Mais Suchetet vieillissait. Atteint d’une terrible maladie, le diabète, ses forces déclinaient de plus en plus.
Avec beaucoup de philosophie , malgré tous ses déboires, il vivait retiré, au milieu de ses souvenirs, dans un appartement bien modeste composé de 3 pièces exigües au 55 de l’Avenue du Maine à Paris.
C’est là que je suis allé trouver le Maître pour l’entretenir du passé et c’est là que j’appris à connaître les moindres replis de son âme.
" Vous trouverez “, me disait-il, “ dans “ l’Exil “ que j’exposai au Salon de 1927 tout ce que mon âme déçue peut refléter de désillusion et d’amertume dont j’ai été abreuvé ici-bas. Cette figure, à laquelle j’ai travaillé irrégulièrement pendant 35 ans, représente une “ Vierge à l’enfant “ dans les déserts de l’Egypte. Elle se recommande surtout par le sentiment paternel élevé et par la grande tristesse toute enveloppée de dignité qui s’en dégagent ; c’est une œuvre que je considère comme l’exécutoire de mes misères morales et matérielles ainsi que des profondes blessures que j’ai ressenties au cours de mon existence sur ce globe où je passai comme un exilé “.
D’un geste, il semble écarter de son front le noir cauchemar qui l’obsédait et tout en me désignant “ Le Nid d’Amour “ qui occupait, sur la cheminée de sa chambre, une place d’honneur”, il ajouta, “ avec une douce résignation ; voyez-vous mon cher Compatriote, c’est encore au contact du grand sentiment qui se dégage de cette œuvre, où j’ai placé toute mon âme, que j’ai rencontré les plus grandes consolations ; oui, c’est vraiment dans l’Art d’idéaliser “ L’Amour “ que j’ai trouvé le plus grand dérivatif à mes peines, en un mot, la force morale suprême qui m’aidera à poursuivre ma route avec philosophie “.
Pour compléter la psychologie du Maître, je me permettrai de rappeler ici sa propre opinion sur lui-même :
“ Je suis un grand émotif, disait-il, rien ne me laisse insensible . Je m’isole volontiers. Tout me porte au recueillement et à la réflexion. Je vois toutes les beautés de la nature dans la rose épanouie et j’éprouve une certaine émotion en songeant au déclin si rapide de sa vie. La misère m’étreint le cœur, la beauté morale et les belles actions me réconfortent et m’ont souvent donné la force de vivre “ .
Vraiment ces pensées honore grandement la mémoire du Maître, aussi, est-ce avec de tels sentiments que l’on crée les plus belles choses. Auguste Suchetet qui avait remporté le prix du Salon, en 1880, fut dès cette année là, considéré comme hors concours.
Ultérieurement, il fut promu chevalier de la Légion d’Honneur et se vit attribuer deux grandes Médailles d’Or, aux Expositions Universelles de 1889 et de 1900.
Durant sa longue carrière, ce statuaire fut désigné comme membre du Jury, à Paris, pour les sections de sculpture et de gravure sur Médailles et sur pierres fines, pendant une période de 21 années, de 1895 à 1914. Enfin au cours de 25 Salons de la Société des Artistes français, à Paris, il exposa certaines de ses œuvres dont voici la nomenclature.
Salon de 1878 : Portrait de M. G…. buste plâtre
Salon de 1879 : Portrait de Mme TG. Buste terre cuite
Salon de 1880 : Biblis changée en Source, plâtre
Salon de 1883 : Biblis changée en Source, marbre
Salon de 1884 : Aux Vendanges, Faune jouant avec un masque, groupe plâtre
Salon de 1885 : Portrait de M. A Ruel, buste bronze à cire perdue
Salon de 1886 : Portrait de M Claude C., buste en marbre, appartient à M. Armand Jeanti