2) Entraînement 1940-43

Le Plan d'entraînement aérien du Commonwealth britannique (British Commonwealth Air Training Plan) était un vaste programme d'entraînement militaire conjoint auquel participaient le Royaume-Uni, le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande pendant la Seconde Guerre mondiale. Il demeure l'un des plus grands programmes de formation aéronautique de l'histoire et était responsable de la formation de près de la moitié des pilotes, navigateurs, bombardiers, mitrailleurs, opérateurs sans fil et mécaniciens de bord qui servaient dans la Royal Air Force (RAF), Royal Australian Air Force (RAAF), l'Aviation royale du Canada / Royal Canadian Air Force (ARC / RCAF) et la Royal New Zealand Air Force (RNZAF) pendant la guerre. Le Canada a été choisi comme emplacement principal pour le plan en raison des conditions météorologiques idéales et des grands espaces pour l'entraînement au vol à grande échelle, l'approvisionnement en carburant, les grands espaces propices à la formation au vol et à la navigation, les approvisionnements, l'absence de menace de la part de la Luftwaffe et des chasseurs japonais et sa relative proximité avec les théâtres européens et du Pacifique. 131,533 pilotes et équipages alliés ont été formés au Canada, dont 72,835 Canadiens. Au plus fort du plan, à la fin de 1943, une organisation de plus de 100,000 membres du personnel administratif exploitait 107 écoles et 184 autres unités de soutien dans 231 emplacements partout au Canada. Des mois de dur labeur attendaient les nombreux hommes qui se sont enrôlés dans l'ARC pour servir dans la cause alliée. Afin de s'assurer que chaque membre était placé dans la position la mieux adaptée à ses capacités et soit ensuite formé adéquatement, le plan exigeait que les recrues passent par différents niveaux de test et de scolarité avant de recevoir son affectation.

Jos a 20 ans. Il est le plus jeune de la famille. Encore affecté par le récent décès de sa mère et cherchant visiblement à s'éloigner d'un père exagérément autoritaire, Jos décide de compléter un formulaire d’enrôlement le 31 octobre 1940, après seulement 3 mois derrière un bureau. Il fournit des lettres de référence telle que celle-ci:

Il choisit l’aviation et signale sa préférence pour devenir mitrailleur ou radiotélégraphiste, par opposition à pilote ou navigateur. Le 16 mai 1941, il se rend au Centre de recrutement de la RCAF à Montréal pour compléter les dernières formalités et subir son examen médical. Les examinateurs notent qu’il mesure 5 pieds 8 pouces, pèse 142 livres, a le teint clair, les yeux bruns et les cheveux noirs. Il déclare pratiquer le tennis, le baseball, le hockey et le ski. Il fume déjà 15 pipes par jour, n'est jamais monté en avion et semble souffrir de migraines aux deux semaines.

Après les procédures introductives du Centre de recrutement, l’entraînement commence dans l’un des cinq Dépôts des effectifs (Manning Depots) situés à Toronto, Brandon, Edmonton, Québec et Lachine. Du 16 mai 1941 au 13 septembre 1941, Jos est affecté au Manning Depot No. 4 situé dans un couvent désaffecté dans le modeste quartier Saint-Sauveur de la Basse-Ville de Québec, juste à côté du parc Victoria. Dès son entrée, le 16 mai 1941, Jos reçoit son uniforme (d'été et d'hiver, ainsi que des articles de toilette) et est nommé Aviateur de seconde classe (Aircraftman Second Class : AC2). Il est alors payé 1.30 $ par jour. Il vit et étudie dans le même bâtiment en pierre grise. Le 14 octobre 1941, il reçoit ses "Ailes" de radiotélégraphiste sans fil et est promu Leading aircraftman (LAC). Son salaire passe à 1.50 $ par jour.

Les recrues commencent leur carrière militaire en apprenant à se baigner, à se raser, à faire briller les bottes, à polir les boutons, à entretenir leurs uniformes et à se comporter de la façon prévue. Il y a deux heures d'éducation physique par jour, d'exercices de tir, de marche, de salutation et autres routines. Il étudie aussi les rudiments de l'aviation (règlements, histoire, navigation) et s'initie au maniement d'armes comme la carabine Lee-Enfield. Le Dépôt des effectifs (Manning Depot) prodigue aussi des cours de langue aux recrues qui ne maîtrisent pas l’anglais, la seule langue utilisée dans les forces armées canadiennes. Mieux vaut bien posséder l’anglais puisque les aviateurs appelés à servir au Royaume-Uni devront, de surcroît, comprendre le cockney des contrôleurs aériens! Il y avait aussi un test d'aptitude standard - le RCAF Classification Test. Après 4 ou 5 semaines, un comité de sélection décide si la recrue sera formée pour faire partie du personnel navigant ou du personnel de sol. Les candidats pour radiotélégraphiste-mitrailleur vont ensuite dans une école de radiotélégraphie (Wireless School : WS) tandis que les candidats pour observateur et pilote se rendent dans une école de formation initiale (Initial Training School : ITS).

