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10/12/20 - Société : Pourquoi les élèves français sont-ils devenus si mauvais en maths ?
10/12/20 - Société : Affaire Samuel Paty : la FCPE ne se laisse pas intimider
10/12/20 - Monde : Plan de relance : le grand écart entre Est et Ouest paralyse l’Union européenne
09/12/20 - Société : Il y a urgence ! Le billet du Dr Christophe Prudhomme. Officier de santé
14/10/20 - Culture : Adieu les cons, transhumance suicidaire ?
O6/10/20 - Social : Quand Total fait passer ses restructurations pour un souci écologique
21/08/20 - Monde : Comment Israël fait la guerre à l’histoire palestinienne
11/12/20 - « sécurité globale ». Mobilisation pour le retrait de la loi
Nicolas Tucat/AFP
Vendredi 11 Décembre 2020
Des dizaines de rassemblements s’organisent, malgré le passage en force du gouvernement.
La détermination des opposants à la loi « sécurité globale » reste intacte, avec un samedi marqué par de nouveaux rassemblements en régions, mais aussi par une lettre ouverte adressée à Emmanuel Macron pour réclamer le retrait des articles 21, 22 et 24 du texte et du nouveau schéma national du maintien de l’ordre, portant atteinte à la liberté de la presse. En annonçant la « réécriture complète » de l’article 24, le gouvernement a tenté d’éteindre la contestation. Peine perdue. La semaine passée, la mobilisation a attiré des dizaines de milliers de personnes à travers le pays.
En revanche, la coordination d’opposants, à l’origine du mouvement, a annulé le défilé prévu ce samedi dans la capitale. « Après la manifestation parisienne du 5 décembre, et du fait de la stratégie de la terre brûlée mise en place par la préfecture de police, la coordination #StopLoiSecuriteGlobale considère que les conditions de sécurité des manifestants et manifestantes ne sont pas assurées et n’organisera pas de mobilisation ce samedi 12 décembre à Paris », a expliqué dans un communiqué le groupe, composé de nombreuses associations de défense des libertés publiques et de syndicats, dont des organisations de journalistes.
Emmanuel Poupard, premier secrétaire général du SNJ, développe les raisons qui les ont poussés à prendre cette décision inédite : « Il y a eu une intention délibérée de mater et de décrédibiliser aux yeux de l’opinion publique le mouvement, avec un maintien de l’ordre catastrophique. » De fait, des affrontements ont éclaté à plusieurs reprises entre des policiers et des casseurs, provoquant des blessés d’un côté et de l’autre. « Il y a un glissement sécuritaire très inquiétant, poursuit le syndicaliste. C’est très regrettable parce que la mobilisation va au-delà de la loi “sécurité globale”. »
Malgré la volonté du pouvoir de passer en force, des rassemblements vont se dérouler, au fil du week-end, dans une dizaine de villes, dont Saint-Malo, Montpellier, Toulouse ou Albi. À Paris, le Collectif du 10 novembre contre l’islamophobie appelle à une marche pour dénoncer notamment la loi sur les « séparatismes ». En outre, la coordination réitère sa demande d’ « êt re reçue dans les plus brefs délais par le président de la République, Emmanuel Macron, sans attendre l’hypothétique “Beauvau de la sécurité”, qui ressemble à une opération de communication décidée et annoncée dans l’urgence conjointement par le président de la République et… les syndicats de police » .
09/12/20 - Manifestations. Claire témoigne : « Je me suis retrouvée au cœur des violences policières »
Claire, 28 ans, militante de la CGT chômeurs, a été violemment interpellée lors de la manifestation contre la loi de Sécurité globale samedi 5 décembre à Paris.
Mercredi 9 Décembre 2020 - Cécile Rousseau
Tout juste sortie de 48 heures en garde à vue et d'une nuit au dépôt pour des faits de rébellion et d’attroupement, Claire, 28 ans, se remet à peine de ces jours d'angoisse. Cette militante de la CGT chômeurs, violemment interpellée lors de la manifestation contre la loi de Sécurité globale, conteste la version de la police et dénonce l’arbitraire qui s’est abattu sur elle. ELLE TÉMOIGNE.
Claire ne réalise toujours pas ce qui lui est tombé dessus. Tout juste sortie de 48 heures de garde à vue et d’une nuit au dépôt, mardi soir, elle récupère petit à petit de ces jours d’angoisse. Depuis la manifestation contre la loi de Sécurité globale et pour la défense des droits des privés d’emplois, samedi dernier, cette militante de la CGT chômeurs a vécu un véritable calvaire.
A lire aussi : Sécurité globale : une femme violentée par des policiers et enfermée 3 jours pour avoir manifesté
La jeune femme de 28 ans se trouvait place de la République, en fin de cortège, quand tout a dégénéré. « J’étais avec des amis, depuis peu sur la place, quand je me suis faite charger par la Brav-M, (brigade de répression de l’action violente motorisée). On me met au sol, on me matraque. On me traîne sur 15-20 mètres. Ensuite, on me remet les menottes, on me les enlève. La suite est un peu floue. J’ai mal au bras, des ecchymoses dont un bleu de 20 cm. »
Traînée sur plusieurs mètres
D’après les vidéos que l’Humanité a pu consulter (lire notre article), la jeune femme est effectivement traînée sur plusieurs mètres, place de la République, par des policiers aux brassards rouges. Sur une seconde vidéo, un peu plus tard, elle consulte son téléphone assise sur un trottoir au pied d’un policier, quand celui-ci tente brusquement de le lui arracher des mains. Quatre gendarmes arrivent alors et la plaquent au sol malgré ses cris pour la menotter avec un Serflex, avant qu’ils ne le lui enlèvent quelques secondes plus tard.
Retrouvez tous nos articles sur la mobilisation contre la loi dite de "sécurité globale".
Retenue pour des faits de rébellion et de participation à un attroupement, la jeune femme se voit notamment accusée d’avoir donné des coups de pieds à un policier lors de son interpellation. Ce dernier a porté plainte. « C’est totalement faux, je mesure 1m60, je fais 55 kilos. Je n’ai jamais entendu de sommation. Tout cela est improbable quand on y pense. On m’accable pour tenter de légitimer la violence qui a été exercée sur moi », assène-t-elle.
« Justifier d’être une bonne mère »
Comme le précise son avocate, Lucie Simon, « On lui reproche aussi de ne pas s’être dispersée à la fin de la manifestation. Son interpellation a été violente. Ces 48 heures de garde à vue ne sont pas justifiées, ils auraient pu la reconvoquer après ! » A l’intérieur de la cellule, le temps s’étire. Les nuits sont blanches d’incertitude. « J’étais sur un petit matelas avec une couverture sale. Je n’avais pas de papier toilette. Je me demandais s’ils allaient finir par me relâcher. Je pensais à mon fils de trois ans dont je devais récupérer la garde lundi », souligne la jeune femme. Mais alors qu’elle pense sortir dimanche, sa garde à vue est prolongée.
Mardi, Claire passe devant le procureur et rencontre une assistance sociale. Au chômage depuis la fin du premier confinement, mais ne rencontrant pas de difficultés matérielles, elle doit détailler ses conditions de vie. Dur à digérer pour celle qui a arrêté ses études après le bac et a toujours su mener sa barque. « J’avais l’impression de devoir justifier d’être une bonne mère. Ce n’est pas quelque chose que j’ai l’habitude de voir remis en question. C’était assez pénible. Je n’ai jamais eu aucun problème avec ma justice dans ma vie », soupire-t-elle.
Interdiction de manifester
Alors que le procureur avait requis la liberté sous contrôle judicaire et une interdiction de manifester, Claire a pu finalement sortir sans aucunes contrainte. « Ca m’a fait chaud au cœur de savoir que des rassemblements ont été organisés pour me soutenir, se réjouit-elle. J’ai toujours eu envie de m’engager syndicalement mais je travaillais dans une boîte américaine où c’était mal vu. Cette solidarité a encore renforcé mon envie de militer, de continuer les piquets d’information devant les Pôle emploi. Je sais que je peux compter sur la CGT chômeurs pour la suite de mon combat judicaire. Je ne vais pas en rester là. »
Celle qui a été de toutes les manifestations contre la loi de Sécurité Globale a refusé la comparution immédiate, demandant le renvoi de son procès. Elle repassera devant le tribunal le 5 janvier prochain. D’ici là, Claire compte se reposer un peu. Mais cet épisode traumatisant a renforcé ses convictions. « J’ai été enfermée pendant trois jours, traitée comme une criminelle. Grâce aux vidéos qui ont été prises, je peux me construire une vraie défense. Une parole de force de l’ordre a plus de valeur que la mienne. Je comprends d’autant mieux le combat contre cette loi que je me suis retrouvée au cœur des violences policières. »aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaeilli par les huées et une forêt de majeurs tendus. « Liberté, liberté ! », scande la foule alors que les prises de parole reprennent. Un cri du cœur, et une improbable évidence qu’on ne devrait pas avoir à réclamer dans une démocratie digne de ce nom.
21/11/20 - À Paris, des dizaines de milliers de manifestants contre le « floutage de gueule » du gouvernement
Photo Luis Reygada
Samedi 21 Novembre 2020 - Cyprien Caddeo
Comme dans de nombreuses grandes villes françaises, l’appel à défiler contre la loi de « surveillance globale » a été un succès à Paris, où la foule a noirci la place du Trocadéro. Reportage.
Il régnait quelque chose de l’ordre de l’improbable, ce samedi 21 novembre sur la place du Trocadéro, dans le XVIe arrondissement de Paris. Le lieu, déjà, est incongru, davantage habitué à servir de décor aux meetings géants de la droite, de Nicolas Sarkozy à François Fillon, qu’à voir défiler syndicalistes, gilets jaunes, élus et militants de gauche. Les modalités de la manifestation détonnaient, ensuite : autorisée à se réunir, malgré le confinement, à la suite d’un long bras de fer avec la préfecture de Paris, mais interdite de défiler dans la rue, la foule est nassée, contrainte à une manifestation statique dès le début de l’après-midi par les forces de l’ordre.
Entraves à la liberté d'informer
Son objet, enfin : la loi de « sécurité globale », en discussion à l’Assemblée et dont l’article 24 a été adopté en première lecture. Ce dernier pénalise la diffusion « malveillante » d’images des forces de l’ordre, au mépris du travail des journalistes et des observateurs d’ONG, si bien que la garantie du « droit à informer » a dû être rajoutée dans un amendement de dernière minute, vendredi. Insuffisant pour ses détracteurs.
Qui aurait cru qu’en 2020, en France, il allait être nécessaire de battre le pavé contre les entraves à la liberté d’informer ? Dominique Pradalié, secrétaire générale du Syndicat national des journalistes (SNJ), s’alarme de cette dérive : « Faire de l’image aujourd’hui, c’est de la transmission du réel. Si demain, on nous interdit de filmer, cela interdit de transmettre toutes les exactions commises »
« Si les violences policières n’existent pas, pourquoi interdire de les filmer ? »
Ils étaient environ 20 000 réunis (mais aussi plusieurs milliers à Lille, Rennes ou encore Montpellier), selon le collectif organisateur, juste en face de la symbolique esplanade des droits de l’Homme, la tour Eiffel en arrière-plan, pour dire non à ce « floutage de gueule ». Les drapeaux du PCF, de la FI, de Génération.s et d’EELV se mêlaient à ceux de la CGT, du SNJ, de la Ligue des Droits de l’Homme et des gilets jaunes. Une manifestation pacifique et festive - malgré quelques accrochages en fin de journée, à la nuit tombée - où les pancartes ont rivalisé de fulgurances, de cette sagesse populaire caractéristique des manifestations : « Si les violences policières n’existent pas, pourquoi interdire de les filmer ? » interroge l’une, « Souriez, vous êtes filmés » prévient l’autre. « Au pays des aveugles, les éborgneurs sont rois », philosophe-t-on ici. « La démocratie meurt dans l’obscurité », redoute-t-on là-bas.
Le réveil citoyen face à une « opération politique »
Emmanuel Vire, secrétaire général du syndicat de journalistes SNJ-CGT et parmi les artisans de cette « coordination nationale », salue ce « réveil des citoyens et des journalistes » face à cette loi et face au nouveau schéma national de maintien de l’ordre, qui réclame que les journalistes s’identifient auprès des forces de l’ordre et qui amalgame manifestants et observateurs dans les cortèges. Les journalistes sont sommés de s’identifier au moment où on cherche à flouter la police, soulève le syndicaliste : « Tout cela pour servir une opération politique, avec le gouvernement qui cherche à siphonner les voix de droite et d’extrême droite, quitte à affaiblir l’État de droit. » Une colère qu’Emmanuel Vire compte bien exprimer en face de Gérald Darmanin, alors que la coordination doit être reçue place Beauvau lundi 23 novembre.
"Il faut que les gens se rendent compte qu’Emmanuel Macron sort complètement du cadre avec cette loi." THOMAS PIKETTY Économiste
Les économistes Thomas Piketty et Julia Cagé se sont eux aussi mêlés aux manifestants. « Il faut que les gens se rendent compte qu’Emmanuel Macron sort complètement du cadre avec cette loi, dans un contexte où tout le monde est barricadé chez soi à cause du Covid », tance l’auteur du « Capital au XXIe siècle ». « Cette loi cherche à donner à la police la liberté de faire ce qu’elle veut », complète Julia Cagé. Un blanc-seing que redoutent aussi les avocats en colère du collectif des « robes noires ». « On savait que le gouvernement avait pris un virage autoritaire, là c’est carrément un coup d’accélérateur, s’énerve Alexis Baudelin, avocat au barreau de Paris. Désormais, avec l’article 24 à chaque fois qu’un policier va être filmé, il va considérer qu’un début d’infraction a été commis, car la vidéo peut être potentiellement diffusée, et donc cela va justifier des interpellations et des gardes à vue. Un citoyen ou un journaliste qui use de sa liberté à informer n’a pas à encourir le risque de 24 heures de garde à vue. »
« Avec cette loi, pas d’affaire Benalla »
Sur une tribune improvisée près du café du Trocadéro, les prises de parole se succèdent sous les applaudissements nourris de la foule, parmi lesquels des représentants d’Attac, de l’Unef, des syndicats lycéens, de l’Observatoire des libertés publiques ou encore le témoignage fort de Ramata Dieng, sœur de Lamine Dieng, tué en 2007 lors d’une interpellation policière. « Ce ne sont pas que les journalistes dits « militants » qui sont visés, c’est tous les journalistes, tous les citoyens et particulièrement ceux des quartiers populaires », rappelle d’ailleurs au micro Taha Bouhafs, le journaliste à l’origine de la vidéo d’Alexandre Benalla, en mai 2018, place de la Contrescarpe. « Avec cette loi, il n’y aurait pas eu d’affaire Benalla », pointe d’ailleurs le fondateur de Médiapart, Edwy Plenel.
Côté élus, « les groupes insoumis, socialiste et communiste vont déposer une motion auprès du conseil constitutionnel », promet le député FI Eric Coquerel, pour « renvoyer cette loi d’où elle n’aurait jamais dû sortir, de la poubelle de l’Histoire ». « Dans l’hémicycle, j’ai appelé le ministre de l’Intérieur Gérald Le Pen, ce qui a offusqué la majorité, raille son collègue Ugo Bernalicis un peu plus loin. Mais c’est bien cela : pour lutter contre le RN, ils appliquent son programme ! Marine Le Pen s’est d’ailleurs dite favorable au texte. »
Comme un symbole, le passage d’un drone de surveillance dans le ciel parisien, emblématique d’une loi qui entend en généraliser l’usage en manifestation, interrompt à un moment les discours, accueilli par les huées et une forêt de majeurs tendus. « Liberté, liberté ! », scande la foule alors que les prises de parole reprennent. Un cri du cœur, et une improbable évidence qu’on ne devrait pas avoir à réclamer dans une démocratie digne de ce nom.
19/11/20 - LOI «SÉCURITÉ GLOBALE» Libertés publiques : des citoyens aux lois et à l’œil
Rassemblement contre la proposition de loi de «sécurité globale» derrière l'Assemblée nationale. Photo Cyril Zannettacci.
Jeudi 19 Novembre 2020 - Willy Le Devin , Amaelle Guiton et Ismaël Halissat
La proposition de loi de «sécurité globale», actuellement discutée à l’Assemblée nationale, vient s’ajouter à d’autres textes, mesures et pratiques dénoncés depuis trois ans par les défenseurs des droits fondamentaux.
Si le libéralisme économique effréné du candidat Macron n’a jamais été feint, rien ne laissait présager, en revanche, de tels penchants autoritaires. Pourtant, à mesure qu’il défile, son mandat s’apparente à une vaste offensive contre les libertés publiques. Liberté d’informer, liberté de manifester, toutes, ou presque, essuient aujourd’hui de violents coups de canif. Cette semaine, l’agenda du Parlement est même engorgé de textes dénoncés par les défenseurs des droits fondamentaux. Mardi, l’Assemblée nationale a avalisé la loi de programmation de la recherche (LPR) qui pénalise, via l’article 3, l’occupation en réunion d’un bâtiment universitaire. En parallèle, le Palais-Bourbon examine cette semaine la très controversée proposition de loi de «sécurité globale». Aux yeux du pouvoir, ce processus de restriction inédit des libertés puise sa légitimité dans les traumatismes vécus ces dix dernières années par la France.
07/10/20 - Alors que le « plan blanc » est déclenché : à l'hôpital : "Nous avons moins de personnel et de lits que l’an dernier !"
Prise en charge d’un patient atteint du Covid-19, aux services des urgences de l’hôpital de la Timone, à Marseille. Christophe Simon/AFP
Mercredi 7 Octobre 2020 - Cécile Rousseau, Loan Nguyen
Alors que le « plan blanc », dispositif de crise, a été déclenché face à la remontée du Covid, il se heurte au manque criant de bras de soignants et de lits disponibles. Remise sur la table lors du Ségur de la santé, la question d’un moratoire sur ces fermetures n’a jamais vu le jour. Et aucune leçon n'a été tiré de la première vague épidémique. Les conditions aujourd'hui sont même souvent pires. Des soignants à Lyon, Nice, Paris, Grenoble, Rouen, Voiron et Marseille nous disent leur inquiétude. TÉMOIGNAGES.
Alors que le « plan blanc », dispositif de crise, a été déclenché face à la remontée du Covid, il se heurte au manque criant de bras de soignants et de lits disponibles. Remise sur la table lors du Ségur de la santé, la question d’un moratoire sur ces fermetures n’a jamais vu le jour. Et aucune leçon n'a été tiré de la première vague épidémique. Les conditions aujourd'hui sont même souvent pires. Des soignants à Lyon, Nice, Paris, Grenoble, Rouen, Voiron et Marseille nous disent leur inquiétude. TÉMOIGNAGES.
L’alerte rouge n’en finit pas de virer cramoisie. Alors que de nouvelles mesures de restriction ont été annoncées, ce lundi, en Île-de-France (lire notre article sur le sujet), les cas de Covid-19 continuent d’affluer dans les services de réanimation du pays, avec 1 300 personnes hospitalisées ce dimanche (soit 103 patients de plus dans les dernières vingt-quatre heures). Depuis fin septembre, la plupart des grandes villes ont à nouveau déclenché le « plan blanc ». Ce dispositif de crise permet de procéder à des réorganisations en cas d’augmentation de 20 % des passages aux urgences pendant trois jours consécutifs ou de hausse de 10 % du nombre de malades quotidiens sans solution d’hospitalisation pendant plus de huit heures. Les personnels peuvent ainsi être rappelés, des renforts sollicités, des lits ouverts et les opérations non urgentes, déprogrammées. Mais, un peu partout, sa mise en œuvre a rajouté de la tension sur des soignants déjà rincés par la pandémie.
« Une infirmière ne reste jamais plus de deux ans »
Au CHU de Nice (Alpes-Maritimes), l’ouverture de 10 lits d’unité Covid a ainsi été réalisée dans la douleur le 19 septembre. Selon Laurent Gleizes, secrétaire de la CGT de l’hôpital l’Archet (faisant partie du CHU) : « Les agents sont censés être sollicités sur la base du volontariat pour travailler plus. Là, il y a eu des pressions. Des personnels ont été appelés un vendredi à 17 heures pour venir bosser à 19 heures. On les a menacés d’appeler la police s’ils refusaient ! Comme s’ils n’avaient pas de vie, ni de famille. Nous ne sommes plus au temps des hospices du XVe siècle. Nous exerçons un métier, pas un sacerdoce. Les agents doivent aussi passer 12 heures par mois dans une unité Covid, mais, comme on manque de bras dans tous les services, ça se transforme en jeu de chaises musicales. Je n’ai jamais vu un tel bordel. Ce plan sert à imposer des règles plus autoritaires aux soignants. »
Des personnels ont été appelés un vendredi à 17 heures pour venir bosser à 19 heures. On les a menacés d’appeler la police s’ils refusaient !
