a programmé la première édition, et en particulier à Fabien Van Geert pour son soutien

La Bibliothèque Gaston-Miron, en la personne d’Anne-Isabelle Tremblay 

L’ensemble des artistes qui étaient avec nous le 13 mars 2023 :

Maisie-Nour Symon Henry 

David Christoffel

Marine Ruault 

Laurent Marissal

Stefania Becheanu, qui a pris les photos en cours de route !

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Last but not least, merci à Léa pour la première mouture de ce compte-rendu


Textes et visuels : Myriam Suchet et participant.e.s à l'événement