LOUIS NOPPER (Pilote aéronaute)
LOUIS NOPPER (Pilote aéronaute)
LA FETE DU 14 JUILLET 1892
Le Petit Républicain de l'Aube,
du 16 juillet 1892
Nous n'avons pu indiquer dans notre numéro d'hier, où le ballon " Le Danton " avait atterri - On verra tout-à-l 'heure pourquoi. Nous allons faire un retour en arrière et suivre les aérostiers pendant les quarante kilomètres qu'ils ont parcouru. Nous puiserons pour cela à pleines mains dans le " Journal de bord " que MM. Juste Camelin et Louis Nopper (25 ans) ont bien voulu mettre à notre disposition par l'intermédiaire du frère de ce dernier :
Parti de Troyes à 5 h. 45 avec une force ascensionnelle de 15 kilogs et 80 kilogs de lest, en cinq minutes le " Danton " s'est élevé à une altitude de 550 mètres. Le thermomètre était alors à 20°, il était descendu rapidement de deux degrés. A 6 h. 6, après avoir entrevu les " Vieilles-Vignes " (Saint-Parres-aux-Tertres), les aérostiers passent au-dessus de Ruvigny - 500 mètres d'altitude, température 20° - et lâchent le pigeon-voyageur du colombier Godefer, lequel est arrivé à 7 heures porteur de la dépêche que nous avons publiée.
A ce moment, le Danton entre dans une masse nuageuse qui ne permet plus à MM. Camelin et Nopper de jouir du superbe panorama qui se déroule sous leurs pieds. Cette opacité ne dure du reste que 4 minutes. A 6 h. 10 - 700 mètres d'altitude, thermomètre 18° - ils aperçoivent Lusigny. Cette vision n'a que la durée d'un éclair et les revoilà pour la seconde fois dans la vapeur d'eau.
A 6 h. 30 - altitude 600 mètres, thermomètre 14° - ils revoient la terre, puis elle disparaît, pour apparaître de nouveau Ils lâchent un second pigeon du colombier Linart. Ils pensent être au-dessus de Montreuil; les sons d'une musique entraînante et des bruits de voix arrivent jusqu'à eux.
A 6 h. 40 - altitude 800 mètres, thermomètre 13° - ne sachant plus exactement dans quelle direction ils marchent, ils filent le guide-rope. M; Camelin attire alors l'attention de son camarade sur un bruit qui a une certaine analogie avec des roulements de tambour. Ce bruit est produit par une averse qui bat la calotte de l'aérostat.
Une éclaircie permet aux voyageurs de distinguer les bois de Marolles-les-Baillys, le Grand-Etang et l'étang des Loges. La nue se raye en même temps d'un superbe arc-en-ciel et l'air saturé d'humidité fraîchit et fait rapidement descendre le ballon à 200 mètres.
Les aéronautes jettent du lest et les voilà de nouveau emportés vers des régions plus élevées - 700 mètres. Il est 6 h. 45, le thermomètre 14° centigrade. Ils appellent, pour chercher à savoir où ils sont, mais l'écho seul leur répond. Il leur semble pourtant percevoir quelques cris.
Des nébulosité où ils se tiennent, ils tombent subitement dans une éclaircie. - 6 h. 55, altitude 580 mètres, thermomètres 15° - ils voient sur leur gauche un village dont ils demandent le nom : " Magnant ! " leur répond-on. Quelques moments après, ils sont au-dessus du champ de bataille de Beurey, la nuit approche, il va falloir opérer la descente et d'autant que la forêt de Bossican, qu'ils veulent éviter, est en vue. Ils laissent couler le guide-rope sur des vignes et donnent un coup de soupape qui les met à terre. Un choc les fait rebondir à 50 mètres. Mais l'ancre a mordu dans une broussaille, elle tient bon : ils stoppent. Il est 7 h. 10; ils se trouvent à 1 kilomètre au sud de Longpré, canton d'Essoyes, à 40 kilomètres de Troyes et à 17 kilomètres de Bar-sur-Seine. Le village est situé dans un vallon étroit et compte environ 250 habitants. A une portée de fusil sont les bois de Bossican.
Après un quart d'heure d'appel, la population de Longpré entoure " le Danton ". C'est une grande joie pour ces braves gens, que l'arrivée d'un aérostat sur leurs terres, aussi, ils reçoivent MM. Juste Camelin et Louis Nopper, non en étrangers, mais en amis, et, après les avoir aidés à quitter leur nacelle, ils procèdent avec eux au dégonflement.
