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Dimanche 20 novembre, un tour VTT aux urgences.

La montée de Seyssinet, des Charmettes, belles maisons qui font rêver, dans un chemin de traverse. Avant la Tour sans Venin, un petit chemin, la Fontaine, deux VTTistes, je les suis. On va vers Sassenage, descente plus cool, m'annoncent-ils. Un peu hard, je trouve. Des passages sur les rochers, ça plonge mais ça passe. Moins pentu dans les feuilles puis à nouveau un sentier où il faut éviter les rochers. Je bute sur un, sûrement et je m'écroule violemment. Sans connaissance ensuite, le trou noir, jusqu'à la gendarmerie, je ne me souviens de rien. Les pompiers, pin pon. Direction les urgences, la Tronche. Il faut faire des points, explique la jeune infirmière sympa qui me plaisante. Scanner, je n’ai rien ouf ! Une blonde médecin et son assistant me recoud ma plaie ouverte sur ma lèvre. Il faut attendre. C'est l'usine, ici, ça va, ça vient sur les brancards. Une vraie hécatombe : foot, moto, hand ont fait leurs dégâts. « Lâchez-moi », « je veux sortir avant la nuit », entend-on gémir dans les couloirs. Il y a eu traumatisme, je ne peux sortir tout de suite. Enfin, le médecin donne son accord. Je sors enfin. Dans les rues, un vrai balafré. Un tour VTT plutôt épuisant, terminé aux urgences, un circuit non prévu ! Un Bloody Sunday sur le Vercors.

Lundi 21 novembre, un peu Elephant Man, ce matin pour aller au boulot. On dirait que je suis sorti de la place Tahrir au Caire où il y a eu des affrontements violents entre la police et les manifestants qui réclament la démission du général Hussein Tantaoui et des militaires qui ont remplacé Moubarak à la tête de l'État égyptien.

Mardi 22 novembre, de plus en plus Elephant Man. Une belle lumière ce matin pour le départ de Danielle Mitterrand qui vient de nous quitter. Ses yeux vifs et clairs à jamais éteints. L'ont-ils vu ?

Mercredi 23 novembre, et ce ciel rosissant de l'aube naissante. « L’indignée », titre la Une de Libé. Inlassable militante, conscience morale, radicale et tiers-mondiste, Danielle Mitterrand est morte hier à 87 ans. Sa vie retracée en un article. De son entrée dans le résistance qui lui fera rencontrer à 19 ans Morlan alias François Mitterrand jusqu'à ses derniers engagements et ses nombreux combats, elle a été le défenseur de toutes les minorités et de tous les opprimés, en premier lieu les Kurdes et de tous les combats : antiapartheid, anticolonialisme, antilibéralisme, anti peine de mort, contre le sida en Afrique, pro-Amérindiens, pro-Tibétains, pro-Sahraouis, pro-sans-papiers... Elle n'a pas arrêté ses combats lorsqu'elle était « première dame de France » pendant les deux septennats de François Mitterrand. On la voit souriante enroulée dans un voile mauve par des militants du front Polisario, devant le dalaï-lama, aux côtés des kurdes sur la frontière Irako iranienne et des sans-papiers à l'église Saint-Bernard à Paris. Son beau visage avec les rides de l'âge soulignant son sourire timide mais avec un regard de chat persan. « Rester aux aguets, militer, me maintient éveillée », expliquait-t-elle. Son beau regard entre ombre et lumière semble nous transmettre le flambeau de son indignation éternelle. À nous de rester éveillé.

Moins triste, le film de Libé cinéma, « Donoma » de Djinn Carrénard qui fait souffler un grand vent frais sur le cinéma français. Petit budget et grande maîtrise pour ce récit entremêlé. Le film brasse des affaires de drague, de couples et de ruptures. On voit le réalisateur, un jeune Black qui grogne face à la caméra en mode grrr dans un paysage urbain surexposé où une Deuch tourne vers nous, à la fois marrant et inquiétant.

Jeudi 24 novembre, un peu chapeau gris le ciel où quelques oiseaux virevoltent. Journée de gris, paupière fermée, le soleil en rond comme un soleil blafard dans les nuages. Retour à la gendarmerie de Seyssinet comme un retour sur les lieux du drame ou du crime car mon VTT est couvert de sang. Toujours pas de souvenir de la scène du crime, un rocher qui m'aurait assassiné jusqu'à mon arrivée à la gendarmerie. Retour à Decître, un troisième personnage après le philosophe buveur de vin rouge devant sa diva à lunettes noires, l'autre lecteur en gabardine grise lisant le Monde mais aujourd'hui feuilletant le Dauphiné (il doit être le seul à y trouver autant d'intérêt !) ; le troisième est un bel homme d'âge mûr aux cheveux blancs à l'allure de baroudeur. Il écrit sur un cahier, rature, réécrit en consultant un dictionnaire de temps en temps. Traduit-il un roman, une de ses oeuvres ?

