Pourquoi notre association s’est-elle emparée du thème de la « sauvegarde » du patrimoine architectural bâti ?

Le thème de la protection du patrimoine, bien que déjà inscrit dans nos statuts de 2011, ne s’est définitivement imposé à notre association que suite à plusieurs « déclics » qui se sont produits à partir de l’année 2014. 

Le premier date du printemps 2014 quand notre association a découvert les travaux de restauration d’un petit bâtiment, situé dans la rue des fleurs, de type abri de jardin, de forme octogonale et surmonté d’un toit en forme de pointe, également à huit pans de tuiles : le constat a pu être établi qu’il y avait encore des personnes qui consacrent leur temps et leur argent à restaurer un bâtiment dont le destin semblait être inexorablement la destruction, et donc à conserver la mémoire du passé ! 

Forte de ce constat, source de beaucoup de promesses, notre société d’histoire a d’emblée considéré que la connaissance et la préservation du patrimoine devaient prendre place parmi ses orientations les plus fortes. Car, de même que les autres activités qu’elle mène dans le domaine de l’histoire et de la généalogie, il va de soi que l’identification et la préservation de nos richesses patrimoniales constituent le meilleur moyen de progresser dans la connaissance du passé.

Le deuxième élément déclencheur a été la prise de connaissance, également au cours du printemps 2014, de l’important dossier constitué par le service de l’Inventaire du Patrimoine d’Alsace. Le dossier sur Sainte-Croix-en-Plaine, constitué au début des années 2000 comporte un inventaire exhaustif et documenté du patrimoine architectural de la ville. Nous sommes très reconnaissants au service de l’inventaire du patrimoine de nous y avoir donné accès, car il n’est pas encore accessible pour le moment sur la base « Mérimée » sur Internet.

Au même moment, la municipalité envisageait de passer du POS (plan d’occupation des sols) au PLU (plan local d’urbanisme) et dans ce cadre, elle pouvait établir une liste « des bâtiments remarquables » à mettre en valeur et à protéger. Cette opération constituait donc pour notre association une véritable opportunité de mettre au service de la collectivité notre expérience en matière de connaissance du passé, car les municipalités en place n’ont pas toujours conscience de l’existence d’un patrimoine remarquable sur leur territoire et les connaissances historiques requises. Aussi avons nous dressé et documenté une liste des maisons les plus représentatives du patrimoine ancien bâti de la ville, ainsi que des autres petits édifices et édicules tels que les puits, oratoires, chapelles, calvaires, monuments funéraires, pierres-bornes, etc. 

Enfin, cette prise de conscience de l’importance de notre patrimoine a encore été renforcée suite à plusieurs visites sur le terrain avec Marc Grodwohl, directeur-fondateur de l’écomusée d’Alsace d’Ungersheim, puis à la conférence que ce dernier a donnée lors de notre assemblée générale du 24 avril 2015. Il a su captiver notre attention sur des détails auxquels nous n’avions jamais prêté attention, tels que la signification d’emblèmes de portes cochères, les modifications successives apportées aux mêmes portes cochères ou les changements d’orientation de certains corps de ferme, qui de perpendiculaires à la rue, sont devenus parallèles à la même rue … en bref, depuis le passage de cet expert incontestable de la maison alsacienne, nous ne voyons plus la ville de la même manière. Et depuis plusieurs années déjà, nous sommes aussi membres de l’ASMA (Association pour la Sauvegarde de la Maison Alsacienne).

C’est fort de cette motivation que nous avons abordé en 2015 la rédaction de notre quatrième annuaire consacré au patrimoine, la phase préparatoire que nous avions menée nous confirmant dans la conviction que les ensembles agricoles et maisons de différentes époques sont encore nombreux et dignes d’être conservés et sauvegardés. 

