Comment résoudre un intégramme

Qu’est-ce qu’une énigme logique ?

Une énigme logique est un jeu d’esprit qui utilise le raisonnement déductif pour découvrir, à partir d’un minimum d’indices, les corrélations qui existent entre plusieurs items de différentes catégories de choses. Le joueur est invité à dégager les situations possibles des situations impossibles à partir d’indices qui sont composés d’affirmations ou de négations qui se rapportent aux corrélations entre les items des différentes catégories.

Par exemple, supposons trois personnes (catégorie 1) dénommées A, B et C et que chacun d’eux aime exclusivement une seule de ces trois couleurs (catégorie 2) : bleu, jaune ou rouge. L’énigme consiste à découvrir quelle couleur chacun de A, B, ou C aime en utilisant seulement deux indices :

1— « A » n’aime pas le bleu ;

2— « C » aime le jaune.

La logique, le gros bon sens, nous dit que si chacun de « A », « B » ou « C » n’aime exclusivement qu’une seule couleur entre le bleu, le jaune et le rouge et que « A » n’aime pas le bleu (indice 1), alors il aime le jaune ou le rouge. Or c’est « C » qui aime le jaune (indice 2), donc, par élimination, on en déduit que « A » aime le rouge. Par élimination encore, comme « A » aime le rouge et « C » aime le jaune, alors « B » doit nécessairement aimer le bleu puisque c’est la seule couleur qui reste.

Réponse : « A » aime le rouge, « B » aime le bleu et « C » aime le jaune.

L'intégramme

On pourrait résoudre cette énigme en utilisant une grille d’analyse (intégramme) pour faciliter sa résolution. Cette forme permet de visualiser toutes les possibilités de corrélations de la catégorie 1 (noms) par rapport à la catégorie 2 (couleurs) et devient ainsi un formidable outil visuel pour illustrer comment s’articule la cohérence des indices. (figure 1)

Pour résoudre une énigme à l'aide d'une grille, on note la conséquence des indices en inscrivant la non-existence d’une corrélation par un « X » et l’existence d’une corrélation par un point. L'énigme est résolue quand toutes les corrélations sont établies.

Par exemple, on note la conséquence de l’indice 1 (« A » n’aime pas le bleu) en inscrivant un « X » à la case qui correspond à la corrélation « A » et « bleu ». Et la conséquence de l’indice 2 (« C » aime le jaune) en inscrivant un point à la case qui correspond à la corrélation de « C » et « jaune » en prenant soin d’éliminer les autres possibilités de corrélation (principe de l’exclusivité). (figure 2)

Comme vous pouvez le constater, on voit tout de suite les conséquences de chacun des indices et ceci facilite la résolution de l’énigme. Les choses se compliquent à mesure qu’on utilise plus de catégories et plus d’items dans ces catégories, mais le principe est toujours le même (figure 3).

Structure d'un intégramme

La grille est construite de façon à mettre tous les items de chacune des catégories en corrélation. De cette manière, il est possible de noter toutes affirmations ou négations faites à propos des corrélations entre les items de l’énigme. Voici comment se combinent les rapports entre catégories en utilisant comme exemple une grille standard de quatre catégories contenant quatre items (figure 4) :

En combinant les couleurs de chacune des catégories, on voit bien que toutes les catégories sont en corrélation entre elles au moins une fois. L’énigme est donc résolue lorsque toutes les corrélations entre les items sont établies dans l’une de ces quatre configurations d’aires de corrélation (figure 5).

Il n’y a aucune limite à la quantité de catégories et d’items qu’on peut mettre dans une grille d’analyse. Par contre, une grille avec quatre catégories de cinq items contient déjà cent-cinquante cases à remplir et si on y ajoute une cinquième catégorie, on obtient un faramineux deux-cent-cinquante cases à remplir. C’est pour cette raison que plusieurs magazines et sites internet qui publient des énigmes de type intégramme imposent certains standards. Ils utilisent un minimum de trois et un maximum de cinq catégories avec quatre ou cinq items par catégories (entre 48 et 250 cases). Mais, peu importe leurs dimensions, les grilles conservent leur avantage de faciliter la résolution d’une énigme en nous permettant de visualiser toutes les corrélations possibles entre tous ses éléments.

