Entretiens sur les exercices spirituels dans la philosophie contemporaine
Que sont les exercices spirituels antiques, et en quoi sont-ils intéressants pour nous, aujourd’hui ? Pierre Hadot et Michel Foucault ont rappelé, dans leurs recherches, l’importance et l’intérêt des exercices spirituels, dans la philosophie antique d’une part, mais aussi dans la philosophie contemporaine. Dans l’Antiquité, le choix de vie philosophique implique, de la part du philosophe, un certain effort, un entraînement, qui a pour but de changer sa manière de vivre, adopter de nouvelles habitudes, et, finalement, se transformer soi-même. C’est dans le cadre de ce changement de mode de vie qu’apparaît, dans l’Antiquité, la nécessité de l’exercice. Qu’en est-il aujourd’hui ? La philosophie contemporaine a-t-elle besoin des exercices spirituels ?
Pour approfondir cette question, Maël Goarzin et Konstantin Büchler ont rencontré Xavier Pavie, philosophe, Professeur à l’ESSEC Business School, directeur du centre iMagination et chercheur à l’Institut de Recherche Philosophique. Diplômé en science de gestion, il est docteur en philosophie avec comme sujet la réception des exercices spirituels antiques dans la philosophie contemporaine. Il a publié de nombreux ouvrages en rapport avec cette thématique, dont « Le choix d’exister ». Xavier Pavie a accepté de répondre aux questions de Maël Goarzin concernant le choix de vie philosophique et la conversion philosophique à laquelle il appelle ses lecteurs.
Dans la première partie de l'entretien, Xavier Pavie rappelle la variété et l’actualité des exercices spirituels antiques, présentés ici comme des outils pour mieux vivre au quotidien. Revenant dans un premier temps sur la description de ces exercices par Pierre Hadot, historien de la philosophie antique (1922-2010), Xavier Pavie précise également sa dette à l’égard de Michel Foucault (1926-1984), en particulier concernant l’intérêt du philosophe pour l’ici et maintenant.
- Les exercices spirituels, des outils pour mieux vivre (2:40)
- Pierre Hadot et la question des exercices spirituels (3:12)
- La variété des exercices spirituels (3:40)
- La dimension spirituelle des exercices (4:14)
- Le choix du terme « exercice spirituel » (5:41)
- La philosophie antique et les exercices spirituels (6:33)
- L’héritage de Pierre Hadot (8:28)
- Le dépassement de Pierre Hadot, ici et maintenant (8:54)
- La notion d’exercice spirituel comme outil valable pour la philosophie contemporaine (10:03)
- Pierre Hadot comme maitre : une reprise capable de distance (11:08)
Dans la deuxième partie de l’entretien, Xavier Pavie montre la postérité des exercices spirituels antiques et la possibilité d’une libre reprise de ces exercices par-delà l’Antiquité. Il présente tout d’abord la reprise chrétienne des exercices antiques, considérés dès le Moyen-Age comme de bons outils de conversion, puis leur reprise par Montaigne, qui se libère de toute école philosophique pour s’approprier certains éléments stoïciens, épicuriens, ou sceptiques. Dans un deuxième temps, à partir de quelques exemples biographiques (Emerson, Wittgenstein, Cavell), Xavier Pavie montre également la permanence de la dimension pratique de la philosophie, de l’Antiquité jusqu’à l’époque contemporaine.
- La reprise chrétienne des exercices spirituels (1:07)
- La reprise des exercices spirituels par Montaigne, à la Renaissance (1:57)
- Montaigne, précurseur de la libre reprise des exercices spirituels (2:53)
- L’objectif pratique de la philosophie et l’articulation nécessaire entre theoria et praxis (5:02)
- La philosophie antique n’est pas seulement théorique (6:36)
- La philosophie contemporaine et la pratique des exercices spirituels (7:19)
- Contre une vision idéalisée de la philosophie antique (9:14)
- L’importance des biographies des philosophes (10:41)
La troisième partie de l’entretien montre la présence des exercices spirituels antiques dans la philosophie contemporaine. En quoi peut-on considérer les différentes étapes de la phénoménologie de Husserl, par exemple, comme un exercice spirituel ? En quoi Nietzsche, Thoreau, Foucault ou encore Wittgenstein se réapproprient et actualisent, dans leur philosophie, des exercices spirituels comme le regard d’en haut, la méditation de la mort, ou encore l’écriture et la lecture ? Si la référence aux philosophes antiques n’est pas toujours explicite, la présence des exercices spirituels dans l’espace contemporain n’en est pas moins forte, comme le montre l’exemple du stoïcisme.
- Husserl et la phénoménologie : un exemple de filiation entre la philosophie contemporaine et la philosophie antique (1:22)
- La place légitime de la philosophie pratique dans la philosophie contemporaine (3:12)
- L’exercice du regard d’en haut (5:04)
- L’approche de la mort (6:33)
- L’écriture et la lecture comme exercices spirituels (7:12)
- Les références explicites aux exercices antiques dans la philosophie contemporaine sont plutôt rares (9:06)
- Vers une sagesse universelle ? (9:58)
- Les raisons de la présence du stoïcisme dans l’espace contemporain (11:48)
Dans la quatrième partie de l’entretien, Xavier Pavie nous explique en quoi la philosophie peut être considérée comme une discipline élitiste, en raison des efforts théoriques et pratiques qu’ils demandent. Néanmoins, ils sont accessibles à tous, et répondent à un véritable besoin de notre époque. La transformation de soi que permet la pratique des exercices spirituels nécessite de prendre soin de son esprit comme de son corps. Ce deuxième aspect du choix de vie philosophique peut prendre différentes formes explorées ici par Xavier Pavie à partir de l’exemple de Richard Shustermann et de Michel Foucault.
