7 Histoire du transport des vélos en train

Petit historique du transport des vélos en chemin de fer

I De 1870 aux années 1960-70

Depuis l’origine les cahiers des charges en France ont imposé aux Compagnies ferroviaires le transport gratuit (plus précisément moyennant une taxe de 10 centimes) de 30 kg de bagages enregistrés en plus des bagages à main pouvant être emmenés par le voyageur dans les compartiments dans une limite raisonnable. En effet, l’article 65 de l’Ordonnance du 15 juillet1845 interdit l’entrée des voitures à tous individus porteurs de paquets qui par leur nature, leur volume ou leur odeur pourraient gêner ou incommoder les voyageurs (30 kg de bagages non encombrants par voyageur était considéré comme admissible par la jurisprudence).

Le supplément de poids des bagages enregistrés au-delà de la franchise de 30 kg par voyageur était taxé au tarif des colis à grande vitesse.

Les vélos ont été considérés comme des bagages depuis la réponse de juin 1870 du Directeur de la Compagnie de l’Ouest à un voyageur, publiée dans le Vélocipède Illustré.

« J’ai l’honneur de vous informer que c’est à tort que la gare de Vannes a taxé votre vélocipède comme marchandise encombrante. Nous lui donnons des instructions pour qu’à l’avenir elle ne taxe les Vélocipèdes comme bagages que d’après leur poids réel et nous l’autorisons à vous rembourser sur votre demande, et moyennant un bon de retenue que vous voudrez bien lui signer, la somme qui a été perçue en trop sur vous.»

Commentaire du Vélocipède illustré : « nous croyons que ce précédent est de nature à lever les difficultés qui pourraient se présenter à l’avenir ».

Signalons que les tricycles et les motos ont été également admis dans les bagages enregistrés.

Ce service était très souple et commode pour l’usager.

Les bagages pouvaient être remis jusqu’à quelques minutes avant le départ du train.

Les bagages devaient voyager dans le même train que le voyageur. La distribution se faisait à l’arrivée dans la salle des bagages ou au fourgon.

Le retard dans la remise du bagage était, par lui-même une cause de dommages-intérêts.

Les Compagnies étaient responsables de la livraison et pouvaient être condamnées à payer une indemnité représentant par exemple la différence entre le prix d’achat d’une bicyclette neuve dont le voyageur avait besoin pour ses affaires et le prix de revente de cette bicyclette. Ainsi, le Tribunal civil de Laon a condamné le 1er juin 1908 la Cie du Nord à payer une indemnité de 225 F à un voyageur dont la bicyclette avait été égarée pendant un mois.

Même pour un voyage d’agrément, le préjudice moral résultant de la privation d’une partie de plaisir, ou des modifications que le voyageur a dû faire subir à son itinéraire est suffisant pour donner droit à une indemnité.

Le voyageur, par contre, n’était pas tenu de prendre le train indiqué sur son bulletin de bagages.

En cas d’absence du voyageur à l’arrivée du train, les bagages étaient gardés à la gare. Le voyageur n’était pas tenu de venir les retirer en personne et pouvait remettre le bulletin de bagage à qui lui plaît.

Demande d’emballage ou refus de garantie et projet de taxation

En 1895 et 1896 certaines Compagnies ont demandé que les bicyclettes soient emballées ou que soit apposée la mention « sans garantie » sur les billets de bagages.

Le TCF (Touring Club de France) s’est opposé à cette exigence en rappelant que la bicyclette n’est pas une marchandise mais un bagage, estimant, de plus, que l’employé serait en droit de mentionner sur le billet de bagages les défauts constatés à la remise pour éviter toute contestation.

Le Ministère des Travaux publics par avis du 9/12/1896 a invité les Compagnies à supprimer la mention « sans garantie ».

La question a été tranchée par un arrêt de la Cour de Cassation du 25 janvier 1898 : « les tarifs homologués appliqués aux voyageurs ne contiennent aucune clause qui permette à la Compagnie de chemin de fer d’exiger que les bagages soient emballés ou qui l’autorise, faute d’emballage, à se décharger de l’obligation de garantie que le droit commun met à sa charge, aux termes de l’article 103 du Code du Commerce. »

Une taxe spéciale frappant le transport des bicyclettes avait été envisagée en 1897, ce que les Compagnies justifiaient par des frais d’aménagement d’installations spéciales.