La direction a également rappelé 274 renforts extérieurs venus au printemps dernier. Mais seuls un tiers d’entre eux ont répondu présent cette fois-ci… « Tous n’ont pas eu le droit à la prime Covid, rappelle le syndicaliste. Ils ne veulent pas revenir. Mais imaginez quel est l’état des agents permanents ! Une infirmière ne reste jamais plus de deux ans. Nous payons les mauvaises décisions politiques prises depuis trente ans. »
Les « mesures exceptionnelles » contenues dans le plan blanc laissent aussi perplexes les personnels des Hospices civils de Lyon (Rhône). « La réanimation Covid est déjà pleine, s’inquiète Chaïbia Khaif-Janssen, secrétaire du syndicat SUD santé sociaux à l’hôpital Édouard-Herriot. Et il y a une incompréhension par rapport aux mesures mises en place : contrairement à la première vague, il n’y a plus d’équipes dédiées Covid ou non-Covid en réanimation, ce qui augmente le risque de contaminations croisées pour des patients qui sont déjà fragilisés. La brigade de bionettoyage qui avait été activée en mars ne l’est plus aujourd’hui. On demande aux soignants testés positifs au Covid, mais asymptomatiques de venir travailler. On n’a pas l’impression que tout soit mis en œuvre pour limiter la propagation du virus. »
Surtout, les difficultés de recrutement continuent de plomber les capacités d’accueil des patients et les conditions de travail des soignants au quotidien dans plusieurs services. « Depuis 2010, on est toujours à l’effectif-cible, c’est-à-dire en dessous de l’effectif minimum, pointe Raja Hachemi, secrétaire de la CGT à Édouard-Herriot. À titre d’exemple, dans un service de chirurgie orthopédique, on en est à une infirmière et une aide-soignante pour 17 patients. »
« En un jour, on nous avait enlevé toutes nos vacances »
À l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), la direction a tranché dans le vif pour pallier cette pénurie de personnel. Elle a annoncé, samedi, envisager l’annulation des congés à compter d’octobre. À l’hôpital Saint-Antoine (12e arrondissement), comme dans les autres établissements de la capitale, cela n’a hélas rien d’une surprise. « Ils avaient fait la même chose en mars. En un jour, on nous avait enlevé toutes nos vacances, déplore Aurélie Jochaud, secrétaire de la CGT. Ce ne sont pas les 7 500 postes promis dans le Ségur de la santé, ni les 183 euros d’augmentation de salaire qui vont endiguer l’hémorragie de soignants. Rien n’a changé. Dans mon service en hématologie, il manque toujours 25 infirmières. Sans compter que les personnels qui avaient fait des demandes de changement d’établissement ou de disponibilité, retardées par le Covid, partent en ce moment. Pour faire face aux prochains mois, depuis juin, la direction a donc envoyé des infirmières faire des miniformations de trois jours et demi en réanimation. Ils savent qu’il n’y aura pas de renforts. » Selon elle, ce plan blanc sert notamment à remettre en cause leurs acquis. « Lors de la première vague, on était passé en roulement de 12 heures. Ils ont voulu maintenir cette organisation du travail très éprouvante pour les agents sur la durée car c’est une façon de récupérer des postes. Nous avons dû mener la bataille », insiste la cégétiste.
Au CHU de Grenoble (Isère), 132 lits manquent à l’appel depuis mars.
La disparition chronique de lits met aussi à mal la communication de crise du gouvernement. Les 3 400 suppressions en 2019, dévoilées par la Direction statistique des ministères sociaux la semaine passée, ont suscité l’indignation. Mais cette tendance – 100 000 lits perdus en vingt-cinq ans – se poursuit. Remise sur la table lors du Ségur de la santé, la question d’un moratoire sur ces fermetures n’a jamais vu le jour.
Au CHU de Grenoble-Alpes-Voiron (Isère), 132 lits manquent ainsi à l’appel depuis mars. « Sachant que nous en avions eu 106 en plus, rappelle Cyril Venet, chef de service anesthésie-réanimation. Il n’y a certes pas assez de soignants, mais cela résulte aussi d’une volonté politique. Nous avons moins de personnel et de lits qu’à la même époque l’année dernière ! En octobre, il n’y a personne de garde certains jours pour le Smur et le secours en montagne. Au centre hospitalier de Voiron, il faudrait 18,6 équivalents temps plein pour faire tourner les urgences et nous n’en avons que 9. Le plan blanc est un effet d’annonce. Cela ne devrait être instauré que pour un afflux ponctuel de malades. »
Dans certains hôpitaux, les déprogrammations des opérations ont d’ores et déjà recommencé. C’est le cas au CHU de Rouen (Seine-Maritime) qui n’est même pas en plan blanc. « La direction de l’hôpital veut rouvrir deux lits en réanimation, mais il y a 13 agents arrêtés, ce qui fait que les autres devant normalement travailler 7 h 36 se retrouvent à faire des journées de 12 heures », déplore François His, secrétaire adjoint de la CGT. Une situation qui a d’ailleurs poussé les soignants à déposer un préavis de grève depuis hier. À l’hôpital nord de Marseille, autre point chaud de la pandémie, les déprogrammations ne sont pas encore envisagées. Sur 39 lits de réanimation, 40 à 50 % sont en ce moment occupés par des patients Covid. « La progression des cas a été arrêtée pour l’instant, estime Marc Leone, chef du service anesthésie-réanimation. Mais nous avons 18 à 20 % d’actes non programmés. Il nous faudrait 120 % de capacité en plus pour pouvoir rattraper notre retard accumulé depuis le printemps. S’il y a une nouvelle augmentation du nombre de malades, on se retrouvera dans une impasse. »
05/10/20 - Sortir de la sidération et refuser la destruction de l’hôpital public
Lundi 5 Octobre 2020
Une tribune de Pauline Londeix et Jérôme Martin, membres fondateurs de l’Observatoire de la Transparence dans les Politiques du Médicament (OTMeds).
Nous savons tous - responsables politiques, médias, citoyens - que l’austérité est en train de détruire l’hôpital et notre système de santé publique. Depuis vingt ans, des dizaines de milliers de lits hospitaliers ont été supprimés, l’activité à l’hôpital augmente, notamment aux urgences, mais le recrutement des personnels ne suit pas. La hausse des suicides, la médiatisation de patient-e-s attendant dans les couloirs sur des brancards pendant des heures, les grèves et les manifestations sont autant de preuves des menaces croissantes contre l’hôpital. Pourtant, l’action politique ne change pas.
Ce ne fut pas la grippe...
Même si le gouvernement actuel n’est pas le seul responsable, Emmanuel Macron a, depuis 2017, accéléré la destruction de l’hôpital. La première vague du Covid-19 qui aurait dû être une alerte supplémentaire ne semble pas avoir servi de leçon pour le gouvernement actuel. Bien que l’économie de notre pays puisse être paralysée par les conséquences du manque de moyens mis dans les hôpitaux et les urgences, le gouvernement continue de faire le choix des coupes et des mesures austéritaires. Malgré les alertes des personnels soignants depuis des années, et en particulier lors d’une mobilisation sans précédent l’année dernière, le gouvernement avait déjà, il y a un an, assumé des coupes gigantesques avec cynisme et aplomb à l’occasion du Projet de loi de financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2020. Pourtant les soignants avaient prévenu : « En cas d’épidémie, nous ne pourrions pas faire face ». Ils évoquaient alors l’hypothèse d’une forte menace grippale. Ce ne fut pas la grippe.
Le prix que nous allons devoir payer
Après l’arrivée du COVID-19, au plus haut de la première vague en mars et avril, les soignant-e-s se sont mobilisé-e-s pour sauver des vies et faire tenir notre pays. Mais sept mois plus tard, bien loin d’avoir tiré les enseignements de la première vague, le gouvernement persiste et signe dans sa destruction de l’hôpital public. Les mesures d’austérité sont prises et assumées alors que nous savons tous ce que signifie la destruction programmée de l’hôpital public. Les attaques sont sur tous les fronts, la crise sanitaire en cours, qui aurait dû être l’occasion de réformer l’hôpital pour qu’il soit performant et accessible, ne devient plus qu’un prétexte supplémentaire pour le ruiner et réduire encore les dépenses publiques. Nous savons tous le prix que nous allons devoir payer d’un pays sans un système hospitalier performant et solidaire.
De même, nous savons tous que la santé publique est sacrifiée en France. Des spots de prévention contre le VIH à l’échange de seringues en prison, des concessions faites aux lobbys de l’agro-alimentaire à la gestion des stocks de médicaments, nous savons que la santé publique passe après d’autres impératifs qui lui sont contradictoires : ordre moral, logiques répressives, intérêts financiers de quelques-uns. Et nous savons tous le prix que nous payons de cette relégation de la santé publique.
Nous ne comprenons pas
Et pourtant, rien ne se fait pour la sauver. Au contraire, on assiste, en pleine crise sanitaire, à des dysfonctionnements quotidiens qui illustre le caractère criminel des politiques mises en place depuis 20 ans, et l’incompétence des ministres passés et présents et des institutions en charge. Nous ne comprenons pas la désorganisation qui règne dans le pays et qui nous expose à un éventuel nouveau confinement, ou d’autres mesures de restriction avec les conséquences sociales et économiques, mais aussi sanitaires ou psychologies dramatiques et pourtant évitables. Nous ne comprenons pas qu’on laisse sans réagir Santé Publique France manifester avec fierté son incompétence : des médicaments essentiels périmés avant la crise, ce qui était le cas de 95 % des antiviraux, une pénurie de masques, de diagnostics, aucun effort pédagogique sur les gestes-barrière, la répression des comportements individuels comme outil central de leur promotion alors qu’on la sait inefficace.
Nous ne comprenons pas le manque de moyens humains et matériels contre la pandémie, notamment à l’Éducation nationale – où le rectorat de Créteil, par exemple, ne s’est même pas doté d’un référent Covid-19 ; nous ne comprenons pas non plus le refus d’envisager une planification des besoins en dépistage, permettant de faire évoluer une offre de tests, de prévenir les pénuries et l’engorgement que nous connaissons aujourd’hui et que des responsables compétents et soucieux de notre santé auraient su éviter ou amoindrir, et de penser, oui, penser, une stratégie de traçage des cas contacts efficace. Nous ne comprenons pas le refus d’impliquer l’ensemble des acteurs, notamment locaux, mais également privés, par exemple ceux de la restauration, comme c’est le cas dans d’autres pays ; nous ne comprenons pas pourquoi rien de tout cela n’a été entrepris.
Médicament : l'urgence de la transparence
Nous refusons de voir notre pays paralysé à cause des erreurs des politiques austéritaires menées depuis des années et renforcées par le gouvernement actuel. Nous refusons de voir les populations les plus précaires, les plus vulnérables et les plus exposées au virus sacrifiées, tout comme les personnes souffrant d’autres pathologies accumulant des retards dans la prise en charge et dans l’accès aux soins.
Nous savons tous que l’argent existe. Cette année encore, dans le cadre du PLFSS pour 2021, nous appelons le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour sauver l’hôpital public et également à mettre en place la transparence sur tous les aspects des politiques du médicament. Comme l’année dernière, notre Observatoire propose des amendements en ce sens. La transparence est une urgence pour guider les politiques publiques en santé et pour sauver notre système de santé publique.
Des années de dogmatisme
Alors que les pénuries de médicaments vitaux se multiplient depuis plus de dix ans, mettant en danger la vie de nombreuses personnes, et que nous avons manqué de médicaments essentiels pendant la première vague du COVID, Matignon a arbitré en juillet dernier en faveur des industriels, faisant passer leurs obligations de garantir un stock de quatre mois de médicaments à deux mois (et parfois un mois !).
Nous refusons de voir notre système de santé publique mis à mort sous nos yeux. La première étape nous semble être de sortir de la sidération et de poser les mots : nous savons tous que, si nous ne réagissons pas maintenant pour sauver l’hôpital et la santé publique, il sera trop tard dans quelques mois. C’est pourquoi, il doit être mis immédiatement un terme aux politiques d’austérité visant l’hôpital public. Si notre hôpital public s’écroule, c’est notre pays entier qui s’écroulera, et nous ne pouvons accepter de voir ce bien commun si précieux et si essentiel pour notre société mis à mort par des années de dogmatisme austéritaire au service des profits de quelques uns et des mois de crise sanitaire d’incurie, d’incompétence et de cynisme.
04/10/20 - « Notre crise », l'appel de Jean Jaurès aux lecteurs
«Notre crise», texte manuscrit par Jean Jaurès, 5 octobre 1906. (extrait)
Dimanche 4 Octobre 2020 - Pierre Chaillan
L’Humanité vient d’acquérir un manuscrit de Jean Jaurès, l’éditorial publié le 5 octobre 1906. Important texte à propos des difficultés financières menaçant le journal plus de deux ans après sa création, il constituera un véritable appel à soutenir le journal. Cent quatorze ans plus tard, jour pour jour, nous le faisons découvrir à nos lecteurs.
De l’émotion. C’est le sentiment ressenti lorsqu’on prend en main en 2020 ce texte écrit par Jean Jaurès. L’Humanité vient d’acquérir le manuscrit de « Notre crise », éditorial publié dans l’Humanité du 5 octobre 1906. Pour partager cette vive émotion, nous avons décidé de faire découvrir ce manuscrit dans ce même journal qui l’avait accueilli cent quatorze ans plus tôt, jour pour jour. Le document comprend 12 grandes pages numérotées par le directeur-fondateur de l’Humanité. La belle calligraphie très lisible avec parfois des ratures permet de suivre le fil de la pensée de son auteur. C’est un texte important : il a changé le cours de l’histoire dans notre pays, celle de l’Humanité en particulier. Jaurès l’a écrit pour cela.
Ce texte fait écho à « Notre but », l’éditorial paru le 18 avril 1904
Il est d’ailleurs frappant de constater qu’il fait écho à « Notre but », l’éditorial paru le 18 avril 1904, pour la naissance de l’Humanité. Deux ans et demi plus tard, en ce mois d’octobre 1906, l’Humanité est menacée dans son existence même depuis une bonne année (à partir de l’été 1905, les ventes descendent à 12 000 exemplaires). L’appel que Jaurès lance sans assurances à la veille de la mise en liquidation de sa première société anonyme éditrice vise autant à informer qu’à créer un électrochoc chez les lecteurs et parmi les militants. Comme le relate l’historien Alexandre Courban, « la brutalité de l’annonce » suscite une réaction populaire. Et il ajoute : « On se mobilise en faveur du journal : le premier objectif recherché est atteint. » Une réunion publique est ainsi organisée à l’initiative de l’Humanité au manège Saint-Paul à Paris le 13 octobre. Le succès est au rendez-vous : plusieurs milliers de personnes se pressent et les dons et les soutiens affluent.
Jean Jaurès, même s’il joue carte sur table en informant de la situation économique désespérée (« nous sommes à bout de ressources »), ne cache pas sa volonté de croire à un sursaut. Et il s’adresse directement à ses lecteurs : « Je prie cependant les ouvriers, les socialistes qui nous ont soutenus jusqu’ici de ne pas nous abandonner en cette crise suprême, et de redoubler au contraire leur effort. (…) Il faut que chacun fasse son devoir jusqu’au bout. C’est parfois de l’extrémité du péril que vient le salut. » Le dirigeant socialiste fixe un objectif précis et concret (« Il suffirait d’un relèvement de la vente de dix mille numéros environ et de trois mille abonnements nouveaux pour que le budget du journal atteignît le point d’équilibre ») et même une date pour cette campagne de soutien (« le 15 novembre, pour l’ouverture du congrès de Limoges »).
Les souscriptions des ouvriers, syndicats et coopératives sauvent le journal
Ainsi, ce cri d’alarme que Jaurès lance, écrasé lui et son équipe (presque physiquement comme il le laisse entendre) par les contraintes économiques, n’en est pas moins chargé d’une volonté de vivre et de se développer indépendamment des puissances de l’argent. Il sera entendu. La mobilisation aboutit. Le 22 décembre 1906, la Société nouvelle du journal l’Humanité (SNJH) voit le jour. En janvier 1907, la première souscription individuelle est lancée pour ouvrir l’Humanité à « toutes les tendances, à toutes les idées, à toutes les forces du socialisme et du prolétariat organisé ». Les souscriptions des ouvriers, syndicats et coopératives sauvent le journal. L’évolution du contenu éditorial avec davantage d’informations et d’actualité sociale voit une augmentation de son audience. De 40 000 exemplaires en janvier 1907, il passe à 88 000 exemplaires en décembre. Le pari de l’Humanité est réussi. « Notre crise » a joué un rôle capital. Il restera un des textes fondateurs de l’Humanité. Dès lors, le journal appuie sa force sur ses lecteurs, ses amis et un vaste mouvement populaire de soutien.
29/09/20 - Il y a urgence ! Le billet du Dr Christophe Prudhomme. Renforts ?
Mardi 29 Septembre 2020 - Christophe Prudhomme
Christophe Prudhomme est médecin au Samu 93.
Olivier Véran, en visite dans les hôpitaux de Marseille, lance un appel à des personnels soignants pour venir en renfort afin d’accueillir les malades atteints du Covid-19, dont le nombre augmente depuis quelques semaines. Mais pourquoi sommes-nous dans cette situation alors qu’il était prévisible qu’avec le déconfinement nous aurions besoin de lits supplémentaires? La réponse est simple : rien n’a été prévu et nous sommes revenus aux capacités hospitalières d’avant le pic de l’épidémie, voire, dans certains établissements, inférieures, du fait du manque de personnels. Le meilleur exemple est le CHU de Besançon qui annonce la fermeture de 28 lits, car il n’arrive pas à recruter des infirmières.
Depuis plus d’un an, le mouvement des hospitaliers a posé comme premières revendications la nécessité d’embauches massives pour soulager le travail du personnel présent, arrêter de fermer des lits et en ouvrir pour pouvoir répondre aux besoins. Pendant les quatre mois de répit que nous a laissés le coronavirus, rien n’a été fait : aucune embauche et aucune ouverture de lits en prévision de l’automne et de l’hiver, périodes habituelles de tension dans les hôpitaux depuis plusieurs années avec le déclenchement, chaque année, de plans blancs locaux.
Le problème actuel n’est pas que nous subissions une « seconde vague », mais bien que nos hôpitaux ne sont pas en capacité de gérer à la fois le flux de patients habituels et les malades atteints du Covid-19 qui occupent aujourd’hui environ 20 % des lits de réanimation au niveau national. Si nous avions été entendus au mois de mai, quand nous réclamions le maintien d’un nombre de lits, notamment de réanimation, supérieur à celui du mois de février, nous ne serions pas dans cette situation de perte de confiance de la population vis-à-vis de mesures imposées autoritairement, sans arguments vraiment convaincants.
Alors M.Véran, il va falloir changer de logiciel et écouter les personnels de terrain que vous avez refusé de recevoir lors de votre passage à Marseille, visiblement trop occupé par vos soucis de communication. Il semble plus important pour vous de parader devant les journalistes des chaînes d’information en continu, plutôt que de vous préoccuper de donner les moyens à l’hôpital de fonctionner. Il n’y a aujourd’hui qu’une seule solution face à l’urgence : non pas faire appel à des « renforts » qui n’existent pas, mais mettre en œuvre immédiatement un plan d’embauches et de formation massif.
27/09/20 - Résultats des élections sénatoriales dans l'Ain
Florence Blatrix sur poste PS sortant (liste rassemblement PC ,PS , EELV, Ensemble!, GénérationS, Place Publique) 317 voix élue
Goy Chavent sortante (liste LR Dissidents) 551 voix réélue
Chaize sortant (liste LR) 609 voix réélu
Ali Benmedjahed (liste PRG) 268 voix
RN 53 voix
Papet 9 voix
27/09/20 - COMMUNIQUÉ DE PRESSE
Dimanche 27 Septembre 2020 - Fabien Roussel, secrétaire national du PCF et député du Nord
Élections sénatoriales : le PCF progresse avec deux sénateurs supplémentaires
Le Parti communiste français se félicite de l’élection de Marie-Claude Varaillas en Dordogne, Gérard Lahellec dans les Côtes-d’Armor, Jérémy Bacchi dans les Bouches-du-Rhône, et de la réélection de Céline Brulin dans la Seine-Maritime. La présence des communistes est ainsi renforcée au Sénat avec 2 sénatrices et sénateurs supplémentaires dans les Bouches-du-Rhône et la Dordogne. Dans la majorité des départements, les candidat-e-s et les listes présentées par le PCF progressent en voix et pourcentage, confirmant les succès enregistrés sur ces territoires aux élections municipales.
Dans les Bouches-du-Rhône, où le PCF était à la tête d’une liste de rassemblement de toute la gauche dans la foulée du Printemps Marseillais, les communistes ont permis l’élection de trois sénateurs, sénatrices communistes, socialistes, écologistes.
Ces élections marquent un nouveau recul de la majorité présidentielle, montrant la profondeur du rejet de sa politique.
Sur l’Ile de la Réunion, l’élection législative partielle voit Karine Lebon, jeune institutrice, l’emporter très largement. Elle viendra rejoindre les député-es communistes et républicains à l’Assemblée nationale.
Avec l’ensemble des communistes, je me réjouis de ces bons résultats qui viendront renforcer nos deux groupes à l’Assemblée nationale et au Sénat. C’est un point d’appui pour les luttes et pour le peuple de France.
Paris, le 27 septembre 2020
03/09/20 - Il y a urgence ! Le billet du Dr Christophe Prudhomme. Autoritarisme
Jeudi 3 Septembre 2020 - Christophe Prudhomme
Christophe Prudhomme est médecin au Samu 93.
La question du port du masque et de son obligation continue a être le chiffon rouge agité par le gouvernement, accompagné de la menace d’un reconfinement généralisé. La stratégie du pouvoir depuis le début de la crise est erratique. Tout d’abord des mensonges pour cacher la pénurie, puis un débat ubuesque sur les lieux où s’applique l’obligation, utilisé pour échapper au vrai problème qui est la difficulté à se faire tester, pour arriver à une décision autoritaire et infantilisante de la généralisation de l’obligation, y compris dans la rue. Heureusement, nous avons échappé à l’aberration du masque pour les cyclistes et les joggeurs !
Si le nombre de personnes testées positives augmente fortement depuis deux semaines, il n’en va pas de même du nombre de malades. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas rester vigilants car nous en apprenons tous les jours avec cette épidémie et toutes les hypothèses, y compris les plus alarmistes, doivent être envisagées. Mais cela ne veut pas dire qu’il est nécessaire d’affoler la population et surtout de l’infantiliser, avec la menace de sanctions vis-à-vis de mesures qui n’apparaissent pas convaincantes au niveau de leur priorité pour lutter contre l’infection. En effet, aucune étude sérieuse n’a montré la réalité des contagions en milieu ouvert hormis quand la distanciation n’était pas respectée. La mesure essentielle est donc bien de respecter avant tout les distances et de porter le masque quand cela n’est pas possible. D’ailleurs, alors qu’aucune dérogation ne semble possible dans la rue, la ministre du Travail vient elle-même d’annoncer que des aménagements au cas pas cas seraient possibles en entreprise. Quelle logique, alors que nous constatons qu’un bon nombre de foyers, donc de lieux de contamination, sont justement situés en milieu professionnel !