Vous pourriez vous demander pourquoi Jos a été formé dans deux métiers très différents, à savoir: radiotélégraphiste et mitrailleur? Au début de la guerre, les bombardiers n'avaient que deux moteurs, étaient beaucoup plus simples à utiliser et avaient un équipage plus petit. Les aviateurs devaient cumuler les connaissances et la responsabilité pour plus d'une fonction. L'ARC a d'abord formé ses opérateurs sans fil en tant que mitrailleurs de bord, en leur donnant la désignation combinée de «WO/AG» (Wireless Operator / Air Gunner). Comme ces bombardiers bimoteurs ont été remplacés par des bombardiers quadrimoteurs avec des systèmes de vol, de défense et de communication plus nombreux et complexes (Stirling, Halifax et Lancaster), avec leurs sept membres d'équipage, les deux rôles ont été séparés puisqu'ils nécessitaient maintenant un spécialiste à temps complet pour chaque fonction. Cependant, une formation double a continué à être dispensée car il était maintenant prudent que chaque spécialiste puisse être remplacé en cas d'urgence afin que la mission puisse continuer ou qu'un retour en toute sécurité soit possible.

Du 14 septembre 1941 au 11 mars 1942, Jos est donc ensuite transféré au No. 1 Wireless School situé au 4565, chemin Queen-Mary à Montréal. Ce cours dure six mois et est le plus long cours offert dans tous les services. Les recrues doivent apprendre à assembler un récepteur ainsi qu'un un émetteur et comment ils fonctionnent. Ils ont appris à maîtriser le code morse et comment transmettre et recevoir des messages. Un système compétitif a été mis en place entre les étudiants. Un stagiaire assis à une table doit s'efforcerait pour atteindre un ensemble standard de six mots par minute pour l'envoi et la réception du code morse. Les étudiants restent à cette table jusqu'à ce qu'ils répondent aux critères établis. Ils passent ensuite à une autre table exigeant huit mots par minute et ainsi de suite jusqu'à atteindre les vingt mots requis par minute. En outre, au cas d'une défaillance des appareils électroniques, l'opérateur radio apprend à utiliser la lampe de signalisation Aldis permettant la communication visuelle en code morse.

Le fait qu'il soit basé à Montréal ne l'empêche pas de profiter presque de la même vie que s'il était à la maison. Par exemple, on voit que le dimanche 8 février 1942 il est allé skier et a fait une mauvaise chute qui l'a laissé avec une ecchymose sensible sur ses fesses ainsi que sur son amour-propre puisqu'il a dû le montrer à l'officier médical...

Éventuellement, Jos trouve cette partie de son entraînement très difficile. Le 11 mars 1942, la décision est prise de transférer Jos à l'École de Formation Composite n° 1 (No. 1 Composite Training School) à Trenton, en Ontario. Si un aviateur ne se qualifie pas à son choix original de carrière dans l'ARC, il est re-classifié dans un autre métier en étant envoyé à une École de Formation Composite.

Jos se rend donc au No. 1 Composite Training School à Trenton, Ontario, du 12 au 28 mars 1942. En 1929, le gouvernement fédéral avait acheté 960 acres de terres agricoles près de Trenton pour établir une station de l'ARC appelée "RCAF Station Trenton". La base a été officiellement ouverte en août 1931. Trenton devait servir de base de soutien plus petite à la station de l'ARC de Borden, qui était la base-mère de l'aviation militaire canadienne et une importante base d'entraînement à l'époque. Rendu en juin 1937, Trenton avait supplanté Borden comme centre principal de formation au pilotage. L'emplacement a été choisi pour être le point médian entre Ottawa et Toronto. Il offrait également la possibilité d'utiliser l'installation pour les hydravions opérant sur le lac Ontario. Trenton est devenu un important centre d'entraînement pendant la Seconde Guerre mondiale, grâce à la participation du Canada au Plan d'entraînement aérien du Commonwealth britannique. Les écoles comprenaient l'École centrale de vol de l'ARC, l'École de navigation aérienne n° 1 (jusqu'en 1942), l'École d'instructeur de vol n° 1 et l'École de formation composite n° 1. Ici, le métier de radiotélégraphiste sans fil sera définitivement abandonné au profit du métier de mitrailleur (Air Gunner : AG). Le 23 mars 1942, Jos obtient le grade de mitrailleur.

