Disciples d'Emmaüs

Méditation sur l’icône des Disciple d’Emmaüs,

Evangile selon saint Luc. 24, 15-35

C’est vrai ! Le Seigneur est ressuscité !

Introduction                          

Quelle est la finalité de notre existence, quel en est l’objet ? Ces questions hantent l’humanité et nourrissent abondamment notre prière quotidienne ; elles nous poursuivront jusqu’à la fin. Pour nous chrétiens, la Parole de Dieu et le sacrement de l’Eucharistie sont des lieux de ressourcement perpétuel qui nourrissent et révèlent ces réponses, ou des éléments de réponses, à toutes nos interrogations.

Si la lecture de la bible nous éclaire de manière diverse et variée, le récit des disciples d’Emmaüs en est sans aucun doute l’un des textes les plus prépondérants car il nous fait découvrir l’annonce de la Résurrection en mettant en lien la première apparition du Christ ressuscité (dans l’évangile de Saint Luc) avec le sacrement qui nous donne de pouvoir communier à Lui : l’Eucharistie.

Mêlons-nous donc aux pas de ces deux hommes, véritables convertis d’une rencontre bouleversante avec le Ressuscité, et (re)découvrons la joie de pouvoir annoncer cette Bonne Nouvelle. Car beaucoup sont encore emprisonnés par leur matérialisme ou leur ignorance, et n’ont pas encore découvert les traces de l’amour de Dieu cheminant avec eux, ni celles de leur propre nature divine.

Description de l’icône           

L’icône est composée en triangle, de manière à faire apparaître les trois moments qui font la meilleure synthèse entre le récit des disciples d’Emmaüs et le sacrement de l’Eucharistie.

En bas à gauche, les deux disciples suivent Jésus qui explique les Écritures : c’est dans l’Eucharistie le temps de la liturgie de la parole.

En haut se déploie la scène principale ; au cours d’un repas Jésus rompt le pain, entouré de ses deux compagnons de voyage : c’est le moment de la communion.

Enfin, en redescendant les deux disciples repartent vers Jérusalem pour annoncer promptement la bonne nouvelle de leur rencontre avec Celui qu’ils avaient vu crucifié : c’est le temps de l’envoi, lorsque le diacre à la fin de l’Eucharistie proclame : « allez dans la paix du Christ ! ».

 

Ø  Jésus explique les Écritures 

Les deux disciples ont quitté le groupe des apôtres, et avec eux la ville où l’exécution de Jésus avait sonné le glas de leur espérance. Comme beaucoup d’autres pèlerins, ils rentrent chez eux après avoir célébré la Pâques à Jérusalem. En route, ils se font rejoindre par Jésus sans que leurs yeux puissent le reconnaître ; il leur apparaît en effet dans son corps glorifié et, comme au moment de la Transfiguration, l’aspect de sa personne est donc « tout autre ».

Jésus, comme pour leur permettre d’exprimer leur déception, va feindre de ne pas être au courant des événements dont il était pourtant le principal acteur. Et c’est donc les deux disciples qui lui expliquent la tragédie dont ils ont été les témoins. Leur motivation est à l’image de leur visage, assombrie par leur incapacité à interpréter les événements. Comment accepter en effet que leur Messie qui devait les libérer de l’humiliante occupation romaine finisse ainsi déshonoré, condamné puis mis a mort comme un bandit. Ils n’avaient pas compris que Jésus n’était pas venu libérer un seul peuple à un moment précis de l’histoire, mais toute l’humanité en tous les temps. Ils étaient loin de s’imaginer que Dieu ne se contentait pas de les libérer de l’occupation romaine, mais que par la mort et la résurrection de son Fils, Il les délivrait de la source de tout mal, du péché et de la mort.