            Sur la base de nos travaux, les propositions concernant la détermination des « bâtiments remarquables » qu’il convenait de protéger ont été faites auprès de la municipalité, avec la remise d’un fascicule de 30 pages. Mais force est de constater, au final, après adoption du PLU (Plan Local d’Urbanisme), que le nombre d’éléments protégés est malheureusement en diminution dans la version actuelle du PLU, par rapport à l’ancien POS, qu’aucun liste documentant les bâtiments protégés n’a été diffusée, alors que nous avions fait le travail préliminaire et que le plan de zonage comporte des manques et omissions regrettables. Et malgré l’aide technique que nous avons reçue de l’ASMA (Association de sauvegarde de la Maison Alsacienne) pendant la phase de l’enquête publique relative au projet de PLU, nous n’avons pas été écoutés. Bref, à la lecture du PLU qui a été approuvé par l’ancienne municipalité, nous ne pouvons que constater que malgré la sollicitation dont nous avons fait l’objet, aucune de nos contributions n’a été retenue. Ce sont en effet les élus, auxquels nous confions pendant la durée de leur mandat la gestion municipale, qui ont le dernier mot ! 

            Mais notre détermination est restée intacte, et nous avons mis en place des visites guidées de la vieille ville, tant pour des individuels que pour des groupes, constitués en grande partie par des sociétés d’histoire amies. La réaction unanime a toujours été la même : « Sainte-Croix a un très beau patrimoine bâti ancien, malheureusement méconnu, et qui gagnerait à être mieux entretenu ! ». 

            Actuellement, l’opinion publique a pris toute la mesure des enjeux qui s’attachent à la préservation du patrimoine. Pour preuve, on peut citer les émissions consacrées à ce thème, telles que « Les plus beaux villages de France », émission animée par Stéphane Bern, ou encore « Des racines et des ailes », émission diffusée depuis 1997, le succès des « Journées du Patrimoine » qui depuis 1984, attirent chaque année plus de 10 millions de visiteurs, et aussi, de manière plus anecdotique, le succès du loto du Patrimoine depuis 2018. Aussi l’émoi suscité par la démolition des certaines maisons alsaciennes à colombages, parfois même par des municipalités, l’exemple le plus emblématique étant la démolition de la maison « Greder » à Geudertheim en octobre 2020 (largement relayée par la presse locale et par l’ASMA), tout comme les inquiétudes soulevées par la vente de la grange du 39 route de Bâle (cf. DNA et L’Alsace du 22.10.2020).

            Nous nous inscrivons entièrement dans ce mouvement qui consiste à faire prendre conscience aux habitants qu’ils disposent d’un patrimoine et de faire en sorte que tout le monde se sente dépositaire du patrimoine. Nous y associons aussi les jeunes, à présent toutes nos expositions comporteront un « volet pour les jeunes » pour les sensibiliser à nos actions. Nous inviterons aussi les jeunes du Conseil Municipal des Jeunes nouvellement mis en place à participer dès que possible à une visite guidée de la ville, pour qu’ils prennent conscience de la richesse de l’histoire et du patrimoine de leur cité.

            Nous poursuivons aussi notre mission vis-à-vis de la municipalité que nous interrogeons sur différents points. En premier lieu sur les possibilités de corriger les manquements du PLU en matière de protection du patrimoine remarquable. Ensuite, à l’instar de ce qui se passe dans d’autres municipalités, nous proposons la mise en place d’une commission consultative sur l’urbanisme et le patrimoine tel que le code général des collectivités locales le prévoit dans son article L 2143-2, commission qui serait ouverte aux représentants de notre association, qui pourraient ainsi faire bénéficier la municipalité de leurs connaissances voire de leur expertise. 

Nous comptons intervenir afin que soient toujours privilégiées les opérations de réhabilitation du bâti existant plutôt que les constructions nouvelles, afin de préserver et valoriser le patrimoine. Nous confirmerons aussi à la municipalité notre volonté d’être des acteurs engagés dans la connaissance du passé historique de la ville et de sa diffusion à travers nos publications, nos expositions, nos visites guidées et autres actions. 

Mais nous ne voulons pas pour autant transformer la ville en « ville musée » et y bloquer toute évolution. La ville, comme ses constructions, doit et peut s’adapter aux exigences de l’évolution de l’habitat moderne. Mais la sauvegarde et la préservation du patrimoine bâti existant doit absolument être la règle première.

(Edito de décembre 2020, Racines & Familles n° 31)