Dominique Baudreu et Fabienne Calvayrac ont effectué depuis 2008 des recherches historiques et archéologiques sur les vestiges de la prison de l'Inquisition de Carcassonne, appelée «le Mur», où étaient enfermés les cathares, considérés comme hérétiques.
Fabienne Calvayrac et Dominique Baudreu ont donc remis au jour les vestiges du «Mur» : une portion de 60 mètres de long, en partie enterrée à 1,33 m de profondeur, dans le quartier de la Barbacane, sous une quinzaine de propriétés privées. Le nom de «Mur» pour désigner ces prisons viendrait du fait qu'elles étaient construites contre les murailles fortifiées des villes, même si à Carcassonne elle se situait à l'extérieur de la Cité. Et surtout, les deux chercheurs ont déblayé et réalisé un sondage dans le passage de la porte d'entrée principale de l'enceinte de la prison, très bien conservée.
Ce travail leur a offert des indices de recherches précieux pour construire des hypothèses sur la nature plus exacte du «Mur». Cette porte était véritablement immense : d'une hauteur de 3,6 m à son point le plus haut, on peut encore y voir la trace des gongs qui servaient à faire pivoter les lourds panneaux de bois. Aussi, ils ont trouvé dans le mur à droite de celle-ci un trou de 2,6 m de long, qui servait à y faire coulisser l'imposante poutre de bois qui bloquait la porte lorsqu'elle était fermée.
Quant à la portion de mur, elle est d'une épaisseur de 1,3 m, construite avec des très grosses pierres, d'une taille parfois supérieure à celles utilisées pour les murailles de la Cité.
En résumé, des découvertes qui laissent songeurs Dominique Baudreu et Fabienne Calvayrac, qui ont mené de concert recherches sur le terrain et recherches bibliographiques dans les archives pour comprendre au mieux le contexte historique et trouver des récits d'époques sur la prison, ce qui est la base de tout travail archéologique.
Cette découverte confirme donc la présence d'une prison tenue par l'Inquisition à partir du XIII° siècle, dans le cadre de la persécution des Cathares, enfermés ou brûlés sur des bûchers.
Un document étudié par l'historien Joseph Poux révèle qu'en 1306, 40 personnes étaient détenues dans la prison de Carcassonne, dont 3 femmes et quelques vieillards. 27 étaient originaires de localités aujourd'hui situées dans le Tarn.
Lorsqu'ils étaient emprisonnés, tous les biens des Cathares étaient confisqués au profit de l'Église, et ils étaient alors placés au «Mur strict», des cachots exigus où ils étaient souvent enchaînés, ou au «Mur large», avec plus de liberté de mouvements, selon le degré d'hérésie déclaré.
Vers 1300, Bernard Gui, un inquisiteur des plus chevronnés qui a écrit un Manuel de l'Inquisiteur, emploie l'expression de «rage carcassonnaise» : en effet les élites de la ville, qui représentent la minorité convertie au catharisme, protestent contre ces traitements inhumains. Ils dénoncent à la fois les conditions terribles de la prison mais aussi une pratique choquante de l'Inquisition : celle de porter des procès pour hérésie parfois 10 ou 15 ans après la mort de notables, de déterrer leurs corps, puis de les brûler. Les méthodes de l'Inquisition étaient telles qu'en 1306, le pape Clément V ordonna une enquête afin de corriger les abus de ses représentants.
La visite de cardinaux au Mur de Carcassonne confirma des conditions de détention inhumaines. C'est à ce moment-là que sont mentionnés 40 détenus à Carcassonne, mais on ne sait pas du tout comment ce nombre a évolué avec le temps ni jusqu'à quand exactement la prison a été en fonction.
Seule certitude : le dernier des parfaits cathares, qui avaient pour mission de transmettre les sacrements, Monsieur Guilhem Belibaste, a été exécuté en 1321.
Cet événement symbolise à lui seul la disparition du catharisme.