Alors Jésus, parcourant toutes les Écriture, se mit à les enseigner sur le sens de sa souffrance et de sa mort comme conditions indispensables pour « entrer dans sa Gloire ». Le phylactère de la Parole de Dieu en main ― l’inscription est en hébreux, l’écriture sacrée du Judaïsme ―, il leur interpréta tout ce qui l’y concernait ; sur le phylactère on peut lire les premiers mots de la Bible : « Au commencement, Dieu fit le ciel et le terre…». Les deux hommes ne s’y trompent pas : l’oreille tendue, ils sont attentifs aux paroles saisissantes du Christ.

En prolongeant dans le sens de leur marche, notre regard s’arrête alors sur une grotte au-dessus de laquelle s’accroche un petit arbre. Ce petit détail nous invite à nous rappeler que l’Eucharistie est toujours un passage de la mort ― la grotte, à la résurrection ― l’arbre portant du fruit.

 

Ø  Jésus rompt le pain

Levons donc maintenant les yeux vers la scène centrale de l’icône. Le Christ partage le pain en présence des deux disciples. Deux bâtiments structurent l’arrière-plan ; un drap rouge jeté sur les murs indique que la scène se déroule à l’intérieur.

La table est dressée pour nourrir avec simplicité nos trois voyageurs ; tout est près pour que le moment décisif advienne, qui va bouleverser deux compagnons et deux mille ans de vie chrétienne… .

 

Jésus, après avoir feint une première fois de ne pas connaître les événements à Jérusalem, va feindre à nouveau de continuer sa route, alors que les deux disciples pensent déjà à s’arrêter pour se restaurer et se reposer. Mais ils insistent pour le retenir : « Reste avec nous, car le soir tombe et le jour déjà touche à son terme. Il entra donc pour rester avec eux ».

Les disciples veulent voir le Christ. Pourtant, ni le tombeau vide ni l’apparition des anges là-bas ne suffisent à dissiper leurs doutes et les pousser à croire en la Résurrection. Jésus va donc persévérer dans son choix de se rendre présent au milieu de son Église par la faction du pain. D’ailleurs, quelques jours auparavant devant ses apôtres, le jeudi soir, dans son ultime enseignement qui résonnait bien comme un testament spirituel, il avait fait du pain rompu et du vin partagé le signe de son corps et de sa vie.

Les disciples avaient déjà été éveillés à l’intelligence des Écritures, mais là, devant le symbole du don de sa vie, ils n’ont plus aucune peine à reconnaître leur Seigneur.

Voici donc le voile se lève, à la faction du pain : « Leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent… ».

La lecture de ce geste est claire : Jésus se donne Lui-même à ceux qui communient à sa vocation. Après avoir reçu dans l’Eucharistie Celui qui se donne, c’est à nous de nous donner de toute notre force, de toute notre intelligence et de tout notre coeur. Cette force du don de soi, elle traverse toutes les peurs jusqu’à celle même de la mort. Ainsi le mystère de la Résurrection ne concerne pas seulement un futur hypothétique, mais il est déjà expérimentable dans le présent de nos vies, ici et maintenant.

 

 

Ø  Les disciples retournent à Jérusalem

Leur fatigue et leur déception dissipées, voilà que sur le champ ils retournent à Jérusalem annoncer la Bonne Nouvelle aux Onze et leurs compagnons à ce cri : « C’est vrai ! Le Seigneur est ressuscité ! ».

Symboliquement par quelques herbes et fleurs, le désert commence à fleurir sous leurs pieds, car la création participe elle aussi à l’œuvre du Créateur.

 

Conclusion                            

Comme les disciples d’Emmaüs, nous pouvons éprouver des moments de lassitude dans notre vie de Foi. Pour retrouver la ferveur de notre espérance, laissons-nous, en Église, enseigner par la Parole de Dieu ― « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux. » ― car c’est alors que l’Esprit Saint Lui-même viendra nous enseigner ; notre faim de communion avec le Ressuscité grandira, et dans l’Eucharistie nos yeux s’ouvriront, et nous aussi nous pourrons le reconnaître en célébrant l’Alliance nouvelle : « C’est vrai ! Le Seigneur est ressuscité ! ». Alléluia !

Jacques Bihin, janvier 2008.