Il serait bien plus utile pour obtenir une adhésion de la population aux mesures proposées en expliquant plutôt que qu’en imposant. Seule la conviction de la justesse des contraintes mises en place permettra d’obtenir une attitude adaptée et d’éviter les oppositions virulentes de groupes de personnes, souvent instrumentalisés par des organisations politiques dangereuses justement pour les libertés qu’elles disent défendre.
Face à une épidémie, il faut bien entendu prendre des mesures pour en limiter son extension, tout en restant humble, car c’est plus souvent son évolution naturelle plus que les mesures barrières qui aboutissent à son extinction. Aujourd’hui la stratégie doit être mutifactorielle : bien entendu le masque mais avec ses limites, surtout les tests et l’isolement le plus rapide des personnes contaminantes et surtout une capacité du système de santé à pouvoir répondre aux besoins, tant en ville qu’à l’hôpital. Or c’est sur cette dernière question que le bât blesse et que les moyens ne sont toujours pas à disposition. Car il s’agit bien d’éviter que le gens tombent malades, mais surtout d’être en capacité de les soigner quand il le sont. Or l’ampleur de la crise dans notre pays a été uniquement liée aux difficultés de nos hôpitaux à accueillir un afflux de patients, assez brutal dans le temps mais somme toute limité en nombre, car ils étaient exsangues du fait des politiques de restrictions budgétaires imposées depuis plus de 20 ans.
02/09/20 - DJIHADISME. LA JUSTICE ARME DE LA DÉMOCRATIE CONTRE LA VIOLENCE TERRORISTE
Le 11 janvier 2015, à Paris, plus d’un million de personnes ont défilé pour la marche républicaine, en présence des survivants de l’attaque. Julien Muguet/Hans Lucas
Mercredi 2 Septembre 2020 - Camille Bauer
Le procès des attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher s’ouvre ce mercredi. Au terme de 49 jours d’audience, seront jugés 14 mis en examen, accusés d’avoir aidé les tueurs. Un moment de catharsis après le traumatisme né de ces tragiques jours de janvier 2015.
C’est un procès historique. « Une réponse de l’État de droit et de la démocratie à la violence sanguinaire », résume Denis Salas, ancien procureur et historien du droit. Le procès des attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, qui ont fait 17 victimes et plongé la France dans une vague sans précédent de terrorisme djihadiste, s’ouvre aujourd’hui au palais de justice de Paris. Face au traumatisme national de ces 7, 8 et 9 janvier 2015, la justice a déployé des moyens de grande ampleur. Quarante-neuf jours d’audience sont prévus au cours desquels 144 témoins vont passer à la barre devant les membres d’une cour d’assises spéciale, uniquement composée de juges professionnels. Signe de la dimension de l’événement, les débats vont être filmés, une première en matière d’antiterrorisme. « C’est un événement majeur pour notre pays d’un point de vue historique et pédagogique. Le fait qu’il soit filmé, comme ceux ayant trait à la Seconde Guerre mondiale, est un élément important », estime Dan Hazan, avocat pour l’Association française des victimes du terrorisme. C’est le douzième procès filmé depuis la loi de 1985, qui autorise l’enregistrement des audiences quand elles « présentent un intérêt pour la constitution d’archives historiques ». « Ce n’est pas anodin, souligne Antoine Mégie, chercheur en science politique. Cela le place dans la lignée de ces grands événements qu’ont été les procès Barbie ou Papon. À long terme, ces images vont servir à faire un travail de pédagogie pour redire qu’il est criminel de tuer des gens pour leurs dessins. »
« Les victimes vont être au centre. C’est de plus en plus le cas dans les procès antiterroristes, et ça le sera d’autant plus que ceux de Charlie, on les connaissait. Il y a une incarnation très forte », explique Antoine Mégie. Pour les blessés, les familles des morts, les connus comme les inconnus, les audiences seront à la fois une replongée dans ces journées sanglantes et le moyen de reprendre la parole face à la violence. Un moment attendu et redouté. « Mes clients, qui sont les otages de l’Hyper Cacher, attendent avant tout qu’une page se ferme et qu’un jugement vienne clore ce chapitre dramatique dont ils ressentent les séquelles tous les jours », explique l’avocat Patrick Klugman. Il y a autant d’attente et de crainte que de victimes, chacun ayant une histoire particulière dans ce drame qui s’est déroulé dans des temps et des lieux différents. « Mais c’est très important qu’elles soient entendues pour l’histoire et que leurs témoignages restent », estime Denis Salas.
L’ombre des absents va planer sur la cour d’assises spéciale. « Les fantômes des audiences », comme les nomme Antoine Mégie, à commencer par les trois auteurs des actes terroristes. « On n’aura pas les réponses. Ceux qui auraient pu nous les donner, ce sont les hommes qui ont commis ces actes abjects et qui ne seront pas là parce qu’ils sont morts, les frères Kouachi et Amedy Coulibaly », souligne l’avocate Safya Akorri, qui assure la défense de Mohamed Fares, un des mis en examen. En leur absence, beaucoup de questions resteront en suspens. L’enquête sur les frères Kouachi elle-même a souligné que « la discrétion de leurs préparatifs, quasi militaires, et la sophistication de leur mode opératoire » ne permettent pas « même postérieurement » de faire la lumière sur la préparation de leur geste. Sans les trois auteurs, quatorze personnes vont devoir répondre du chef d’« association de malfaiteurs terroristes criminelle », parmi lesquels deux sont également incriminés pour complicité et risquent la perpétuité. Liés au milieu de la délinquance, tous sont accusés à des niveaux divers d’avoir participé à la préparation des attentats, en fournissant des armes, des véhicules et des fonds obtenus via des escroqueries.
Sur les quatorze mis en examen, onze seulement seront présents. Hayat Boumedienne, compagne de Coulibaly, devenue depuis une figure de djihadisme international ; Mehdi Belhoucine et son frère Mohamed, accusé d’avoir rédigé le serment d’allégeance à « l’État islamique » lu par Amedy Coulibaly, ont quitté le territoire quelques jours avant les attentats pour rejoindre la zone irako-syrienne alors contrôlée par Daech. La première est accusée d’avoir aidé son mari dans les préparatifs de l’attaque, notamment en s’occupant de l’aspect financier. On la croyait morte, mais selon un récent témoignage, elle aurait réussi à fuir le camp d’Al-Hol, à l’est de la Syrie, qui regroupe près de 70 000 membres de familles de djihadistes. Les deux autres sont donnés pour morts. Soupçonné aussi d’avoir joué un rôle clef dans la mise en contact entre Amedy Coulibaly et son donneur d’ordres au Proche Orient, Mohamed Belhoucine est un des deux mis en examen accusé de complicité. Compte tenu de leur rôle de premier plan, ces trois absents aussi vont hanter les audiences.
Parmi les présents, seul Ali Riza Polat doit répondre de « complicité de crimes et délits terroristes ». Qualifié par l’enquête de « bras droit » d’Amedy Coulibaly, qu’il connaissait depuis 2007, il aurait aidé aux préparatifs « très en amont par rapport à d’autres protagonistes ». Il aurait notamment fourni une partie de l’arsenal, et cela alors qu’il « avait eu connaissance de la nature terroriste des projets criminels en préparation ». Les autres devront répondre d’« association de malfaiteurs terroristes ». Parmi eux, Abdelaziz Abbad et Miguel Martinez. Selon l’accusation, ils ont cherché des armes pour les frères Kouachi. Ils se sont pour cela adressés à un autre inculpé, Metin Karasular, soupçonné d’avoir aussi vendu un véhicule à Amedy Coulibaly. Autre accusé, Michel Catino. Proche de Karasular, il aurait participé à des transports d’armes en lien avec Willy Prévost, un ami de longue date de Coulibaly. Prévost, dont l’ADN a été retrouvé dans la Renault utilisée par le tueur de l’Hyper Cacher, à qui il aurait fourni trois gilets tactiques, deux couteaux et un Taser, est aussi dans la liste. S’y trouve également son ami Christophe Raumel, qui l’a accompagné dans ses transports d’armes. Deux autres mis en examen sont des anciens codétenus d’Amedy Coulibaly. Il s’agit de Nezar Pastor Alwatik et Amar Ramdani. Tous deux sont restés en contact avec le tueur presque jusqu’aux attentats. L’ADN du premier a été retrouvé sur un revolver et un pistolet semi-automatique laissés au domicile du terroriste, et dans un gant utilisé dans l’Hyper Cacher. Le deuxième aurait fait le lien entre Coulibaly et un autre accusé, Saïd Makhlouf, dont l’ADN a été retrouvé sur la lanière d’un Taser utilisé dans l’épicerie cachère de Vincennes. Les deux hommes sont aussi soupçonnés d’avoir participé à la fourniture d’armes, notamment du fusil d’assaut, en lien avec le dernier mis en examen, Mohamed Fares. Le nom de ce dernier n’est apparu que tardivement dans l’enquête, à la faveur d’une dénonciation anonyme.
Que savaient ces mis en examen des actes en préparation, et adhéraient-ils au djihadisme ? Ces questions vont être au centre des débats. « Il y a une injonction contradictoire entre le besoin de juger, c’est-à-dire de dire et de sanctionner le niveau de complicité et de connaissance des mis en examen, et l’émotion générale qui entoure ce procès. L’opinion publique comme certaines victimes peuvent attendre une vengeance. Mais un procès, ça n’est pas de la vengeance », rappelle Antoine Mégie. En amont des audiences, chacun a affûté ses arguments. « Ce n’est pas un procès de lampistes, même s’il y a parmi les mis en examen des profils différents, avec des gens plus ou moins proches du crime. Du point de vue de la collectivité, l’enjeu est d’apprendre à juger les terroristes, c’est-à-dire leurs complices. Ne pas le faire voudrait dire qu’il n’y a pas de sanctions pour ceux qui aident et financent », estime Patrick Klugman. Du côté des avocats de la défense, on craint que l’émotion très forte qui entoure le procès n’empêche la justice de faire son travail, c’est-à-dire de dire qui est ou n’est pas coupable. « La notion d’association de malfaiteurs terroristes a un contour très flou. Une conversation téléphonique avec le coupable peut suffire pour qu’elle soit retenue. Il y a une crainte que certains ne payent pour les auteurs principaux. Les mis en examen ont des degrés d’implication différents. J’attends de ce procès qu’il fasse la lumière sur l’implication des uns et des autres », souligne Safya Akorri.
« C’est un grand moment, qui doit servir à la société pour se ressouder. Parce que, dans un procès, tout le monde est représenté : l’État par le procureur, les victimes par les avocats des parties civiles, les accusés par ceux de la défense. Tout ça doit nous servir collectivement. Le procès face au terrorisme est utile à la démocratie. Un procès, c’est long, c’est technique, c’est ardu, et c’est heureux qu’il en soit ainsi. Personne ne pourrait se contenter d’un processus expéditif », rappelle maître Klugman. Le débat contradictoire, qui est le propre du processus judiciaire, c’est la réponse de l’État de droit à la violence guerrière et la haine de l’autre. « La justice remet la parole au milieu des hommes », souligne l’historien Denis Salas, auteur de l a Foule innocente. Reste ce qui va se passer en dehors des audiences. « Il existe un risque de manipulation politique. Beaucoup vont se saisir du procès pour ressortir leurs discours sur les jeunes qu’on ne peut pas intégrer, souligne Antoine Mégie. Le procès devrait être un moment pour construire du commun, mais dans le climat actuel, je doute qu’il y parvienne. »
25/08/20 - LA FÊTE DE L’HUMANITÉ AURA LIEU
Mardi 25 Août 2020 - Patrick Le Hyaric
La Fête de l’Humanité aura bien lieu. Certes, pas sous sa forme habituelle. Elle devra délaisser le terrain de La Courneuve pour prendre place dans dix, cent, mille lieux, avec, nous l’espérons, des centaines de milliers d’internautes, en France et dans le monde, pour partager concerts et débats. En quelque sorte, un acte fort de résistance contre la pandémie et un système incapable de l’endiguer. Une mise en garde aussi adressée à tous ceux qui entendent se servir de la crise sanitaire pour appauvrir les populations, les tétaniser, congeler leurs réflexions, confiner les actions syndicales, associatives ou politiques.
Les débats de la Fête
Autant de raisons de la tenir donc, cette Fête, et de lui donner des prolongements alors qu’elle va se dérouler à un moment de bascule, quand les effets de la pandémie qui se poursuit vont dramatiquement se faire sentir pour des millions de familles, de travailleurs qui risquent de sombrer alors dans le chômage et la pauvreté. Voilà le triste résultat de l’insertion de plus en plus profonde de la France dans la mondialisation financière et de la loi de la jungle de la libre concurrence de tous contre tous, alors qu’il fallait faire le choix de la coopération, de la modernisation de l’industrie, de l’agriculture paysanne, des services. Ce tsunami économique et social qui avance ne peut être endigué par de petits pansements. Il appelle une refondation complète, un dépassement du système. L’accaparement des richesses par l’infime minorité des possédants doit laisser la place à leur restitution en direction de celles et ceux qui les produisent et, au-delà, à une nouvelle manière de produire et de consommer, dans le cadre d’un nouveau développement humain qui préserve le vivant.
Les débats de la Fête portent sur de cruciaux enjeux : quelle organisation pour la santé ? Relance ou reconstruction ? Reconnaître enfin les premiers de « corvée » ? Quelle place, quel contenu, quelle considération pour la culture, le savoir et la presse pour défendre et penser un autre avenir ? Comment remettre la République sur ses pieds ? La Fête se veut le prolongement et le haut-parleur de toutes les grandes interrogations et attentes du moment, des luttes en cours. De celles pour l’emploi, les retraites et la Sécurité sociale, comme celles pour le climat, l’antiracisme et le féminisme.
Un espace de solidarité
Dans sa préparation avec le bon de soutien, et dans sa tenue même, elle sera aussi un espace de solidarité pour les enfants démunis, en partenariat avec le Secours populaire français. Chaque bon de soutien vendu permettra de verser 5 euros pour cette grande cause.
Chaque bon de soutien acheté permettra l’accès, en tenant compte des consignes sanitaires, aux différents lieux de la Fête.
De la Grande Halle de la Villette à la Bellevilloise, de l’espace Niemeyer au palais Brongniart, du Kilowatt à Vitry à l’Aire des Vents à La Courneuve jusqu’au théâtre Apollo, la Fête va retentir de ses débats contradictoires, concerts et expressions artistiques. Tous ces événements seront retransmis sur une plateforme numérique dédiée.
Réussir nécessite, aux côtés des équipes de l’Humanité, une mobilisation dans les 18 jours qui nous séparent de cet événement sans pareil. Le faire connaître et soutenir l’Humanité et sa Fête, notamment avec la vente du bon de soutien, sont indispensables.
Chaque acheteuse et chaque acheteur se verra remettre un beau numéro spécial de 140 pages retraçant en images et en récits les 90 ans de la Fête de l’Humanité.
Et, dans le contexte exceptionnel dans lequel nous nous trouvons, nous avons été autorisés à assimiler la valeur du bon de soutien à un don donnant droit à un crédit d’impôt. Pour cela, chaque acquéreur doit libeller son chèque au « Fonds de dotation l’Humanité en partage ».
Comme le proclame l’affiche de la Fête, faisons en sorte que « notre humanité soit plus forte que tout ».
13/08/20 - CASTEX RÉAGIT MAIS N’AGIT PAS
Jean Castex, mardi à Montpellier : « Si nous ne réagissons pas collectivement, nous nous exposons à un risque élevé de reprise épidémique. » Pascal Guyot/AFP
Jeudi 13 Août 2020 - Émilien Urbach
Le premier ministre a dressé, mardi, un tableau inquiétant de l’évolution de l’épidémie de Covid-19. Mais les bonnes mesures restent à prendre.
« En mai fais ce qu’il te plaît. » C’était en quelque sorte la devise printanière du Monsieur Déconfinement, Jean Castex, lorsque son prédécesseur au poste de premier ministre déclarait : « Les Français pourront partir en vacances en France en juillet et en août », les invitant à « prendre leurs réservations » estivales.
Ce mardi 11 août, au CHU de Montpellier, le ton a changé : « Je fais le constat d’une moindre vigilance et moindre discipline (…) à la faveur de l’été, des vacances, a insisté le nouveau locataire de Matignon. Si nous ne réagissons pas collectivement, nous nous exposons à un risque élevé de reprise épidémique qui sera difficile à contrôler. »
Si on peut, dès lors, se questionner sur la responsabilité du gouvernement dans la situation actuelle, les chiffres, eux, ne le contredisent pas : 2 000 cas par jour, contre environ un millier à la mi-août. 800 hospitalisations et 100 admissions en réanimation par semaine. 25 clusters repérés hebdomadairement, contre cinq il y a trois semaines. Pour le chef de l’exécutif, le « seuil de vigilance » de 20 cas pour 100 000 habitants sera, en outre, atteint dans les prochains jours, et plusieurs départements se trouvent déjà proches du « seuil d’alerte » de 50 cas pour 100 000 personnes.
Pour endiguer cette accélération de la circulation du virus, Jean Castex a annoncé deux mesures phares, bien que non contraignantes puisque laissées à la libre appréciation des préfets. Ces derniers sont appelés à étendre « le plus possible » l’obligation de port du masque dans l’espace public. Il leur reviendra également d’accorder ou non des dérogations à l’interdiction des rassemblements de plus de 5 000 personnes, prolongée jusqu’au 30 octobre 2020.
En ce qui concerne le retour des enfants et professeurs dans les établissements scolaires, par contre, on en reste aux dernières déclarations du ministre Blanquer, dont « l’objectif est d’avoir une rentrée normale ». « C’est notre scénario principal », affirmait-il, encore, il y a moins de quinze jours.
Concrètement, l’obligation de port du masque devrait se généraliser dans les lieux clos accueillant du public et sur la voie publique, comme c’est déjà le cas, à l’instar de Paris, Nice ou Toulouse, dans plus de 330 villes du pays. Elle reste cependant encore soumise sur les lieux de travail au bon vouloir des chefs d’entreprise.
Plusieurs médecins appellent pourtant à prendre cette décision de salut public. « Si l’on veut faire une mesure qui fonctionne et qui va avoir un vrai impact sur les courbes épidémiques, c’est le port obligatoire du masque en entreprise, insiste, par exemple l’épidémiologiste Marc Blanchier. Alors que l’on est en plein mois d’août, les clusters sont d’abord dans les entreprises. Il faut travailler cette mesure en particulier pour la rentrée, quand les gens vont retourner au travail et se rebrasser dans des univers professionnels. »
Le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises, Alain Griset, admet qu’il faudra « revoir » et « adapter en fonction de la situation sanitaire » les protocoles existants. Mais, pour l’heure, le seul auquel sont contraints les employeurs est celui que le gouvernement a publié fin juin. Il stipule que le port du masque n’est obligatoire qu’ « en cas de difficulté à respecter cette distance d’un mètre. »
12/08/20 - COVID. LA DEUXIÈME VAGUE AURA-T-ELLE LIEU ?
Aujourd’hui, « l’épidémie semble différente, elle touche une population plus jeune », note le directeur du Conseil scientifique. N. Guyonnet/Hans Lucas/AFP
Mercredi 12 Août 2020 - Nadège Dubessay
Beaucoup craignent le retour à une situation critique. Pourtant, la recrudescence de cas ne s’accompagne pas d’hospitalisations en cascade.
On ne parle que de ça. La deuxième vague arriverait cet automne ou en hiver. Ce serait « hautement probable », selon le Conseil scientifique. La « circulation du virus s’intensifie » à Paris, à Marseille et dans certaines régions, alertait, lundi 10 août, le ministère de la Santé. Même constat en Europe. Cependant, « il n’y a aucun signal d’alarme en termes d’hospitalisation », note le Pr Jean-François Delfraissy, directeur du Conseil scientifique. Même si l’on constate une légère hausse. Et, malgré tous les foyers qui surgissent ici et là (au 10 août, 21 nouveaux foyers étaient identifiés sur les dernières 24 heures), en quatre mois, la mortalité quotidienne a été divisée par quinze en Europe. Aujourd’hui, « l’épidémie semble différente, elle touche une population plus jeune », poursuit le directeur du Conseil scientifique. Une deuxième vague impliquerait une transmission généralisée et incontrôlée et provoquerait un nouvel encombrement des hôpitaux. Ce qui n’est pas le cas.
Un effet de loupe plus qu’un véritable rebond
Pour l’épidémiologiste Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale de l’université de Genève, « l’idée d’une deuxième vague laisserait penser à un cycle répétitif tant qu’un vaccin ne sera pas trouvé. Une sorte de courbe ascendante et descendante. Au Luxembourg, par exemple, cette courbe donne vraiment l’impression d’une seconde vague. Mais ce qui l’explique essentiellement, c’est la multiplication des tests ». Car depuis le déconfinement beaucoup de choses ont changé. « Décupler les tests révèle des chiffres de personnes contaminées qui étaient certainement sous-évalués », avance Antoine Flahault. Dépister des cas chez les moins de 40 ans n’a donc que très peu de conséquences en termes de sévérité et de complications. D’une part, les personnes identifiées comme porteuses du virus s’isolent des bien-portants. D’autre part, les personnes à risque se protègent davantage. Les gestes barrières sembleraient avoir joué leur rôle. Et s’il existe bien une recrudescence du nombre de cas depuis le déconfinement, il faut plutôt parler d’effet de loupe que de véritable rebond.