Avant que les stagiaires puissent tirer leur premier coup de feu, beaucoup de travail au sol devait être réalisé. Les stagiaires recevaient en classe une formation approfondie sur la reconnaissance des aéronefs, la lecture des cartes, les mathématiques et la navigation de base. Les étudiants devaient être familiers avec la pyrotechnie et tous les types d'armement utilisés par une variété de systèmes d'armes différents. Ils devaient également savoir comment viser avec ces systèmes d'armes. Des heures de démonstrations au tableau sont données sur la façon de diviser le ciel en quartiers à la recherche d'avions ennemis. Des démonstrations sont données sur la "courbe de poursuite" ou la "chute de la balle" qui doit être calculée par le mitrailleur lorsqu'il vise un avion ennemi. Les exercices utilisant des viseurs à réflecteur portatifs permettent à l'élève de juger de la vitesse d'un avion cible. L'assemblage et le démontage à répétition des armes utilisées par l'ARC sont pratiqués très longuement. Les étudiants sont pressés à être familiers avec leur mécanisme de leurs armes à un degré tel que, en cas de besoin, les gestes posés par les mitrailleurs deviendraient automatiques. Les stagiaires étaient tenus de démonter et de remonter une mitrailleuse au complet en deux minutes, le tout, en étant chronométré, les yeux bandés, comme dans une situation de combat où ces tâches devraient être effectuées en pleine nuit. L'entraînement s'effectuait à la fois sur des champs de tir au sol et à l'aide d'avions, tirant sur des cibles remorquées par d'autres avions. Un certain nombre d'autres aides à la formation ont aussi été utilisées: tourelles d'aéronefs montées sur des supports fixes ou mobiles, cibles fixées sur des rails, tir au pigeon d'argile avec des fusils fixes et mobiles, etc. (Vidéo : RAF Clay Pigeon Shooting / 0:44 / https://www.youtube.com/watch?v=25vnvNfNjvQ) Les mitrailleurs recevaient habituellement le grade de sergent à la fin de leur entraînement.

Dans le vidéo de formation ci-haut et dans les suivants, voyez combien il était compliqué d'opérer une tourelle :

https://www.youtube.com/watch?v=KZKG1cc8Bgg / https://www.youtube.com/watch?v=es55NB9i4jY / https://www.youtube.com/watch?v=K5OMhR-Lm6s / https://www.youtube.com/watch?v=dIIqY81T67E

Du 29 mars au 28 avril 1942 (1 mois) il se trouve au No. 7 Bombing and Gunnery School (7 B&GS) à Paulson, Manitoba. L'École de bombardement et d'artillerie n° 7 était en service du 24 juin 1941 au 2 février 1945 à Paulson dans le cadre du Plan d'entraînement aérien du Commonwealth britannique. Le B&GS enseignait aux observateurs, bombardiers (bomb aimers) et mitrailleurs les techniques de visée dans le cadre de bombardement aérien et de tir à la mitrailleuse. Ces écoles avaient besoin de vastes espaces pour accommoder leurs champs de pratique pour le bombardement et le tir et étaient souvent situées à proximité de l'eau. L'aérodrome, maintenant abandonné, était situé à 51°08′04″N 099°51′58″W. L'aérodrome desservait environ 25 avions utilisés par les pilotes et leur équipage afin d'acquérir les habiletés nécessaires au combat.

C'est ici que Jos reçoit tous ses vêtements de vol. Toute la théorie apprise dans les salles de classe était maintenant mise en pratique dans les airs en volant dans l'appareil Fairey Battle. Le Fairey Battle était un bombardier léger monomoteur britannique construit à la fin des années 1930 pour la RAF. Le Battle était propulsée par le même moteur à piston Rolls-Royce Merlin responsable de la performance des chasseurs britanniques contemporains tels le Hurricane et le Spitfire. Cependant, le Battle était alourdi par un équipage de trois hommes et une charge de bombe. En dépit d'une grande amélioration sur les avions qui l'ont précédé, dès qu'il fut mis en service contre l'ennemi, il s'est avéré lent, d'une faible autonomie et très vulnérable aux tirs anti-aériens et aux chasseurs allemands avec son unique mitrailleuse défensive de calibre 303. Au cours de la "drôle de guerre", le Fairey Battle enregistre la première victoire aérienne de la RAF de la Seconde Guerre mondiale mais, en mai 1940, subit des pertes supérieures à 50% par mission. À la fin de 1940, le Battle avait été retiré des missions de combat et relégué aux unités d'entraînement à l'étranger. Compte tenu de son potentiel espéré avant la guerre, le Battle a été l'un des avions les plus décevants de toute la RAF.

