Article retenu
Lefrançois, D., Éthier M.-A., Roy, N., Joly-Lavoie, A., Collin, S., Boutonnet, V., Demers, S. et Poyet, J. (2016). Les manuels numériques : le cas de l’enseignement de l’histoire au secondaire dans le Québec francophone. Profesorado, 20(1), 157-170. https://digibug.ugr.es/bitstream/handle/10481/42557/rev201ART9.pdf?sequence=1&isAllowed=y
Cet article m'apparaît pertinent dans la mesure où il permet de prendre conscience de l'apport des manuels numériques dans les salles de classe du Québec, plus particulièrement dans les cours d'histoire au secondaire. Comme le démontrent les auteurs, les manuels pédagogiques font partie intégrante du système d'éducation québécois. Il s'agit d'un marché particulièrement lucratif. Il va de soi de dire que le numérique réorganise la société et bouleverse les pratiques professionnelles, dont la pratique enseignante. Or, la forme numérique du manuel scolaire s'éloigne-t-elle vraiment de sa forme traditionnelle, surtout lorsqu'on définit le manuel numérique comme tout « ouvrage didactique, pouvant être édité et diffusé sous forme numérique » (p. 160) ? Même si le manuel scolaire peut se définir comme « un ensemble d’outils ou de fonctionnalités qui permettent la création, l’interaction, le partage et la collaboration » (p. 161), dans la quasi-totalité des cas, les maisons d'édition telles Erpi ou Chenêlière Éducation ne proposent qu'une transposition à l'écran du contenu que nous retrouvons dans la copie physique.
À vrai dire, soulignent les chercheurs, aucune étude n'a encore permis de voir de quelle façon le numérique a pénétré les classes du Québec et encore moins de déterminer si les potentialités du manuel numérique sont mises à profit. Le manque de temps et de compétence numérique fait en sorte que le numérique, dans les classes, semble « s'assujettir aux pratiques en place » (p. 161), sans quoi il est rejeté. La question qu'il faut se poser comporte donc deux volets : les manuels numériques sont-ils différents et, s'ils le sont, est-ce que le modèle scolaire en place permet aux enseignants de s'en servir afin de renouveler leur pratique ? Il s'agit donc de connaitre le potentiel du manuel numérique.
Selon les auteurs, il faudrait davantage exploiter les aspects multimédia des manuels numériques, qu'ils s'agissent d'hypermédias (comme l'intégration de lignes du temps interactives) ou encore de ressources externes, comme des sites de musées. Les auteurs mettent aussi de l'avant le fait que le numérique permet aux apprenants d'être plus actifs dans leurs apprentissages et que, conséquemment, le manuel devrait servir « d'espace » à l'intérieur duquel les élèves pourraient, par exemple, coconstruire leur compréhension du passé ou communiquer entre eux. Cette façon dont les auteurs envisagent les potentialités du numérique témoignent d'une approche socioconstructiviste de l'enseignement. Ceux-ci rappellent quand même avec raison qu'une utilisation adéquate de ces manuels implique une aisance à manipuler les outils technologiques, sans quoi les élèves en souffrent.
La dernière portion de l'article sert à montrer comment les potentialités du manuel numérique bouleversent - ou devrait bouleverser - le travail de l'enseignant. Pour les auteurs, les enseignants devraient explorer « les possibilités liées à la création de manuels numériques maison » (p. 165). Ils citent plusieurs exemples d'outils numériques permettant la réalisation de manuels et ils vont même plus loin en vantant les mérites d'une classe dite numérique qui serait en quelque sorte dématérialisée : l'enseignant pourrait élaborer une plateforme qui permettrait une rétroaction rapide aux élèves.
Les auteurs réfléchissent bien aux potentialités du manuel numérique et proposent même des modèles d'implantation. En revanche, en envisageant d'un bon œil la création de manuels numériques maison, les chercheurs omettent de dire que cela ajoute, encore une fois, une charge de travail supplémentaire aux enseignants. Si l'efficacité des manuels numériques dépendent du travail invisible des enseignants, et ce malgré le fait que les maisons d'édition destinées à la création de contenus pédagogiques soient en bonne santé financière, alors quelque chose cloche. Est-ce qu'il revient aux enseignants de créer des manuels numériques dignes de ce nom ? De plus, les auteurs de l'article ne mentionnent pas que la création de manuels nécessite, il va de soi, une bonne compétence numérique. À cet effet, est-ce que tous les enseignants seront formés ? L'article décrit bien le contexte actuel et propose des solutions intéressantes. En revanche, il engendre aussi plusieurs questions.