Alors faut-il craindre une vraie vague à l’arrivée des jours plus frais ? « Nous nous refusons de faire des prévisions aussi lointaines », insiste Antoine Flahault. Cependant, l’épidémiologiste propose de regarder avec attention ce qui se passe aujourd’hui en Australie. Au cœur de l’hiver austral, le continent subit les assauts d’une vague hivernale. « Mais nous n’observons pas de vague épidémique significative là-bas », note-t-il. « Des mesures strictes ont été imposées avec notamment le reconfinement de Melbourne, où d’importants clusters semblaient difficiles à contrôler. Le port du masque est devenu obligatoire, mais aussi des contrôles stricts aux frontières. Il semble que l’on puisse empêcher ainsi l’arrivée d’une vague hivernale. Fera-t-on de même avec autant de succès en Europe ? Je n’en sais rien. Mais ce qui se passe en Australie est plutôt rassurant, s’ils arrivent à tenir la circulation du virus sous contrôle tout l’hiver, jusqu’en octobre. »
LE PORT DU MASQUE ÉTENDU
En visite au CHU de Montpellier le 10 août, le premier ministre Jean Castex a annoncé que les préfets devront « étendre le plus possible l’obligation du port du masque dans les espaces publics ». Une vingtaine de métropoles sont concernées, là « où se concentrent une population nombreuse et les grands rassemblements ». En outre, « chaque préfet devra mettre au point un plan de contrôle ciblé dans son département ».
30/07/20 - COLLECTIVITÉS LOCALES. LA « DIFFÉRENCIATION », UNE ATTAQUE CONTRE L’ÉGALITÉ TERRITORIALE
Le 13 juillet à Matignon, le premier ministre, Jean Castex, et Jacqueline Gourault, la ministre de la Cohésion territoriale, en visioconférence avec les acteurs du projet de loi organique sur le droit à la « différenciation ». Raphaël Lafargue /Abaca
Jeudi 30 Juillet 2020 - Lola Ruscio
Chaque collectivité serait en mesure d’exercer des compétences spécifiques, selon le projet de loi présenté mercredi en Conseil des ministres. Le gouvernement prône une logique ultralibérale, nuisible aux territoires les plus fragiles.
C’est au beau milieu de l’été que le gouvernement a décidé de dévoiler une réforme systémique. Le projet de loi organique sur le droit à la « différenciation », présenté mercredi en Conseil des ministres, est un véritable chamboule-tout pour les collectivités locales, déjà mises à rude épreuve par le coronavirus. En réponse, le gouvernement a lancé un gigantesque chantier : l’assouplissement du principe d’expérimentation. Autrement dit, les collectivités pourront exercer une même compétence de façon différente de leurs voisines. « Il s’agit tout simplement de mieux adapter les politiques publiques aux réalités du territoire », a fait valoir Jacqueline Gourault, la ministre des Relations avec les collectivités, en charge du dossier. En réalité, ce projet ultralibéral marque une étape décisive dans l’émiettement territorial.
Le droit à la différenciation présente des risques majeurs. Officiellement, le but est de donner aux collectivités locales « plus de libertés et de responsabilités », avec la possibilité « d’adapter l’action publique aux réalités locales ». Comme l’explique Benjamin Morel, maître de conférences en droit public (voir entretien p. 4), « l’égalité de chacun devant la loi ne sera plus acquise, puisque la loi sera susceptible d’être modulée à la frontière de chaque commune ». Une rupture fondamentale qui ouvre « la porte aux régionalismes, aux inégalités territoriales (…), au dumping social et environnemental, et transformera la République en une République 2.0 à géométrie variable », lancent les sénateurs communistes, dénonçant une « évolution fédéraliste de (notre) République ».
En dépit des dangers pour la cohésion du pays, Jacqueline Gourault veut inciter les collectivités à déroger davantage aux règles communes. Jusqu’à présent, celles-ci peuvent conduire leurs propres politiques publiques sur certains sujets, pour un objet et une durée limités. Une partie de ces verrous vont sauter : les mesures prises pourront être poursuivies sans limite de temps. Et une simple délibération sera suffisante pour conduire une politique publique spécifique, quand il fallait auparavant une autorisation par décret.
Plus largement, cette possibilité de fixer ses propres règles pourrait favoriser la mise en concurrence entre les territoires. Aux collectivités les plus aisées d’élargir le champ de leurs compétences aux dépens des autres territoires. Car, si une intercommunalité ou une région veut exercer une nouvelle politique publique, elle doit en avoir les moyens. Alors que la crise sociale liée au coronavirus bat son plein, ce projet de loi creuserait encore les inégalités territoriales et sociales. Loin de répondre aux inquiétudes, Jacqueline Gourault a annoncé que les collectivités qui le souhaitent pourront piloter les questions de logement, de mobilité, la transition écologique ou la cohésion sociale. « Tout n’est pas envisageable pour autant, a-t-elle nuancé. Il y a le régalien, bien sûr. La crise a aussi montré qu’il n’est pas opportun de décentraliser l’emploi. »
Ces annonces vont dans le sens des propositions du Sénat et de Territoires unis, regroupement composé de l’Association des maires de France (AMF), l’Assemblée des départements de France (ADF) et Régions de France, toutes instances dominées par la droite, qui plaident pour « plus de libertés locales pour plus d’efficacité ». « Les départements sont, par exemple, prêts à gérer complètement la médecine scolaire ou les Ehpad, a développé, dans les Échos, Dominique Bussereau, le président (divers droite) du conseil départemental de la Charente-Maritime et de l’ADF. Ils pourraient aussi aller plus loin dans les politiques culturelles et sportives, sans pour autant piquer des compétences aux régions et aux intercommunalités. » Autant de sujets à soumettre aux discussions de la Conférence nationale des territoires, prévue en septembre. Un projet de loi devrait découler de ces échanges, avant d’être présenté en 2021.
Le droit à la différenciation est la pierre angulaire d’un projet de « décentralisation » plus vaste. Le gouvernement compte bientôt défendre sa loi dite 3D (décentralisation, déconcentration, différenciation), visant à donner une marge de manœuvre encore plus grande aux collectivités. Ces dernières pourront, par exemple, gérer « la formation des chômeurs entre les régions et Pôle emploi », « favoriser des expérimentations autour du grand âge », ou piloter le RSA, a indiqué aux Échos la ministre Jacqueline Gourault, encourageant les élus à aller plus loin : « Place à l’imagination des élus ! » En juin, lors de son allocution télévisée, Emmanuel Macron a fixé le cap : « L’organisation de l’État et de notre action doit profondément changer. Tout ne peut pas être décidé si souvent à Paris. » Dans un discours inspiré du Medef, le président de la République a appelé à « libérer la créativité et l’énergie du terrain ». Sans le dire, il concocte un projet destiné à achever la fracture territoriale à l’œuvre depuis des années, au détriment des citoyens.
Vers un report des régionales après la présidentielle
Emmanuel Macron a proposé, en contrepartie de son « nouvel acte de décentralisation », le report en 2022, après le scrutin présidentiel, des élections régionales prévues normalement l’an prochain. Officiellement, il a évoqué la nécessité de mettre sur les rails rapidement la nouvelle organisation territoriale. Cette hypothèse a aussitôt provoqué l’ire des présidents de région, dont Xavier Bertrand, le président (ex-LR) du conseil régional des Hauts-de-France, pour qui le président de la République « n’a pas envie de se prendre une raclée à un an de la présidentielle parce que ça ferait mauvais genre ». Le député communiste des Bouches-du-Rhône Pierre Dharréville s’est élevé contre un projet de calendrier visant à « tout mettre à la remorque de la présidentielle ».
30/07/20 - SAISONNIERS, LA PLONGÉE EN PRÉCARITÉ
Jeudi 30 Juillet 2020 - Victor Fernandez et Stéphane Guérard
Ils sont plus d’un million à travailler dans les stations de ski, les restaurants, les hôtels, les colonies et les exploitations agricoles... Souvent malmenés, exploités. La crise du Covid-19 et la réforme de l’assurance-chômage aggravent leur statut déjà bien fragile. Pourtant, pas de chiffre d’affaires sans ces premiers de cordée.
Le 15 février 2020, alors que le confinement n’était encore qu’une vue de l’esprit, les salariés des stations de ski savoyardes manifestaient contre les réformes des retraites et de l’assurance-chômage. Ils n’imaginaient pas encore les difficultés auxquelles ils devraient faire face quelques mois plus tard. Selon l’Office de tourisme parisien, la baisse d’activité des entreprises du secteur touristique pourrait être de l’ordre de 60 % dans la capitale, cet été, en raison de la pandémie. Alors que ce secteur est habituellement l’un des principaux employeurs des travailleurs saisonniers, ces derniers n’ont aucune garantie de trouver un emploi pendant l’été.
Si la crise du Covid-19 touche donc grandement ces salariés, la réforme de l’assurance-chômage alourdit encore leur barque. Le premier étage de cette fusée tirée par Muriel Pénicaud, ex-ministre du Travail, a instauré le 1er novembre 2019 un premier tour de vis budgétaire en modifiant le nombre de mois travaillés nécessaires pour avoir droit à indemnisation en période de chômage. Là où il fallait avoir œuvré 4 mois sur les 28 derniers mois pour accéder à l’indemnité, il en faut désormais 6 sur les 24 derniers mois. Le 1er avril 2020, le second étage de la fusée devait entrer en action pour limiter cette fois-ci les droits à rechargement. Là où un chômeur pouvait prolonger ses droits s’il travaillait un mois, il lui en faudrait six. L’Unédic a estimé que cette réforme entraînerait des baisses d’allocations pour 1,2 million de personnes et des pertes de droits ou retards d’indemnisation pour 500 000 chômeurs.
Dans ces estimations, le million de saisonniers y tient une bonne place. « Cette réforme a été pensée pour diminuer le nombre de contrats courts. En réalité, cela ne marche pas. Une activité de guide, par exemple, ne va pas se transformer en un contrat à durée indéterminée (CDI) par magie. Cela va juste précariser le salarié », analyse Mathieu Grégoire, sociologue et coauteur du rapport « Quelle évolution des droits à l’assurance-chômage ? (1979-2020) » pour l’Institut de recherches économiques et sociales, l’Ires.
« Une détresse financière absolue »
Le Covid-19 est survenu, avec son confinement et ses chutes d’activités. Sous la pression unanime des syndicats, le gouvernement a d’abord repoussé au 1er septembre l’instauration du second volet de l’assurance-chômage. Puis, le premier ministre Jean Castex a annoncé, le 17 juillet, la suspension de l’ensemble des mesures jusqu’au 1er janvier 2021 et le retour aux règles « mieux-disantes » socialement d’avant. Promesse tenue à moitié : l’exécutif n’a pas pu s’empêcher de jouer sur les seuils d’accès aux droits et au rechargement pour gratter des sous sur le dos de sans-emploi, ni de priver les chômeurs d’avant le 1er août d’un retour à meilleure fortune.
« Les saisonniers feront là encore partie des perdants, estime Denis Gravouil, de la CGT. Si le seuil d’accès aux droits passe de 6 mois de travail sur les 24 derniers mois à 4 mois, ceux qui ont vu leur saison d’hiver tronquée par l’épidémie ne toucheront rien. Et les jeunes peu qualifiés qui cherchent des petits jobs l’été ne pourront pas tous atteindre ce seuil de 4 mois. Le gouvernement se fait pourtant fort de lutter contre leur précarité. » Pour Éric Becker, délégué Force ouvrière en charge de la saisonnalité, la réforme de l’assurance-chômage est une épée de Damoclès au-dessus de la tête des saisonniers. « Il est probable que la situation de l’emploi ne connaisse pas de grande amélioration en 2021 et que les conséquences de la crise du Covid-19 soient toujours perceptibles, estime-t-il. L’exécutif ne doit donc pas appliquer une telle réforme dans une situation similaire à celle que nous connaissons actuellement ! »
L’accès au chômage n’est pas la seule embûche semée sur le chemin des saisonniers. Une allocation spécifique en faveur de ces travailleurs n’ayant pas trouvé d’emploi pendant l’été est censée voir le jour. Si les négociations à ce sujet étaient déjà en cours sous Muriel Pénicaud, sa successeure Élisabeth Borne a préféré retarder sa mise en pratique par peur « d’un effet d’aubaine ». Un choix incompréhensible pour Éric Becker : « Il s’agit de personnes dans une détresse financière absolue. On ne peut pas traiter cette question comme s’il s’agissait uniquement d’un problème purement comptable alors que ces salariés connaissent des difficultés pour se nourrir. »
Un accès malaisé au RSA
Nombre d’entre eux ont d’ailleurs demandé le revenu de solidarité active (RSA). Mais le non-recours à cette prestation sociale reste la règle pour cette catégorie de la population. Quinze départements ont donc annoncé qu’il serait désormais possible de cumuler RSA et emploi saisonnier. Une maigre consolation pour ces salariés qui ne trouvent justement pas de travail.
Pour ceux qui en ont, le statut de saisonnier constitue une maigre protection dont l’usage est peu à peu rogné. Selon le Code du travail, ce contrat doit être strictement réservé aux emplois dont « les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs », une saison ne devant pas dépasser une durée de huit mois. Si des accords paritaires interprofessionnels et des chartes régionales visent à améliorer les conditions de vie de ces travailleurs, ce contrat n’est vraiment pas une martingale. La liste de ses tares, tenue par la CGT, est longue comme un jour sans pain. « Qualifications non reconnues, précarité, droit du travail non respecté. L’accès à la formation est très compliqué à obtenir. Le logement n’est souvent pas assuré et, quand il l’est, les conditions peuvent être indignes et onéreuses. Les salaires dépassent rarement le Smic, les conditions de travail sont pénibles et la réglementation en matière de temps de travail ou de santé au travail très peu respectée. Le travail illégal, que ce soit par dissimulation d’emplois salariés ou par dissimulation d’heures de travail réalisées mais non rémunérées, est légion dans ces secteurs d’activité », dénonce la confédération.
Pour l’employeur, en revanche, ce contrat relève d’un grand intérêt : il se trouve dispensé du versement d’une indemnité de fin de contrat, normalement due dans le cadre d’un contrat à durée déterminée (CDD). Bref, c’est tout « bénef »… Sauf que ce n’est pas encore assez.
Résigné à changer de profession
Les patrons ont désormais tendance à préférer la multiplication de contrats courts, qui n’excèdent parfois pas les quinze jours. « Ils sont en train de détruire la notion même de saison, déplore Éric Becker. Cela n’a pas de sens de parler d’un pic d’activité pendant une période donnée et d’employer des salariés pendant d’aussi brèves périodes. » Autour du contrat saisonnier gravitent ainsi nombre de contrats sectoriels spécifiques, tels que les contrats vendanges dans l’agriculture ou les contrats d’engagement éducatif dans l’animation. Si ces modes d’embauches sont censés à chaque fois s’adapter à la nature du travail demandé, ils sont surtout très précaires et n’offrent aucune garantie aux travailleurs d’une année à l’autre.
Alors que les saisonniers sont en train de vivre leur pire année, le manque de considération à leur égard pourrait inciter certains à changer de profession, ce qui n’est jamais simple, en vue d’une situation à terme plus stable. « En précarisant autant ces travailleurs, on va vers une déprofessionnalisation de certains métiers, qui nécessitent pourtant des compétences particulières, et une désertification des régions où ils sont employés », alerte Éric Becker. Dans ses repères revendicatifs, la CGT envisage des améliorations pour remettre de la cohérence à ce contrat.
Cela passe tout d’abord par une meilleure définition juridique de la saisonnalité « avec des motifs strictement limités et identifiés par catégories d’entreprises, et non uniquement en référence aux usages d’un secteur ». Par ailleurs, pour lutter contre les abus des employeurs, le ministère du Travail doit veiller à ce que ces contrats soient limités aux seuls secteurs « nécessitant un surcroît d’activité ». Enfin, les exonérations sociales doivent cesser pour que « le contrat à temps plein et à durée indéterminée soit la norme ».
Il y a encore du boulot pour que les droits sociaux de ces salariés soient garantis. C’est pourtant une urgence, faute de quoi, les travailleurs saisonniers finiront broyés par la précarité.
06/07/20 - EXIL. ÉTAT DE CRISE SUR LE PONT DE L’OCEAN-VIKING
Lundi 6 Juillet 2020 - Émilien Urbach
SOS Méditerranée a reçu l’autorisation de débarquer les 180 exilés qui survivaient à bord de leur bateau, où la situation était devenue explosive.
Dimanche encore, en fin de matinée, une nouvelle bagarre a éclaté sur le pont de l’Ocean-Viking. Depuis jeudi soir, à bord du navire de sauvetage de SOS Méditerranée, la situation n’a cessé de dégénérer. Les marins-sauveteurs et les 180 exilés arrachés à la mer depuis le 25 juin étaient à bout. On a dénombré pas moins de six tentatives de suicide depuis jeudi parmi ces derniers. Deux se sont jetés par-dessus bord et ont été repêchés de justesse. Un a tenté de se pendre. Un autre encore refuse de s’alimenter. Et la défiance était grandissante à l’égard des sauveteurs. L’ONG a donc décrété, vendredi après-midi, l’état d’urgence à bord de son navire.
Manque de réactivité des États
« Après 48 heures, tout cela ne semble toujours pas inquiéter les autorités maltaises et italiennes », déplorait encore hier matin au téléphone la cofondatrice de l’ONG Sophie Beau. Ce n’est qu’en milieu d’après-midi, ce dimanche, que l’ONG a finalement reçu l’autorisation des autorités maritimes italiennes de débarquer les rescapés à bord à Porto Empedocle. « On a tenté de faire jouer nos contacts diplomatiques en France, en Allemagne et au sein de la Commission européenne, indique encore Sophie Beau. Mais sans gouvernement, à Paris, c’est compliqué. Et depuis la fin du confinement, les mécanismes de coordination entre États n’ont pas encore été réactivés. Du coup, l’inquiétude et la colère ont grandi parmi les rescapés. » Heureusement, dimanche soir, l’équipage voguait enfin avec quelques perspectives à leur donner.
« La crise du Covid-19 en Europe a montré qu’on pouvait faire passer la santé des gens avant les impératifs économiques. Il semble malheureusement que cela ne s’applique pas à tous de la même manière. » Sophie Beau, cofondatrice de SOS Méditerranée
Les exilés étaient effrayés par l’idée d’être renvoyés en Libye, épuisés par plus de deux semaines de mer, et la confusion a gagné les esprits. Pour certains, ceux qui les ont sauvés des eaux étaient devenus responsables de la situation inhumaine qu’ils vivaient à bord de l’Ocean-Viking. « La crise du Covid-19 en Europe a montré qu’on pouvait faire passer la santé des gens avant les impératifs économiques, pointait, peu avant la bonne nouvelle de l’autorisation de débarquer, la responsable de SOS Méditerranée. Il semble malheureusement que cela ne s’applique pas à tous de la même manière. La vie humaine devrait pourtant être prioritaire devant toute autre considération. »
Le temps pris par les autorités pour finalement autoriser les débarquements des exilés et l’absence de prise en compte des conséquences, à bord, de ce manque de réactivité, démontre pour Sophie Beau que « les États membres de l’Union européenne sont dans le déni de la situation » à laquelle font face quotidiennement les ONG de sauvetage en mer.
03/07/20 - SÉCURITÉ SOCIALE. LE FARDEAU DU COVID SUR LE DOS DU CONTRIBUABLE
Vendredi 3 Juillet 2020 - Marion d'Allard
Le Sénat a voté le principe d’un transfert de la dette liée à la crise sanitaire à la Sécu. Un trou supplémentaire de 136 milliards d’euros, inquiétant pour l’avenir de la protection sociale.
Dans la foulée de l’Assemblée nationale mi-juin, le Sénat a voté, ce mercredi en première lecture, les deux projets de loi (organique et ordinaire) sur la dette sociale, dont l’une des principales mesures est la transformation de la dette « Covid » en dette sociale. En d’autres termes, les dépenses publiques extraordinaires (prise en charge des congés maladie, des arrêts pour garde d’enfants et autres explosion des dépenses de soins) liées à la crise sanitaire devraient être versées à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), creusant de 136 milliards d’euros supplémentaires le « trou de la sécu ». Créée en 1996, la Cades est remboursée par la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS – créée la même année). Un impôt de 0,5 % prélevé à la source sur la plupart des revenus (salaries et allocations chômage). Alors que le renflouement complet de la Cades était prévu en 2024, l’ajout de la dette Covid « reporte son extinction à 2033, sans qu’ait été définie au préalable une nouvelle trajectoire financière de la Sécurité sociale », fait valoir la Cour des comptes, prorogeant d’autant le prélèvement de la CRDS.
Manœuvre politique
Porté par le gouvernement et soutenu par la droite parlementaire, le creusement de la dette sociale est vivement critiqué sur les bancs de la gauche. Au sénat, les groupes CRCE et socialiste ont voté contre, estimant que le déficit public consécutif à la crise sanitaire doit être intégré dans la dette de l’État. « Ce gouvernement cherche à faire payer la crise sanitaire sur le budget de la Sécurité sociale, comme il l’avait d’ailleurs fait après les gilets jaunes », dénonce Cathy Apourceau-Poly, sénatrice communiste. Pour l’élue, le fond de la manœuvre est politique et vise à « supprimer l’autonomie financière de la Sécurité sociale ».