Frustrant à la fois les instructeurs et les étudiants, la formation de mitrailleur était souvent remise pour cause de mauvaises conditions hivernales et de défaillances mécaniques des avions, annulant ainsi régulièrement les séances d'entraînements prévues. Lorsqu'il réussissait enfin à décoller, l'avion de l'élève devait se rendre dans une zone de tir exclusive accompagné d'un autre avion remorquant un gros cône de tissu tronqué, la cible aérienne (target drogue). La cible était déployée environ 1,500 pieds derrière l'avion de remorquage et, en tirant sur cette cible, les élèves perfectionnaient leur maniement de la mitrailleuse aérienne. Une caméra ciné enregistrait les exercices effectués par les élèves.

Après 11¼ heures de vol, Jos réussit à obtenir des notes raisonnables à Paulson, lesquelles, toutefois, auraient pu être supérieures, comme le faisait remarquer le capitaine du groupe (Group Captain) W.E. Dipple, commandant de la base : «A French Canadian airman who had trouble with his English and would probably have done much better at a Bi-lingual School.»

Diverses vues de Paulson, l'une d'entre elles étant «Le sergent-mitrailleur d'un Battle opérant l'arme défensive de l'avion, une mitrailleuse Vickers K à tir rapide et pivot unique»

Le 27 avril 1942, la veille de son départ de Paulson, Jos reçoit la Air Gunner Badge et le grade de Sergent. Son salaire est désormais de 2.95 $ par jour.

Jos est ensuite en permission (vacances) jusqu’au 11 mai 1942. Il rend alors visite aux membres de sa famille à Trois-Rivières et Montréal.

Sur le Mont-Royal avec ses frères Joachim et Benoît, sous-lieutenant à bord d'un balayeur de mines de la Marine Royale Canadienne.

Jos se rapporte ensuite à Halifax, Nouvelle-Écosse, pour la traversée de l’Atlantique.

Dans cette lettre, comme dans les enregistrements trouvés plus loin, Jos utilise les expressions vernaculaires Wildeux, Wildeuse et Wildage, inspirées du mot «wild». Ainsi, Wildeux, et son féminin Wildeuse, désignent affectueusement de fougueuses personnes.

Quant à Wildage, il s'agit d'un épisode excitant où le personnage principal a l'occasion d'exprimer l'effervescence, l'impétuosité et/ou la vivacité que lui inspire son jeune âge au risque de contrevenir parfois aux dictats de bienséance inculqués par le patriarche alors absent.

Le premier ordre du jour était un examen médical. Par groupes de 20, tous les membres d'équipage étaient soumis à un test dans une chambre de décompression. Ils traversaient un sas et étaient assis sur des bancs à l'intérieur d'une capsule hermétique. On leur donnait alors une tablette à écrire et un crayon et on leur demandait de résoudre un simple problème mathématique, d'écrire leur nom ou quoi que ce soit d'autre. Au début, tout était parfaitement normal, bien sûr. Ensuite, le technicien opérant les contrôles réduisait progressivement la teneur en oxygène dans la chambre. Très vite, quelques-uns des hommes commençaient à griffonner des trucs insignifiants sur la tablette, certains riaient et certains s'affaissaient. Le but de l'exercice était de démontrer à quel point le manque d'oxygène pouvait être insidieux et de montrer que l'approvisionnement en oxygène est une question de vie ou de mort. Le 26 mai 1942, on fait donc subir à Jos ce test d'une durée de 68 minutes afin de déterminer sa tolérance au vol à haute altitude à l'occasion duquel on simulait un vol atteignant 35,000 pieds. L'examinateur rapporte qu'il souffre alors de symptômes sérieux et recommande de l'assigner à des missions effectuées à un maximum de 25,000 pieds. Ce ne sera pas difficile à respecter puisque le bombardier Halifax peinera à atteindre cette limite.

On lui remet ensuite un masque à gaz, une veste de sauvetage et un casque d'acier. Il embarque le 1 juin et arrive en Angleterre le 11 juin 1942.

Du 12 juin au 30 juillet 1942 (1½ mois) il se trouve au No. 3 Personnel Reception Centre (3 PRC) à Bournemouth. Grâce à son climat favorable et à ses dizaines d'hôtels, Bornemouth était l'endroit idéal pour y établir le centre d'accueil du personnel n° 3 de l'ARC au cours de la Seconde Guerre mondiale. Les plages et les falaises surplombent la Manche et, même par une belle journée, l'horizon est généralement obscurci par une brume. Bournemouth est une station balnéaire de la côte sud où de nombreux grands hôtels d'une élégance surannée peuvent être réquisitionnés pour la durée de la guerre, tel le Bath Hill Court.

