Événements extrêmes et changement climatique : quelles conséquences pour les territoires ?

Date de publication : 14 mai 2019 11:24:27

Le 14 mai l'Institut des Risques Majeurs nous accueillait au sein des bâtiments de Grenoble Alpes Métropole pour une nouvelle Matinale. Après une ouverture par Yannik Olivier et Philippe Troutot, la parole est donnée à Samuel Morin en sa qualité de chercheur (Pole Alpin des Risques Naturels, Météo-France, Centre d’Étude de la Neige) pour tenter de répondre à la question suivante : dans le climat futur, les évènements météorologiques extrêmes seront ils plus fréquents, plus intenses, de nature différente, décalés dans les saisons, localisés différemment ?

    • Il faut d'abord revenir sur la terminologie et le contexte en précisant que le climat s'étudie sur le temps long (30 ans minimum).
    • Quand le climat change, cela induit des modifications sur la valeur moyenne à grande échelle (e.g +1,5°C, +2°C) mais aussi des modifications à échelle locale et pour les valeurs extrêmes (il y avait déjà des canicules dans les années 50 mais aujourd'hui elles sont plus fortes).
    • Pour étudier ces phénomènes une liste d'indicateurs d'"extrêmes météorologiques" existe au niveau international afin d'avoir des données et des études comparables (e.g. pour les précipitation : maximum annuel de la quantité de précipitation quotidienne).
    • Cependant il faut reprendre les cadres conceptuels pour intégrer le changement climatique. Par exemple le cadre classique pour les risques est le triptyque aléa, vulnérabilité et exposition. Mais avec le changement climatique l'aléa n'est plus uniquement l’occurrence d'un évènement, c'est aussi le changement de probabilité de cet aléa.
    • Le dernier rapport du GIEC confirme qu'il y a un réchauffement de 1°C (+-0,2°C) du à 100% (+-20%) aux activités humaines. Est ce qu'on observe déjà des changements sur les extrêmes ? En Suisse par exemple en 100 ans on a observé que la quantité de pluie sur le jour le plus pluvieux de l'année a augmenté de 20%.
    • Le défi est de réussir à identifier si un changement est observé et si c'est le cas, identifier si ce changement est lié au changement climatique. De ce point de vue les modèles sont clairs : si on ne prends pas en compte les émissions de gaz à effets de serre les simulations du climat ne suivent pas la réalité. L'évolution du climat sera donc intimement lié à l'évolution des émissions de gaz à effet de serre et il est impossible de faire des projections du climat sans prévoir ces évolutions.
    • A l'échelle locale cependant c'est un travail plus difficile. Au col de porte la quantité de précipitation en hiver n'a pas varié de manière significative mais la quantité de neige oui. Si on respecte l'accord de Paris l'état de l'enneigement se stabilisera et sinon à partir de 2050 il y aura très peu d'hivers avec de la neige au col de porte.
    • A l'échelle de l'ensemble des Alpes on projette plutôt un accroissement des précipitations hivernales et une baisse des précipitations estivales accompagnée d'une intensification des évènements extrêmes.
    • En France on observe une tendance à l'augmentation de la fréquence d'avalanche de neige humide y compris au cœur de l'hiver. A l'inverse, en moyenne il y a de moins en moins d'avalanches de neige sèche. Il y a par ailleurs des tendances contradictoires avec des effets croisés qui rendent les projections difficiles.
    • Les modèles de prévision du climat sont bons pour prévoir les changements moyens mais il est plus difficile de prévoir les extrêmes. Néanmoins, globalement tous les modèles physiques actuels sont d'accords et prévoient une augmentation moyenne de 7% des évènements extrêmes par degré de réchauffement (avec de grandes variations régionales).

Conclusions

    • Les observations et modèles de climat indiquent des changements à longs termes de la distribution des valeurs rares et extrêmes en hydrométéorologie de montagne
    • Les fluctuations climatiques à échelle décennale masquent les tendances de fond pour les précipitations. Le signal de température est plus clair, sans ambiguïté avec des implications pour les précipitations neigeuses et l'état de la neige au sol.
    • Les outils méthodologiques se mettent en place progressivement et peuvent commencer à être appliqué à des enjeux locaux.
    • En montagne les enjeux sont multi-variés. Ce n'est pas tant l’extrême météo qui joue mais la combinaison des facteurs. Cette diversité d'enjeux multiples ne doit pas se traiter en silo. Il y a un besoin d'approches intégrées et multidisciplinaires pour mesurer et comprendre ces phénomènes mais aussi pour gérer les risques induits.