Les mécanismes motivationnels chez les élèves à travers un historique des recherches à ce sujet
La question de la motivation joue un rôle important dans l'investissement des élèves et donc dans leur capacité à apprendre.
Ces dernières ont évolué dans le temps avec des apports successifs et complémentaires.
Aujourd'hui, il est montré qu'au de là de la motivation, le sentiment d'efficacité personnelle chez les apprenants joue un rôle primordial dans l'entrée ou non dans les apprentissages.
a) Motivation intrinsèque / extrinsèque
J. Dewey (1916, 2011) a commencé à clarifier la notion de motivation dans le domaine de l’éducation en s’intéressant à la notion d’intérêt pour une tâche du point de vue des élèves en distinguant les notions d’intérêt et d’attraction. En effet, pour lui, « rendre un sujet intéressant en amenant quelqu’un à se rendre compte de la liaison existante [entre ce travail et ce qu’il faut acquérir] est du simple bon sens » alors que « le rendre intéressant en faisant appel à des moyens extérieurs et artificiels mérite toutes les critiques […] » (p. 212).
La motivation n’est donc pas quelque chose d’inhérent au côté séduisant d’une activité grâce à des aspects ludiques par exemple. Elle serait davantage le fruit de la prise de conscience par le sujet de la compétence qu’il peut construire à travers la tâche proposée et donc de l’intérêt qu’il aura à la faire.
b) Motivation et climat instauré par l’enseignant : impact climat de maitrise / climat de compétition
P. Sarrazin, D. Gessier et D. Trouilloud (2006) apportent un autre éclairage avec la notion de climat motivationnel instauré par l’enseignant et dont ils cherchent à repérer les effets en lien avec ce que les élèves en perçoivent. Ils élargissent ainsi l’approche précédente au rôle joué par les enseignants à travers aussi leur gestion de classe, notamment avec le rôle et la place qu’ils donnent aux évaluations et à travers les modalités de travail et l’implication des élèves qu’ils rendent possible ou non.
Ils citent d’abord C. Acmes (1992) qui a repéré différentes facettes des processus d’enseignement pouvant créer :
- ce qu’il appelle un « climat de maîtrise » dont le moteur est la recherche de progrès et dans lequel les élèves peuvent choisir l’objet d’apprentissage
- ou au contraire un « climat de compétition » basé sur la comparaison avec les autres et dans lequel tous les élèves pratiquent la même tâche et seules les meilleures performances sont encouragées.
Les auteurs soulignent alors que « la perception d’un climat de maîtrise est généralement reliée positivement à des variables motivationnelles, affectives, cognitives et comportementales favorables aux acquisitions scolaires » (§ 8) de façon d’autant plus significative quand il s’agit de contenus complexes nécessitant un traitement stratégique plus en profondeur et des efforts de la part des élèves.
Dans le cas d’une perception d’un climat de compétition, les résultats sont plus nuancés mais montrent tout de même des effets plus négatifs.
c) Motivation et niveau d’engagement des élèves : motivation autodeteminée / motivation non autodeterminée
Les auteurs présentent ensuite la théorie de l’autodétermination à travers les travaux d’E. Deci et R. M. Ryan (2000) qui ont choisi de mettre la focale seulement sur le niveau d’engagement des élèves alors que C. Acmes s’était intéressé aux différents aspects de la pratique de classe.
Selon eux, quand une activité est faite spontanément et par choix, ils parlent de motivation « autodéterminée »
alors que lorsque l’activité est faite sans implication personnelle, avec une contrainte interne ou externe, ils parlent de motivation «non autodéterminée».
La motivation autodéterminée engendre attention, plaisir, persistance dans l’apprentissage et performances élevées.
Et, au contraire, la motivation non autodéterminée provoque abandon précoce, choix de tâches inadaptées à leur niveau, faibles performances avec notamment, selon C. Wolters (2004) cité par les auteurs, une diminution des efforts et de la persévérance lorsqu’en plus les tâches sont perçues comme plus complexes.
d) La croyance du sujet concernant son niveau de compétence
B. Galand et M. Vanlede (2004) apporte une nouvelle approche, non plus axée sur la seule relation du sujet avec la tâche et la compétence visée comme développé ci-dessus, mais centré cette fois sur la croyance du sujet concernant son niveau de compétence. Ils ont en effet recueilli les résultats de différentes recherches s’intéressant au sentiment d’efficacité personnelle dans le domaine de la formation. Ils citent T. Bouffard-Bouchard et A. Pinard (1988) pour définir cette notion comme « le jugement que porte une personne sur sa capacité d’organiser et d’utiliser les différentes activités inhérentes à la réalisation d’une tâche à exécuter » (§1). En s’appuyant notamment sur les recherches de A. Bandura (1988), ils en montrent alors le rôle dans les situations d’apprentissage : plus les apprenants ont un sentiment d’efficacité élevé, « plus ils persévèrent face à des difficultés (…) et meilleurs sont leurs performances » (§4). Il y a donc l’idée que ce ne sont pas seulement les compétences de l’apprenant qui jouent un rôle dans ses performances mais aussi son niveau de confiance dans la maîtrise de ses propres compétences.