Ces hôtels n'avaient généralement pas de personnel ou de services, seulement des chambres humides, froides et stériles avec des lits, des toilettes communes et du plâtre qui s'effritait. Le petit déjeuner consistait en des œufs en poudre échoués sur une tranche de pain grillé avec un petit morceau de spam dégoulinant de graisse. Plus tard, sur des choux de Bruxelles - lesquels semblaient être une institution nationale britannique. Les plages de Bournemouth étaient truffées de mines ; tout accès leur était interdit par des bobines de barbelés incrustés de rouille ainsi qu'un vaste assortiment d'obstacles en béton et en acier disposés de façon à parer contre toute invasion allemande. Le but de 3 PRC était d'orienter les aviateurs à leur arrivée, de les faire examiner médicalement (encore) avec une batterie de tests de vision nocturne, d'organiser des cours de recyclage, de dispenser des conférences données par des équipages expérimentés et d'agir à titre d'intermédiaire du Ministère de l'Air afin d'organiser les affectations subséquentes.

L'entraînement au radeau de sauvetage (dingy drill) était un exercice effectué dans une piscine et qui consistait à grimper sur un plongeoir de 16 pieds de haut (pour donner l'impression de conditions nocturnes), en portant son équipement de vol, une Mae West (veste de flottaison) et un harnais de parachute. Cette hauteur simulait la vitesse à laquelle on frapperait l'eau en descendant en parachute. Une fois dans l'eau, il s'agissait d'enlever son harnais et de gonfler sa Mae West. Chaque homme avait un sifflet qu'il pouvait souffler, leur permettant de se réunir en groupe. Ensuite, il fallait trouver le canot, lequel semblait toujours se gonfler à l'envers, et le redresser avant d'y monter. Imaginez-vous faire cela dans une mer glaciale en temps de grand vent!

Ils ont aussi été photographiés lors de leur séjour à la PRC et ont reçu des cartes d'identité. Ils y ont entendu leurs premières sirènes de raid aérien et ont vécu de nombreuses alertes ainsi que de fausses alarmes. Mais le rôle principal de la PRC était vraiment de garder les équipages en attente jusqu'à ce que de l'espace soit disponible pour la prochaine étape de leur formation. Le 23 mai 1943, à peine trois semaines avant l'arrivée de Jos, deux des hôtels emblématiques de la ville abritant des aviateurs alliés, le Metropole et le Central, avaient été détruits par un raid éclair de la Luftwaffe qui a tué 150 personnes.

Du 30 juillet au 18 août 1942 (3 semaines) il est au No. 7 Air Gunner School à la base RAF Stormy Down. C'était un aérodrome de la Royal Air Force de la Seconde Guerre mondiale près de Pyle, Bridgend. Il s'agissait d'une école de formation à l'armement de la RAF. Commandé par le ministère de l'Air en 1939, "Stormy" allait devenir un terrain d'aviation plutôt problématique doté d'un mauvais drainage et de terribles vents traversiers qui soufflaient sur ses trois pistes en gazon. Base d'entraînement pour les mitrailleurs de la RAF, il a vu littéralement des milliers de militaires en formation traverser ses installations. Jos accumule un 20¼ heures de temps de vol ici.

Le tir aux pigeons d'argile était utilisé par la RAF pour former ses mitrailleurs. Voici un mitrailleur, dans une tourelle motorisée, tirant sur des pigeons d'argile qui sont projetés en l'air par une catapulte.
Le champ de tir de 25 verges de Stormy Down vu du dessus et du sol, ainsi que ses hangars abandonnés vers 1980.