Comment résoudre un intégramme : trucs et astuces

Voici, dans l’ordre, trois notions importantes à considérer lorsqu’on aborde la résolution d’un intégramme :

1— Saisie d’information : il faut bien comprendre toutes les implications qui découlent de chacun des indices. Il faut lire et relire les indices pour s’assurer qu’on a vraiment compris leurs implications, car, souvent, des faits s’y cachent qui ne sont pas évidents à la première lecture. À cette étape-ci, certains indices méritent même d’être réécrits de façon plus concise et claire. Particulièrement les indices qui font référence à une échelle graduée, car elles sont plus difficiles à saisir. En les réécrivant de façon plus concise, vous n’aurez plus besoin de les relire sans cesse :

Ex. : Paul est après Marc, mais avant Suzanne = M — P — S

2— Rigueur : une fois que l’on a saisi toutes les implications que sous-tend les indices, il faut noter ces résultats sur la grille, mais de façon rigoureuse et exhaustive. Si l’on oublie ou si l’on a mal interprété une implication, elle sera plus difficile à repérer une fois que la grille sera lourdement remplie.

3— Observation : quand une bonne partie de la grille est remplie, l’observation de l’agencement des affirmations et les négations sur la grille est cruciale. C’est là que réside souvent la clé de l’énigme. Cette étape met en cause trois des cinq principes abordés dans l’aspect théorique d’un intégramme : la transitivité, l’égalité corrélationnelle et les corrélations contradictoires.

Comment résoudre un intégramme : la méthode

Maintenant, afin de vous familiariser avec le processus de résolution d’un intégramme, nous allons en résoudre un ensemble. Nous allons prendre notre exemple de départ (les lettres A, B et C et les couleurs) et nous allons y ajouter des éléments afin qu’elle corresponde au type d’énigme que vous trouverez sur le site.

Les énigmes de ce site ont trois niveaux de difficulté : apprenti détective (facile), détective (moyen) et détective-conseil (difficile). L’exemple que je vous propose de résoudre est de niveau détective.

Je vous suggère d’imprimer la grille mise en pièce jointe au bas de cette page et de la remplir en suivant étape par étape les indications que je vous transmettrai.

D’abord, dans la catégorie des noms, nous allons préciser le nom de chacune des personnes et nous allons ajouter deux noms. Nous avons donc Andréa, Benoît, Claudine et ajoutons Denis et Élyse ; trois femmes et deux hommes. Dans la catégorie des couleurs, nous avions bleu, jaune et rouge ; nous allons ajouter le vert et l’orange. De plus, nous allons ajouter deux catégories : des numéros de voitures de course et des positions au classement final. (voir la grille du document PDF en bas de page)

Supposons que nos cinq amis aient décidé d’assister à une course automobile et que leur choix de voiture est basé sur la couleur qu’ils préfèrent. À l’aide de cinq indices, vous devez déterminer le numéro et la position au classement final de chacune des voitures de la couleur de leur choix.

Pour ajouter un peu de piquant, disons que, à part Claudine, le choix de couleur pourra ou ne pourra pas être le même que dans l’exemple donné auparavant.

Voici les indices :

1— Andréa n'aime pas le bleu. La voiture qu'elle a choisie n'affichait pas le numéro 15 et sa voiture a traversé la ligne d'arrivée après la voiture rouge, mais avant la voiture numéro 36.

2— Claudine aime le jaune. La voiture qu'elle a choisie n’affichait pas le numéro 7, ni 43.