Créée en 1233, par le pape Grégoire IX après la « croisade contre les Albigeois », « l’Inquisition contre la dépravation hérétique » est confiée aux ordres mendiants, les frères prêcheurs : les dominicains puis pour « tempérer l’ardeur » de ces derniers, les frères mineurs : les franciscains.
L’Inquisition a très tôt un double visage, et un double rôle : celui d’un confessionnal obligatoire doublé d’un rôle pénitentiel. Ce tribunal religieux, ne dépendant que du pape seul fut d’abord itinérant.
La délation est érigée en système. Les confessions–dépositions enregistrées par des notaires servent aux enquêtes le prévenu ne sait pas ce que sait l’Inquisiteur et se trouve vite piégé obligé à son tour de devenir délateur pour faire montre d’une bonne foi…
Très vite l’Inquisition s’attaque également avec zèle aux morts des cimetières.
L’exhumation de cadavres traînés puis brûlés en place publique fait régner la terreur et provoque des révoltes populaires.
En 1235 à Narbonne, les registres sont détruits.
A Toulouse les inquisiteurs sont chassés de la ville et la révolte gronde à Albi où un dominicain est molesté au moment où il s’apprête à prendre lui-même la pioche pour exhumer un cadavre du cimetière.
Dans ce contexte, à l’automne 1240, Raimond Trencavel à la tête d’une armée de chevaliers « faydits » passe les Pyrénées et tente en vain avec la complicité des habitants du bourg qui entoure la cité de reprendre Carcassonne au sénéchal royal.
Deux ans plus tard c’est au tour de Raimond VII d’entrer en guerre contre le roi de France.
A la fin mai 1242 L’attentat d’Avignonet perpétré par les chevaliers résistants de Montségur est le signal de ce soulèvement. L’assassinat des deux inquisiteurs et des neuf membres de leur suite ainsi que la destruction de leurs registres laisse espérer un temps que « Le pays serait libéré des français et de l’Inquisition ».
Ce ne fut malheureusement pas le cas. Montségur allait directement payer l’échec de cette révolte, ainsi après 10 mois de siège, le mercredi 16 mars 1244 deux cent vingt bons hommes et bonnes femmes cathares sont brûlés en masse dans un gigantesque bûcher. Les survivants comparaîtront devant l’Inquisition.
Entre temps les habitants du Bourg de Carcassonne chassés après la révolte de 1240 sont autorisés en 1247 à se réinstaller entre l’Aude et la cité avant de devoir construire un nouveau Bourg de l’autre côté de l’Aude. (1262) Louis IX fait entreprendre de grands travaux qui modifient complètement la cité de Carcassonne : la construction d’une seconde enceinte.
En 1250 le pape Innocent IV confie la charge inquisitoriale à l’archevêque de Narbonne c’est ainsi qu’à Carcassonne l’Inquisition passe sous l’autorité de l’évêque. Mais rapidement le sénéchal de Carcassonne Pierre d’Auteuil entre en conflit avec l’évêque inquisiteur auquel il reproche de promulguer des sentences trop légères en conservant aux hérétiques leurs biens au préjudice du Roi.
L’Inquisition reste diocésaine six ans avant d’être rendue aux dominicains jugés plus rigoureux et incorruptibles. Les frères prêcheurs bénéficient d’une plus grande liberté en 1256 le pape leur autorise de se relever mutuellement des éventuelles irrégularités qu’ils auraient pu commettre. Cela veut dire que si un inquisiteur assistait par exemple à une scène de torture son péché pouvait être pardonné par son compagnon.
En 1258 Louis IX demande au sénéchal de Carcassonne d’accélérer la construction de prisons ainsi que d’assurer la protection des Inquisiteurs.
C’est dans ce contexte que fut sans doute érigée l’actuelle tour dite de la Justice et qui était alors celle dans laquelle l’Inquisition protégeait et conservait ses archives.
En 1793 il y avait encore 55 sacs de cuirs suspendus à des crochets de fers contenant les dites archives inquisitoriales depuis lors perdues. La maison dite de l’Inquisition existe toujours, à l’étage les Inquisiteurs et leurs notaires pouvaient accéder à la galerie dite aujourd’hui de l’Inquisition qui mène en passant au dessus de la porte aujourd’hui dite d’Aude dans la tour des archives.