Du 18 août au 2 novembre 1942 (2½ mois) il revient au Air Crew Disposal Wing à Brighton. L'Air Crew Disposal Wing Brighton était, en réalité, l'un des plus anciens hôtels de Brighton réquisitionnés par le Ministère de l'Air britannique. Plusieurs centaines de militaires étaient stationnés à l'hôtel Metropole qui devint une unité de transit d'équipages en 1941 tant pour la RAF que pour d'autres nationalités alliées. À Brighton, on disait que le personnel était initié dans la longue tradition d'attente en faisant très peu de choses. Là, tous les jours, ils pouvaient assister à de très grandes envolées de forteresses volantes américaines (B-17) qui partaient pour l'Europe à de grandes altitudes, et qui ne se voyaient que par les longues traînées de vapeur trahissant leur présence. Quelques heures plus tard, bon nombre de ces avions reviendraient au bercail en titubant à basse altitude, des moteurs silencieux étant clairement visibles sur des avions très endommagés. Une certaine vision de la guerre aérienne l'air était donc offerte aux aspirants aviateurs afin qu'ils intègrent cette réalité, mais aucune preuve de ce genre ne pouvait être vue quant aux armadas de la RAF qui participaient à des missions de bombardement de nuit. Des pertes énormes étaient subies chaque nuit au cours de ces missions, mais les détails n'étaient pas accessibles au public. Tous les rapports, soit par la radio, les journaux, ou les actualités cinématographiques étaient fortement censurés et seuls les résultats positifs étaient communiqués. Certains équipages en attente à Brighton ont rapporté avoir passé la majeure partie de leur temps avec pratiquement rien à faire et toute la journée pour le faire... Bien sûr, les autorités supérieures tentaient de les suivre et de les occuper, de sorte qu'il y avait des défilés matinaux qui se tenaient dans des endroits isolés afin d'éviter d'être frappés par des raids éclair. On savait que les avions allemands Focke Wolf chassaient les avions britanniques au-dessus de la Manche, lançaient une bombe ou deux sur la terre ferme et faisaient du mitraillage avant de retourner à leur base. On avait donc installé un canon anti-aérien Bofors et son équipage juste devant l'hôtel sur la plage afin de se prémunir contre une telle éventualité, lequel s'entraînait régulièrement en tirant sur une cible en tissu remorquée derrière un vieux Fairey Battle.

Du 2 novembre 1942 au 19 janvier 1943 (2½ mois) il est transféré au RCAF Personnel Despatch Centre (PDC) à Houghton Green, Lancashire (plus tard connu sous le nom de "R Depot"). Une fois les unités de formation opérationnelle (Operational Training Units : OTU) déterminées, les aviateurs étaient informés de leurs responsabilités et tâches futures, recevaient leur tenue de combat et leur équipement de vol (nouvelles combinaisons de vol, bottes doublées de molleton et de soie, casque et lunettes de vol), et, enfin, envoyés à l'unité de formation opérationnelle qui leur avait été assignée.

Du 19 janvier au 22 juin 1943 (5 mois), Jos est au No. 23 Operational Training Unit (23 OTU). Les unités de formation opérationnelle préparaient les équipages aux opérations sur un ou plusieurs types d'aéronefs ou de responsabilités. 23 OTU a été formé en avril 1941 à la base RAF Pershore (située à Throckmorton, Worcestershire) sous la responsabilité du No. 6 Group RAF Bomber Command afin de former des équipages pour le bombardier de nuit Vickers Wellington. Ils étaient logés dans des huttes contenant environ 20 lits avec un poêle au centre. Les toilettes se trouvaient dans un bâtiment séparé desservant d'autres bâtiments similaires. Le mess des sergents avait une sorte de salon où ils pouvaient lire des magazines et entendre certains matchs de hockey de la LNH préenregistrés. Avant d'arriver à l'OTU, chaque aviateur avait été formé à son propre métier dans des écoles spécialisées. À l'OTU, les aviateurs «faisaient équipe». La formation d'un équipage pourrait se dérouler comme suit : Peu de temps après leur arrivée à la station, tous les aviateurs étaient jetés dans la même pièce. On s'attendait maintenant à ce qu'ils fassent connaissance et se répartissent en équipages de 5 ou 6, comprenant un pilote, un navigateur, un bombardier, un opérateur sans fil et un mitrailleur. Cela constituait l'équipage type d'un Wellington, affectueusement appelé «Wimpy» après J. Wellington Wimpy, un des personnages entourant le célèbre Popeye.

Jusqu'à tout récemment, ces Wellington effectuaient encore des missions au-dessus de l'Europe. La plupart d'entre eux avaient été malmenés, mais ils volaient encore assez bien pour les besoins des stagiaires. L'avion était plus gros et plus complexe que ce que ces derniers utilisaient auparavant, c'était donc un pas en avant. En perfectionnant les habiletés qu'ils avaient acquises auparavant, les aviateurs apprenaient maintenant à travailler et à voler ensemble en équipe, parfois avec un instructeur, sinon par eux-mêmes. À partir de ce moment, ils progressaient rapidement et après un vol en cross-country avec un instructeur à bord, le nouvel équipage était maintenant seul. Ils effectuaient une série de vols d'entraînement en Angleterre et au Pays de Galles. Revenus à la base, il y avait des sessions de formation pour chaque membre de l'équipage : la navigation, les bombardements, les signaux et le tir. Les étudiants étaient à l'école au sol pendant une moitié de la journée et volaient pendant l'autre. Les instructeurs affectés à un OTU étaient principalement des officiers et des aviateurs d'expérience qui avaient déjà effectué une tournée d'opérations en temps de guerre (30 missions). La durée de la formation à l'OTU était entre 2 et 3 mois, si le temps le permettait.