Vendredi 25 novembre, une heure avant ! Encore sombre, je me trompe d'heure. Envie de me réveiller plus tôt, envie de vivre ? Le ciel, lui aussi, envie de bleu, envie d'espace sur Belledonne et se découvre en Chomolungma.

« Les Intouchables » à Pathé Chavand avec Joëlle. D'entrée, une course poursuite avec la police dans les rues de Paris. On est tout de suite embarqué dans cette rencontre improbable entre Driss, un black des cités et un aristo des beaux quartiers Philippe, tétraplégique. Driss devient son assistant de vie même s'il n'a aucune expérience et pas vraiment le profil au cours d'un entretien d'embauche mémorable qui voit défiler les prétendants coincés qui jurent par rapport à lui plutôt cool ! Un peu les Visiteurs à la même époque cette fois quand Driss, habitant des cités pauvres découvre le luxe d'une maison de riche, notamment la salle de bains ! Pas mal caricatural mais une bonne comédie : l'entretien d'embauche quand Br Driss est finalement pris à l’essai alors qu'il vient faire signer ses papiers pour les Assedics, Driss à l'opéra ou à la soirée d'anniversaire qui va décoincer les bourgeois guindés en les faisant danser sur sa musique, la sortie en pleine nuit dans Paris sur les bords de Seine ou vers la mer comme une échappée belle. Driss devient son oxygène. Sans lui, il s'essouffle et perd toute joie de vivre. Après l'avoir congédié, Philippe le rappelle et Driss va l’emmener vers la mer, vers l'amour en lui faisant rencontrer celle qu'il n'ose pas aborder, avec qui il n'a que des relations épistolaires. Mot qui surprend Driss et ses grands yeux tout ronds et le fait franchement rigoler, lui qui n'a d'yeux que pour la belle rousse plantureuse et ne passe pas pour la draguer par des intermédiaires épistolaires ou par des fioritures intellectuelles !

Samedi 26 novembre, le chapeau gris revient dans le ciel mais celui-ci ouvre sa paupière bleue. Comme au Caire, comme en Égypte où les manifestants de la place Tahrir reprennent de la voix

Tahrir intarissable

titre la Une du Mag de Libé. Du Caire à Alexandrie, rencontre avec une génération qui a goûté à la liberté et ne veut plus rien lâcher. Outre l'article sur les acteurs de la révolution qui racontent la fin de la peur et l'irréversible libération de la parole, une pleine page de photos de manifestants criant, hurlant, bouche ouverte comme un immense cri du peuple.

Dimanche 27 novembre, le chapeau gris un peu plus enfoncé, le brouillard ce matin a dilué le ciel. La Saint Siffren, j'y pense, c'est aujourd'hui la foire de Carpentras. Je pense à toi Maman. Je me vois à Valréas avec toi en parlant et partir sur les chemins dans les vignes faire mon footing habituel. Au-dessus du brouillard, la mer de nuages qui bute sur la Dent de Crolles, gros totem dans le bleu. Avec ma vagabonde, au Mûrier, je cherche en vain le restaurant « chez Marie ». Le Crêt au bout du village. Je me rabats sur le lavoir qui glougloute agréablement. Fontaine, que me racontes-tu ? Des souvenirs ou des histoires à venir ?

Lundi 28 novembre, le gris uniforme toujours, le ciel a oublié ses autres couleurs. Ça commence à faire froid malgré le réchauffement climatique sur lequel s'ouvre aujourd'hui à Durban, la convention de l'ONU. Mais sur fond de crise de la zone euro et par voie de conséquence peut-être crise économique mondiale, qui s’en préoccupe encore ?

Mardi 29 novembre, le brouillard qui efface, estompe les formes, donnant au paysage un effet hamiltonien. L'effet Durban ? Ça se lève et il fait grand beau !

Mercredi 30 novembre, les cirrus roses venus du Sud s'étirent dans le ciel déjà clair. Moins froid, ce matin.

« Le mors dans l'âme », titre la Une de Libé cinéma. Béla Tarr tire sa révérence avec « le Cheval de Turin », macération filmique sur la fin du monde. Fun. Le film se découpe en six journée quasi identiques : lever, petit déjeuner à l'eau de vie, sortie au puits, repas de patates, attente devant la fenêtre que quelque chose arrive, attelage du cheval, refus, retour à la maison, coucher. Et ainsi de suite les autres journées. L'article parle de son jusqu'au-boutisme esthétique. Pas très réjouissant, ça a l’air et plutôt ennuyeux. On voit l'acteur crâne rasé, les poils de sa fourrure, comme une plante lui mangeant son visage de Méphisto et son crâne nu comme une lune sortie de l’ombre.