« Sur le terrain, cela signifie la poursuite, dans les hôpitaux, des fermetures de lits et de services, mais aussi l’impossibilité de revaloriser les salaires des soignants ni d’embaucher de personnel. » Cathy Apourceau-Poly, sénatrice communiste
« L’annonce que cette dette Covid serait transformée en dette sociale (…) est inquiétante pour l’avenir de la protection sociale et, au fond, injustifiée », abonde Michaël Zemmour. Car dette sociale et dette d’État ne sont « pas du tout gérées de la même manière » et les règles de leur remboursement sont diamétralement opposées, détaille l’économiste dans une tribune publiée dans le Monde. Ainsi, si l’on peut « faire rouler la dette » de l’État indéfiniment – c’est-à-dire rembourser les seuls intérêts en réempruntant le reste éternellement sur les marchés financiers –, la dette de la Cades, elle, « a vocation à être remboursée “intérêts et principal” » dans un délai limité. Le remboursement de la Cades étant assuré par un prélèvement fixe sur les revenus, c’est donc par la pression fiscale sur les contribuables que le gouvernement entend compenser l’explosion de la dépense publique. Pis, en introduisant dans le texte la mise en place d’une règle d’or, « la droite sénatoriale va plus loin encore, et inscrit l’austérité dans le marbre », s’agace Cathy Apourceau-Poly. Un raisonnement « purement comptable qui interdira désormais à la Sécurité sociale d’alimenter la Cades en nouveaux déficits », explique l’élue. Très concrètement, chaque projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) devra donc être présenté à l’équilibre. « Sur le terrain, cela signifie la poursuite, dans les hôpitaux, des fermetures de lits et de services mais aussi, poursuit l’élue, l’impossibilité de revaloriser les salaires des soignants ni d’embaucher de personnel. » De quoi relativiser sérieusement les belles promesses du Ségur de la santé.
Alors que « les recettes sociales vont être durablement affectées par la récession », alors que « la protection sociale française va faire face à de nombreux défis », alors que « les besoins de protection sociale vont augmenter de manière prévisible », argumente Michael Zemmour, « il faudra décider si nous souhaitons restreindre notre Sécurité sociale, comme cela a été imposé aux pays d’Europe du Sud (…) après la crise de 2008, ou si nous souhaitons collectivement augmenter la part du revenu et de la production consacrée à cette protection, considérée comme un besoin primordial ». La balle est dans le camp du politique.
TAXER LES ACTIONNAIRES POUR RENFLOUER LES CAISSES
Alors que l’État compte s’en remettre aux contribuables pour rembourser l’explosion de la dépense publique, les sénateurs et sénatrices du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste ont mis sur la table plusieurs propositions alternatives pour assurer le financement de la Sécurité sociale. Parmi elles, l’arrêt immédiat de toutes les exonérations de cotisations sociales justifiées par la crise sanitaire, qui assèchent les finances de la Sécurité sociale, et la mise en place d’une contribution de solidarité des actionnaires.
22/06/20 - SÉGUR DE LA SANTÉ. DES PROMESSES FLOUES DE REVALORISATION
Lundi 22 Juin 2020 - Loan Nguyen
Dans le cadre du Ségur, le gouvernement a proposé, vendredi, des hausses générales de salaires pour les personnels hospitaliers. Mais sans aucun chiffrage.
Olivier Véran voulait aller « vite et fort » sur le Ségur de la santé. Assurément, le gouvernement a tenté de donner un coup d’accélérateur à la négociation, vendredi, en proposant aux organisations syndicales un projet d’accord portant sur une revalorisation salariale des agents de la fonction publique hospitalière hors médecins, qui font l’objet d’une discussion séparée.
Une « rénovation » des primes
D’après l’AFP, qui a obtenu une copie du document, cette augmentation générale des salaires des personnels non médicaux à l’hôpital pourrait prendre effet « à compter du 1er juillet », de manière rétroactive, en étant intégrée dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2021 qui sera présenté à l’automne et voté en fin d’année. Cette revalorisation serait complétée par une « majoration supplémentaire » en faveur des « personnels soignants et médico-techniques », dont l’échéance n’est pas précisée, et par une « révision » des grilles de salaires des aides-soignantes et des infirmières, pour laquelle « un groupe de travail sera mis en place ». Ces mesures concerneraient les agents titulaires comme contractuels. Une « rénovation » des primes est également à l’ordre du jour avec « une première étape d’ici au 1er janvier 2021 ». Le projet d’accord évoque en outre la revalorisation des premières heures supplémentaires et des journées de remplacement volontaires dans le but de limiter le recours à l’intérim, ainsi qu’une hausse de la prime d’intéressement collectif.
Du faux sang sur la façade
Cette annonce d’une hausse générale des salaires était fortement attendue par le personnel hospitalier, qui a défilé par milliers partout en France mardi dernier, mais celle-ci semble encore loin d’éteindre leurs revendications. « Ce document est non finalisé, il ne traite que de principes mis sur une feuille, ne comportant aucun chiffrage et pour partie ne contenant que des énoncés incantatoires sur certains sujets et des approximations », a souligné la CGT, qui estime être « loin d’un accord puisque, pour l’instant, rien n’est sur la table, que ce soit en matière de financement ou de prises de décisions politiques ». Le syndicat exige notamment la présence du ministre de la Santé à la prochaine réunion de négociations et maintient son appel à mobilisation, le 30 juin et le 14 juillet. La proposition du gouvernement n’a pas non plus empêché le collectif Inter-Urgences de manifester samedi aux côtés d’Attac pour remettre au ministère de la Santé le « prix du mépris » et asperger sa façade de faux sang. Ces organisations appellent également les hospitaliers à amplifier la mobilisation.
16/06/20 - MACRON, UN DISCOURS POUR RIEN ?
Mardi 16 Juin 2020 - Clément Viktorovitch
15/06/20 - LES MEDIAS DEVRAIENT REFUSER CE GENRE DE SIMULACRE
Lundi 15 Juin 2020 - Thomas Piketty
09/06/20 - COVID-19. LA FIN DE L'ÉPIDÉMIE ? L'AVIS DES CHERCHEURS
Mardi 9 Juin 2020 - Florent Le Du
La prudence reste de mise : l'Organisation mondiale de la santé (OMS) rappelait ce lundi que la pandémie «s'aggravait» dans le monde, même si la situation s'améliore en Europe. Des scientifiques avancent néanmoins l’hypothèse que l’épidémie de Covid-19 puisse prendre fin dès cet été. Décryptage des scénarios possibles.
Et si c’était bientôt fini ? En Europe, la population, largement déconfinée depuis le début du mois de mai, reprend peu à peu sa vie normale. Les autorités publiques multiplient néanmoins les appels à la vigilance, rappelant que le virus est toujours présent et que nous ne sommes pas (encore) à l’abri d’une nouvelle flambée épidémique. Michael Ryan, directeur des questions d’urgence sanitaire à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), prévenait même, le 14 mai : « Ce virus pourrait devenir endémique et ne jamais disparaître. » La prudence reste donc de mise, face à une épidémie qui a provoqué près de 30 000 morts en France (plus de 400 000 dans le monde), ne cessant de surprendre, depuis son identification en décembre 2019. Pourtant, depuis la fin mai, quelques voix plus optimistes commencent à se faire entendre. Des scientifiques avancent l’hypothèse d’une fin proche de l’épidémie, en France comme dans le monde. Peut-on réellement y croire ? Éléments de réponse.
1. Pas de flambée, malgré le déconfinement
« L’épidémie de Covid-19 est contrôlée en France. » C’est la bonne nouvelle transmise par le président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, vendredi. Qu’il s’agisse des nouveaux cas, des hospitalisations ou des décès, tous les indicateurs cruciaux pour surveiller l’épidémie continuent de décroître depuis un mois et demi, comme dans le reste de l’Europe. « On a aujourd’hui assez de recul pour dire que les premières semaines de déconfinement n’ont pas provoqué de flambée », observe Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale, qui précise toutefois que, « tant qu’il reste des cas », l’hypothèse d’une deuxième vague ne peut être exclue.
La semaine dernière, la France a connu son plus faible nombre de nouveaux cas hebdomadaires depuis février, avec près de 1 000 cas nouveaux estimés par jour, contre environ 80 000 début mars. « Le déconfinement se passe bien mieux que ce qu’on imaginait », analyse Pierrick Tranouez, modélisateur et membre du réseau CoVpréhension, qui s’attache à vulgariser les analyses épidémiologiques sur le Covid-19. Rappelons que, le 7 mai 2020, le Conseil scientifique tablait sur environ 4 000 contaminations possibles chaque jour. On en est loin. Jeudi, les treize membres du Conseil scientifique ont donc avancé quatre scénarios probables, selon eux, pour les mois à venir. Ils vont du plus favorable, en l’occurrence une épidémie « sous contrôle » avec seulement quelques foyers localisés, au plus pessimiste, une dégradation atteignant un stade critique. « Nous pensons que c’est le scénario numéro un, c’est-à-dire un contrôle de l’épidémie, qui est le plus probable », a estimé Jean-François Delfraissy sur France Inter.
2. Partout, des épidémies en forme de cloche
Certains chercheurs avancent même une hypothèse plus optimiste encore : la fin quasi définitive de la pandémie, d’ici la fin du mois d’août. En observant de plus près les dynamiques épidémiques dans chacun des pays, ils ont remarqué que les courbes suivaient toutes une forme de cloche. « Dans la cinquantaine de pays qui ne connaissent pratiquement plus de cas aujourd’hui, confinement ou pas, on a vu la vague monter en quatre semaines, atteindre un pic, puis redescendre en huit semaines, jusqu’à ce qu’il n’y ait quasiment plus de contamination. Et, aujourd’hui, nulle part, on ne voit de seconde vague », explique ainsi Jean-François Toussaint, directeur de l’Institut de recherche biomédicale et d’épidémiologie du sport (Irmes). Si cette tendance se confirmait en Amérique du Sud, encore dans la phase de croissance épidémique, il pourrait « ne plus y avoir de contamination significative, à l’échelle mondiale », aux alentours du mois d’août, pense l’épidémiologiste.
Néanmoins, ces dynamiques correspondent à celles d’une première phase épidémique, et rien ne dit qu’une seconde ne peut arriver. « Il y a toujours des infections et, avec l’augmentation des échanges, les frontières qui vont rouvrir, il est possible que des cas soient réimportés dans des régions qui n’en ont plus. Ils vont alors réintroduire des chaînes de transmission et provoquer une flambée , nuance le virologue Étienne Decroly. Nous ne pouvons donc pas encore dire que l’épidémie est finie. » Cette nouvelle flambée, Jean-François Toussaint ne l’exclut pas, mais il la juge « extrêmement peu probable, puisqu’il n’y a aucun indice, nulle part, qui nous permette de penser que c’est ce qui va se produire ». Mais alors, si l’épidémie était réellement en train de s’éteindre, quelle en serait la raison ? Et, à l’inverse, ces pistes sont-elles suffisamment crédibles pour valider l’hypothèse d’une fin de pandémie ?
3. Le virus a-t-il déjà touché ses cibles potentielles ?
« Les aérosols, comme les virus de la grippe, sont ultracontagieux. En six semaines, on a exposé tout le monde. Je pense que c’est ce qu’il s’est passé avec le Covid-19 : il est passé, a eu le temps d’infecter ses cibles potentielles, et est déjà reparti », avance Laurent Toubiana, directeur général de l’Institut de recherche pour la valorisation des données de santé (Irsan). C’est ce qui justifierait une possible disparition du Sars-CoV-2 : le virus aurait déjà fait son tour d’Europe et, si la majorité de la population n’a pas été infectée, c’est qu’elle n’était pas sa cible. Reste qu’on estime à moins de 7 % la part de la population française contaminée par le Covid-19, « ce qui semble bien peu pour considérer que le virus a exposé tout le monde », tempère Antoine Flahault. Certaines régions ont par ailleurs été très peu touchées et il ne semble donc pas que le virus y ait largement circulé et exposé tout le monde.
Pour appuyer leur thèse selon laquelle le virus aurait déjà touché ses cibles, des chercheurs supposent que de nombreuses personnes auraient été immunisées contre le Covid-19, avant même l’apparition de la maladie. « Il y a beaucoup de cas séronégatifs qu’on ne comprend pas. Des gens qui ont été en contact très régulier avec des personnes infectées, mais dont les tests sont négatifs alors qu’ils ont forcément été exposés. Ils n’ont même pas intégré le virus dans leur organisme, il est rentré par une narine et sorti par l’autre. Certainement qu’ils ont développé une immunité non spécifique à ce coronavirus mais qui l’empêche d’entrer », avance l’épidémiologiste Jean-François Toussaint. Armées pour répondre au Sars-CoV-2, ces personnes auraient donc été exposées au virus, mais l’auraient combattu. Une hypothèse jugée crédible par les immunologues.
4. Le Sars-CoV-2 combattu par les autres coronavirus ?
La seconde hypothèse avancée pour justifier que certaines personnes n’aient pu être infectées est le principe de l’immunité croisée. Une proportion importante d’individus pourrait être protégée contre le Covid-19 car ceux-ci auraient été contaminés, et donc immunisés, par le passé, par d’autres coronavirus. Il en existe quatre, responsables de rhumes sans gravité. Selon des études américaines, des anticorps et des lymphocytes délivrés par l’organisme pour combattre le Sars-CoV-2 étaient aussi présents chez des personnes ayant été auparavant infectées par un autre coronavirus. Cette précédente contamination fournirait donc à l’organisme les armes pour bloquer l’entrée du nouveau coronavirus. « Cela ne prouve pas pour autant que ces anticorps et lymphocytes suffisent pour ne pas attraper le Covid-19, précise Pierrick Tranouez. On ne peut pas le vérifier avec des chiffres, mais l’hypothèse est crédible. » « Qu’il s’agisse d’immunité non spécifique ou d’immunité croisée, cela irait dans le sens de l’hypothèse selon laquelle le Sars-CoV-2 a déjà atteint la quasi-totalité de ses cibles potentielles, appuie Laurent Toubiana. S’il n’y a pas de seconde vague, il y a de fortes chances qu’une de ces hypothèses soit vraie. Et si c’est le cas, il ne lui resterait plus qu’à disparaître. »
Cependant, d’autres chercheurs considèrent cet avis comme trop optimiste, rappelant que l’immunité face à une maladie n’est que temporaire. « Si l’immunité croisée a permis à la première phase épidémique de s’éteindre, mais que sa durée de vie est courte, une seconde pourrait réapparaître dans plusieurs mois ou plusieurs années, détaille Dominique Ravier, immunologue au CHU de Dijon. Un autre critère peut entrer en jeu : celui de la saisonnalité. Si elle n’existe pas, alors il est possible que l’épidémie s’éteigne dès cette année et ne revienne pas, même en cas de courte durée de l’immunité. »
5. Un virus qui disparaît pendant l’été ?
Une autre hypothèse pour expliquer que l’épidémie soit contrôlée en Europe et en Asie serait le caractère saisonnier du Sars-Cov-2, c’est-à-dire le fait qu’il circulerait moins en été qu’en hiver. « Cela pourrait expliquer que l’épidémie ne reparte pas dans les pays tempérés de l’hémisphère Nord. Alors que, dans certains pays tempérés du Sud, comme au Chili, en Argentine ou au sud du Brésil, l’épidémie a commencé sa phase exponentielle avec le début de la saison froide », constate Antoine Flahault. Cependant, les pays du Pacifique ont vu leur première phase épidémique prendre fin il y a environ un mois, au début de l’hiver austral. Si aucune étude n’a jusqu’alors pu prouver si le virus réagissait différemment en fonction des conditions climatiques, la question de la saisonnalité pourrait être tranchée d’ici à la fin du mois de juin, d’après l’épidémiologiste Jean-François Toussaint : « Si le cycle épidémique, dans l’hémisphère Sud, couvre la quasi-totalité de l’hiver austral, avec une capacité à se maintenir dans les diverses régions d’Amérique du Sud, alors on peut imaginer que le virus soit saisonnier et qu’il revienne dans l’hémisphère Nord au cours de l’automne 2020. Mais il faudrait que le niveau de contamination et de virulence reste très élevé dans les mois qui viennent. »
À ce jour, en Amérique du Sud, la courbe de propagation de la maladie et la courbe de décès sont toujours dans une phase d’ascension. « Cette région est à surveiller de très près, car si on voit, dans les deux ou trois semaines, que l’Amérique du Sud passe par un pic et entame sa décroissance, alors elle prendra la même dynamique que tous les autres continents, et l’épidémie s’éteindrait en août. » Selon le Pr Toussaint, la thèse de la saisonnalité s’effondrerait alors et celle d’un retour du virus « ne serait pas improbable, tant qu’il restera des cas, mais serait fortement compromise ».
6. Quand proclamer la fin de l’épidémie ?
Comme il est impossible de dire si la fameuse seconde vague déferlera ou non sur les territoires où l’épidémie semble aujourd’hui contrôlée, il sera sans doute très difficile de dire un jour que le Covid-19 est définitivement derrière nous. « Même s’il n’y a plus aucun cas répertorié, ce virus a une telle puissance de propagation que l’épidémie pourrait repartir sur la base de quelques infections », explique l’épidémiologiste Catherine Hill. Mais alors, quand pourra-t-on lever l’ensemble des mesures contraignantes liées à cette crise ? « Toute cette question va se résoudre dans la définition du seuil de “significativité” sur lequel on va s’accorder. Ces débats-là vont être très brûlants, car certains vont dire qu’on n’a pas la preuve que c’est terminé… même si personne ne l’aura jamais », explique Jean-François Toussaint. Certains chercheurs, comme Antoine Flahault, estiment que, en dessous de 100 nouveaux cas quotidiens, un pays de la taille de la France pourra abandonner toutes ses contraintes sociales, y compris les grands rassemblements de personnes. D’autres, plus prudents, souhaitent attendre que le nombre de décès et d’hospitalisations devient résiduel. Tous s’accordent cependant sur le fait que tout doit être mis en œuvre, dès maintenant, pour éviter une nouvelle saturation des hôpitaux et un retour à la situation de mars-avril 2020.
Un plan de prévention pour accompagner le déconfinement
Bien qu’il estime l’épidémie maîtrisée en France, le Conseil scientifique veut se préparer au pire. L’instance propose d’élaborer dès maintenant un « plan de prévention et de protection renforcé » (plan P2R-Covid), pour accompagner l’accélération du déconfinement. L’idée serait de prévoir des mesures contraignantes pouvant être appliquées rapidement, dès l’apparition d’indices d’une nouvelle flambée épidémique. Le but étant d’éviter la saturation des hôpitaux et un nouveau confinement généralisé, en cas de seconde vague. Ce plan comporterait un protocole de préparation pour les hôpitaux, ainsi que six autres protocoles permettant, en urgence, un renforcement des gestes barrières ; un renforcement du dispositif Tester-tracer-isoler ; la mise en place de règles adaptées aux Ehpad ; aux grandes métropoles et aux personnes à risques.
22/05/20 - ILS AFFICHENT LES MAUX DE L’HÔPITAL PUBLIC. NOUS AVONS SUIVI CES COLLEURS DE COLÈRES
Vendredi 22 Mai 2020 - Cécile Rousseau
« Hippocrate contre hypocrites ». Depuis le déconfinement, des collages colorés se multiplient dans les rues afin d’exiger des moyens pour la santé. Les soignants de Robert-Debré à Paris ont une nouvelle fois œuvré dans la bonne humeur, ce mercredi. Nous les avons suivis dans leur démarche poétique et politique. Reportage.
Les faïences blanches de l’hôpital Robert-Debré (19e arrondissement de Paris) se parent de slogans hauts en couleur. Un « Hippocrate contre hypocrites » bien senti se dévoile dès l’entrée. Sur la façade du service des urgences, c’est un « Hôpital public bien commun #onnoublierapas » qui attire les regards. Dans le centre hospitalier pédiatrique, l’émulation créative va de pair avec une montée en puissance de la combativité. Ce mercredi soir, après la journée de travail, une dizaine de personnels, infirmiers, médecins, diététicien ont sorti les brosses à maroufler et la colle pour tapisser les murs alentour. Depuis la fin du confinement, les énergies nocturnes se redéploient pour dénoncer le manque chronique de moyens.