3— La voiture qui est arrivée troisième a un numéro plus grand que la voiture verte, mais plus petit que le numéro de la voiture qui a terminé première.

4— La voiture numéro 23 n'a pas terminé troisième, ni quatrième. La voiture numéro 7 n'est pas verte, ni orange et la voiture orange n'a pas le numéro 36, ni 43.

5— La voiture qui a terminé cinquième a été choisie par une femme qui n'aime pas la couleur orange. Cette voiture et celle de Denis n'affichent pas le numéro 7.

L’indice 1 nous révèle que Andréa n’aime pas le bleu ; donc on met un « X » à la case A/1. On apprend aussi que la voiture qu'elle a choisie n'affichait pas le numéro 15 ; donc, « X » à G/1. La phrase se termine en mentionnant que sa voiture (la voiture que Andréa a choisie) a traversé la ligne d'arrivée après la voiture rouge, mais avant la voiture numéro 36. Comme on parle de trois voitures différentes, alors la voiture d’Andréa n’est pas rouge et n’affiche pas le numéro 36 et la voiture rouge n’affiche pas le numéro 36 ; donc, « X » à C et I/1 et C/14. Par ailleurs, parce que la voiture qu'Andréa a choisie est arrivée après une voiture et avant une autre, alors la voiture qu'Andréa a choisie n’est pas arrivée première, ni cinquième ; donc, « X » à K et O/1. Conséquemment, puisque la voiture rouge est arrivée avant celle d’Andréa, mais que celle d’Andréa est arrivée avant la voiture numéro 36, on peut dire qu’il y a au moins deux voitures qui sont arrivées après la voiture rouge et qu'elle n’a donc pas pu arrivée quatrième ou cinquième. Inversement, la voiture numéro 36 n’a pas pu arriver première, ni deuxième ; donc, « X » à C/9, 10 et I/6, 7.

La démonstration précédente est l’application des deux premiers points importants mentionnée plus haut ; la saisie d’information et la rigueur. En effet, il est très important de bien comprendre l’indice afin de bien noter toutes les implications que celui-ci sous-tend.

L’indice 2 met en pratique le premier principe abordé dans l’aspect théorique d'un intégramme ; l’exclusivité. En effet, parce que chacun des items n’est corrélé que de manière exclusive avec les autres items des autres catégories, lorsqu’il y a corrélation, il faut éliminer les autres possibilités de corrélation. Donc, comme Claudine aime le jaune, elle ne peut pas aimer les autres couleurs restantes et parce que c’est Claudine qui aime le jaune, ce ne sont pas les autres qui peuvent aimer le jaune. Donc, on met un « • » à la case B/3 en prenant soin d’éliminer les autres corrélations possibles. On apprend aussi que la voiture qu’elle a choisie n’affichait pas le numéro 7, ni 43. Or, on vient d’apprendre que la voiture qu’elle a choisie est jaune ; donc, l’item jaune n’affiche pas, non plus, les numéros 7 et 43. Ici, c’est le principe de transitivité qui s’applique. C’est-à-dire que ce qui est attribué à un item est aussi attribué à l’autre item corrélé. Donc « X » à F et J/3 et B/11 et 15.

L’indice 3 est similaire à l’indice 2, en ce sens qu’il décrit un rapport entre trois items d’une échelle graduée ; ici, des numéros de voiture. Donc, comme la voiture qui est arrivée troisième à un numéro plus grand que celui d’une certaine voiture et plus petit qu’une autre, alors la voiture qui est arrivée troisième ne peut pas avoir le numéro 7, ni le numéro 43. Donc, « X » à F et J/8. De plus, il y a deux voitures qui ont un numéro plus grand que la voiture verte. Donc, la voiture verte ne peut pas avoir les numéros 36, ni 43 ; alors, « X » à D/14 et 15. Finalement, il y a deux voitures qui ont un numéro plus petit que la voiture qui est arrivée première. Donc elle ne peut pas avoir le numéro 7, ni 15 ; alors « X » à F et G/6.