- L’élitisme des exercices spirituels : accessibles à tous, ils demandent un effort considérable (1:03)
- La pratique des exercices spirituels requièrent un effort théorique et pratique (2:36)
- Le besoin actuel des exercices spirituels (4:10)
- Prendre soin de soi, c’est aussi prendre soin du corps (5:31)
- La soma-esthétique : pratique douce et pratique dure du corps (6:11)
- De la pratique du corps au discours philosophique (7:13)
Dans la cinquième partie de l’entretien, Xavie Pavie explicite son appel à la conversion et au choix de vie philosophique : pour mieux vivre, nous avons besoin de nous transformer nous-mêmes. Se convertir à une vie meilleure, aujourd’hui, c’est faire le choix d’exister, c’est décider de se prendre en main et de ne pas laisser les autres décider à notre place. Et pour cela, il existe une variété d’exercices spirituels adaptés à la singularité de chaque individu et permettant de vivre notre quotidien autrement.
- La conversion, ou la nécessité de se transformer (1:01)
- Le choix d’exister : un changement de paradigme radical (2:12)
- Vivre le moins mal possible dans le quotidien (3:46)
- Faire le choix de se changer soi-même (4:31)
- Le choix d’exister : l’exemple du bivium (5:04)
- Des valeurs universelles partagées par tous (7:46)
- Une variété d’exercices spirituels adaptés à la singularité de chaque individu (8:03)
- L’enjeu de la conversion philosophique : dépasser la singularité de son éducation pour voir les choses différemment (8:53)
Dans la sixième partie de l’entretien, Xavier Pavie explique l’importance, pour mieux vivre, du souci de soi, mais aussi du rapport à l’autre. Prendre soin de soi ne suffit pas. L’apport des autres dans la construction de soi, et l’ouverture à l’autre sont nécessaires pour construire une citadelle intérieure qui permet ensuite de se tourner vers les autres de manière constructive. Enfin, à travers le concept d’individualisme proposé par Emerson, Xavier Pavie invite chaque individu à se développer par lui-même au sein du collectif.
- Prendre soin de soi pour prendre soin de l’autre (1:31)
- Se connaître soi-même pour prendre soin de soi (2:42)
- L’apport des autres dans la construction de soi (3:21)
- « Soi-même et ensemble » : sur la devise de la Comédie Française (3:46)
- Prendre soin de soi pour prendre soin de l’autre (5:31)
- Le besoin de l’autre dans la construction de soi (5:52)
- De la construction de soi à l’ouverture vers l’autre (6:15)
- L’importance de l’autre dans la construction de soi (6:54)
- L’exemple d’Emerson et le concept de l’individualisme (7:17)
Pour Xavier Pavie, il est indispensable, dans le cadre d’une conversion au choix de vie philosophique, de « cesser d’être les enfants de ses parents ». Que ce soit par rapport aux traditions religieuses ou vis-à-vis des habitudes alimentaires, le choix de vie philosophique implique le questionnement de certains comportements appris. Que ce soit au niveau individuel, politique ou économique, Xavier Pavie montre ensuite l’importance de l’innovation responsable et de la transdisciplinarité comme facteur de créativité, tout en mettant en garde contre l’usage de la philosophie dans le monde de l’entreprise, leur finalité n’étant pas du tout la même.
- Cesser d’être les enfants de nos parents : cesser de reproduire les faits et gestes passés sans les questionner (1:48)
- L’exemple de la religion (2:47)
- L’exemple de l’alimentation (3:29)
- Remettre en cause certains comportements appris (3:56)
- La question de l’innovation responsable (5:34)
- La responsabilité politique de chaque individu (6:46)
- L’importance de la transdisciplinarité (8:06)
- Contre la philosophie en entreprise (9:16)
- Philosophie et entreprise : des finalités différentes (9:47)
Dans la dernière partie de l’entretien, Xavier Pavie partage sa propre expérience des exercices spirituels et nous invite à essayer nous-mêmes différents exercices. Quels sont les exercices qu’il pratique au quotidien, et que lui apporte ce passage du discours à la pratique dans la vie quotidienne ? Que ce soit l’écriture, la lecture, la marche ou la diététique, les exercices spirituels pratiqués par Xavier Pavie sont une voie pour essayer de mieux vivre au quotidien.
- Essayer différents exercices (1:31)
- L’écriture comme exercice spirituel (2:06)
- La lecture comme exercice spirituel (3:15)
- La marche comme exercice spirituel (3:44)
- Le végétarisme comme exercice spirituel (4:59)
- Les exercices spirituels, une voie pour essayer de mieux vivre au quotidien (5:57)