Il est 7 h. 25, le dernier pigeon (colombier Linard) est lâché; il va se poser à 25 mètres plus loin, réfléchit deux minutes, s'oriente et file. Mais l'heure tardive à laquelle il a été mis en liberté ne lui a pas permis plus qu'à son " camarade " de rentrer le soir même rue Coulommières. Ils sont rentrés le lendemain matin, au petit jour, comme deux joyeux viveurs qui ont passé la nuit au bal masqué et qui réintègrent après le souper final, le domicile paternel.
Pour en finir avec cet intéressant voyage, disons que les aéronautes ont terminé leur travail de repliage à 9 heures. Leur éloignement de tout bureau télégraphique ne leur a pas permis de donner signe de vie à Troyes où ils sont venus surprendre leurs amis au pairon-minette, à cinq heures du matin. Inutile de dire qu'ils étaient en parfaite santé. Ils nous prient d'être leur interprète auprès de la municipalité, de l'instituteur et de la population de Longpré, et de les remercier chaleureusement de leur cordial et sympathique accueil. M. Camelin, qui n'en est pas à son premier voyage, a rarement vu d'aussi braves gens.
Nous adressons également des félicitations de leur part aux membres du Messager Troyen qui ont bien voulu mettre des pigeons à leur disposition. Ces volatiles leur auraient été très utiles si la nuit n'avait pas égaré les deux derniers.
Puisque nous en sommes aux congratulations, MM. Camelin et Nopper nous permettrons bien de les remercier du plaisir qu'ils ont procuré jeudi à nos concitoyens et de celui que nous causerons ce matin à nos lecteurs en relatant leurs impressions de voyages. Si elles ne sont pas, par la forme, l'expression exacte de leur livre de bord, elles le sont par le fond.
L'ascension de l'Aube "
La Tribune de l'Aube,
du 18 juillet 1903
Un des jeunes aéronautes qui ont pris place mardi dernier dans la nacelle de l' Aube, aux côté de leur chef, M. Nopper, et qui ont fait le voyage de Troyes à Chessy, nous communiques ses impressions :
-- Lâchez tout !...
Aussitôt nous ressentons une légère secousse, les milliers de personnes qui nous entourent semblent s'enfoncer dans le sol, nous montons doucement, nous montons doucement, nous montons toujours... Nous voici à la merci des vents. Au-dessous de nous, Troyes, se déroulant comme un panorama, étale ses vieux pignons, ses monuments, parmi lesquels se distingue la cathédrale dont les vitraux frappés par le soleil, resplendissent et rayonnent d'une éclatante façon.
Nous nous installons de manière à passer le plus commodément possible les quelques heures que durera notre voyage. Notre pilote, M. Nopper (36 ans), est à son poste, les sacs de lest à ses pieds, le baromètre, sous les yeux. M. Protat, troisième aéronaute, est à ses côtés, prêt à le seconder dans la manœuvre. Les instruments qui doivent servir aux observations sont accrochés aux bordages par les deux élèves aéronautes auxquels incombe la tâche de marquer sur les cartes le chemin parcouru ainsi que les diverses altitudes qui seront atteintes.
Le vent, qui après nous avoir contraints à planer plus d'un quart d'heure au-dessus de la ville, nous pousse vers Saint-André (Les Vergers). Nous percevons très bien les marais, les plants de légumes tirés au cordeau, car le ballon, attiré par les bois, commence à descendre. Nous ne sommes qu'à 250 mètres. Un peu de lest est jeté et nous remontons. Une brise légère nous pousse. Nous passons au-dessus du château de Saint-Germain, laissant à gauche le village aligné au bord de la route.
Alors commence un véritable enchantement : Au-dessous de nous et aussi loin que peut s'étendre la vue, apparaissent les villages, minuscules agglomérations, et les maisons, à peine visibles, enfouies qu'elles sont dans le vert foncé des arbres ou dans les ors des blés. Dans ce nouveau et immenses panorama, où les vallons s'effacent, où les collines se dessinent à peine, passent successivement sous nos yeux Chevillèles, Roncenay que nous laissons à notre gauche, Bouilly que nous abandonnons à droite, pour planer ensuite au-dessus de Saint-Jean-de-Bonneval dont l'église, toute blanche, se détache nettement sur un fond un peu sombre. Puis voici encore Javernant, Crésantignes, Fays dont nous apercevons le tunnel et où les rails du chemin de fer, tels des rubans d'acier, brillent et disparaissent en un instant; Saint-Phal où les habitants nous saluent par des salves d'artillerie, etc..., etc...
