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24/04/20 - Le compostage de proximité : un outil de résilience face à la crise sanitaire !

Vendredi 24 Avril 2020 - Invité.e.s

Militant pour le développement du compostage urbain de proximité à Besançon, l’association Trivial’Compost estime qu'il est « temps d’en finir avec la politique des petits pas qui consiste à installer une petite dizaine de sites de compostage partagés par an ». Elle veut tirer de la crise sanitaire des enseignements en matière de gestion des biodéchets alors que 30% des habitants n'ont pas la possibilité de composter.

Comme toute crise, l'épidémie de Covid-19 met en lumière la vulnérabilité et les dysfonctionnements de notre organisation collective, parmi lesquels figurent la gestion des biodéchets1. La prévention et la gestion de proximité s'imposent alors comme des solutions pertinentes qui permettent de gagner en résilience et en autonomie.

Si à Besançon la collecte des déchets n’a pas été très perturbée par le confinement, grâce à l’engagement des agents de Grand Besançon Métropole que nous remercions, dans certaines villes cela a posé problème. A Poitiers par exemple, la communauté urbaine a commandé dans l’urgence l'installation de nouveaux sites de compostage publics pour pallier à la diminution de fréquence de la collecte des ordures ménagères. Rappelons que les déchets compostables représentent en moyenne 30% du poids de nos poubelles et que ce sont des déchets fermentescibles qui causent des nuisances s’ils sont stockés trop longtemps sans être compostés.

Depuis le début du confinement nous avons également constaté dans toute la France une forte recrudescence du brûlage des déchets verts de jardin ; ce phénomène s’expliquant par la fermeture des déchetteries. Cette pratique est interdite car très polluante. En effet, selon l’ADEME, au-delà des possibles troubles du voisinage générés par les odeurs et la fumée, ainsi que des risques d’incendies, le brûlage à l’air libre émet de nombreux polluants2 en quantités importantes dont les particules, qui véhiculent des composés cancérigènes comme les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) notamment3 (voir une plaquette de l'Ademe, ici) . Les alternatives à l’apport en déchetterie que sont le paillage et le compostage sont encore trop peu connues. Les tontes, branchages et autres feuilles mortes sont pourtant des ressources précieuses pour enrichir la terre, dynamiser la vie microbiologique du sol et le protéger contre la sécheresse. A l’inverse, l’apport en déchetterie induit des déplacements évitables et implique une gestion coûteuse pour la collectivité.

Cette crise révèle donc la nécessité de mettre en œuvre une vraie transition de la manière de gérer nos biodéchets. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à une pandémie qui paralyse une partie des services publics. Demain, cela pourra se reproduire et nous devons également nous préparer à d’autres situations extrêmes provoquées par le dérèglement climatique et l’épuisement des ressources naturelles. Imaginez les risques sanitaires que provoquerait une pénurie de pétrole qui empêcherait les camions de collecte des déchets de circuler ? Et plus largement, comment garantir notre autonomie alimentaire si nous dépendons toujours des engrais importés issus de l’industrie pétro-chimique ? Une terre cultivée a besoin d’être nourrie, sans quoi elle s’appauvrit et n’est plus fertile. Pour cela, il faut recréer le cycle de la matière organique, à l’image de ce qui se faisait jusqu’au début du XXe siècle. Les biodéchets produits en ville (dont le crottin de cheval) étaient alors collectés pour nourrir les sols des terres maraîchères aux abords des centres urbains. Le compost produit localement, y compris le compost de toilettes sèches (riches en azote, phosphore et potassium indispensables à la croissance des plantes et à la base des engrais chimiques) est un chaînon indispensable d’un circuit d’autonomie alimentaire. Et cela sera d’autant plus incontournable que la production d’effluents d’élevage est vouée à diminuer grâce à la nécessaire diminution de notre consommation de produits d’origine animale.