Nous savons par une lettre des consuls adressée à Jean Galand datant de 1285 qu’une prison a été construite, entre l’Aude et la Cité de Carcassonne :
« (…) Vous avez fait une prison, qu’on appelle le Mur, et qu’il vaudrait mieux appeler l’enfer. Vous y avez construit de petites pièces pour torturer et maltraiter les gens de diverses sortes de tortures. »
La révolte va en s’amplifiant, le dominicain Bernard Gui la qualifiant de Rage Carcassonnaise.
C’est ainsi que plusieurs témoins assistent, alors qu’ils gardaient la porte d’Aude que l’on appelle aussi du Mur, à la libération des prisonniers du Mur et à leur incarcération dans les prisons royales.
L’affaire se termine mal, en 1305 Bernard Gui rappelle la pendaison des consuls de Carcassonne tandis que la figure emblématique de la résistance Carcassonnaise, le franciscain Bernard Délicieux est enfermé après son procès, en 1319, et après avoir été mis à la torture, dans la prison du Mur, dont il avait en son temps éclairé les cachots de son propre courage.
La prison de l’Inquisition a du être détruite au XVe siècle et le dernier Inquisiteur de Carcassonne est mort en octobre 1703, son poste n’a pas été renouvelé.
L’emplacement de la prison a été ensuite vendu à des particuliers, les maisons faisant six cannes et demi cannes et demi de largeur. Le promeneur qui suit à Carcassonne la rue Longue ne sait pas qu’il longe la prison de l’Inquisition et ce sur soixante dix sept mètres environs.
C’est dans l’acte de vente du 28 janvier 1625 que le mot « ancienne Meure » apparaît.
Cette appellation Meure a ensuite était reprise par de nombreux auteurs à la place de « Mur ».
Il ne reste de cette prison que quelques appareillages, puits et caves que j’ai pu explorer.
La porte de la prison était tournée vers la cité, ainsi les gardiens de la ville pouvaient voir ce qu’il se passait par exemple quand l’envoyé de Philippe le Bel a fait ouvrir la porte monumentale pour en extraire les prisonniers.
Cela se situait en contre bas des tours de l’évêché.
La porte était surmontée d’un logis éclairé par au moins une petite fenêtre fermée par une grille de fer.
Viollet-le-Duc avait grossièrement repéré l’emplacement de la prison de l’Inquisition et donné sa largeur de 30 mètres environ.
Les visites guidées sur les remparts de la cité permettent au niveau de l’ancien évêché de surplomber tous ces jardins tranquilles qui masquent les traces d’un des épisodes les plus obscurs de notre Histoire.
Jean-Louis Gasc
Inquisition fut créée en 1233, par le pape Grégoire IX après la « croisade contre les Albigeois »,
« l’Inquisition contre la dépravation hérétique » est confiée aux ordres mendiants, les frères prêcheurs : les dominicains
En 1306, 40 personnes étaient détenues dans la prison de Carcassonne,
dont 3 femmes et quelques vieillards.
13 étaient originaires de localités du Carcacesse.
A partir du XIII° siècle, dans le cadre de la persécution des Cathares sont enfermés ou brûlés sur des bûchers sur les rives de l'Aude leurs cendres y été ensuite dispersées.
Lorsqu'ils étaient emprisonnés, tous les biens des Cathares étaient confisqués au profit de l'Église,
et ils étaient alors placés au «Mur strict», des cachots exigus où ils étaient souvent enchaînés,
ou au «Mur large», avec plus de liberté de mouvements, selon le degré d'hérésie déclaré.
L’Inquisition a très tôt un double visage, et un double rôle :
celui d’un confessionnal obligatoire doublé d’un rôle pénitentiel.
Les confessions–dépositions enregistrées par des notaires servent aux enquêtes.
Le prévenu ne sait pas ce que sait l’Inquisiteur et se trouve vite piégé obligé à son tour de devenir délateur pour faire montre d’une bonne foi…
A partir de 1235 les dominicains incarcèrent les hérétiques au sein de leur couvent.