Il est sept heures et il y en a quatre que nous avons quitté Troyes. Il ne nous reste plus qu'une vingtaine de kilos de lest. Il faut songer à descendre. Notre pilote choisit 'emplacement où pourra s'opérer l'atterrissage. Il a vite trouvé un endroit convenable, à quelques centaines de mètres du hameau de Maisons-Rouges, commune de Chessy. Il donne quelques coups de soupape et l'Aube qui, à ce moment, planait à mille mètres, descend rapidement et à pic. L'ancre est jetée et, quelques secondes après, le plus légèrement du monde, la nacelle se posait sur un buisson qu'on eût dit placé là tout exprès pour la recevoir.
Mais déjà on nous avait aperçus et plusieurs personnes étaient accourues pour nous offrir leur concours. Comme, à l'endroit où nous nous trouvions, il eût été impossible de procéder au dégonflement sans occasionner quelques dégâts aux champ de blé et d'avoine qui nous entouraient, il nous fallut " conduire " notre ballon sur un terrain communal, à un kilomètre du lieu où nous avions atterri. Deux d'entre nous quittent la nacelle et proposent à deux jeunes filles, qui se trouvaient dans l'assistance, de les remplacer. Elles déclinent très gentiment l'offre, ces peureuses, et c'est un habitant de la localité, M. Ch. Dozières, qui prend place à côté des deux aéronautes restés à bord. Alors a lieu, à travers champs et sentiers, un " transport " très intéressant. Une trentaine de personnes avaient saisi le guide-rope, et l'Aube, solidement maintenu, fut conduit, suivi d'une foule d'hommes, de femmes et d'enfants, jusqu'à l'emplacement choisi pour son dégonflement. L'opération fut vite terminée.
Grâce à l'obligeance de M. Dozières, qui voulut bien mettre une voiture à notre disposition, nous gagnâmes rapidement Chessy, puis Ervy, où nous arrivons à onze heures et demie du soir. A Ervy, (le-Châtel) comme à Chessy, comme à Maisons-Rouges, nous avons reçu un excellent accueil. Nous remercions sincèrement les personnes qui ont bien voulu nous prêter leurs concours.
J'ai toujours été un amateur passionné de la navigation aérienne, et le très agréable voyage que je viens d'accomplir ne peut avoir pour effet que d'augmenter l'attrait qu'ont pour moi les ascensions libres. Je crois que beaucoup de mes concitoyens partagent mes sentiments en ce qui concerne l'aérostation; aussi je serais heureux si ces quelques lignes pouvaient amener à notre Société de nouveaux adhérents.
P. P.
Une fête de l'amitié
La Tribune de l'Aube,
du 24 Février 1913
Aux dernières promotions, le dévoué vice-président de la Société Troyenne d'Aérostation, M. Louis Nopper, fut nommé officier d'Académie. Distinction bien méritée, certes, car on sait que le sympathique aéronaute s'intéresse, depuis plus de trente-cinq années, avec autant d'activité que de ferveur, aux progrès accomplis dans le domaine de l'air. Les membres de la S. T. A., heureux et fiers de la récompense accordée à leur vice-président, se réunissaient, samedi dernier, au café de la Ville, pour fêter le nouveau promu.
Aux côtés de M. Louis Nopper, qui présidait, avaient pris place, MM. Marcel Blanc, président; Bernodat, vice-président, Edouard Nopper, secrétaire; Amand Lescot, trésorier, et Henri Protat, directeur de manœuvre du groupe.
M. Marcel Blanc félicita M. L. Nopper en ces termes :
Mon cher Nopper,
C'est avec une joie bien vive et bien sincère, qu'au nom de mes camarades, membres actifs et honoraires de la Société Troyenne d'Aérostation, je viens vous féliciter pour la distinction honorifique que le gouvernement de la République vous a récemment décernée. Je ne vous dirai pas notre plaisir à tous, notre émotion aussi lorsque nous apprîmes votre nomination au grade d'Officier d'Académie, car vous savez en quelle estime nous vous tenons tous.
Dès voix plus autorisées que la mienne auraient pu prendre la parole ce soir. Je vois ici des vétérans du ballon qui, mieux que moi, auraient relaté vos états de service, car certains sont à vos côtés depuis déjà de longues années. Mes fonctions de président m'ont placé dans la douce obligation de rappeler vos efforts, vos espoirs même, pour l'aéronautique; mais si je parle avec la voix de la jeunesse, c'est aussi, croyez-le, du plus profond du cœur.