Mélange de solvants
Tout est parti de l’hôpital Saint-Louis, en janvier dernier. Des premiers mots ont jailli des imaginaires et laissé éclater le désarroi. Sur le sol du local syndical, Anne-Françoise Thiollier, puéricultrice, mélange les solvants à toute vitesse. Une des animatrices du collectif Inter-Hôpitaux (CIH) ne tient pas en place. « Les collages contre les féminicides nous ont inspirés, explique-t-elle. Sur certaines lettres, nous rajoutons des aplats de peintures de maîtres comme Klimt, Van Gogh ou de l’art contemporain comme Keith Haring ou encore Yayoi Kusama. Au début, nous avions juste quelques lettres colorées sur une plateforme commune en ligne. Chacun dans son hôpital a ensuite étoffé l’alphabet. L’idée, c’est de faire quelque chose de joyeux, tout en passant des messages constructifs. Un de mes préférés, c’est “Blouse blanche, colère noire”. Mais le mot d’ordre de ce soir, c’est la défense de l’hôpital. »
De Paris à Mont-de-Marsan
Avec la crise du coronavirus, le gouvernement a été contraint d’entendre les voix des soignants résonnant dans le désert depuis plus d’un an. En ce moment charnière pour le système de santé, les personnels savent qu’ils doivent redoubler d’expression. Ces dernières semaines, l’affichage dans l’espace public a essaimé dans la capitale et à travers le pays, à Lyon, Pau, Mont-de-Marsan, Rennes… Ce mercredi soir, une dizaine de cessions ont eu lieu en même temps. L’infirmière fait défiler dans le groupe WhatsApp, également lieu de brainstorming pour les 70 soignants-colleurs, les actions des jours derniers. « Il y a presque une dimension de challenge, s’amuse-t-elle. On a vu que la statue de la place de la République avait été collée. Nous avons décidé d’aller place la Nation, lundi, pour redécorer les colonnes. On ne dégrade pas, cela peut s’enlever facilement. On choisit aussi des murs lépreux, moches, pour les rendre plus beaux. »
« Macron retrouve ses vieux réflexes »
Au soleil couchant, un premier groupe de personnels se glisse dans les couloirs endormis de Robert-Debré. Têtes en bas, ils installent vite ce message bigarré : « Hôpital bien commun », visible de la cour de récréation du service pédopsychiatrie jusqu’à la station de tramway en face. Ces haïkus percutants sont conçus pour être fixés rapidement. Mais cette nuit, pas un vigile ni un policier à l’horizon. Juste une bonne dose de motivation pour d’écrire un autre avenir au service public. Quand la cardiopédiatre Cherine Benzouid a entendu la nomination de Nicole Notat, ex-secrétaire nationale de la CFDT, pour superviser « le Ségur de la santé » (voir notre article), elle a failli en avaler son sandwich triangle de travers : « C’est ça, le monde d’après ? Macron retrouve ses vieux réflexes, il ne nous envoie pas un bon signal. »
« On a tellement manifesté... »
Descendus dans la rue, les soignants blaguent, improvisent, hésitant à œuvrer pas loin du périphérique, avant de finalement décider de rester à proximité. Avec cette effervescence, Philippe Tricaud, infirmier anesthésiste rincé après sa journée de 12 heures aux urgences, n’a pas envie d’aller se coucher : « On a tellement manifesté depuis des années sans être entendus, repense-t-il. En ce moment, on voit arriver des formes d’appendicite plus graves parce que les gens ont hésité à venir avant. S’il y a moins de cas de Covid, nous n’avons pas arrêté de travailler. »
Sur le boulevard de l’Hôpital, Arouny, les mains pleines de solvant, prend du recul pour admirer le résultat : « Coronavirus partout, moyens pour l’hôpital nulle part », avec une belle image de virus ajoutée en guise de point final. Venue pour la première fois grâce au bouche-à-oreille, elle apprécie la démarche poétique et politique. « Cela me permet de mettre des visages derrière ces mots. J’ai fait de belles rencontres dans le service Covid, notamment Cherine. Travailler là-bas m’a permis de redonner du sens à mon métier », explique l’infirmière d’éducation thérapeutique, avant de poursuivre : « J’ai un peu honte, avant, je ne m’intéressais pas assez à la dégradation des conditions de travail, je ne savais pas que l’hôpital était dirigé comme une entreprise. J’ai envie de m’impliquer davantage pour sa défense. »
Une invitation à l’action
Loin d’être des bouteilles à la mer, ces textes reflètent les états d’âme. Mais invitent surtout à l’action. Kevin a prêté main-forte spontanément. Emmitouflé dans son sweat vert malgré la chaleur, le visage recouvert de l’inévitable masque, le musicien a contacté le collectif via les réseaux sociaux (collage_hopitalpublic), après avoir apprécié leurs productions du côté d’Arts-et-Métiers. « C’est ma première sortie depuis mi-mars, ça fait bizarre de voir des gens. Mais applaudir aux fenêtres ne suffit pas. Il faut qu’on s’implique tous. »
De retour devant Robert-Debré, l’interpellation est plus vive : « LVMH, PSA, Bouygues, BNP, payez vos impôts ! L’hôpital se fout de la charité. » Ce vestige d’une précédente expédition demeure intact et… d’actualité. Si François, éducateur spécialisé, n’est pas le dernier à plaisanter, il est piqué au vif en évoquant l’appel aux dons lancé par l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). « 41 millions d’euros ont été récoltés, mais c’est quoi ce principe ? Nous payons tous déjà des impôts. Et pendant ce temps-là, nous avons été rationnés pour les masques et nous n’avons pas de moyens pour mener à bien nos missions auprès des mineurs non accompagnés. » Dans ce quotidien pesant, ces instants de retrouvailles sont aussi une bouffée d’air : « Les collages nous permettent de créer de nouvelles solidarités, dans un esprit ludique autant que dans une démarche citoyenne et militante. » À 23 h 30, les infatigables noctambules ont mis le cap sur Le Pré-Saint-Gervais voisin. La mobilisation conviviale s’est prolongée le lendemain par un nouveau rassemblement des « JeDis colère », mêlant de nombreux soignants ainsi que des riverains au son de chansons revisitées. Pour distiller l’art de la lutte sous toutes ses formes.
22/05/20 - HÔPITAL PUBLIC. LE « SÉGUR » AUX MAINS DE NOTAT
Vendredi 22 Mai 2020 - Diego Chauvet
L’exécutif nomme l’ex-responsable de la CFDT, qui n’a pas laissé que de bons souvenirs...
C’est un nom qui rappellera des souvenirs à beaucoup de syndicalistes… Pour animer son « Ségur de la santé », le gouvernement a choisi Nicole Notat, l’ancienne secrétaire générale de la CFDT de 1992 à 2002. Confier l’animation de ce processus, censé engager la « reconstruction » de l’hôpital public, aux bons soins d’une ancienne syndicaliste peut paraître judicieux. Sauf que Nicole Notat a marqué de son empreinte le syndicalisme de la fin des années 1990, en n’y laissant pas que de bons souvenirs…
Arrivée à la tête de la CFDT en 1992, elle y a imposé une ligne réformiste proche du syndicalisme à l’allemande. Dans les rangs mêmes de sa confédération, elle a ainsi été contestée par une partie de la base des militants qui la jugeait trop ouverte aux compromis avec le patronat et les gouvernements. Cette méthode aboutira notamment au clash de 1995. La France est alors traversée par un puissant mouvement social, le plus important depuis Mai 68, contre le plan Juppé. Or, Nicole Notat apporte son soutien au plan du gouvernement de droite, avant que trois semaines de grève dans les transports n’aboutissent à son retrait. Au sein de l’organisation, de nombreux militants, partisans de la lutte, se sentent alors trahis et quittent la confédération pour rejoindre d’autres centrales syndicales.
Réseau d’influence
Nicole Notat restera toutefois à la tête de la CFDT jusqu’en 2002, et à la tête du conseil d’administration de l’Unedic de 1996 à 1998. Après le congrès de 2002, elle tourne bel et bien la page du syndicalisme, pour devenir cheffe d’entreprise. Elle crée la société Vigeo, chargée de la notation d’entreprises sur des critères sociaux et environnementaux. Une affaire qu’elle a dirigée durant 17 ans, et qui est devenue la propriété de la holding Moody’s Corporation.
Lors de la présidentielle de 2017, Nicole Notat a soutenu le candidat Emmanuel Macron dès le premier tour. En mars 2018 déjà, loin d’être oubliée, Muriel Pénicaud la nomme déléguée française à l’Organisation internationale du travail, poste auquel elle renonce finalement par crainte d’interférences avec son activité à la tête de Vigeo. En outre, Nicole Notat peut ajouter à son CV la présidence du très select club le Siècle, groupe d’influence de dirigeants économiques, politiques, culturels et médiatiques, de janvier 2011 à décembre 2013. Assurément, le gouvernement a confié à une amie l’animation de son « Ségur de la santé ». Pour les agents hospitaliers, c’est une autre histoire…
20/05/20 - LES CHARMES DISCRETS DE MICHEL PICCOLI
Mercredi 20 Mai 2020 - Michèle Tatu
Dans son immense carrière, Michel Piccoli a tourné dans deux films en Franche-Comté « Dom Juan » film de télévision de Marcel Bluwal en 1965 et « L’Invitée », long métrage du cinéaste italien Vittorio de Seta en 1969.
J’ai eu la chance de rencontrer Michel Piccoli lorsque j’étais exploitante de salles de cinéma de Belfort. Le propriétaire de la salle m’avait envoyée à Strasbourg voir « Milou en mai », de Louis Malle, en présence de l’acteur, du cinéaste et de Michel Duchaussoy. Je me souviens de la modestie et de la grande classe de Piccoli répondant aux questions des spectateurs.
Je l’ai revu en 1995, au moment de la commémoration du centenaire du cinéma. J’étais conviée par le journal Le Pays, pour lequel j’étais pigiste, à assister à la conférence de presse annonçant les manifestations nationales. Nous étions dans le lieu de la première projection de cinéma (Le salon indien du Grand Café de Paris) devenu un hôtel. Cette rencontre était suivie d’un petit voyage en bus au Fort de Bois d’Arcy, où sont stockés et restaurés 115.000 films.
Michel Piccoli s’étonnait du soin apporté aux œuvres et à leur conservation ; il était curieux de tout. Je m’étais approchée de lui dans le bus avec le catalogue de la dernière Rencontre de Pontarlier consacrée à Claude Sautet pour lui proposer de venir au Ciné-Club Jacques Becker présenter une partie des films de sa carrière. Il avait été très attentif à la proposition et nous avions parlé de ces gens qui se démènent pour faire vivre le cinéma : les ciné-clubs, les salles indépendantes. Cela lui tenait à cœur. Il n’est pourtant jamais venu à Pontarlier. Grâce à Claude Bertin-Denis, une exposition lui sera consacrée prochainement dans la capitale du Haut-Doubs.
La même année, je l’ai aperçu sur la Croisette lors d’une séquence que tournait Agnès Varda pour son film « les Cent et Une Nuits de Simon Cinéma », une fantaisie cinématographique sans lendemain.
En 2017, Michel Piccoli est venu au Festival de La Rochelle pour la présentation du film d’Yves Jeuland « L’extravagant Monsieur Piccoli » où il fut particulièrement ovationné.
Par ailleurs, en écrivant « Balade cinématographique en Franche-Comté », un livre sur l’histoire régionale de cent ans de tournages, j’avais appris au gré de mes déambulations que Michel Piccoli avait tourné deux fois dans notre région, laissant le souvenir d’un acteur discret et surtout intimidant lorsqu’il était question de lui donner la réplique. Les habitants de Besançon se souviennent d’avoir essayé de rencontrer ce grand acteur lors de ses déambulations dans la ville et les villageois de la Chaux de Gilley se sont souvenus longtemps de ce tournage étrange en pleine tempête de neige.
Michel Piccoli en Dom Juan pour Marcel Bluwal
En 1965, Marcel Bluwal réalise « Dom Juan » (Palme d’or du film de télévision). Il propose le rôle de Dom Juan à Michel Piccoli et de Sganarelle à Claude Brasseur. Au départ Piccoli refuse. Bluwal lui dit : « si tu ne le fais pas t’es un con ». Piccoli répond : « eh bien je suis un con… ». A deux heures du matin l’acteur rappelle le réalisateur et dit : « je le fais ». « Il était d’une disponibilité extraordinaire », dira Marcel Bluwal. Lors du tournage en Franche-Comté, à la Saline d’Arc-et-Senans et au centre ville de Besançon, le cinéaste ne voulait aucun rayon de soleil : « C’était un film sur l’insurrection contre Dieu, il fallait que tous les plans soient sombres. »
Bluwal avait dit à Piccoli d’arriver « chauve et mal rasé ». Godard lui avait demandé la même chose juste avant pour le tournage du film « Le Mépris ».
Après le passage du film à la télévision, Jack Ralite avait organisé des débats dans les universités avec Bluwal, Michel Piccoli et Claude Brasseur. Le film a eu et a toujours un grand succès. Il fait désormais partie des réalisations télévisuelles de qualité pour le petit écran.
Michel Piccoli architecte traverse la Franche-Comté
En 1969, après le tournage d’un excellent documentaire intitulé « les Faivre », Jean Chapot vient en repérages à la Chaux de Gilley avec Vittorio de Seta, en vue de la réalisation de « L’Invitée ». Le réalisateur italien cherchait une région montagneuse pour tourner son nouveau long métrage. Jean Chapot, son producteur délégué, se lia d’amitié avec Henri Pourchet dit « Rico », artisan boulanger qui accepta de prêter sa maison pour le film. Nous sommes dans les années 70 et la crise d’un couple est au centre de cette histoire : Anne (Johanna Shimkus), minée par les infidélités de son mari Laurent (Jacques Perrin), n’accepte pas de le partager avec une femme que celui-ci a invitée.
Elle part en voyage dans le midi avec son patron (Michel Piccoli). Après un premier arrêt à Planoise, une ville moderne en construction à la périphérie de Besançon, le couple visite à Ronchamp la chapelle construite par Le Corbusier. En route vers le Sud, la voiture est immobilisée par la neige en pleine nuit. Dans le village le plus proche, à la Chaux de Gilley, ils trouvent refuge chez le boulanger qui marie sa fille le lendemain. A la fin du périple, Anne se retrouve en situation « d’invitée » vis-à-vis de la femme de son patron.
Sur l’écran noir de nos nuits blanches…
Lors d’un entretien réalisé en Juillet 1995, Henri Pourchet avait déclaré : « Dans cette partie du film tournée à la Chaux de Gilley, de Seta n’a presque rien changé. Seuls les globes ont été remplacés par des lampes. Au début, je devais avoir un petit rôle. J’ai fait un essai. J’avais peur de donner la réplique à Michel Piccoli. Je ne connaissais pas le cinéma et pensais que la scène devait être la bonne à la première prise ; De Seta a fait venir Jacques Rispal pour le rôle du boulanger. J’ai donc fait les gestes professionnels de la fabrication du pain, à la place de l’acteur. »
Dans ce film sur l’incommunicabilité, l’architecture moderne croise les paysages et les traditions franc-comtoises. A la sortie en salle, les séquences tournées à la Chaux de Gilley furent évoquées pour leur authenticité par Jean de Baroncelli, critique au Monde : « la halte chez un boulanger de village nous vaut-elle une séquence remarquable, où l’on croise le goût de Vittorio de Seta pour les gens simples et les humbles joies de la vie quotidienne. »
Michel Piccoli acteur au multiples facettes laisse derrière lui une filmographie où le cinéma italien (Marco Ferreri, Marco Bellochio, Ettore Scola, Nanni Moretti) croise la Nouvelle Vague (Jean-Luc Godard, Jacques Rivette, Claude Chabrol) et où dans sa carrière européenne il travaille avec des cinéastes d’une grande exigence (Théo Angelopoulos, Hiner Saleem, Otar Iosseliani, Youssef Chahine, Luis Bunuel). Acteur fétiche de Claude Sautet et d’un certain cinéma français, il s’imposera dans les films d’Agnès Varda, Michel Deville, Costa–Gavras, Alain Resnais, Jacques Doillon, Bertrand Blier, etc.
Acteur avec des fêlures, de la force, de l’humour, de la fierté et de la déraison, de la rage et de la séduction, il restera à l’image dans les brasseries enfumées de Claude Sautet, dans l’étrangeté de certaines séquences des films de Bunuel ou de Ferreri, imprégnant chaque œuvre de sa voix particulière et d’un discret clignement de paupière. La très belle séquence amoureuse toute en lumière douce du film « Le Mépris » de Jean-Luc Godard restera l’une de mes préférées.
>> factuel.info
14/05/20 - PENSER UN MONDE NOUVEAU. LE SYSTÈME DE SANTÉ D’UNE NOUVELLE CIVILISATION, PAR CATHERINE MILLS
Jeudi 14 Mai 2020 - Catherine Mills
L’Humanité, avec sa plate-forme numérique l’Humanite.fr, prend l’initiative d’ouvrir ses colonnes pour repenser le monde, avec l’ambition d’être utile à chacune et chacun d’entre nous. Cette initiative aura des prolongements avec la publication d’un hors-série à la fin de l’été et l’organisation de grands débats publics permettant de prolonger ces écrits. Aujourd’hui : «Le système de santé d’une nouvelle civilisation», par Catherine Mills, maître de conférences honoraire à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, directrice de la revue Économie et Politique.
Il faut préparer dès maintenant un plan d’urgence pour sortir de la crise où ont été plongés les hôpitaux et le système de santé par le rationnement des dépenses publiques et sociales et de leur financement, visant à monter les prélèvements financiers du capital. La longue grève des personnels hospitaliers nous avait alertés, pourtant, malgré la non-réponse aux revendications, un mouvement extraordinaire de solidarité et de créativité s’est levé dans tout le pays, abolissant les hiérarchies et la coupure médecine de ville/hôpital.
Il faut créer 100 000 emplois à l’hôpital et titulariser les contractuels, élaborer un plan de développement des formations
Il nous faut construire l’avenir et mettre en chantier une réorganisation progressiste, en rupture avec le démantèlement de l’hôpital, partant des propositions des personnels, ce qui exige un nouveau financement. Ce plan concernerait aussi la démographie médicale, la couverture territoriale, les relations ville-hôpital, les Ehpad et les personnes âgées dépendantes, la psychiatrie, etc. Il faut s’attaquer à la désertification médicale et aux inégalités sociales et régionales de santé, répondre à l’exigence de proximité de la population à partir d’un maillage territorial impliquant centres de santé, médecins de ville, hôpitaux. Il faut créer 100 000 emplois à l’hôpital et titulariser les contractuels, élaborer un plan de développement des formations, construire une sécurité d’emploi et de formation permettant l’adaptation aux modifications techniques avec la promotion salariale et sociale des personnels. Il faut mettre un terme à la souffrance des personnels et des malades, en promouvant de nouvelles conditions de travail et de vie et en donnant un vrai pouvoir aux instances de représentation du personnel. Un moratoire sur les suppressions de lits, les fermetures d’hôpitaux et de services permettrait l’élaboration des projets médicaux avec les organisations syndicales, les élu.e.s, les associations d’usagers. Il faut stopper la montée des partenariats public-privé et les privatisations, la vente de biens fonciers et immobiliers.
Proposer un nouveau mode de financement répondant aux besoins et mettant en avant des critères d’efficacité sociale
Un nouveau financement de la Sécurité sociale et de l’hôpital pour répondre aux besoins du XXI e siècle. Il faut promouvoir la prise en charge de tous les soins prescrits à 100 % par la Sécurité sociale. Il s’agirait d’accroître les rentrées de cotisations à partir d’un accroissement et une modulation des cotisations patronales, branchées sur le développement des salaires et des emplois, afin que les entreprises qui suppriment des emplois et compriment les salaires, ou ne respectent pas l’égalité salariale femme/homme, voient leur taux de cotisation s’élever. Pour faire face à l’urgence, tout en combattant la financiarisation, on instituerait une cotisation sur les revenus financiers des entreprises et des banques (dividendes et intérêts), à même hauteur que la cotisation patronale sur les salaires, affectée au système de santé et aux Ehpad. Il faut rompre avec les enveloppes fermées, limitées avec un objectif national des dépenses (Ondam) relevé pour répondre aux besoins. La dette explosive des hôpitaux, liée à la restriction des financements, doit être convertie en une dette à long terme et à 0 % d’intérêt des emprunts, avec la construction d’un pôle financier public et un nouveau rôle de la Caisse des dépôts et consignations. La puissance de création monétaire de la BCE peut être mobilisée à travers un fonds européen de développement des services publics. En France, pour l’hôpital, nous proposons le remboursement de la TVA, qui constitue un prélèvement indirect de l’État sur la Sécurité sociale (4 milliards d’euros), ainsi que la suppression de la taxe sur les salaires. Il faut remplacer le mode de financement actuel de l’hôpital : la T2A qui incite aux actes rentables, à la mise en concurrence et à la privatisation, proposer un nouveau mode de financement répondant aux besoins et mettant en avant des critères d’efficacité sociale. En outre, il faut un plan d’urgence de financement des dépenses d’investissements, de formation et de recherche pour l’hôpital (qui sont à la charge de l’État).
Concernant les Ehpad, la crise sanitaire a révélé une situation dramatique : nous proposons un service public des personnes âgées
Une grande loi de santé publique devrait être élaborée afin de sortir des lois Bachelot/Touraine/Buzyn. Concernant l’hôpital, il faut promouvoir une gestion démocratique permettant l’évaluation des besoins, supprimer les groupements hospitaliers de territoires (GHT) imposés, et les regroupements par pôles qui favorisent les privatisations. Il faut aussi un volet soins de ville avec la création d’un service public de soins primaires, un volet psychiatrie, un volet prévention. Concernant les Ehpad, la crise sanitaire a révélé une situation dramatique. Les politiques gouvernementales d’austérité conjuguées à la gestion financière des groupes privés comme Korian ont abandonné les résidents. Il faut créer 100 000 emplois. Nous proposons un service public des personnes âgées, articulé à un grand service public hospitalier et de santé de qualité regroupant l’ensemble des besoins et des structures sanitaires et sociales.
Le marché capitaliste financiarisé est incapable de répondre aux besoins de la population
Un pôle public du médicament et des biens médicaux permettrait de s’émanciper de la dépendance à l’égard des autres pays et de la domination des multinationales, réarmer nos industries de santé. Ce pôle public concernerait la recherche, la production (vaccins, masques, tests, réanimateurs), la distribution. Il faut rompre avec les scandales sanitaires, les pénuries de médicaments et de biens médicaux dans les pharmacies. Le marché capitaliste financiarisé est incapable de répondre aux besoins de la population. Les nationalisations ou réquisitions nécessaires exigent des pouvoirs réels d’intervention des travailleurs dans la gestion des entreprises. Construire un système de santé novateur nécessite la promotion du rôle central des services publics, de la Sécurité sociale, de la recherche fondamentale. Il faut mobiliser les compétences et les énergies considérables en matière de santé, de la médecine de ville aux hôpitaux, aux laboratoires et aux pharmacies. Au-delà, nous voulons construire une nouvelle civilisation fondée sur la coopération et le développement non capitaliste pour réaliser, dès maintenant, « les Jours heureux ».
13/05/20 - PENSER UN MONDE NOUVEAU. L’ALTERNATIVE ÉCOSOCIALISTE PAR MICHAEL LÖWY, SOCIOLOGUE ET PHILOSOPHE
Mercredi 13 Mai 2020 - Michael Löwy
L’Humanité, avec sa plate-forme numérique l’Humanite.fr, prend l’initiative d’ouvrir ses colonnes pour repenser le monde, avec l’ambition d’être utile à chacune et chacun d’entre nous. Cette initiative aura des prolongements avec la publication d’un hors-série à la fin de l’été et l’organisation de grands débats publics permettant de prolonger ces écrits. Aujourd'hui, l'alternative écosocialiste de Michael Löwy, sociologue et philosophe.
