Annonce du Royaume

Vidéo de présentation : 

Après l’arrestation de Jean, Jésus partit pour la Galilée proclamer l’Évangile de Dieu ; il  disait : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et  croyez à l’Évangile. » Mc 1, 14-15  

Laissant Jean à son destin, Jésus part vers la Galilée, le « pays de Zabulon et pays de Nephtali,  route de la mer et pays au-delà du Jourdain, Galilée des nations ! » Mt 4, 15. Le temps où  « tous les prophètes, ainsi que la Loi, ont prophétisé jusqu’à Jean » Mt 11, 13 est derrière ; il  trouvera son accomplissement dans la personne même du Christ.  

Introduction  

En octobre 2002, le pape Jean-Paul II prenait l’initiative de proposer à la méditation cinq  nouveaux mystères pour le Rosaire : les mystères lumineux. Alors que l’histoire de l’art  témoigne de la surabondance des représentations des scènes du baptême du Christ, des  noces de Cana, de la transfiguration et de l’eucharistie, seul le mystère de l’annonce du  Royaume de Dieu est, semble-t-il absent du programme iconographique byzantin. Mais  en fin de compte qu’en est-il vraiment ? Contempler le baptême du Christ, n’est-ce pas  découvrir en Jésus la bonne nouvelle du « Fils de Dieu » en marche pour établir son  Règne ? Alors que l’on découvre au banquet des mariés de Cana, Marie en première des  disciples, Jésus n’y manifeste-t-il pas sa gloire ? Être témoin de la transfiguration, n’est ce pas s’engager sur le chemin audacieux de la découverte de qui est Jésus et contempler  furtivement cette gloire ? Et enfin, si s’asseoir à la table eucharistique c’est goûter au  mystère du Christ mort et ressuscité, n’est-ce pas aussi être appelé à croire que le Règne  de Dieu est là ? L’annonce de la bonne nouvelle du Royaume traverse toutes les scènes  de la vie du Christ et porte chacun de ses pas. Et si nous sommes appelés à être ses  disciples, peut-être fallait-il s’approprier le récit et en fixer l’instant, comme le peintre  Jacques Bihin l’a fait en composant cette icône afin que – et c’est la grâce des icônes, l’on  saisisse les mots de la bouche même du Christ pour sortir oser dire avec lui : « Les temps  sont accomplis : le Règne de Dieu est tout proche ; Convertissez-vous et croyez à la Bonne  Nouvelle. » Mc 1, 15 

Description de l’icône  

Le décor évoque la Galilée. En haut à gauche, une ville. Capharnaüm ou bien Tibériade,  Nazareth ou encore Cana… ? Toutes ces rues ont vu passer Jésus, entendu sa parole et vu  les signes de l’accomplissement de la promesse du Royaume. Une ville où se serrent des  habitations et des lieux de culte. Tiens ! une synagogue… Elle est reconnaissable aux  deux tablettes de la Loi qui dominent son fronton. Une ville donc. Anonyme, ce pourrait  être la nôtre ou bien la vôtre, quelle importance d’où l’on vient et où l’on va ? L’essentiel  n’est-il pas la route ou le bord du chemin ? Quand bien même il y aurait comme ici des  montagnes escarpées, une grotte obscure et ce peu de verdure et de désert aussi.  

La présence de la grotte nous rappelle que croire en l’Évangile ne va pas de soi, car  l’annonce peut être engloutie dans les profondeurs de nos peurs et de nos égoïsmes,  celles de nos haines et de nos obscurantismes. Mais le peu de végétation qui pousse non  loin nous invite à choisir de prendre racine dans la bonne terre de la parole de Dieu et à garder fermement, au cœur de nos déserts, l’espérance car la vie triomphe toujours de la  mort, l’amour, toujours du péché.  

À l’arrière-plan, les eaux d’une mer animée : la mer de Galilée tantôt appelée lac de  Génésareth par certains, lac de Tibériade par d’autres – en tout cas, c’est au bord de ces  eaux que Jésus va appeler ses premiers disciples. On est loin de ces eaux stagnantes où  toute vie finit par croupir et tourner en rond en attendant de laisser place  inéluctablement à une terre gercée et stérile. Ici, elle frémit comme animée par une brise  vivifiante, celle de l’Esprit qui éveille en nous cette image du Christ marchant sur les  eaux et qui dit : « N’ayez pas peur ! » Mc 6, 50. 

Devant la mer, tiens ! une autre synagogue… Il est vrai que Jésus « parcourait toute la  Galilée ; il enseignait dans leurs synagogues » Mt 4, 23. Mais celle-ci est hors les murs, en  périphérie plutôt, là où les gens sont là. Et c’est le moment d’entendre résonner en nous  l’appel du pape François à « aller dans les périphéries géographiques et existentielles,  afin d’annoncer Jésus et de faire reconnaître son message » (Catamarca, 19 août 2013).  Sur le parvis du lieu de culte, le groupe des personnes est représentatif de la diversité  des âges de la vie et des individus : jeunes et vieux, femmes, hommes et enfants, et même  les bébés, tous reçoivent l’annonce de la bonne nouvelle.  

À gauche, le Christ s’avance, dénué de sandales, tel Moïse au Sinaï. Le Verbe créateur  foule de ses pieds nus la terre jadis fécondée par sa Parole (cf. Gn 1, 9-13). Cette terre est  sainte (cf. Ex 3, 5). Il est peut-être encore temps de s’éveiller de notre torpeur en  proclamant comme Jacob : « En vérité, Dieu est en ce lieu et je ne le savais pas ! » (Gn 28,  16). Jésus adresse à la foule l’évangéliaire ouvert sur cette parole écrite en latin :  « poenitemini et credite Evangelio » que l’Église a retenue pour être prononcée sur  chacun d’entre nous le mercredi des cendres « convertissez-vous et croyez à la bonne  nouvelle ». Le Christ est situé sur le même plan que le groupe qui l’écoute : le premier  plan, comme il sait le faire en guise d’exemple quand il prend notre place et se fait l’égal  de l’un des plus petits d’entre nous. Mieux encore, en retrait – il n’a pas été placé au  centre de l’icône mais bien sur le côté, dans cette logique unique à l’Évangile qui veut  que l’on grandisse à mesure que l’on devienne des serviteurs, à mesure que notre amour  les uns pour les autres soit prêt à aller jusqu’à la démesure du don de nos vies pour ceux  que l’on aime.  

Conclusion  

Lui l’a fait ! Son nom est écrit abrégé en grec : IC XC, Jésus le Christ. En lui qui a vaincu la  mort, Dieu s’est manifesté pour nous donner la Vie. C’est écrit sur l’auréole, signe qu’il  vit dans sa gloire, le nom même de Dieu calligraphié en hébreu. Quand le Christ vient  chez nous, c’est Dieu Lui-même qui s’avance et nous sauve, pour que nous-mêmes  soyons des signes vivants de ce que l’Évangile peut traverser les murs, éclairer les  grottes, consoler les maux, donner l’espérance à ceux qui n’en n’ont plus, affermir la foi  de ceux qui vacillent et dilater les cœurs pour donner à nos corps la force de rechercher  et défendre plus que tout trois valeurs qui, depuis saint Paul, sont devenues des  conditions sine qua non de l’avènement du Royaume de Dieu qui « ne consiste pas en des  questions de nourriture ni de boisson ; il est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint » Rm 14,  17.  

Jacques Bihin et Vincent Minet, 2020