Dès votre jeune âge, mon cher ami, la question du ballon hantait déjà votre esprit, et à vingt ans, vous receviez - la valeur n'attend pas le nombre des années - une lettre de félicitations de l'Académie d'Aérostation Météorologique. Peu après, c'était le 10 novembre 1888, vous appreniez avec grand plaisir votre affectation au 3e régiment du génie, dans la compagnie d'aérostiers; pendant ces années passées au service de la Patrie, vos chefs vous remarquèrent comme un soldat modèle et vous considérèrent comme un spécialiste pour la construction et la réparation du ballon.
Libéré en septembre 1891, vous vous mettiez immédiatement à l'œuvre pour monter en ballon libre. A l'époque la chose n'était guère facile, car l'on ne disposait pas des moyens que nous possédons à l'heure actuelle. Enfin, grâce à votre énergie et à votre ténacité, votre rêve devint bientôt réalité et le 14 juillet 1892, vous receviez le baptême de l'air à bord du Danton. Piloté par Camelin, l'immense sphère, partie du boulevard Danton, atterrissait à Longpré, après un voyage de 1 h. 10.
Puis vos ascensions se continuent; on vous voit et on vous applaudit, un peu partout. Successivement vous partez de Douai, Saint-Cloud, Paris, Dirignies, Evreux, Vincennes et d'autres villes encore.
Mais votre vie d'aéronaute ne fait alors que commencer. Vous vouliez ascensionner plus souvent, mais aussi dans des conditions moins onéreuses; c'est à ce moment qu'aidé de MM. Clévy et Robin vous émettiez l'idée de former dans notre Cité une Société d'Aérostation. Après de nombreuses démarches, le 1er septembre 1901, vous fondiez en compagnie de quelques amis le Club Aéronautique de l'Aube. Votre but était atteint, mais vous n'en restiez pas moins sur la brèche, " prêt à le prendre de très haut au moindre départ de ballon ".
Je n'ai pas à relater ici - ce n'est ni l'heure ni le moment - les motifs qui vous ont obligé à quitter ce groupe aéronautique; mais vous n'en êtes pas moins resté dans la lice et c'est avec plaisir que vous nous avez aidé à former notre jeune, mais déjà bien vivante Société Troyenne d'Aérostation, qui est très honorée de vous posséder en qualité de vice-président.
Mais vous ne vous arrêtez pas en si bon chemin.
En 1903, le 23 juillet, la Société Française de Navigation Aérienne, voulant récompenser votre dévouement à la science aéronautique, vous décernait son deuxième prix pour votre ascension du 14 juillet de cette même année. Quelques mois après, à l'Exposition Internationale de Troyes, vous receviez une médaille d'argent comme chef aéronaute du Club Aéronautique de l'Aube. Le 6 avril 1911, la Fédération Aéronautique Internationale vous délivrait son brevet de pilote.
Vous comptez aujourd'hui à votre actif 33 ascensions, tant en captif qu'en ballon libre. Les chiffres sont éloquents et parlent d'eux-mêmes.
Combien sont nombreux les jeunes que vous avez formés, ceux à qui vous avez appris les connaissances techniques nécessaires leur permettant de devenir pilotes.
Vous êtes un modeste et un laborieux; modeste parce que vous avez toujours travaillé sans bruit et que vous n'avez jamais rien demandé. Laborieux parce que, votre travail incessant autant qu'énergique, vous avez créé le mouvement aéronautique dans le département de l'Aube.
Le gouvernement de la République a voulu ajouter à votre belle vie de courage et de travail, l'ultime récompense.
Au nom de la Société Troyenne d'Aérostation, je suis heureux, mon cher Nopper, de vous en féliciter et de vous remettre ces modestes palmes qui, en vous rappelant votre long passé de brave et intègre citoyen, vous diront tout notre bonheur et toute notre amitié et qui, placées sur votre poitrine, feront battre votre coeur à l'unissons du nôtre.
Et tandis qu'éclataient de chaleureux applaudissement, le sympathique président de la S. T. A. épingla les palmes sur la poitrine de M. Nopper et lui donna l'accolade.