Celui-ci sera détruit par les crues de l'Aude vers1250, et reconstruit puis agrandi sur le même emplacement
En 1258 Louis IX demande au sénéchal de Carcassonne d’accélérer la construction de prisons ainsi que d’assurer la protection des Inquisiteurs.
C’est dans ce contexte que fut sans doute érigée l’actuelle tour dite de la Justice et qui était alors celle dans laquelle l’Inquisition protégeait et conservait ses archives
Nous savons par une lettre des consuls adressée à Jean Galand datant de 1285 qu’une prison a été construite, entre l’Aude et la Cité de Carcassonne :
« (…) Vous avez fait une prison, qu’on appelle le Mur, et qu’il vaudrait mieux appeler l’enfer.
Vous y avez construit de petites pièces pour torturer et maltraiter les gens de diverses sortes de tortures. »
La prison de l’Inquisition a du être détruite au XVe siècle
L’emplacement de la prison a été ensuite vendu à des particuliers, les maisons faisant six cannes et demi cannes et demi de largeur.
Le promeneur qui suit à Carcassonne la rue Longue ne sait pas qu’il longe la prison de l’Inquisition et ce sur soixante dix-sept mètres environs.
Elle est en partie enterrée à 1,33 m de profondeur, dans le quartier de la Barbacane, sous une quinzaine de propriétés privées.
Le 14 mars 1250, Raymond de Villandriz de Cavanac se présente à Guillaume Arnaud, évêque de Carcassonne, sans avoir été cité.
Il fait une longue confession qu’il poursuit d’ailleurs le lendemain.
En dépit de réticences et de demi-aveux, il finit par en dire beaucoup.
Ses déclarations sont très compromettantes pour lui qui a déjà abjuré l’hérésie à Caunes,
car il a fait depuis quelques gestes caractéristiques :
il a adoré les hérétiques et les a aidés à quitter le village en leur servant de guide.
Il ressort de ses récits que des parfaits cathares sont venus à Cavanac à de nombreuses reprises et parfois en nombre, durant les années précédentes.
Raymond de Villandriz qui les a fréquentés donne les noms des personnes chez qui ils ont été hébergés.
C’est ainsi qu’il met en cause Sicre de Cavanac, sa mère Alazaïs, sa sœur Bellissen, un cousin Guillaume de Prixenel, bref, toute une famille.
Il dénonce également des gens du village voisin de Couffoulens.
Ses révélations sont suffisamment précises pour justifier une enquête.
Le livre des aveux enregistre, en date du 17 mars, une déposition de Saisie de Cavanac,
une sœur d’Alazaïs, dont le nom n’a pas été prononcé par Raymond de Villandriz.
À vrai dire, elle est déjà connue de l’inquisition, car une rubrique, à cet endroit du texte, renvoie à un autre livre contenant une première confession.
L’histoire de Saisie est complexe.
Elle s’est présentée d’elle-même devant l’official de l’évêché de Carcassonne, à Couffoulens et, après avoir juré de dire la vérité, elle l’a entièrement dissimulée.
Peu après, elle a été conduite à Carcassonne et incarcérée quelque temps.
Elle est alors passée aux aveux.
Elle a reconnu qu’elle avait adoré des parfaits dans la maison d’Alazaïs, sa sœur, mais affirme ne pas croire au salut cathare.
Comme bien autres, elle avait déjà abjuré l’hérésie.
À cette occasion, elle s’est parjurée, car elle a menti sciemment.
Elle est condamnée à porter les croix, comme l’indique la notice.
Sa pénitence est comparable à celle des autres coupables qui en ont fait autant.
Dans cette affaire, semblable à beaucoup d’autres, tout l’intérêt tient à la chronologie.
Ce qui est écrit dans le registre, en date du 17 mars, c’est la confession que Saisie fait ce jour là devant l’évêque.
Ses déclarations devant l’official, à Couffoulens, sont antérieures. Saisie a été arrêtée peu après et gardée quelque temps en prison.
