1 Paris berceau du vélocipède

C’est en mars 1861 que Pierre Michaux et son fils Ernest, serruriers en voitures, eurent l’idée de fixer des pédales sur la roue avant d’une draisienne confiée en réparation à leur atelier situé 7 cité Godot de Mauroy, actuelle rue du Boccador.

Cette datation repose sur une mise au point d’Henry Michaux frère d’Ernest publiée par le journal L’Eclair du 28 mars 1893 mais n’est attestée par aucun document, ni brevet d’invention, ni photographie, ni article. Cependant, les agrandissements de l’entreprise Michaux à partir de 1863 et divers recoupements la rendent plausible.

Cet anniversaire est l’occasion de rappeler que Paris fut le théâtre des deux premières étapes du développement de notre véhicule préféré.

Tout a commencé en 1817 à Karlsruhe dans le duché de Bade où le baron Karl Friedrich Drais von Sauerbronn réalisa le tout-premier véhicule à deux roues en ligne, celle d’avant orientée par un timon. Ce véhicule nommé Laufmaschine (machine à courir) doté d’une selle mais non de pédales était propulsé par l’action des pieds au sol.

Pour protéger et diffuser cette invention, un brevet fut déposé en 1818 à Paris.Laufmaschine fut traduit par vélocipède, terme resté en usage dans les pays francophones et en Suisse alémanique sous forme de l’apocope vélo. En allemand Laufmaschine a disparu au profit de Fahrrad *.

Après une démonstration dans les jardins du Luxembourg, le vélocipède couramment appelé draisienne connut un engouement éphémère à Paris puis en Angleterre puis tomba en désuétude.

Alors que la draisienne de 1818 n’était guère plus qu’un jouet, le vélocipède à pédales était utilisé pour les déplacements personnels, les randonnées touristiques (la première connue de Paris à Avignon du 25 août au 1er septembre 1865) et les usages professionnels (facteurs, garçons de cours, inspections de travaux publics).

L’invention de 1861 fut à l’origine d’une industrie à Paris puis dans plusieurs pays européens et aux Etats-Unis.

Au cours des dernières années du Second-Empire, Paris fut le principal centre mondial de la vélocipédie.

Le véhicule fut perfectionné par application de bandages pleins en caoutchouc, roulements à billes, mécanisme de roue libre, rayons métalliques en tension, lanterne et fit également l’objet d’autres dépôts de brevets sans application immédiate portant notamment sur des mécanismes de changement de vitesse, la propulsion par chaîne ou les compteurs. Un vélocipède magnéto-électrique ancêtre du VAE fut même imaginé par un fabricant de vélocipèdes à Paris, vraisemblablement sans réalisation.

Le prix d’un vélocipède dans les années 1867-1869 était de 120 F à 300 F **

Sans être à la portée de toutes les bourses, le nouveau véhicule était cependant devenu à la mode par les jeunes gens qui n’ont pas les moyens de se payer un cheval ***

Sa vogue entraîna la création de périodiques tels que le Vélocipède illustré 2 Le Vélocipède illustré., l’ouverture d’écoles d’apprentissage et l’organisation de courses.

Le premier grand événement organisé dans le parc de Saint-Cloud le 31 mai 1868 comportait 4 courses dont une de lenteur.

Certaines courses étaient réservées aux velocewomen ou vélocipédiennes, d’autres mixtes.

Ainsi « Miss America » termina la grande course Paris-Rouen (123 km) du 27 novembre 1869 à la 29ème place sur 120 au départ, (34 à l’arrivée, le premier en 10 h 40).

Ce nouveau moyen de locomotion personnelle à bon marché inspira les artistes, musiciens, photographes, écrivains. La première pièce de théâtre qui lui a été consacrée serait une revue Paris-Vélocipède dont la première représentation eut lieu le 14 décembre 1868 au théâtre Molière.

La défaite de 1870 fit disparaître cette industrie en France et le flambeau de l’innovation fut repris par la Grande-Bretagne. Après le grand-bi plutôt acrobatique des années 1870, le bicycle sous sa forme actuelle à roues égales, propulsion par roue arrière entraînée par chaine et pédalier central « Safety » ou bicycle de sécurité fut mise au point vers 1880.

Avec l’invention du pneu amovible par Edouard Michelin en 1891, la diffusion du mécanisme de roue libre vers 1900 et l’abaissement des coûts de fabrication, la petite reine est devenue accessible au plus grand nombre au début du siècle dernier.

La mémoire de Pierre et Ernest Michaux est célébrée par un monument à Bar-le-Duc, ville dont est originaire la famille Michaux, celle du baron de Drais à Karlsruhe mais Paris méconnaît ce passé.

Alors que tant de rues parisiennes portent simplement le nom de l’ancien propriétaire du terrain, que des voies nouvelles sont provisoirement désignées par un n°, il n’existe aucune rue Ernest et Pierre Michaux, ni plaque commémorative. La rue Michaux dans le 13ème arrondissement célèbre le poète Henri Michaux.

Sources

Histoire du Vélocipède de Drais à Michaux 1817-1810. Mythes et réalité. Keizo Kobayashi. 1993

Thèse présentée à l’école pratique des Hautes Etudes IVème section, éditée avec le soutien du Bicycle Culture Centre 1-9-3 Akasaka, Minato-ku 107 TOKYO JAPON

Pierre Michaux et ses fils pionniers de la grande épopée du vélo. Jean Althusser . 1986

* Le vocabulaire de la vélocipédie. Roue Libre n° 90 mars-avril 2006.

** soit en ordre de grandeur de 360 à 1100 € d’après le pouvoir d’achat du F de 1901 qui équivaut à 3,66 € de 2010 (INSEE) sachant que les prix ont peu varié de 1803 à 1914.

*** Courrier de la Drôme du 21 mars 1868

L’association ParisVelocipedia a pour but principal de célébrer le 150ème anniversaire de l’adaptation de la pédale à la draisienne à Paris en 1861, événement qui a fait de Paris le berceau mondial de la bicyclette. http://parisvelocipedia.fr/

La XXIIe Conférence Internationale d’Histoire du Cycle (CIHC) « Le Vélocipède : un porteur d’innovation » organisée conjointement par le Centre d’Histoire des Techniques et de l’Environnement (CDHTE) et ParisVelocipedia s'est tenue du 25 au 28 mai 2011 au Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM) à Paris.

Pour célébrer la mémoire de Pierre et Ernest Michaux, MDB a organisé du 3 au 10 juillet 2011 une randonnée de Paris à Bar-le-Duc dans le prolongement de la grande balade annuelle de MDB.

Arrivée de la randonnée de MDB

Maquettes de vélocipèdes réalisées en 2011

par le chantier d'insertion "La Suzanne" à Bar-le-Duc

pour le cent-cinquantième anniversaire

de l'invention de Pierre et Ernest Michaux

Parmi les nombreuses chansons inspirées par le vélocipède, celle-ci composée en 1818 est probablement la première (extrait).

« Va, cette voiture étrangère

Est d’un mérite sans égal.

Il suffit du propriétaire

Et pour cocher et pour cheval.

Si quelque obstacle vous accroche

On descend et, sans embarras

On met les rênes dans sa poche

Et la voiture sous son bras »