Ils décrivent ensuite les quatre sources d’information qui déterminent ces croyances d’efficacité chez les sujets selon A. Bandura (1997).
Il y a d’abord les « expériences actives de maîtrise » (§9), issues de l’histoire et du parcours scolaire des apprenants, qui peuvent plus ou moins influencer les croyances d’efficacité des sujets selon la manière dont elles sont réactivées.
Puis, il y a les « expériences vicariantes » (§10) qui proviennent d’une part de l’observation de la réussite ou de l’échec d’autres personnes de façon d’autant plus forte si elles sont assez proches en favorisant alors l’identification. Ces expériences proviennent d’autre part des comparaisons faites entre les performances de l’apprenant avec celles d’autres personnes, notamment les membres de sa classe, et qui peuvent abaisser encore le sentiment d’efficacité chez les élèves pour qui il était déjà très bas.
Il y a ensuite la « persuasion verbale » (§12), à travers les conseils, les critiques ou bien les encouragements venant des autres et notamment des enseignants, qui peut influencer la croyance d’efficacité. Pour A. Bandura (1997), cité par les auteurs, « la meilleure manière de soutenir le sentiment d’efficacité des apprenants, et par conséquent leur apprentissage, serait donc de les focaliser sur les moyens qu’ils peuvent acquérir en vue de mieux maîtriser la tâche à accomplir » (§13). Enfin, il y a les « états physiologiques et émotionnels » (§14) qui peuvent aussi jouer un rôle, semble-t-il moins déterminants que les autres selon les auteurs.
A la fin de leurs articles les deux auteurs s’interrogent sur les moyens de favoriser le sentiment d’efficacité personnelle de par le rôle qu’il joue dans la réussite scolaire. Ils soulignent l’idée de « donner aux apprenants des objectifs clairs et à échéances relativement proches pour guider leurs apprentissages » plutôt que d’utiliser des consignes formulées « en termes de production à fournir ou de performance à atteindre». Il s’agit d’amener davantage les sujets à « se focaliser sur les progrès accomplis et sur la façon d’accroître leur maîtrise plutôt que sur l’évaluation de leur rang par rapports aux autres » (§21).
e) La motivation vue à travers un contexte plus large et dans une dynamique temporelle
Enfin, dans un article sur la motivation en situation d’apprentissage, B. Galand (2006) apporte un autre regard qui pour moi met en dialogue sous forme systémique, de façon très intéressante, les différents aspects que je viens d’évoquer. En effet, pour lui, les dernières recherches sur les processus motivationnels tendent à définir la motivation non plus à travers « une analyse individuelle et statique », mais plutôt « dans un contexte plus large et dans une dynamique temporelle » en intégrant « des dimensions affectives et relationnelles» (§1).
Les recherches présentées montrent d’une part que la motivation n’est ni quelque chose que l’élève subit, ni quelque chose qui vient exclusivement de lui. Il s’agit plus du résultat d’une interaction dans laquelle « il sélectionne et interprète activement les signaux de l’environnement, notamment en fonction de ses buts, et y réagit en fonction d’une évaluation de la situation fondée en partie sur ses croyances et de ses ressources» (§7).
Ils amènent aussi l’idée que la motivation n’est pas quelque chose d’unitaire. Face à une activité, l’apprenant peut être motivé par un aspect de la tâche plus qu’un autre, voir aussi sur plusieurs aspects pouvant être contradictoires, avec des conséquences sur l’intensité et la qualité de son engagement. Il y a donc différentes entrées possibles pour agir sur la dynamique motivationnelle des élèves : « état affectif, sentiment de compétence, buts, utilité perçue, sentiment d’autonomie, liens sociaux, etc. » (§7).
Enfin, elles indiquent que « la dynamique motivationnelle est un phénomène complexe dans lequel (…) différents facteurs interviennent avec plus ou moins de poids au fil du temps » (§7) : l’élève, l’enseignant, la famille et le système scolaire.
Ouvrages cités :
DEWEY J., démocratie et éducation, chapitre 10, Intérêt et discipline, p. 209-222, Armand Colin, Paris, 1916 et traduit en 2011
GALAND B., VANLEDE M., le sentiment d'efficacité personnelle dans l'apprentissage et la formation : quel rôle joue-t-il ? D'où vient-il ? Comment intervenir ?, Savoirs [En ligne], n°5 (hors-série), 2004, URL : www.cairn.info/revue-savoirs-2004-5-page-91.htm
GALAND B., « La motivation en situation d’apprentissage : les apports de la psychologie de l’éducation », Revue française de pédagogie [En ligne], n°155, avril-juin 2006, mis en ligne le 21 septembre 2010, consulté le 27 novembre 2013, URL : http://rfp.revues.org/59
SARRAZIN P., TESSIER D et TROUILLOUD D., Climat motivationnel instauré par l’enseignant et implication des élèves en classe : l’état des recherches, Revue française de pédagogie [En ligne], 157 | octobre-décembre 2006, mis en ligne le 01 décembre 2010, consulté le 07 mars 2013. URL : http://rfp.revues.org/463