S’il est vrai que la pratique du compostage s’est beaucoup développée ces dernières années à Besançon, et s’il est vrai que notre ville présente en la matière des résultats supérieurs à la moyenne nationale, il n’en demeure pas moins que la pratique du compostage est loin d’être généralisée. La caractérisation des ordures ménagères réalisée en 2018 a révélé qu’elles contenaient encore 25% de déchets compostables4. La moitié des habitants de notre territoire ne compostent pas et 30% d’entre eux n’ont tout simplement pas la possibilité de le faire (faute d’espaces verts ou de chalet de compostage à proximité de chez eux). La marge de progression est donc encore importante. D’autant plus que, pour ce qui est de la valorisation des biodéchets des professionnels (restauration collective, supermarchés, hôpitaux ...), nous avons beaucoup de retard par rapport à d’autres territoires, tels que Nantes par exemple.

En cela, les élections municipales sont lourdes d’enjeux car ce sont les conseillers municipaux, qui composent aussi les assemblées de Grand Besançon Métropole et du SYBERT, qui fixent la politique de gestion des déchets. Il est temps d’en finir avec la politique des petits pas, qui consiste à installer une petite dizaine de sites de compostage partagés par an! Selon nous, il faut appliquer une politique mettant véritablement l’accent sur la prévention5 et, en complément, offrant une solution de valorisation pour toutes les sources de biodéchets et adaptée aux contraintes de chaque gisement. Cela est d’ailleurs rendu obligatoire par la LTECV (loi de transition énergétique pour la croissance verte) qui impose la généralisation de la valorisation des biodéchets avant le 31 décembre 2023.

Vous pouvez vous reporter à notre « Plan biodéchets » pour découvrir toutes les propositions de Trivial’Compost en la matière. Notre objectif est simple : plus un seul biodéchet ne doit partir à l’incinérateur. C’est un mode de gestion polluant et un énorme gâchis lorsqu’on connaît la valeur de cette matière ! La crise sanitaire que nous traversons nous convainc plus que jamais du bien fondé des actions que nous menons depuis 10 ans et nous espérons continuer à apporter notre pierre à l’édifice en travaillant en collaboration avec les collectivités locales pour mener à bien ce chantier.

1. L’appellation biodéchets recouvre tous les déchets biodégradables, de jardin, de cuisine ou alimentaires (épluchures, restes de repas, branchages, marc de café...).

2. Particules, hydrocarbures aromatiques polycycliques, composés organiques volatils, oxydes d’azote, monoxyde de carbone et dans une moindre mesure dioxines et furanes.

3. Le brûlage à l’air libre des déchets verts c’est interdit !

4. Etude sur les biodéchets du SYBERT - Rapport de caractérisation AWIPLAN S.A.R.L. – Juin 2018

5. La prévention des déchets désigne l’ensemble des actions qui visent à réduire la production de déchets (lutte contre le gaspillage alimentaire, consignes, objets réutilisables plutôt que jetables, éco-conception, réparation...).

>> factuel.info

22/04/20 - La bourse ou la vie : la guerre des dieux

Mercredi 22 Avril 2020 - Quentin Hardy

La pandémie de coronavirus révèle le conflit entre deux conceptions de l’existence : celle défendue par le monde du soin, qui privilégie l’humain, et celle que l’ultralibéralisme mondialisé veut à tout prix sauvegarder.

La survenue d’un événement historique met à l’épreuve les puissances et les valeurs dominantes parce qu’elle questionne le sens et l’ordre du monde. À cet égard, une épidémie pose toujours des questions politiques. Avec le coronavirus, assistons-nous à une guerre des mondes entre l’impératif de santé et l’impératif de croissance ? En 1919, Max Weber a appelé « guerre des dieux » ce conflit irréductible entre des valeurs et des mondes. En sapant toutes les anciennes autorités religieuses qui garantissaient une direction et un sens à l’existence individuelle et collective, la modernité nous plonge dans un monde mouvant et sans fondement. La vie sociale est structurée par l’incompatibilité radicale entre des points de vue ultimes, conflit sans résolution possible qui conduit à « la nécessité de se décider en faveur de l’un ou de l’autre (1) ».