L’indice 4 nous informe que la voiture numéro 23 n'a pas terminé troisième, ni quatrième ; donc « X » à H/8 et 9. On apprend aussi que la voiture numéro 7 n'est pas verte, ni orange ; donc, « X » à D et E/11. Finalement, l’indice 4 nous révèle que la voiture orange n'a pas le numéro 36, ni 43 ; donc, « X » à E/14 et 15.

Maintenant que nous avons de nouvelles informations, n’y a-t-il pas lieu d’en apprendre plus en comparant nos nouvelles informations avec les indices ? Allons voir.

Commençons notre analyse avec une démonstration de la technique de preuve logique appelée modus tollens ou preuve par contradiction. L’indice 3 nous dit que la voiture qui est arrivée troisième à un numéro plus grand que la voiture verte, mais plus petit que le numéro de la voiture qui a terminé première. Et, grâce à l’indice 4, nous savons maintenant que la voiture qui est arrivée troisième à le numéro 15 ou le numéro 36. Donc, si l’on émet l’hypothèse que la voiture qui est arrivée troisième a le numéro 15, alors la voiture verte aurait le numéro 7 (P → Q). Or, l’on vient d’apprendre, à l’indice 4, que la voiture verte ne peut pas avoir le numéro 7 (¬Q) ; il y aurait alors contradiction (preuve par contradiction). Donc, la voiture qui est arrivée troisième ne peut pas avoir le numéro 15 (¬P) ; alors, « X » à G/8.

Parce que la voiture qui est arrivée troisième ne peut pas avoir les numéros 7, 15, 23 et 43, alors, par le principe d’élimination, elle doit nécessairement avoir le numéro 36 ; donc, un « • » à I/8.

Maintenant, comme nous venons d’apprendre que la voiture qui est arrivée troisième a le numéro 36 et que cette voiture à un numéro plus petit que la voiture qui est arrivée première (indice 3) alors la voiture qui est arrivée première doit avoir le numéro 43 ; donc, un « • » à J/6.

Il est temps de faire appel à votre sens de l’observation. J’attire votre attention au bas de la grille, à l’aire de corrélation entre les numéros de voiture et les couleurs. Que remarquez-vous ?

Eh bien, on voit que les voitures numéro 15 et 23 ne peuvent être que vertes ou rouge. Ceci implique qu’elles ne peuvent être ni bleu, ni jaune, ni rouge ; donc, « X » à A, B et C/12 et 13. Ceci illustre le principe d’exclusion par égalité corrélationnelle.

Par élimination, la voiture jaune a le numéro 36 ; donc, « • » à B/14 et, par le principe de transitivité, « • » à M/3 et B/8.

J’attire maintenant votre attention sur Andréa dont la voiture ne peut être ni bleu, ni rouge. Si on retourne à l’aire de corrélation précédente (no de voiture/couleurs), on voit que les voitures numéro 7 et 43, quant à elles, ne peuvent être que bleu ou rouge.

Ceci contredit les données de Andréa et on peut donc exclure ces numéros de voitures du choix de Andréa. C’est le principe d’exclusion par corrélations contradictoires qui est en cause ici ; donc « X » à F et J/1

Voilà ! À partir d’ici, je vous invite à terminer la grille par vous même en appliquant les principes présenter dans cet exemple. Vous ne trouverez plus les situations d’exclusivité par égalité corrélationnelle ou d’exclusion par corrélations contradictoires. Il ne reste donc qu’à continuer de noter les conséquences des dernières découvertes que nous avons faites et de noter les implications du cinquième indice. Pour la solution, cliquez ici.

Avec cet exemple de résolution et les principes énoncés dans la partie théorique que vous trouverez sur ce site, vous serez en mesure de résoudre des intégramme de tous les niveaux de difficulté.

© Pierre Mailloux 2011 — Tous droits réservés.