Ci-haut, devant un bombardier bimoteur Wellington Mk. III

Le samedi 13 mars 1943 à midi, Jos enregistre un disque de 8 pouces au Star Sound Studios, 17 Cavendish Square à Londres (1.3 milles au nord-ouest de Trafalgar Square). Le cachet de l’enveloppe postée à son père indique le 22 mars 1943.

«Bonjour papa. J'espère que vous vous portez bien. Je suis à Londres actuellement pour une couple de jours. Je viens de voir cette annonce qu'on pouvait envoyer notre voix au Canada, alors je fais comme vous aviez fait à New York. Ça va toujours très bien à la station. J'ai reçu toutes vos lettres et je prends compte de tous vos conseils et me conduis bien. Bonjour ma belle Angouille (Angèle). Ça c'est un grand wildage. Comme tu vois je suis très bien. Je suis venu passer la fin de semaine dans la grande ville. J'aime bien ça. C'est le rendez-vous de tous les Canadiens. J'en ai rencontré plusieurs que j'avais pas vus depuis des mois. Je manque de rien. Ça faisait longtemps que je voulais prendre une bonne jase avec toi. J'ai reçu toutes tes lettres. T'es ben fine pour ton Péta et je te dis que je l'apprécie et que je t'aime ben gros. Jusqu'ici j'ai tenu mes promesses et n'aie pas peur, ça va continuer. Tiens les tiennes et moi (...). Bonjour Louise. J'peux pas enregistrer de la musique wildeuse alors j'parle. Ça fa ça, toujours! Bonjour Marcelle. Je pense à toi bien souvent. Je t'écrirai bientôt. Bonjour Madeleine. Comment est mon petit wildeux (i.e. Louis Méthot)? Bonjour Gertrude. J'ai appris l'heureuse nouvelle que je vais être encore «mon oncle» (i.e. réfère à Jean Paré). Ça me fait bien plaisir. Bonjour Joachim. Comment ça va? Comment ça se passe dans les lunettes? Quin ben, toujours. Bonjour Benoît. Prends ton bateau pis viens me voir. On va en wilder une grande. Je pense à vous autres tout le temps et j'ai une grande confiance. Inquiétez-vous pas. J'espère vous revoir avant longtemps, wisement. Ça va ben, pis... ché pas ben ben quoi dire là, tsé... Bon ben, cheerio toujours, (...)»

Le 25 mars 1943, il se présente au médecin chef pour cause de sinusite. Ses symptômes sont suffisamment graves pour qu'il soit transféré à l'hôpital Innsworth RAF de Gloucester, à 20 milles de la base. Les maux de tête continuent pendant quelques jours et il reste sous traitement. Le 7 avril 1943, son état est officiellement diagnostiqué par le Conseil médical (Medical Board) comme barotraumatisme sinusal. Il ne reprendra ses fonctions que le 17 avril. Le barotraumatisme sinusal ou l'aérosinusite est connu depuis les débuts de la médecine aéronautique. Cependant, c'est au cours la Seconde Guerre mondiale que le sujet a reçu une attention sérieuse et que la pathogenèse de la maladie était due à l'exposition à des vols à haute altitude. Les changements d'altitude rapides accompagnés de changements dans la pression ambiante ont exposé les équipages à un nombre croissant d'épisodes de barotraumatisme sinusal. La personne touchée souffre soudainement d'une douleur faciale aiguë ou d'un mal de tête pendant la descente, qui augmente à mesure que l'aéronef s'approche du niveau du sol. La douleur peut finalement devenir invalidante à moins que la pression ambiante ne soit inversée. Dans la plupart des cas de barotraumatisme sinusal, la douleur localisée à la zone frontale est le symptôme prédominant. Cela est dû à la douleur provenant du sinus frontal, étant au-dessus des os du front. La différence de pression provoque le gonflement de la muqueuse des sinus et un saignement sous-muqueux en résulte avec d'autres difficultés à ventiler le sinus, en particulier si les orifices sont impliqués. En fin de compte, le liquide ou le sang remplira l'espace.

Du 19 au 25 avril 1943, Jos est encore en congé pour maladie.

Le 27 avril 1943 Jos est promu à Warrant Officer Class II. Durant son séjour au 23 OTU, Jos a réussi à accumuler un autre 48½ heures de temps de vol.

Du 15 au 21 juin 1943, Jos est en permission (vacance).