La propagation du virus ouvre une scène vertigineuse où deux conceptions de l’existence se font face. D’un côté, le « corps médical » et son critérium du soin affirment que chaque vie est irremplaçable, que le maintien des activités économiques non essentielles à la lutte contre l’épidémie augmentera très directement le nombre de morts. De l’autre, l’économie et ses différents porte-voix soutiennent que la course économique ne peut être durablement freinée et que le redémarrage doit avoir lieu dès que possible. Traditionnellement peu adepte du conflit politique, le « corps médical » a-t-il une claire conscience de l’attaque implicite, bien que frontale, qu’il mène contre le soubassement métaphysique de notre monde ? Avec la fronde des personnels soignants, le magistère de l’économie est ébranlé. Car la transgression est capitale : nul ne tente impunément de détrôner l’économie de sa fonction de maître étalon de la vie sociale pour lui substituer d’autres principes. L’autodéfense des collectifs de soignants peut être lue comme une offensive portant directement sur les totems et les tabous centraux de notre société, sur lesquels ont buté tous les mouvements sociaux-écologiques depuis plus d’un demi-siècle : rien ne doit entraver la croissance économique et l’accumulation du capital, le déferlement des innovations technoscientifiques.

D’un côté, aplatir la courbe ascendante des contaminés et des morts. De l’autre, aplatir la courbe descendante de l’économie puis la faire rebondir, quitte à relancer l’épidémie. Des forces multiséculaires sont du côté de l’économie. En face, sur un espace encore flou regroupant des acteurs plus ou moins identifiables, des dizaines de milliers de soignants, des centaines de métiers attachés au soin et des millions d’individus perçoivent dans l’expérience sanitaire que nous traversons un moment de vérité éthique et politique. Rarement l’arbitrage entre l’économie et la vie n’a été dévoilé de manière aussi précise et tragique : soin contre efficacité, désir de vivre contre impératif de croissance, réappropriation des communs contre accaparement privé, ralentissement contre optimisation. Devant l’alternative, une question politique et existentielle centrale se dégage : quel est l’ultima ratio de nos sociétés ? Le soin, l’attention, le fragile, l’irremplaçable, ou la reprise, la lutte pour l’existence, la colonisation de tout et de tous ? En un sens, le virus, par l’intermédiaire du corps médical, nous invite à préciser pourquoi et comment nous voulons vivre, et, en conséquence, met en lumière ce qui fait obstacle à ce que nous désirons et à ce à quoi nous tenons.

L’idéologie du progrès et de l’économie est largement construite sur une philosophie du sacrifice. Par un curieux renversement d’époque, un article du Figaro résume parfaitement notre situation présente : « Le seul moyen pour contrôler l’épidémie… c’est de tuer l’économie (2) ! » Et, effectivement, le virus révèle le taux de morbidité de l’économie : plus la logique de la production se poursuit, plus le taux de létalité de la maladie augmente. Le raisonnement peut être étendu à la vie économique ordinaire : le mode d’être et d’organisation qu’elle répand continue à sacrifier des mondes pluriels, des milieux naturels, des corps, du temps libre, des sujets vivants, des possibilités d’existence, des inventions techniques. Certes, elle procure en contrepartie un revenu à des millions d’individus, mais sa marche macabre implique parallèlement des montagnes de sacrifices qui se déroulent souvent loin de notre champ de vision quotidien. L’économie n’est pas essentiellement l’ensemble des activités permettant d’assurer nos besoins, mais une organisation reposant sur une logique perverse mobilisant des quantités inouïes d’énergie humaine et naturelle pour une dangereuse finalité sans fin : la croissance des forces productives, le perfectionnement infini de la machine sociale, la vampirisation de la nature.

Ainsi, le coronavirus peut être considéré comme un événement qui révèle dramatiquement le conflit de mondes entre la vie et l’économie, avec une force tragique que n’avaient peut-être pas réussi à produire les discours écologiques.

(1) Max Weber, Le Savant et le Politique.

(2) Le Figaro, 13 mars.

Une version intégrale de ce texte a été publiée dans la revue en ligne Terrestres : « Coronavirus, un saut de l’ange existentiel et politique ».

>> www.politis.fr

28/11/19 - Penser une écologie décolonisée

Jeudi 28 Novembre 2019 - Mediapart

Discussion vidéo sur les livres « Une écologie décoloniale » de Malcom Ferdinand et « Politique des multiplicités » d'Eduardo Viveiros de Castro. Points de rupture est une émission commune de la rédaction de Mediapart et de la revue Terrestre (https://www.terrestres.org/)

12/10/19 - Cash Investigation - Multinationales : le hold up sur nos fruits et légumes

Samedi 12 Octobre 2019 - Cash Investigation

Réalisation: Linda Bendali