Si cela dépend de nos gouvernants et des élites dominantes, le « jour d’après » l’épidémie sera la copie conforme du « jour d’avant » : « business as usual ». C’est-à-dire retour du néolibéralisme, de la « croissance du PIB », de l’accumulation du capital et du profit, et, bien entendu, joyeux retour des précieuses énergies fossiles et des émissions de CO 2. Avec, pour résultat, d’ici vingt ou trente années, la catastrophe écologique, le réchauffement global irréversible : une menace sans précédent aux conditions mêmes de la vie humaine sur cette planète.
La seule alternative effective, capable d’éviter la catastrophe, c’est une alternative radicale. « Radical » veut dire s’attaquant aux racines du mal. Si la racine c’est le système capitaliste, il nous faut des alternatives antisystémiques, anticapitalistes – comme l ’« écosocialisme », un socialisme écologique à la hauteur des défis du XXI e siècle.
Qu’est-ce que le socialisme ? Pour beaucoup de marxistes, c’est la transformation des rapports de production – par l’appropriation collective des moyens de production – pour permettre le libre développement des forces productives. L’écosocialisme se réclame de Marx, mais rompt de forme explicite avec ce modèle productiviste. Certes, l’appropriation collective est indispensable, mais il faudrait aussi transformer radicalement les forces productives elles-mêmes : en changeant leurs sources d’énergie (renouvelables à la place de fossiles) ; en réduisant la consommation globale d’énergie ; en supprimant la production des biens inutiles (« décroissance ») ; enfin, en mettant un terme à l’obsolescence programmée.
L’écosocialisme se réclame de Marx, mais rompt de forme explicite avec ce modèle productiviste.
L’écosocialisme implique aussi la transformation des modèles de consommation, des modalités de transport, de l’urbanisme, du « mode de vie ». Bref, c’est beaucoup plus qu’une modification des formes de propriété : il s’agit d’un « changement civilisationnel » fondé sur des valeurs de solidarité, égaliberté et respect pour la nature. Pour accomplir la transition vers l’écosocialisme, il faut une planification démocratique, orientée par deux critères : la satisfaction des véritables besoins et le respect des équilibres écologiques de la planète. C’est la population elle-même – une fois débarrassée du matraquage publicitaire et de l’obsession consommatrice fabriquée par le marché capitaliste – qui décidera, démocratiquement, quels sont les véritables besoins. L’écosocialisme est un pari sur la rationalité démocratique des classes populaires.
Il s’agit d’un « changement civilisationnel » fondé sur des valeurs de solidarité, égaliberté et respect pour la nature.
Pour accomplir le projet écosocialiste, des réformes partielles ne suffisent pas. Une véritable révolution sociale serait nécessaire. Comment définir cette révolution ? On pourrait se référer à une note de Walter Benjamin, en marge de ses thèses Sur le concept d’histoire (1940) : « Marx a dit que les révolutions sont la locomotive de l’histoire mondiale. Peut-être que les choses se présentent autrement. Il se peut que les révolutions soient l’acte par lequel l’humanité qui voyage dans le train tire les freins d’urgence. ».Traduction en termes du XXI esiècle : nous sommes tous des passagers d’un train suicide, qui s’appelle « Civilisation Capitaliste Industrielle Moderne ». Ce train se rapproche, à une vitesse croissante, d’un abîme catastrophique : le changement climatique. L’action révolutionnaire vise à l’arrêter – avant que ce ne soit trop tard.
Nous sommes tous des passagers d’un train suicide, qui s’appelle « Civilisation Capitaliste Industrielle Moderne ».
L’écosocialisme est à la fois un projet d’avenir et une stratégie pour le combat ici et maintenant. Il n’est pas question d’attendre que « les conditions soient mûres ». Il faut susciter la convergence entre luttes sociales et luttes écologiques et se battre contre les initiatives les plus destructives des pouvoirs au service du capital. C’est ce que Naomi Klein appelait « Blockadia » . C’est au sein de mobilisations de ce type que pourront émerger, dans les luttes, la conscience anticapitaliste et l’intérêt pour l’écosocialisme. Des propositions comme le « Green New Deal » font partie de ce combat, dans leurs formes radicales, qui exigent l’abandon effectif des énergies fossiles –, mais non dans celles qui se limitent à recycler le « capitalisme vert ».
Quel est le sujet de ce combat ? Les forces qui, aujourd’hui, se trouvent en première ligne de l’affrontement sont les jeunes, les femmes, les indigènes, les paysans. Mais, en dernière analyse, on ne pourra pas battre le système sans la participation active des travailleurs des villes et des campagnes, qui constituent la majorité de la population. La première condition, c’est, dans chaque mouvement, associer les objectifs écologiques (fermeture de mines de charbon ou de puits de pétrole, ou de centrales thermiques, etc.) avec la garantie de l’emploi des travailleurs concernés.
On ne pourra pas battre le système sans la participation active des travailleurs des villes et des campagnes, qui constituent la majorité de la population.
Avons-nous des chances de gagner cette bataille, avant qu’il ne soit trop tard ? Contrairement aux prétendus « collapsologues », qui proclament, à cor et à cri, que la catastrophe est inévitable et que toute résistance est inutile, nous croyons que l’avenir reste ouvert. Il n’y a aucune garantie que cet avenir sera écosocialiste. C’est, selon Daniel Bensaïd, l’objet d’un « pari » au sens pascalien, dans lequel on engage toutes ses forces, dans un « travail pour l’incertain ». Mais, comme le disait, avec une grande et simple sagesse, Bertolt Brecht : « Celui qui lutte peut perdre. Celui qui ne lutte pas, a déjà perdu. »
11/05/20 - UN GRAND DÉBAT POUR « LA RÉALISATION DE L’HUMANITÉ » ! PAR PATRICK LE HYARIC
Lundi 11 Mai 2020 - Patrick Le Hyaric
L’Humanité, avec sa plate-forme numérique l’Humanite.fr, prend l’initiative d’ouvrir ses colonnes pour repenser le monde, avec l’ambition d’être utile à chacune et chacun d’entre nous. Cette initiative aura des prolongements avec la publication d’un hors-série à la fin de l’été et l’organisation de grands débats publics permettant de prolonger ces écrits.
Une féroce et puissante lutte se développe au cœur de l’actuelle pandémie. Elle oppose les tenants du monde actuel aux progressistes transformateurs. D’un côté, celles et ceux qui non seulement veulent dégager le système capitaliste de toute responsabilité, mais surtout profiter de la situation pour aller encore plus loin dans l’exploitation des travailleurs et de la nature. De l’autre, celles et ceux qui pensent que ce nouveau moment porte les germes d’une société post-capitaliste. D’un côté ceux qui comme toujours poussent à « une relance » sans condition, de l’autre ceux qui proposent « une reconstruction ». Nous ouvrons ici un espace pour que ces derniers exposent leurs propositions et projets d’actions.
La relance selon les critères capitalistes porte en elle les pandémies à venir, provoquées par la destruction des forêts au profit du soja et de l’huile de palme, qui détruisent les habitats naturels, l’intensification d’un tourisme débridé, et une hausse irrémédiable des températures qui risque, avec la fonte de sols gelés et de glaciers, de libérer des virus enfouis depuis la nuit des temps.
Les « jours d’après » déjà modélisés dans les officines proches des milieux d’affaires sont d’ores et déjà des « jours tristes », ceux du chômage record, d’une restriction nouvelle des libertés, d’un droit du travail taillé sur mesure pour redémarrer le moteur cahoteux du capitalisme financier, d’un endettement inouï des États qui permettra aux marchés financiers d’affermir le chantage exercé contre la démocratie. Voilà en quoi « la relance capitaliste de l’économie » est grosse de nouvelles crises économiques, sociales, sanitaires, alimentaires. Cet avenir-là est majoritairement réprouvé. Et le système qui le porte de plus en plus contesté. Nous avons collectivement le devoir d’inventer les chemins permettant, selon la formule de Jean Jaurès dans le premier éditorial de l’Humanité, de progresser vers ce « grand but d’humanité par des moyens d’humanité ». Fidèle à son fondateur, l’Humanité lance un grand débat pour faire émerger un tout autre avenir que celui qui nous lie pieds et poings à l’insécurité de vie imposée par le capitalisme financiarisé et mondialisé.
Il s’agit moins de décrire la situation que de recueillir ici les idées, les pensées, les propositions de penseurs et de syndicalistes, de scientifiques et de responsables associatifs, d’ouvrières, d’élus et de créateurs, de militants de la paix, comme de citoyennes et citoyens, féministes ou antiracistes, d’autres aspirant à un monde de justice sociale et environnementale, de professeurs, de médecins, comme de juristes, magistrats ou avocats.
Chacune et chacun défendra ici, dans son domaine de connaissance, d’expérience ou de compétence, une ou deux propositions neuves que nous mettrons à disposition de la réflexion collective pour réenchanter le monde. Et le reconstruire ! Tel est l’enjeu. Telle est la tâche des progressistes attachés à la transformation sociale, environnementale, démocratique et au désarmement. À leur époque et dans de tout autres conditions, nos aînés avaient su trouver les réponses avec le programme du Conseil national de la Résistance. Notre société en porte toujours de fécondes traces.
Des forces immenses se sont levées ces dernières années pour défendre le droit du travail, le climat, les retraites par répartition, l’égalité hommes-femmes ou en revêtant un gilet jaune. Les mêmes souvent, comme les soignants ou les caissières, les enseignants ou les ouvriers de la propreté et les livreurs, se sont battus à leur poste de travail pour l’intérêt général. D’autres encore ont été à l’avant-garde des solidarités concrètes au service des autres.
Ces forces – qui tiennent le pays – produisent du commun. Nous voulons les aider à se faire entendre mieux encore et à acquérir du pouvoir. Et pourquoi pas le pouvoir.
Le moment que nous vivons est un point de bascule. Face à cette urgence, l’Humanité – et sa plate-forme numérique l’Humanité.fr – prend l’initiative d’ouvrir ses colonnes pour repenser le monde, avec l’ambition d’être utile à chacune et chacun d’entre nous. Cette initiative aura des prolongements avec la publication d’un hors-série à la fin de l’été et l’organisation de grands débats publics permettant de prolonger ces écrits. Qu’ici s’expriment librement toutes les propositions et idées permettant de remettre le monde sur ses pieds.
08/05/20 - LA VRAIE CRAINTE DES SOIGNANTS À PROPOS DU DÉCONFINEMENT ? L’ABSENCE DE LEÇONS TIRÉES DE LA CRISE
Vendredi 8 Mai 2020 - Alexandre Fache
Les personnels de santé que nous avons interrogés avant le 11 mai s’inquiètent moins d’une éventuelle deuxième vague de patients Covid que du retour à l’anormale situation des hôpitaux, avant l’épidémie.
Quel est l’état d’esprit des soignants, après deux mois de lutte acharnée contre le Covid-19, et alors que le déconfinement du pays va démarrer à partir du 11 mai ? Redoutent-ils ce desserrement des contraintes et la seconde vague épidémique qui pourrait (éventuellement) l’accompagner ? Pensent-ils pouvoir y faire face, si celle-ci survenait ? Alors que deux études épidémiologiques récentes pointent le risque d’un rebond de la maladie avec le déconfinement, les personnels médicaux que nous avons pu joindre semblent s’inquiéter davantage d’un retour à la situation pré-Covid-19 que d’une hypothétique seconde vague. « Cette seconde vague, je n’y crois pas trop, explique ainsi Frédéric Adnet, le chef des urgences de l’Hôpital Avicenne (Bobigny) et responsable du SAMU 93, dont l’établissement se trouve au cœur d’un des départements les plus touchés de France par l’épidémie. Il y a trois semaines, nous avions plus de 100 nouveaux patients Covid chaque jour aux urgences. Aujourd’hui, c’est un ou deux maximum. Le virus a vraiment cessé de circuler, c’est net. Et le confinement n’explique pas tout. Dans notre territoire extrêmement pauvre, avec de nombreux bidonvilles où les gens n’ont pas pu rester confinés, la maladie aurait dû être encore visible. Or, ce n’est presque plus le cas. » S’il reste prudent, le médecin urgentiste voit là le signe d’une possible saisonnalité du virus. « Après tout, le Sars de 2003 avait lui aussi disparu, sans qu’on puisse expliquer pourquoi. Et, même dans les pays qui n’ont pas appliqué un confinement strict, comme la Suède, l’épidémie semble reculer », ajoute Frédéric Adnet.
« C’est maintenant que la fatigue, physique et psychologique, apparaît »
Pour autant, les personnels de santé n’ont pas encore envie de crier victoire, ni ne s’imaginent passer un été reposant et salvateur. « Quand on a été l’acteur d’une mobilisation aussi intense que celle des deux derniers mois, le retour à la normale pour les soignants peut être très difficile, pointe le médecin de Bobigny. Ce sont des phénomènes bien connus chez les militaires, ou plus largement les personnes qui ont frôlé la mort : après l’adrénaline, vient une forme de décompensation, qui peut prendre des formes sévères, comme le burn-out, la dépression, voire le suicide dans les cas extrêmes. » Une inquiétude partagée par Jean-Daniel Lelièvre, chef du service immunologie et maladies infectieuses à l’Hôpital Henri-Mondor (Créteil). « Pour les soignants, c’est maintenant que les phénomènes de fatigue, physique et psychologique, apparaissent. Un peu comme lors d’une consommation de drogue, c’est la redescente qui est la plus dure. »
D’autant que les semaines à venir ne s’annoncent pas de tout repos. Même si les mesures de prévention permettaient d’éviter un retour massif de patients infectés par le coronavirus dans les hôpitaux, une autre vague menace déjà. « On est préoccupés par ces nombreux malades chroniques, suivis régulièrement avant la crise, et qui ont disparu des radars à cause du virus. Ils vont sans doute revenir aux urgences dans les semaines à venir, dans un état potentiellement très dégradé », pointe le Pr Lelièvre. Par quels effectifs de soignants pourront-ils être pris en charge ? Là-dessus aussi subsiste un certain flou. « Car si l’activité baisse nettement dans les services d’urgence, ceux de réanimation, eux, sont encore très remplis, tout comme les services de rééducation et de réadaptation », alerte Emmanuelle Seris, déléguée Grand Est de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf) et responsable des urgences à Sarreguemines et Bitche (Moselle). Que vont devenir les petites structures à qui l’on a demandé de rouvrir à la hâte des services de réanimation pour répondre à l’urgence sanitaire ? interroge aussi le médecin.
« L’exceptionnel de quelques semaines ne pourra pas tenir plusieurs mois »
Sur ce sujet, le ministre de la Santé a donné une première forme de réponse, jeudi, en indiquant que le gouvernement souhaitait « revenir aux 5 000 lits de réanimation » dont disposait le système hospitalier français avant la crise. Et pour les autres services, appliquera-t-il le même retour à l’avant-Covid-19, comme s’il ne s’était rien passé ? La situation avait déjà donné lieu à des mois de grèves, de manifestations et autres démissions spectaculaires de chefs de service… « Ce serait insupportable pour les soignants, qui ont démontré chaque jour sur le terrain combien leurs revendications étaient justifiées », insiste le Pr Jean-Daniel Lelièvre. « S’il y a une leçon à tirer de cette crise, c’est que le système de santé a tenu grâce à son personnel de terrain, et pas grâce à ceux, dans les bureaux, censés l’organiser. Les lourdeurs administratives ont été énormes pendant cette crise, il ne faudra pas repartir comme avant », plaide aussi Emmanuelle Seris.
Chef du service de réanimation pédiatrique de l’Hôpital Robert-Debré (Paris), et membre du Collectif Inter Hôpitaux, Stéphane Dauger ne dit pas autre chose quand il décrit la situation actuelle : « Aujourd’hui, les réanimations se vident petit à petit, mais quelques enfants sévèrement atteints ont besoin de soins, les services de rééducation débordent, le retour à domicile mobilise à nouveau tous les personnels… Or, l’hôpital ne peut plus faire face. L’exceptionnel de quelques semaines ne pourra pas tenir plusieurs mois, avec ou sans deuxième vague Covid. » Démissionnaire de ses fonctions administratives en janvier dernier, le médecin réclame une revalorisation durable des petits salaires de l’hôpital public, la réouverture de lits pour l’aval des urgences et les soins aigus, et un changement de gouvernance, pour « faire redescendre les décideurs sur le terrain ».
04/05/20 - GRANDE DISTRIBUTION. LES « STOCKS CACHÉS » DE MASQUES FONT SCANDALE
Lundi 4 Mai 2020 - Camille Bauer
À dix jours du déconfinement, les professionnels de santé dénoncent la quantité d’équipements de protection détenus par les supermarchés.
« La consternation s’allie au dégoût. » Tel est le ton du communiqué commun, envoyé le 30 avril, par les pharmaciens, médecins libéraux, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, kinésithérapeutes, infirmiers et podologues. Les raisons de leur colère ? L’annonce par les enseignes de la grande distribution – Carrefour, Leclerc et consorts – de la vente par centaines de millions de masques chirurgicaux à partir d’aujourd’hui. « Comment s’expliquer que nos soignants n’aient pas pu être dotés de masques quand on annonce, à grand renfort de communication tapageuse, des chiffres sidérants de masques vendus au public par certains circuits de distribution », ont réagi les soignants, offusqués.
L’État devrait « réquisitionner » ces masques pour les soignants
« Il est inacceptable d’envoyer des gens au casse-pipe pendant que d’autres font des stocks pour des raisons mercantiles », s’indigne Hugues Videlier, président du conseil régional de l’ordre des pharmaciens d’Auvergne, Rhône-Alpes. « Pourquoi l’État ne réquisitionne-t-il pas les masques pour qu’on en ait en nombre suffisant et que les soignants puissent travailler ? » interroge-t-il. Dans une lettre adressée au ministre de la Santé, Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, fait la même demande : « Ces masques doivent avant tout servir à protéger les populations et non à assurer la promotion d’enseignes de la grande distribution. »
« Il n’y a pas de stocks cachés. Les chiffres annoncés par les enseignes concernent les commandes effectuées, qui ne vont être livrées que très progressivement », s’est défendue la Fédération du commerce et de la distribution dans un communiqué publié le 1er mai. Une précision réitérée par le ministre de la Santé, Olivier Véran, à l’issue du Conseil des ministres, précisant que « la grande distribution dit disposer de l’équivalent de 5, voire 10 millions de masques ». « On est très très loin des 500 millions » importés notamment par l’État, a-t-il indiqué.
« Nous ne contestons pas le fait que les grandes enseignes vendent des masques, souligne Hugues Videlier. Mais, ce qui nous interroge, c’est le timing de l’annonce. Comment se fait-il que la grande distribution puisse en avoir dès à présent de telles quantités, alors que les professionnels sont encore dans la pénurie ? » D’autant qu’une note, révélée par le Monde, indique que la pénurie pourrait se poursuivre à certains endroits. Une situation « provisoire » qui « devrait se régulariser dès le courant du mois de juin ». Soit bien après la date du 11 mai…
30/04/20 - LE 1ER MAI, PLACE AUX VRAIS PREMIERS DE CORDÉE !
Jeudi 30 Avril 2020 - Stéphane Guérard
Revalorisation de ceux qui font réellement tourner l'économie et qui font face au virus, services publics et de santé à renforcer, relocalisations indispensables… Ce vendredi, les syndicats poussent pour changer les priorités économiques et sociales.
Après avoir obtenu deux condamnations pour défaut d’évaluation des risques sanitaires liés au coronavirus, les syndicats CGT, SUD et CFDT d’Amazon étaient, ce mercredi encore, à l’offensive, proposant un modus operandi pour organiser une reprise d’activité progressive. À l’image de cette bataille syndicale et judiciaire devenue emblématique de cette période de travail sous confinement, l’irruption de l’épidémie en France a bouleversé nombre de strates de notre quotidien, y compris au sein du monde du travail. Certes, pas suffisamment pour inverser durablement les rapports de forces. Mais des mobilisations ont payé pour faire respecter la santé et les conditions de travail, comme à La Poste, FedEx ou dans l’industrie. Des schémas de pensée ont aussi été sévèrement bousculés. Si bien que les organisations représentatives des travailleurs entendent pousser leur avantage ce 1er Mai, journée internationale des travailleurs, pour acter des évolutions majeures dès le « jour d’après », qui débute le 11 mai.
« Le Covid-19 met au jour les limites du néolibéralisme »
Si la persistance du coronavirus bannit des rues les traditionnels défilés (lire par ailleurs), elle n’empêche pas les modes d’action inventifs pour faire vivre les très nombreux mots d’ordre. Les services publics s’y tailleront la part du lion, hospitaliers et Ehpad comme tous les secteurs qui ont assuré la continuité des activités de base (énergie, propreté, eau et assainissement, sécurité…). « Il est dommage que l’on ait attendu une épidémie pour qu’on constate leur utilité, sourit Anne Guyot-Welke, secrétaire nationale de Solidaires finances publiques. Le Covid-19 a démontré leur importance ainsi que celle des amortisseurs sociaux et économiques mis en place grâce aux fonds publics. En contrepoint, il met au jour les limites du néolibéralisme, qui a asséché les budgets publics, imposé des coupes dans le secteur de la santé, dont la conséquence a été la mise en danger de la santé des populations. Il va falloir très vite donner des moyens en cons équence aux services publics, notamment en adoptant une autre politique fiscale, avec plus d’équilibre entre les contribuables, les plus riches échappant facilement à leurs contributions. Sinon, la crise de 2008 nous a montré la suite : les précaires et les fragiles seront les premiers touchés. »
Si Emmanuel Macron a lui-même reconnu à de multiples reprises ces dernières semaines l’importance de ces services publics dans la pandémie, les agents publics, territoriaux et hospitaliers peuvent se prévaloir d’un soutien plus assuré sur la durée. Celui de la population, qui, selon le dernier baromètre annuel Kantar-Paul Delouvrier sur « les services publics vus par les Français », relevait dès décembre dernier un changement de paradigme : « La préférence pour améliorer la qualité des services publics plutôt que diminuer les impôts. »
« Un rapport de forces nouveau doit être préparé »
« Nous avons l’opinion publique derrière nous », acquiesce Natacha Pommet, de la CGT services publics. Mais pour l’heure, souligne-t-elle, « aucune inflexion en ce sens n’est venue du gouvernement. Ses récentes ordonnances lui permettent de prendre dans nos jours de congé. La prime aux personnels en première ligne s’avère très aléatoire, alors que ça fait dix ans que le point d’indice est gelé et que nos salaires n’ont pas évolué. Et le ministère de l’Action et des Comptes publics s’apprête à reprendre le cours de sa réforme de casse de la fonction publique ».