Ces faits sont rappelés sans autre précision, en préalable à sa déposition. Les indications chronologiques sont bien vagues et posent un problème évident.
Est-ce que l’enquête sur l’hérésie à Cavanac a commencé avant que Raymond de Villandriz ne vienne se confesser, le 14 mars ?
Dans l’affirmative, sa démarche spontanée prendrait le sens d’une dénonciation en bonne et due forme, pour obtenir la clémence des juges.
On ne sait rien de lui par la suite.
La confession de Sicre de Cavanac, neveu de Saisie, commence le 15 mars.
Questionné sur les faits d’hérésie, on ne sait en quel lieu, ni par qui, il déclare ne rien savoir. C’est la simple mention, pour mémoire, d’une séance inutile.
Dans le registre des aveux, immédiatement après ce rappel, son interrogatoire se poursuit le 17 mars. Les premières lignes du texte sont strictement identiques au début de la déposition de Saisie. Interrogé à Couffoulens par l’official, il a menti.
Peu après, emprisonné à Carcassonne, il fait une longue confession devant l’évêque.
Comme dans le cas précédent, il faut tenter de restituer la chronologie.
Lors de son passage à Couffoulens, l’official de Carcassonne a entendu le même jour Saisie et Sicre. Les aveux de ce dernier, à Carcassonne, datent sans aucun doute du 17. L’interrogatoire infructueux du 15 a pu avoir lieu à Carcassonne devant l’évêque ou à Couffoulens devant l’official.
Cette deuxième hypothèse qui ne laisse pas deux jours pour l’arrestation, le transfert, l’incarcération et les aveux paraît la moins probable.
Une date antérieure au 15 expliquerait mieux la suite des faits qui est bien étrange.
Sicre apparaît dans le rôle du greffier dans deux actes notariés du 17 mars, le jour même de ses aveux. Le premier traite exclusivement de son cas.
Diverses personnes, au nombre de quatre, se portent caution pour lui, selon les modalités habituelles. Il doit se présenter devant l’évêque aux jours requis et faire les pénitences imposées. L’amende éventuelle est fixée à 30 livres de Melgueil.
On ne relève rien d’anormal dans la rédaction.
Or, pour les gens de Cornèze, il y avait un délai de quelques jours entre l’interrogatoire et la mise en liberté provisoire sous caution.
On voit mal comment une telle décision pour Sicre de Cavanac serait la suite de la longue confession faite ce même jour, puisque ceux qui se portent garants doivent venir à Carcassonne, se présenter devant l’évêque et jurer. Il faut rédiger l’acte.
Il paraît vraisemblable que cette procédure d’élargissement a été engagée avant ses aveux. C’est d’autant plus vraisemblable qu’ils paraissent aussi graves au moins que ceux de Na Faïs qui a été maintenue en prison.
Dans le second acte, qui suit immédiatement le précédent dans le rôle du greffier,
Sicre et Bellissen, sa sœur, jurent eux-mêmes et présentent leurs cautions qui sont quatre autres personnes. Les obligations ne sont pas précisées, mais elles sont évidemment les mêmes et la pénalité envisagée est identique.
On en déduit d’abord que Bellissen est libre puisqu’elle s’engage elle-même à comparaître et fournit pour cette raison des garants. On ne sait rien d’elle par la suite.
Sicre jure également, ce qui n’a rien d’impossible puisqu’il est à Carcassonne.
Ces deux actes notariés successifs illustrent les deux aspects de cette procédure.
Lorsque Sicre et sa sœur Bellissen font des serments et présentent eux-mêmes des cautions,
il s’agit de personnes qu’ils ont choisies.
Ce sont des garants amicaux, comme dans le cas de Pierre Etienne de Cornèze.
Dans l’autre cas, les fidéjusseurs ont été vraisemblablement désignés par l’évêque.
Il y a parmi eux, deux habitants de Cavanac et le beau-frère de Sicre.
Lorsque Sicre de Cavanac jure, on est en droit de penser qu’il est libre ou qu’il va l’être sur-le-champ. L’acte notarié va dans ce sens.
