Nawal El Moutawakel, la course du cœur

“Tu es la meilleure et tu vas gagner. Tu es la meilleure et tu vas gagner. Tu dois gagner. Pour ta ville, pour ton père.” Elle se le répétait comme un mantra, alors qu’elle pénétrait un stade baigné de lumière et où les acclamations des spectateurs faisaient vibrer le sol. Loin d’être déstabilisée, Nawal El Moutawakel n’entendait plus, ne sentait plus : elle était dans son monde. Dans sa bulle.

Les pieds sur le starter, l’esprit clair. Concentration. Jamais aurait-on pu mieux accorder les jambes et l’âme. Cette course, pour Nawal, c’était la course du coeur. Sa seule chance. Respirer. Expirer. Au signal, elle s’élance. Ses jambes parcourent la piste, ses bras balaient l’air, ses cheveux flottent dans la lumière. Elle court, elle saute, elle vole. Concentration. Respirer. Expirer. Ses chaussures battent la piste dans un rythme effréné. Et puis, d’un coup, la réalisation qu’on est en tête, que les autres sont bien derrière. On n’y croit pas, on vérifie, on tourne la tête, à droite à gauche. Cette course, c’était la sienne. La nôtre.

Et quand elle franchit la ligne d’arrivée, c’est la joie, c’est la tristesse, c’est le chaud, le froid, tout se mélange, tout se confond. Le fierté d’avoir honoré son pays, son genre, et sa couleur. Le regret que son père, son premier soutien, mort quelques mois auparavant, ne soit pas témoin de sa victoire. Les larmes coulent, le public crie, le drapeau flotte. Cette course, c’était la course de son coeur. Et Nawal, médaille d’or du 1er 400 mètres féminin de l’histoire des Jeux Olympiques, l’avait gagnée.

C’était pour le Maroc, quelque chose d’énorme, un évènement heureux auquel personne n’avait jamais osé s’attendre. La jeune Nawal rentrant à la maison, la médaille d’or à son cou, est une image qui restera à jamais gravé dans l’esprit des Marocains. C’était un moment historique.

C’est cette même Nawal, auréolée de ses victoires à travers le monde, qui aujourd’hui défend et encourage les femmes dans le sport.

Selma Mazioud