Masculinisme, mouvement et idéologie

Depuis de nombreuses années, des mouvements anti-féministes pour la défense des droits de l’homme, droits qui seraient bafoués par la société, se développent. Les membres de ce mouvement considèrent que le patriarcat a été renversé au profit du matriarcat et blâment les femmes d’être à l’origine des injustices que les hommes subissent. Il existe un grand nombre de communautés masculinistes différentes. Tous ces sites, blogs et forums forment la “manosphère”. Les réseaux sociaux, qui donnent à l’utilisateur une liberté d’expression quasi-totale, ont largement favorisé la naissance et la croissance de ces communautés extrémistes et radicales et la diffusion de leurs idéologies. En effet, ce sont des lieux où les individus peuvent se retrouver entre eux pour se soutenir, échanger leurs idées, et déverser toute sorte de propos haineux, machos, misogynes ou encore homophobes en toute impunité. La création de larges groupes de discussion favorise également le sectarisme: les individus membres de ces groupes se sentent entourés de gens qui partagent leurs idées, ce qui renforce leurs convictions et leur certitude d’avoir raison.

PUA “Pick Up Artists”

Les Pick Up Artists, apparus aux États-Unis à la fin des années 1990, existent aujourd’hui dans tous les pays occidentaux et sont même considérés par beaucoup comme une sous-culture. Au sein de ce groupe, des hommes hétérosexuels s’échangent des conseils et techniques de séduction se basant sur des méthodes de développement personnel et la psychologie. Pour les Pick Up Artists, la séduction est un jeu, une chasse, et les femmes, des proies. Cette idée est particulièrement développée dans le livre autobiographique The Game, écrit par le journaliste d’investigation Neil Strauss devenu adepte lui-même des pratiques des Pick Up Artists, en 2005 aux Etats Unis. Ce roman, qui se place rapidement dans la liste des best sellers du New York Times, décrit son immersion dans la société secrète des Pick Up Artists. Il y révèle entre autres une des armes principales du mouvement: le negging. Cette approche consiste à diminuer la femme ciblée en lui faisant un compliment qui la remet plus ou moins discrètement en cause.

MRA “Men’s Rights Activism”

Le MRA est une branche du “men’s movement” (mouvement social qui a émergé dans les années 1960/70 qui se focalise sur les issues basées sur le genre, et plus particulièrement leur impact sur les hommes). Il est constitué d’activistes qui combattent les discriminations que subissent les hommes et les garçons. Les sujets abordés varient, comme le suicide, la circonsision, les violences domestiques faites aux hommes etc…

Ce mouvement fait pourtant l’objet de polémiques puisque beaucoup le considèrent misogyne, et il serait utilisé comme manière de “contrer” le mouvement féministe. En effet, certains groupes du “men’s right activism” ont été accusés de faire partie d’une idéologie haineuse envers les femmes et surtout les féministes. Enfin, plusieurs “activistes” du men’s movement s'auto proclament fièrement “male supremacist", idéologie qui réduit les femmes à leurs appareils reproducteurs, et qui pensent que le sexe masculin est plus important, domine, l’emporte sur le féminin.

MGTOW “Men Going Their Own Way”

Sur Facebook, la page MGTOW rassemble 35.000 membres du monde entier, et son équivalent francophone plus de 3.200. “Men Going Their Own Way” fait référence au célibat volontaire revendiqué par les membres se réclamant de ce mouvement. Le Southern Poverty Law Center (association américaine qui se consacre à la promotion et à la pédagogie de la tolérance, et à la surveillance de l'extrême droite et des associations qui ont une philosophie de haine et d'exclusion aux États-Unis) a identifié la communauté MGTOW comme un groupe suprémaciste masculin, en la plaçant « aux frontières de la communauté incel haineuse »13. Les hommes qui suivent leur propre chemin se présentent comme des séparatistes masculins et ont choisi de se soustraire entièrement à l'influence négative des femmes. Depuis sa création, le mouvement a explosé dans les pays anglophones occidentalisés comme les États-Unis, le Canada, l'Australie et la Grande-Bretagne.

les Incels “Involuntary Celibates”

La sous-culture incel désigne des communautés en ligne misogynes dont les membres se définissent comme étant incapables de trouver une partenaire, un “célibat involontaire” qui serait de la faute des femmes et en particulier des “Stacys”, nom générique qu’ils utilisent pour parler d’une femme stéréotypée comme extrêmement belle, mais aussi insipide, vaniteuse, grossière et uniquement intéressée par le sexe, et d’une certaine catégorie d’hommes appelés “Chad”, « mâles alpha » sexuellement attractifs. La création d’un vocabulaire particulier et d’une hiérarchie des individus est un fait commun à plusieurs mouvements masculinistes. Particulièrement actifs en ligne, ils se retrouvent principalement sur le site Incels.me, interdit aux femmes et qui compte plus de cinq mille membres, mais aussi sur des groupes de la messagerie Discord et sur le forum 4chan – notamment sur l’espace de discussion /r9k/, où des milliers de conversations sont ouvertes chaque jour. Ce groupe est connu pour ses actes violents, il est notamment à l’origine de la tuerie de Toronto en 2018 qui a fait dix morts ou celle d'Isla Vista en 2014, où six personnes ont été tuées.

En France, ce mouvement existe également mais il est de moins grande ampleur. On peut notamment citer le groupe des "kheys", surnom donné aux utilisateurs du forum Blabla 18-25 ans de JeuxVidéos.com - le plus grand forum du pays. Dans de nombreux pays, les autorités suivent de près certaines organisations masculinistes. En particulier le Mankind Project, mettant en place des "rites initiatiques à la masculinité" douteux et parfois dangereux. Selon leurs responsables, plus de 45 000 hommes, dont 2 600 francophones, auraient déjà participé à leur "aventure initiatique du nouveau guerrier". Ces week-ends en forêt doivent permettre de "changer le monde, un homme à la fois", comme l'indique leur slogan. En 2020, selon l’association, plus de 70 000 hommes dont 3 400 francophones auraient participé à ce même programme. Plusieurs organisations francophones en Belgique, au Canada, en France et en Suisse proposent de semblables initiations.

Mais pourquoi le combat pour la justice entre hommes et femmes suscite-t-il autant de peur chez certains hommes?

Certains sociologues l’expliquent par le phénomène backlash, réaction d’opposition forte à une idée ou une action, qui nourrit le cycle de la violence. « Rien n’abîme davantage les pétales masculins que la plus légère ondée féministe » (Backlash- La guerre froide contre les femmes, Susan Faludi), à chaque progrès vers la justice sociale correspondrait une revanche, souvent brutale, des dominants. Cet essai à succès de Susan Faludi, publié en 1991 aborde l’ «excessive réactivité des hommes aux victoires les plus microscopiques des femmes». Une grande part des féministes que les masculinistes critiquent tant souhaitent pourtant inclure les hommes dans leur combat pour atteindre l’égalité pour tous et une société adaptée à tous.



Sources :

Attaque de Toronto : qui sont les Incels, le groupe de célibataires auquel se réfère le suspect ?

https://www.liberation.fr/france/2019/06/02/avec-les-masculinistes-un-veritable-hetero-doit-etre-capable-de-bander-sur-des-filles-moyennes_1728136/

Après #metoo, gare au retour de bâton

https://en.wikipedia.org/wiki/Men%27s_rights_movement

Aïda Tijani - Nour Skalante