Jeudi 1er décembre, quel beau ciel rose ce matin. Dommage que Belledonne pas très enneigée, ne soit pas plus Chomolungma. L'université, la boussole, les lunettes, les boutons, la banque... Invention des temps pas si obscurs, titre l'article de Libé Livres sur « le Moyen Âge sur le bout du nez » de Chiora Frugoni. Euh, la banque, en ces temps de crise économique due en grande partie aux banques, pas vraiment une bonne idée ! Chaque époque est un peu le Moyen Âge de l'autre plus récente.

Vendredi 2 décembre, la pluie annoncée, en attendant, les gros nuages, grands navires débarquant du Sud sur Belledonne, apportant leur douceur et leurs voiles aux tons gris et orangés avançant dans le bleu.

Samedi 3 décembre, un peu crevé après la soirée Patrick jeudi soir au restaurant BM le petit bouchon montagnard, délicieux, le gratin de crozets aux cèpes. Patrick que j'ai eu du mal à reconnaître m'attendant dans la rue. Un SDF ? Me suis-je demandé en voyant cet homme barbu grisonnant. Il me raconte ses problèmes de dépression à demi-mot, par bribes. Jamais il ne se livre. Quand est-ce Patrick tu t’allongeras sur le divan ? La parole libère.

Hier soir, c'était la soirée AG du CTG. Un peu ennuyeux, le défilé des bilans. Heureusement, à la fin, les projets, quelques belles photos d'Italie, les Dolomites où chaque image est une invitation au voyage, au vélo, ça donne envie de partir. Soirée dansante un peu troisième âge, avec les vieux tubes : l'Amérique, la montagne, twist, twist à Saint-Tropez... Nostalgie, nostalgie. Des valses et des tangos. Le Jules et la Danielle se lancent dans la valse. Des airs d'accordéon par l'animateur qui chante avec l'aide de Fernand et d'autres belles voix. Véronique a trouvé son Jules. Les slows repèrent les vrais couples. Ca met le feu, pas jusqu'au bout de la nuit, dommage car Nicole et Fernand sont déchaînés. Deux rocks : l'animatrice et Danielle m’offrent leurs bras. « Allez, tous ensemble », réclame l'animateur. La chenille est vite formée : à, à la queue leu leu... Le kangourou, ça donne la pêche, « ça fait sauter », sourit Fernand hilare.

Bob Wilson, le vieux metteur en scène, enfant de 70 ans est interviewé dans Libé Mag. À l'occasion de sa dernière pièce où il incarne seul en scène le vieux Krapp de « la dernière Bande » de Becket au théâtre de l'Athénée à Paris. Quand il parle des acteurs qu'il souhaite spontanés : les acteurs pensent beaucoup trop avec leur tête. La pensée devrait être dans le corps, l'esprit est un muscle. Quand je pense à tout ça, chez le Paul, le coiffeur champion du monde, le fait-il lui aussi, est-il spontané dans sa coupe ? Le faisons nous dans la vie de tous les jours, nous, les acteurs de notre propre vie ? Je pense par rapprochement que l'on fait partie du monde, d’un tout, que notre corps, notre esprit n'est qu'une partie d'un immense tout. L'autre, l'étranger devient ainsi notre voisin, une partie amie proche de nous, un de nos bras, une de nos jambes, la prolongation de nous-mêmes.

Dimanche 4 décembre, retour sur les lieux du crime ! La mer de nuages, une bande sur Belledonne où ça neigeote et des bouts de bleus d’où sort un soleil palot. Le beau rocher pyramide où j'écris tout cela au-dessus de la Tour sans Venin, avant d'entamer la fameuse descente ! La prairie, la ferme Froussard, le sentier escarpé, les rochers sous les feuilles. Glissade ! Sans dommage, j’étais à pied. ! Nulle trace de sang. Des bifurcations de sentier, suis-je passé par là ? Au-dessus de la falaise des Vouillants puis ça plonge sur Seyssinet et sa gendarmerie juste à côté. Ca se lève, encore le courage d’aller au marché de l’Estacade, mon rituel du dimanche. Surprise, y a Sylvie. Toujours débordée de boulot, un peu la fuite en avant pour oublier que son autre vie file. L’après-midi, balcon sur Belledonne, enfin Chomolungma.