Du 22 juin au 15 juillet 1943 (3 semaines) il est affecté au Conversion Unit No. 1659. Les unités de conversion (CO) et les unités de conversion opérationnelle (Operational Conversion Units : OCU) étaient des unités d'entraînement de la Royal Air Force. C'est à la CO que le mécanicien de bord et le second mitrailleur se sont joints à l'équipage, l'entraînement se faisant sur bombardiers quadrimoteur. Ici, les équipages se familiarisaient avec le type d'aéronef qu'ils piloteraient comparativement à l'avion qu'ils avaient piloté auparavant. Ils étaient plus gros et plus compliqués. Avec l'introduction des nouveaux bombardiers lourds, les quadrimoteurs Short Stirling, Avro Lancaster et Handley Page Halifax, la RAF a introduit des unités de conversion lourde (Heavy Conversion Units : HCU). Les unités de conversion lourde ont commencé à se former à la fin de 1941 afin de qualifier les équipages formés aux bombardiers moyens pour opérer les bombardiers lourds en leur faisant acquérir de l'expérience pratique avant leur affectation finale aux escadrons opérationnels. Royal Air Force Station Topcliffe est une station de la RAF dans le North Yorkshire, en Angleterre. Topcliffe a ouvert ses portes en septembre 1940 en tant que station de bombardement du Bomber Command de la RAF. Des pistes de béton ont été ajoutées au milieu de l'année 1942 et les 419e et 424e Escadrons (ARC) s'y sont installés avec leurs bombardiers Wellington et, plus tard, avec le Halifax III. Le 1er janvier 1943, la station fut transférée au Groupe n° 6 de l'ARC et devint une station d'entraînement. Topcliffe avait une bonne réputation auprès des aviateurs parce que son commandant était canadien et faisait des efforts particuliers pour veiller à ce que ses stagiaires reçoivent de la nourriture spéciale, y compris du steak. Il y avait beaucoup à apprendre sur le terrain au sujet du Halifax avant de monter dans ces bombardiers plutôt «anciens» - ils avaient déjà fait leur part de voyages en Europe et étaient maintenant livrés aux mains tremblantes des stagiaires.

Le 22 juin 1943 à midi, Jos s'absente de la base jusqu'à 17 heures le jour suivant. Pour cela, il lui est déduit deux jours de salaire. C'est en fait la seule entrée dans son dossier disciplinaire.

À un moment donné, les aviateurs ont aussi été formés sur ce qu'ils devaient faire s'ils étaient abattus en territoire ennemi inconnu et non capturés. Il était de leur devoir de retourner sur le territoire allié et de reprendre les opérations. Les yeux bandés et transporté dans un camion, il était déposé à une distance inconnue du camp. Il était du devoir de l'aviateur de retourner à la base par tous les moyens possibles, sans être pris par l'armée et les membres de la milice locale (Home Guard) qui jouaient le rôle des troupes allemandes qu'il devait s'attendre à rencontrer de l'autre côté de la Manche.

Le 15 juillet 1943 Jos arrive enfin à la 419e escadrille de bombardement basée à Middleton St George, 32½ mois après avoir complété sa demande d'enrôlement.

Venant du pays du Plan d'entraînement aérien du Commonwealth, les Canadiens étaient considérés comme mieux formés que leurs collègues alliés, mais (et c'était là une opinion britannique) moins disciplinés, trop nonchalants et plus populaires auprès des femmes.

La vie sociale à la station pouvait s'avérer très intéressante pour les jeunes aviateurs. Elle pourrait même être décrite à plusieurs occasions comme débridée. Quand une opération était en cours, les choses étaient normalement calmes : les hommes restaient assis et attendaient le retour de leurs compagnons d'escadron. Mais lorsqu'il n'y avait pas de mission en cours, c'était une toute autre affaire : la fête était alors à l'ordre du jour.

La plupart d'entre elles consistaient à boire et à chanter autour d'un piano et beaucoup de leurs nuits étaient passées à Darlington, une ville située à seulement 5 milles de la station, et où ils pouvaient se rendre en train ou en bus. Il y avait plusieurs bons pubs anglais. Par exemple, le Free Mason's était un bon endroit pour la musique car il était en mesure d'engager l'un des rares orchestres restants dans la région et, pour une bonne soirée chantante (sing-along), c'était l'endroit où aller. Le Cameron Arms n'offrait pas autant de musique, mais sa bière était excellente et c'était un bon endroit pour rencontrer les dames. Le King George était plus un pub de famille : un endroit pour une pinte tranquille et une bonne conversation. Il y avait aussi le Oak Tree, également connu sous le nom «The Twig», juste à côté de la base, où les aviateurs pouvaient prendre une bière lorsqu'il leur était impossible d'aller en ville. L'endroit était extrêmement populaire et existe toujours aujourd'hui.

Regardez cette intrigante photo d'aviateurs canadiens non identifiés prise par les propriétaires de l'Oak Tree en temps de guerre.Les deux garçons en haut à droite ne ressemblent-ils pas étrangement à Jos et à son ami dont la photographie se trouve un peu avant?