Très ému, fier aussi de cette sincère marque d'amitié, M. L. Nopper remercia ensuite, en quelques paroles aimables, ses camarades de la Société. " Merci de tout mon cœur, dit-il, pour votre bal acte de sympathie. Il me réconforte et il me donne la force nécessaire pour continuer à vous aider et à rendre encore plus vaillante et plus forte notre chère Société. Messieurs, je lève mon verre en votre honneur et je bois à la prospérité de la Société Troyenne d'Aérostation ! "
De nouveaux bravos se firent entendre, puis M. Blanc adressa les remerciements du groupe aux représentants de la Presse troyenne, " qui insère avec tant d'empressement les communiqués des Sociétés et au concours de laquelle on ne fait jamais appel en vain ! "
Et les coupes furent alors levées. Un pétillant champagne, - champagne de l'accord, dit-on, - débordait les flûtes et invitait à la joie. les chanteurs prirent alors la parole. MM. Cloris et Clévy surent donner une note piquante et entraînante; M. Viardin montra qu'il possédait de véritables dons de physicien, en présentant quelques tours de passe-passe intéressants; MM. Blanc, Lescot et Henri Protat charmèrent avec de délicieuses romances.
C'est ainsi que, dans la joie la plus cordiale, fut fêtée cette distinction accordée à un brave homme et à un bon citoyen.
Mort de l'aéronaute Nopper
La Tribune de l'Aube,
du 11 juin 1942
C'est avec la plus profonde tristesse, à l'Aéro-Club de l'Aube, que nous venons d'apprendre la mort de Louis Nopper, l'un des pionniers de l'idée aéronautique dans notre département. Louis Nopper, après avoir passé la majeure partie de son existence à Troyes et à Piney, accablé en ces derniers temps par les soucis d'une vie de plus en plus pénible, avait émigré, il y a quelques années, dans une commune de la Haute-Marne, à Rosoy-sur-Amance, et c'est là que la maladie est venue le terrasser.
Dès sa plus tendre jeunesse, Louis Nopper s'intéressait déjà aux choses de l'air. C'est à Troyes, le 14 juillet 1892, qu'il accomplit sa première ascension en sphérique, à bord du ballon " Le Danton ". A près avoir terminé son service militaire à Chamais-Meudon, en qualité d'aérostier, il rentra à Troyes, et envisagea la possibilité d'y créer une société aéronautique. Il échoua d'abord, mais ayant repris son projet en 1901, il fondait en septembre de la même année, " Le Club Aéronautique de l'Aube ", qui devait ultérieurement être dénommé " Aéro-Club de l'Aube ".
Louis Nopper était très passionné de la navigation aérienne. D'une nature accueillante, cet homme sympathique avait la foi, cette foi rude, ardente, créatrice des plus belles choses et, constamment, son esprit vagabondait vers les régions éthérées, ce qui lui donnait une charmante originalité.
Je dois faire remarquer que Nopper ne vécut pas uniquement en dilettante de ce sport si prenant; la vie a ses obligations, ses vicissitudes et l'aéronaute troyen ne passa pas toujours une existence exempte de soucis, je dirai même qu'elle lui fut souvent bien pénible. Louis Nopper trouvait un dérivatif à ses peines morales et matérielles, en se livrant ardemment, passionnément, à ce besoin qu'il éprouvait de créer quelque chose de nouveau, d'utile pour la science aéronautique. Les idées ne lui manquaient pas, certes; n'avons-nous pas souvenance de son ancre à quatre bras pour l'atterrissage de sphériques, de même que tout un système pour ballonnets et ballons sondes, ainsi que d'autres innovations toujours ingénieuses.
A Piney, Nopper avait installé chez lui une salle consacrée exclusivement à l'aéronautique; aussi est-ce dans ce sanctuaire de souvenirs qu'il aimait à recevoir ses amis et à venir s'y recueillir.
C'est donc avec une profonde émotion, tant en mon nom personnel, qu'en celui de mes camarades de l'Aéro-Club de l'Aube, qu'il m'est donné de rendre un ultime hommage à l'ami qui vient de disparaître.
Louis Nopper, bon ouvrier de la cause aérienne et, en particulier de l'aérostation, nous vénérons ta mémoire et bien que ta dépouille mortelle ne repose pas parmi nous, nous ne saurions oublier que tu fus, dans notre Département, le créateur, l'étincelle qui jaillit pour embraser le cœur des d'hommes nouveaux pour des idées nouvelles.
Homme de l'air, tu l'étais dans toute la quintessence de ton âme d'aéronaute, ne vivant que dans le pur idéal d'un sport dont beaucoup d'hommes ignorent encore la sublime poésie : Le Ballon libre.
Et ton âme, s'affranchissant soudain de tout ce qui pouvait la retenir captive au séjour des mortels, s'est enfin élevée, libre, légère, ailée, dans ce beau ciel bleu, dont souventes foi, ici bas, avec les ballons " L'Aube " et " Le Quand Même ", tu avais su trouver la voie.
Léon DARSONVAL,
Aéronaute.
Lettre de son frère Edouard, adressée à M. Léon Darsonval
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