Or, le même jour, le même personnage fait une très longue confession devant l’évêque.
Ce qu’il dit devrait inciter le tribunal à le garder en prison.
Cette incohérence surprend.
On peut se demander si la procédure de liberté sous caution n’a pas été engagée avant cette très longue déposition.
Ces actes notariés traduisent la pratique habituelle de l’évêque qui libère dans les quelques jours qui suivent ceux qui n’ont rien dit.
La liberté de Sicre s’expliquerait alors par l’interrogatoire infructueux du 15 mars.
En tête de sa déposition, la rubrique explique qu’il est en prison.
On ne sait à quel moment il a été condamné à la réclusion, au terme du procès de 1250 vraisemblablement.
Dans une seconde confession, en 1259, alors qu’il a été de nouveau arrêté, il reconnaît qu’il a été élargi du mur, sa peine ayant été remplacée par le port des croix.
Il n’y a rien dans son dossier entre 1250 et 1259. Ses derniers aveux sont graves.
On sait qu’il a été brûlé, car la mention combustus se lit entre les lignes.
La mère de Sicre, Alazaïs, apparaît dans le rôle du greffier le 13 septembre 1250.
On apprend à cette occasion qu’elle a été condamnée à la prison perpétuelle,
pour crime d’hérésie, ce qui donne du crédit à une peine identique et à la même époque pour Sicre. En ce qui concerne Alazaïs, on ne sait pas à quelle date elle a été interrogée, puisqu’elle n’apparaît pas dans le livre des aveux.
À la demande de l’abbé de Saint-Hilaire, elle reçoit de Guillaume Arnaud la permission de quitter la prison jusqu’à la Toussaint.
Après quoi elle y retournera pour y accomplir sa pénitence.
L’évêque de Carcassonne interroge, dans les quelques jours qui vont du 12 au 17 mars 1250, diverses personnes habitant Montlaur, Rieux-en-Val, Rustiques, Villetritouls, Preixan et Taurize.
Presque tous ces gens affirment ne rien savoir et ne pas avoir fréquenté les hérétiques depuis leur abjuration.
C’est ce que fait, comme les autres, Guillaume Curt de Rieux-en-Val, le 14 mars.
Or, il est question de lui, dans le rôle du greffier, le 20 juin 1250.
À cette date, deux habitants de son village sont ses cautions.
Il doit, bien sûr, se présenter aux convocations de l’évêque.
Bref, on peut en déduire qu’après un interrogatoire, dans les jours précédents,
il a été remis en liberté.
Rien n’est plus habituel. Il est bien évident qu’il n’a pas été détenu de mars à juin.
Jouissant d’un non-lieu en mars, il a été de nouveau convoqué par Guillaume Arnaud en juin.
Son cas est identique à celui de Pierre Etienne de Cornèze.
Cette indication est suffisante pour suggérer que, faute d’actes portant caution, les autres prévenus entendus au mois de mars en même temps que lui ont été relâchés immédiatement.
Le cas d’un suspect de Villefloure peut conforter cette opinion. B. Carcassès fait,
le 16 mars, une confession très compromettante. Il en fait une autre le 6 mai 1252.
Il est cité et comparaît encore le 7 mai 1253.
À cette dernière occasion il avoue qu’il a aidé les hérétiques à quitter Villefloure et qu’il les a adorés, pour la saint Jean, le 24 juin, il y a bientôt 3 ans.
C’était donc 3 mois après sa première confession.
Il était libre à cette date.
Il n’est pas resté très longtemps en prison après sa première confession.
En mai 1253, il explique qu’il a sciemment menti lors des précédentes abjurations,
à Caunes, puis à Carcassonne.
Cette dernière renvoie vraisemblablement à la confession de 1252,
puisqu’il est libre avant son arrestation de mai 1253.
La rubrique qui précède sa confession indique qu’il est en prison.
L’incarcération définitive suit ses derniers aveux et sa condamnation.
La remise en liberté paraît la pratique la plus commune.
La prison définitive n’est prononcée que dans les cas graves et après récidive.