J25 : Dimanche 3 juillet 2016
Il nous reste à cette date une semaine de voyage et encore plein de projets : grimper sur les hauteurs de Reine ou de Svolvær, faire une croisière dans le Trollsfjord, randonner dans le parc national de Møysalen, marcher sur les pas de la reine Sonja à Stø, découvrir les îles d'Andøya, Senja et Kvaløya.
Bref, une fin de voyage prometteuse jusqu'à ce que… ce matin, au moment de quitter Reine, nous passions à l'aire de vidange. Au bout de deux ou trois jours, c'est le rituel habituel !
Comme il pleut un peu, Hervé se dépêche, attrape la cassette de vidange (pour ceux qui ne connaissent pas, ça a la taille d'un d'aspirateur traîneau), fait un faux mouvement au moment de la soulever pour la vider et, crac, se bloque le dos.
Il pressent tout de suite que la douleur n'est pas anodine, mais ne s'alarme pas outre mesure dans un premier temps.
De toute façon, le temps maussade et pluvieux ne permet pas de programme bien ambitieux pour aujourd'hui. Une visite de musée devrait être compatible avec sa nouvelle condition physique.
Mon guide papier fait l'éloge du Tørrfiskmuseum (musée de la morue séchée). C'est par conséquent celui-ci que nous retenons, ce qui nous permettra par la même occasion de revoir le joli village de Å (qu'il faut prononcer O) situé à l'extrémité sud de l'île de Moskenes. Une petite dizaine de kilomètres nous en séparent.
Nous arrivons au musée juste à son ouverture à 11 heures (aujourd'hui on n'a pas été très matinaux).
Installé dans un ancien entrepôt de poisson, il appartient à Steinar Larsen, un collectionneur passionné et polyglotte qui accueille personnellement chaque visiteur. L'homme se frotte les mains, cette météo pluvieuse lui garantit une bonne recette.
L'exposition illustre parfaitement la ressource traditionnelle des Lofoten, la pêche et le séchage de la morue pour l'exportation.
On y apprend que le poisson est pêché en hiver, qu'il est ensuite préparé en vue d'être assemblé (par un lien enfilé sur deux queues à la fois en un tour de main) puis exposé sur des séchoirs à l'air libre.
A partir de fin mai/début juin, le poisson séché est stocké et trié, sélectionné en différentes qualités (jusqu'à 14) d'où le nom de stockfish. Les Italiens en sont les principaux destinataires, la morue la plus mince allant en Italie du Nord, la plus épaisse en Italie du Sud.
Table de triage
Presse pour stockfish
Une partie du poisson séché est aussi salée (Klippfisk) pour être exportée principalement vers le Portugal.
Tout se mange et tout se transforme dans la morue. En dehors de la chair, la langue est très appréciée (c'est gélatineux, nous, on n'a pas aimé). Du foie de morue, on tire l'huile bien connue ! Quant aux têtes qu'on voit sécher en nombre sur l'île, elles sont exportées au Nigéria où elles seront bouillies avec des racines et du piment rouge. Les locaux en tirent un bouillon riche en protéines.
Le cabillaud, plus particulièrement celui à front haut appelé royal, suspendu dans les chaumières par un fil de laine, était dans le temps un bon indicateur météorologique. L'humidité jouant sur le fil dirigeait le poisson comme l'aiguille d'une boussole. Aujourd'hui il aurait sans doute pointé vers l'ouest. ;-)
L'exposition est complétée par un reportage de l'émission Thalassa, très instructif. Steinar, le proprio, est très investi dans son musée, allant des uns aux autres, répondant à toutes les questions aussi bien en français, en italien, en allemand et en anglais sans oublier les petites attentions qui font la différence, café, thé et petits gâteaux.
Une visite vraiment très intéressante et très conviviale, qui complète bien nos activités de plein air, que nous aurions sans doute zappée s'il avait fait beau ! Le mauvais temps a donc aussi du bon !
En sortant, nous poursuivons par la visite du village (bien que nous le connaissions déjà) qui est à lui seul un musée à ciel ouvert. En effet, l'essentiel du hameau regroupe 14 bâtiments datant du XIXe siècle dans le cadre du "musée du village de pêcheurs norvégiens". La visite des intérieurs est payante, sauf la boulangerie encore en activité où flotte une bonne odeur de pain frais et de cannelle à laquelle nous ne résistons pas.
La pluie redoublant d'intensité abrège la visite et nous ramène au fourgon pour le déjeuner que nous apprécions de prendre une nouvelle fois bien à l'abri.
Mais cette pause réactive aussi la douleur de dos de notre malade qui, enfilant sa casquette de docteur, décide de commencer un traitement anti-inflammatoire sans délai, m'assurant que d'ici deux ou trois jours, il n'en sera plus rien. Il faudra juste lever un peu le pied sur les randonnées et/ou adapter les activités d'ici là. Ok, doc !
D'ailleurs pour aujourd'hui ce n'est pas trop difficile. Le temps étant toujours aussi pluvieux, nous commençons l'après-midi par une partie de scrabble. Pour rompre la routine, nous avons juste changé de parking pour nous rapprocher du bout du bout de l'île où nous espérons faire quelques pas dès que le soleil brillera.
Briller… c'est sans doute en demander beaucoup, mais une éclaircie suffit à nous faire sortir du camping-car. Une sortie qui va vite révéler les limites de notre handicapé. Aller jusqu'au point de vue sur le détroit lui demande un effort considérable de sorte que, clic clac, après une ou deux photos il doit se rendre à l'évidence et réintégrer le fourgon.
Alors que le ciel montre des signes d'amélioration significative en cette fin d'après-midi, il ne me reste plus qu'à repartir toute seule.
Je commence par prendre d'abord un peu de hauteur de façon à surplomber le détroit en suivant un sentier balisé (sans savoir où il mène réellement). Mais devant le terrain spongieux et parce que je n'ai pas envie de trop m'éloigner, je reviens rapidement sur mes pas avant de faire une petite boucle en repassant par le point de vue puis par le village, histoire de mettre dans la boîte quelques souvenirs de Å.
Vue sur le détroit
Vue sur le village
Musée de la morue séchée
Rorbuer = anciennes maisons de pêcheurs (à louer)
Pour nous remonter le moral, nous réservons une table pour 19 heures chez Maren Anna à Sørvagen. Un repas aux petits oignons, heu… aux petits légumes en accompagnement du poisson du jour, du flétan servi avec une sauce à l'orange. Les desserts (panacotta et Bailey's mousse) présentés dans de petits bocaux miniature complètent un dîner en tout point réussi.
Pour conjurer le sort, nous finissons la journée là où elle a commencé, en revenant à Reine, pas dans le parking officiel, complet à cette heure, mais sur un terrain vague, juste à côté.
Nous sommes de cette façon aux premières loges pour assister à un spectacle un peu irréel, les rais de lumières transformant la chaîne montagneuse en forteresse artificielle alors que, sur la paroi rocheuse en face, un troll nous fait de l'œil.
Houlà, le dîner contenait-il une substance ? ;-)
Cherchez la face du troll qui nous fait un clin d'œil !
L'avez-vous trouvé ?
Troisième nuit consécutive à Reine, une nuit avec beaucoup de vent mais pas de pluie.
Distance parcourue dans la journée : 22 kilomètres.