Le TCF s’est opposé à ce projet estimant que le seul aménagement nécessaire serait « de tenir prêts aux lieux, jours et heures où se produit habituellement de l’encombrement, un ou deux fourgons de supplément qu’on réservera aux bicyclettes et qu’en un tour de main on ajoutera au train. »

Le TCF fait valoir que toute l’année, sauf au cœur de l’hiver, sa section à Paris organise des excursions comprenant de 60 à 80 participants. Ceux-ci prennent régulièrement le train le samedi soir, se font transporter à 50 ou 60 km de Paris, excursionnent dans la journée et rentrent à Paris de nouveau par le train. Ce que fait le TCF, 15 sociétés vélocipédiques en font autant. Nos sections de Lyon, de Marseille, de Bordeaux, de Lille ont suivi cet exemple et on nous annonce pour l’année prochaine de nombreuses organisations sur cette base. Combien d’excursionnistes isolés en font autant ? C’est par milliers qu’on pourrait en chiffrer le nombre et ce par toute la France. Qui donc profite de ce supplément sinon les chemins de fer ? (Revue du TCF)

Suite aux interventions du TCF, la gratuité a été maintenue.

Adaptation du matériel à la croissance du trafic

Les Compagnies ferroviaires ont accompagné le développement du cyclotourisme autour de 1900.

Ainsi la gare de Lyon a été outillée en 1899 pour pouvoir transporter 4000 bicyclettes par jour dans la banlieue. Des fourgons ont été aménagés par le P.L.M. pour le transport des bicyclettes accompagnant les voyageurs entre Paris-Montereau, Paris-Moret, Paris-Fontainebleau, Paris-Montargis, Paris-Sens.

" Chaque wagon aménagé peut contenir 60 machines accrochées par la roue d’avant à des poutrelles fixées au toit du wagon. Le système paraît simple, la manœuvre facile et rapide. Une équipe spéciale pour le chargement des bicyclettes est disponible à chaque départ de trains contenant des fourgons ad hoc.

En semaine 11 trains montants comportent un fourgon. Le dimanche, le samedi et veilles de fêtes, le nombre est proportionné aux besoins du public." (Revue du TCF 1899)

Dispositif mis en place pour accrocher les vélos

augmentant la capacité des fourgons

Le cahier des charges des anciennes Compagnies a été imposé à la SNCF à sa création en 1938 et les conditions de transport des vélos n’ont pas varié jusqu’aux années 1960.

La SNCF a fait face dans les années 1940 à un fort accroissement de trafic qui a ensuite décliné à partir des années 1950. Le service n’était plus gratuit mais le tarif restait très modique.

II Evolution des années 1970 à 2013

Le transport de bagages enregistrés jusqu’alors universel a d’abord été supprimé dans la banlieue parisienne. Sur les autres lignes, les fourgons ont été supprimés de certains trains puis limités à un aller-et-retour quotidien sur les principales relations. La SNCF ne pouvait donc plus garantir l’acheminement dans le même train que le voyageur et les délais se sont allongés à partir des années 1970. A la même époque jusqu’à la suppression totale du service, les guichets bagages de nombreuses gares, petites puis moyennes, ont été fermés.

C’est la suppression du service d’acheminement des bicyclettes en banlieue dans les années 1970 interdisant de fait la plupart des balades à vélo du dimanche à la périphérie de l’Ile-de-France qui a motivé à partir de 1979 l’organisation par le MDB des premières grandes randonnées Paris-Chartres à l’initiative de son animateur Jacques Essel. Le train spécial du retour comportait plusieurs fourgons (jusqu’à 250 participants en 1982 et 1983). Le MDB a également organisé annuellement de 1979 à 1984 plusieurs autres randonnées moins ambitieuses « Chaînes amitié-vélo » (de 20 à 80 participants) en train avec places réservées.

Suite à ces actions, la SNCF a autorisé à partir de 1981 certains trains de banlieue au transport des vélos en bagages à main. Cette possibilité a ensuite été étendue à tous les trains de banlieue les samedis, dimanches et mercredis en dehors des heures de pointe puis, à partir de 1990 tous les jours sauf en pointe.

A partir de 1984, certains trains régionaux et de rares trains de grandes lignes ont également été rendus accessibles.

La dégradation des conditions de transport en bagages enregistrés s’est accentuée et le prix qui était resté modique (23 F en 1984) a été porté à 42 F puis 90 F en 1989 et 180 F en 1992 pour une bicyclette non emballée ou 135 F (+ 15 F pour l’emballage). La suppression prévisible du service de transport enregistré a été effective avant la fin du siècle.

Signalons une expérience éphémère mal conçue de transport en bagage accompagné dans les fourgons sur la ligne Paris-Clermont avec billet-vélo de 40 F et un service « Cyclotourisme en Sologne » de billets forfaitaires aller-et-retour le week-end sur les lignes Paris-Blois et Paris-Vierzon comprenant un retour au choix à partir d’une des gares desservies par ces trains comportant chacun un fourgon pouvant contenir 80 vélos pour un prix sensiblement inférieur au billet voyageur plein-tarif. Ce service intéressant proposé de 1986 à 1991 n’a pas eu le succès mérité.

La consultation des indicateurs Chaix puis SNCF des années 1950 à la fin du siècle dernier permettrait de mieux préciser les étapes de cette évolution.

Suite à la dégradation du service, le MDB a adressé en février 1989 aux principales directions de la SNCF un important dossier en demandant une rencontre avec les organisations représentatives des cyclistes, FFCT, FUBICY, section vélo du CIHM et CCI.

Après une première réunion le 15 janvier 1990 en présence du Président de la SNCF Jacques Fournier lui-même cycliste, des rencontres périodiques ont eu lieu.

Un des résultats positifs de cette concertation est d’avoir prévu des emplacements-vélos dans tous les matériels commandés par les régions ce qui a permis l’accès aux cyclistes de la très grande majorité, des trains régionaux, la totalité dans la plupart des régions. Certains TGV, les Intercités ex-TEOZ et les trains de nuit transportent les bicyclettes moyennant un supplément-réservation mais la situation reste insatisfaisante. Les suppléments-réservation vélos ne sont vendus ni par internet ni par automate, plusieurs liaisons internationales et lignes TGV sont inaccessibles et le nombre de places est très réduit surtout dans les TGV-Atlantique où il a été limité à 2 par rame.

Par ailleurs, des lignes desservant des régions parmi les plus belles sont menacées de fermeture. On ne peut que déplorer l’absence de valorisation touristique et l’extension de vastes déserts ferroviaires notamment dans le Massif central.

De plus, la poursuite de la concertation entre les associations représentant les cyclistes et la SNCF est en question au 10 juin 2013.

III dans le métro

Le T.C .F. a demandé à la Compagnie du métropolitain parisien (CMP) dès 1899 avant l’ouverture de la première ligne que les rames soient accessibles aux cyclistes.

« Ne pourrait-on obtenir que, pour chaque train, deux wagons spéciaux, placés toujours au même endroit, au milieu par exemple, fussent réservés aux cyclistes ?

Ces wagons, munis de larges portes d’accès et de banquettes disposées tout le long des parois, permettraient à 20 ou 30 cyclistes de voyager avec leurs machines pour lesquelles ils n’auraient à accomplir aucune formalité, enregistrement, déclaration etc. Quelle différence y a-t-il entre ces voyageurs et ceux qui montent avec trois, quatre, cinq paquets plus ou moins volumineux et encombrants ? Cela ne coûterait absolument rien à la Compagnie et ferait l’affaire du public.

Bien entendu, les compartiments spéciaux ainsi accessibles aux cyclistes accompagnés de leurs machines seraient assimilés aux compartiments de 1ère classe, pour lesquels les voyageurs, aux termes du cahier des charges, devront se munir d’un billet supplémentaire spécial.

Le cycliste restant auprès de sa machine, il n’y aurait pas lieu à enregistrement.

Quant au temps nécessaire pour monter dans le train ou en descendre, il ne serait pas plus long pour un cycliste que pour un voyageur muni d’une lourde valise. » (Revue du TCF avril 1899)

La CMP s’y est refusé et le TCF n’a pas renouvelé cette demande..

Cependant, la RATP autorise depuis quelques années le transport des vélos sur la ligne 1 le dimanche jusqu’à 16 h 30.