Partout les luttes à venir s’avèrent serrées. Il faudra revaloriser tous les métiers des « premiers de cordée » face au virus. À ce propos, la sociologue Dominique Méda soulignait récemment dans l’Humanité Dimanche : « Les mieux payés sont ceux qui parviennent à imposer une telle situation, fruit donc d’une logique de pouvoir et de domination. Il faudrait évidemment que nous sortions de cette crise avec la ferme intention de faire cesser cette divergence entre la création de valeur pour la société et l’échelle des rémunérations. (…) Mais cela suppose un rapport de forces nouveau qui doit se préparer pendant le confinement. » C’est bien là encore l’intention des syndicats.
Si le gouvernement en est déjà à déployer son plan de reprise d’activité, la page n’est pas tournée des déclenchements de droits d’alerte, de retrait ou même de grève pour la sauvegarde de la santé des travailleurs. Et les discussions entre directions et représentants des salariés quant au retour à la production s’annoncent difficiles pour ces derniers, tant les dernières ordonnances et décrets offrent des armes aux premières pour imposer la cadence. « En rouvrant les crèches, écoles et collèges, on voit bien que la priorité du gouvernement est de répondre au patronat en renvoyant tout le monde au travail tout en essayant de diviser les salariés, entre ceux en télétravail et ceux obligés de revenir sur les lignes de production, s’insurge Frédéric Sanchez, de la CGT métallurgie. La période impose de tout revoir de fond en comble : les conditions de travail, le partage du temps de travail, les salaires, l’augmentation du Smic et des aides au logement, mais aussi une vraie politique industrielle, de relocalisation. »
L’épidémie et le confinement ont démontré l’inanité de la réforme des retraites, suspendue sine die mi-mars. La seconde phase de la réforme de l’assurance-chômage vient d’être repoussée, elle qui durcissait encore l’accès à l’indemnisation. Combien de temps la ministre du Travail résistera-t-elle à la pression sur les mesures du 1er novembre dernier ?
« La solution ne viendra pas de ceux qui font partie du problème, faisait récemment valoir Solidaires. Organisons-nous ! »
10/04/20 - FABIEN ROUSSEL, SECRÉTAIRE NATIONAL DU PCF : « L’IDÉAL COMMUNISTE EST PLUS QUE JAMAIS D’ACTUALITÉ »
Vendredi 10 Avril 2020 - Julia Hamlaoui
Toute la semaine, l’Humanité a interrogé les responsables de gauche sur leur vision du « jour d’après ». Dernier entretien avec Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, qui estime possible de « financer tout de suite la reconquête des services publics ».
Le jour d’après la crise sanitaire s’annonce comme celui de la crise économique. Le gouvernement a évoqué d’éventuelles nationalisations, la relocalisation de certaines productions ou encore des dispositifs d’aide. Est-ce à la hauteur ? Quelles politiques proposez-vous pour éviter chômage et précarisation de masse ?
Fabien Roussel. Emmanuel Macron fait mine de découvrir le rôle de l’État et des services publics ! Cette crise sanitaire révèle en fait tout ce qui nous manque pour faire face à une telle pandémie : une industrie puissante, des services publics et un État forts avec des marges budgétaires pour agir. Le capitalisme a considérablement réduit le rôle de l’État, affaibli nos services publics et en même temps encouragé la délocalisation des entreprises, notamment dans la production de médicaments. Il faut donc rompre avec ces logiques d’austérité et de rentabilité financière, et préparer dès maintenant un nouveau modèle économique, social, écologique. L’idéal communiste est plus que jamais d’actualité. Nous voulons une société dans laquelle l’État joue tout son rôle, avec des services publics renforcés et une vie démocratique rénovée jusque dans les entreprises, avec de nouveaux pouvoirs pour les salariés. Par la relocalisation de notre industrie, nous devons retrouver la maîtrise des grands secteurs stratégiques du pays, aujourd’hui vendus au privé, relancer la recherche, bref, retrouver notre souveraineté économique. Chaque citoyen doit être protégé tout au long de sa vie, de l’école jusqu’à la retraite, avec un travail et un salaire digne. Chacun doit pouvoir trouver sa place dans la société. L’être humain, c’est la priorité !
L’Union européenne a suspendu sa règle d’or budgétaire. Craignez-vous le retour d’une austérité accrue ensuite et quelles ruptures faut-il opérer à l’échelle de l’Union ?
Fabien Roussel. La situation montre le besoin de coopération à l’échelle du monde et de l’Europe. L’Union européenne a certes suspendu provisoirement ses normes de déficits budgétaires, mais elle ne change pas de logique. Il y a donc urgence à imposer un autre rôle à la Banque centrale européenne et à notre monnaie : au lieu de nourrir le capital, elle devrait servir un modèle social ambitieux, développer les services publics, l’emploi et les salaires, pour organiser, à l’échelle du continent, un vaste plan de reconquête industrielle. C’est possible en mobilisant les liquidités de la BCE sur des fonds dédiés à l’emploi, aux services publics, au développement de filières, plutôt que sur les marchés financiers comme c’est aujourd’hui le cas.
Les services publics sont en première ligne pour lutter contre l’épidémie. Quelles leçons en tirer pour le « jour d’après » ? Comment les financer ?
Fabien Roussel. Aujourd’hui, de nombreux services publics montrent toute leur utilité. Heureusement qu’ils sont là. Il est possible, tout de suite, de financer leur reconquête : 15 milliards par an de cadeaux fiscaux ont été accordés aux plus riches et aux multinationales. Rétablir l’ISF, supprimer la flat tax, revenir sur les exonérations de cotisations accordées sans contrepartie, c’est possible tout de suite. Cela permettra de financer l’hôpital public à hauteur de 10 milliards d’euros. Nous proposons aussi de taxer les dividendes du CAC 40 à 75 % pour dissuader les entreprises de les verser. Cela pourrait alimenter un fonds en faveur des PME-TPE.
L’état d’urgence sanitaire a conféré de nombreux pouvoir à l’exécutif et les experts ont pris une place prépondérante. Quels changements démocratiques faut-il concevoir ?
Fabien Roussel. La mobilisation indispensable de la nation appelle au contraire un grand élan démocratique, permettant au Parlement, aux forces sociales et politiques de jouer pleinement leur rôle jusque dans les territoires. Nous appelons depuis longtemps à l’émergence de nouveaux pouvoirs des salariés dans les entreprises et dans les services publics. Si, dans les régions, les ARS étaient démocratiques, si dans leur entreprise les salariés étaient écoutés et disposaient de vrais pouvoirs, croyez-vous qu’on aurait pu supprimer 100 000 lits d’hôpitaux, que des délocalisations aussi nombreuses auraient pu être opérées pour le seul profit des actionnaires ?
Vous avez appelé, ces derniers mois, au rassemblement de la gauche, contre la réforme des retraites comme pour les élections municipales. Les défis à relever face à cette crise rendent-ils plus prégnante cette exigence ?
Fabien Roussel. Pour imposer de grands changements, le rassemblement de toutes les forces disponibles est toujours une nécessité. Il doit toutefois reposer sur des contenus exigeants, non sur les plus petits dénominateurs communs, sous peine de grands échecs. Et il ne doit pas se concevoir comme une construction de sommet, réduite aux dirigeants des partis. La mobilisation de l’ensemble des forces sociales, politiques, intellectuelles est indispensable. Les ruptures nécessaires pour sortir du modèle actuel font encore l’objet de débats, voire de désaccords. Il convient de les aborder franchement et publiquement, en faisant en sorte que notre peuple, et particulièrement le monde du travail et de la création, s’en empare. Aujourd’hui, nous souhaitons qu’un large débat s’ouvre sur les exigences mises immédiatement à l’ordre du jour par la crise sanitaire, ainsi que sur le nouveau modèle de production et de consommation dont l’humanité a le plus urgent besoin.
10/04/20 - ONDAM : HISTOIRE D'UN SCANDALE SANITAIRE !
08/04/20 - Commandée par l’Elysée, une note de la Caisse des dépôts prévoit d’aggraver la marchandisation de la santé
Mercredi 8 Avril 2020 - Pierre Laurent . Groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste
M. Pierre Laurent. Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, quand la pandémie a frappé notre pays, médecins et personnels soignants vous alertaient depuis des années. Vous refusiez de les écouter.
Après notre tour de France des hôpitaux, nous avons déposé un projet de loi d’urgence, à la fin de 2019. Vous avez refusé de nous écouter.
Toujours à la fin de 2019, vous avez fait voter un projet de loi de financement de la sécurité sociale si insuffisant que, hier, le bureau de la commission des affaires sociales du Sénat a soutenu unanimement la demande d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative.
Aujourd’hui, médecins et personnels se donnent corps et âme, admirables, pour sauver des vies. Tout le pays les soutient. Mais ils ont la rage au cœur. Le dévouement n’a pas effacé la colère, monsieur le ministre, soyez-en sûr.
Aujourd’hui, vos mots changent. Vous dites : « Rien ne sera plus comme avant ». Le Président de la République a affirmé, au fil de ses déclarations, que « la santé gratuite est un bien précieux », qu’« il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché » et qu’« un plan d’investissement massif devra être conduit pour l’hôpital public ».
Que vont devenir ces mots, monsieur le ministre ?
Nous apprenons par exemple avec stupéfaction, par Mediapart, qu’une note d’experts de la Caisse des dépôts et consignations, la CDC, commandée par l’Élysée, prévoit au contraire d’aggraver la marchandisation de la santé et de l’hôpital.
C’est hallucinant, alors même que dans le pays les balcons non seulement applaudissent, mais désormais se couvrent de banderoles pour demander – je cite, par exemple, les termes d’une pétition qui vient de recueillir 100 000 signatures en quelques jours – « de l’argent pour l’hôpital, pas pour le capital » !
Monsieur le ministre, j’ai deux questions.
Premièrement, pouvez-vous démentir que l’orientation prônée par la note de la CDC soit actuellement envisagée ?
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Je n’ai pas reçu cette note !
M. Pierre Laurent. Deuxièmement, comment le futur plan pour l’hôpital et pour la stratégie de santé publique va-t-il être construit ? Par qui ? Selon quel processus transparent ? En clair, quelle méthode d’élaboration démocratique allez-vous mettre en place dans le pays et au Parlement pour que, vraiment, rien ne soit plus comme avant, et surtout pas votre méthode de gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Pierre Laurent, je vous remercie de votre question, qui porte sur l’hôpital – le Premier ministre a eu l’occasion de souligner, il y a quelques instants, que l’hôpital pouvait réaliser des choses incroyables dans notre pays. J’ai toujours considéré – comme vous, je le sais – que l’hôpital public, comme d’ailleurs l’hôpital privé, était un outil puissamment moderne et agile, capable de soulever des montagnes, capable de doubler, voire de tripler, le nombre de ses lits de réanimation quand il le faut pour sauver des vies, capable de mobiliser son personnel d’un jour à l’autre, d’un bout à l’autre de la France, toujours pour sauver des vies.
Alors que semble se profiler, comme l’a dit le Premier ministre, le plateau de cette vague épidémique, cet hôpital moderne et solide nous permet d’éviter des situations humaines plus désastreuses encore, telles que celles que nous avons pu observer à l’étranger.
C’est pourquoi nous avons annoncé, dès la semaine dernière, que tous les plans et opérations de restructuration hospitalière, même ceux qui sont soutenus par les élus, quel que soit leur bord politique, y compris, d’ailleurs, lorsqu’il s’agit du vôtre – cela arrive ! –, étaient suspendus pendant la période que nous traversons. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.) Si, je vous assure que tel est le cas.
Dans la crise provoquée par le coronavirus, nos efforts sont totalement consacrés au soutien de l’hôpital et des soignants. Et le Président de la République, le 23 mars dernier, à Mulhouse, a eu des mots très forts – vous les avez vous-même rappelés, d’ailleurs –, annonçant un grand plan d’investissements, une revalorisation des carrières et, pour notre système de santé, une reconnaissance à la mesure de ce qu’il apporte de merveilleux dans notre société.
Vous m’interrogez aussi sur la méthode. Celle-ci passe par une concertation. Il est indispensable que nous demandions à celles et à ceux qui font l’hôpital aujourd’hui, et qui sont applaudis par les Français, ce qu’ils attendent de l’hôpital, de leur outil de travail, pour aujourd’hui comme pour demain. Cela ne doit pas nous retarder, néanmoins, dans notre capacité à dire à l’hôpital, qui nous apporte tant, ce que, en retour, nous voulons lui apporter.
Les choses, monsieur Laurent, sont donc très claires. Ce débat traversera l’ensemble de la représentation nationale, ici comme à l’Assemblée nationale, mais je suis presque certain que nous saurons trouver, après une épidémie de cette ampleur, des voies de passage vers un consensus.
Ce consensus ne sera peut-être pas total, mais il me semble que la direction voulue par le Gouvernement pour l’hôpital est largement partagée sur les travées de cette assemblée – tel est en tout cas le message que je reçois de la part de l’union nationale qui s’est fait jour depuis le premier instant de cette crise épidémique.
08/04/20 - COVID-19 : LES VIEUX SACRIFIÉS
Mercredi 8 Avril 2020 - Le Média . Denis Robert
"Je me suis dit que j’avais du mal comprendre. Je cherche confirmations sur les sites professionnels et j’en trouve facilement. Ils font état de la prise en injection de Rivotril dans les Ephad, qui vise à tuer les patients avant qu’ils ne soient transportés pour mourir en hôpital et ainsi en éviter l’engorgement. On les achève par voie injectable, parce qu’il n’y a plus de place et de respirateurs."
Denis Robert sort en forêt pour raconter sa troisième semaine de confinement. Il décide de ne plus nommer ceux qu’il juge malfaisants, mais sort l’artillerie contre les communicants et les fachos, les méchants préfets et les fuyants agents régionaux de santé. Tous ceux qui cherchent à masquer une réalité douloureuse.
08/04/20 - LA PROPOSITION DE COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LA GESTION SANITAIRE DU COVID-19
Mercredi 8 Avril 2020 - PCF
Proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête visant à identifier les dysfonctionnements dans la gestion sanitaire de la crise du Covid 19
Exposé des motifs
Mesdames, Messieurs,
L’épidémie de coronavirus est « la plus grave crise sanitaire qu’ait connue la France depuis un siècle. » a déclaré le Président de la République lors de sa première intervention télévisée sur le Covid-19, le 12 mars dernier.
« La pandémie est la pire crise mondiale depuis la Seconde Guerre mondiale, la pire crise depuis que l’ONU a été fondée » a estimé le Secrétaire général de l’ONU ce 31 mars.
Si la dimension historique de cette pandémie sera documentée en temps voulu, ses conséquences sociales, économiques, éducatives ou encore environnementales doivent, au-delà des mesures immédiates, faire l’objet d’une réflexion approfondie de laquelle les Français ne devront plus être exclus. Les auteurs de cette proposition de résolution y prendront évidemment toute leur place.
L’objet de leur présente contribution vise spécifiquement les aspects sanitaires de cette crise. Tous les jours, la France confinée écoute avec effroi la litanie vespérale du Directeur général de la Santé où s’allonge la liste des victimes.
La France constate avec stupeur que son système de santé, classé, il y a encore vingt ans, comme le « meilleur du monde », n’est plus capable d’accueillir tous les malades, cela en dépit de la mobilisation et des efforts souvent héroïques des personnels soignants.
Des mises en garde constantes
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et le Groupe de la Banque mondiale avaient décidé, en mai 2018, de la création d’un Conseil mondial de suivi de la préparation aux urgences sanitaires, visant à renforcer la sécurité sanitaire mondiale au moyen d’un suivi indépendant rigoureux et de l’établissement de rapports réguliers.
Pour le Président du Groupe de la Banque mondiale, le Dr Jim Yong Kim, l’objectif était de faire en sorte que « la préparation aux pandémies demeure une priorité de l’action au niveau mondial » compte tenu des risques que font peser à la fois l’augmentation des échanges, les voyages incessants, le réchauffement climatique, la perte de biodiversité ou les manipulations de souches virales en laboratoire...
Dans son rapport annuel, publié en septembre dernier, le Conseil mondial de suivi de la préparation avait alerté sur le fait que le monde n'était pas prêt à faire face à une pandémie mondiale, telle que la grippe meurtrière de 1918, alors qu’en se basant sur les récurrences statistiques de l'apparition de souche virale virulente le risque de survenue d’une crise majeure était élevé.
Le rapport énumérait sept mesures urgentes pour préparer le monde aux situations d’urgence sanitaire, parmi lesquelles l’exigence pour les chefs de gouvernement de consacrer une part prioritaire des ressources nationales et des dépenses courantes à la préparation pour garantir la sécurité nationale et mondiale, de construire des systèmes de santé plus effectifs, à même d'envisager et de prévenir la majorité des risques de contaminations, de renforcer les mécanismes de coordination internationaux.
Dans le Livre blanc fixant la stratégie française de défense et de sécurité nationale approuvé et présenté par le Président de la République le 29 avril 2013, les auteurs avaient également estimé qu’« en matière sanitaire, la circulation des personnes et des marchandises, la concentration de populations dans des mégalopoles et la défaillance des systèmes de santé dans certaines zones favorisent la survenue de crises majeures. Le risque existe notamment d’une nouvelle pandémie hautement pathogène et à forte létalité résultant, par exemple, de l’émergence d’un nouveau virus franchissant la barrière des espèces ou d’un virus échappé d’un laboratoire de confinement. »
Le risque d’une nouvelle pandémie était donc connu des pouvoirs publics et documenté scientifiquement depuis des années.
L’apparition d’un nouveau coronavirus et l’extension de l’épidémie à l’échelle planétaire ne peuvent, on le voit, être qualifiées de "cygne noir", comme on le lit parfois. La pandémie n’était pas totalement inattendue. Le risque a été en revanche durablement méconnu ou sous-estimé, en France comme dans de nombreux autres pays.
Dégradation continue du système de santé public et réactions tardives des pouvoirs publics.
La France faisait originellement figure de « bon élève ». Elle s’était dotée dès 2007 d’un dispositif de protection très ambitieux contre des pandémies, avec la mise en place de l’établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus), chargé de gérer à la fois la réserve sanitaire et les stocks stratégiques de produits de santé. L’établissement public sera toutefois progressivement désarmé, jusqu’à sa dissolution en 2016.
Sans doute les responsables politiques et sanitaires ont-ils jugé, à la lumière des épidémies précédentes, que les risques revêtaient désormais une dimension essentiellement régionale.
La pandémie actuelle apporte un terrible démenti à ces projections hasardeuses et met en relief la négligence et l’idéologie de ceux des responsables publics qui ont oeuvré avec obstination à l’affaiblissement de notre système de santé et des infrastructures publiques de soin. De ceux qui ont mis à mal notre souveraineté sanitaire comme le révèlent dramatiquement les difficultés de notre industrie pharmaceutique à éviter les ruptures de stocks de médicaments. De ceux encore qui ont pensé profitable de soumettre à la logique du marché la production française et européenne de matériel médical.
Il faut le rappeler : cinq milliards d’euros ont été supprimés du budget de la santé dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, dont un milliard au détriment de l’hôpital public. En vingt ans, 100.000 lits ont été supprimés, dont 17.500 au cours des six dernières années.
Au-delà des conséquences désastreuses des politiques d’austérité budgétaire sur notre capacité à proposer une réponse sanitaire adaptée aux crises, la situation actuelle met en exergue l’impréparation des pouvoirs publics, qui se sont manifestement laissés dépasser par les évènements. La chronologie des faits, des déclarations et des décisions est éclairante et impitoyable.
Le 24 janvier, alors que deux cas du nouveau coronavirus chinois étaient confirmés en France, sur des patients hospitalisés à Paris et Bordeaux, Agnès Buzyn, alors Ministre de la santé, jugeait que « le risque d’importation depuis Wuhan est pratiquement nul » et que « le risque de propagation est très faible ». « Notre système de santé est bien préparé », affirmait-elle encore.
Estimait-on alors que la chaîne de contamination n’était pas encore incontrôlable ? L’OMS avait pourtant alerté dès le 13 janvier sur la possibilité que des cas surviennent dans d’autres pays que la Chine et appelait à ce que des efforts de surveillance active et de préparation soient mis en œuvre dans tous les pays.
Le 17 mars, l’ancienne ministre de la Santé déclarera au journal Le Monde que, dès le mois de janvier, elle avait prévenu le Premier ministre de la gravité potentielle de l’épidémie de nouveau coronavirus. Cette déclaration est grave. Elle interpelle au moins sur deux points : d’une part elle laisse supposer que le Gouvernement, pourtant informé du danger, n’aurait pas agi à la hauteur du risque, d’autre part, elle atteste que la ministre de la Santé aurait délibérément menti sur la gravité de l’épidémie.
Le 30 janvier, le Comité d’urgence convoqué par le Directeur général de l’OMS s’adressait à tous les pays en ces termes : `
« On peut s’attendre dans n’importe quel pays à l’apparition de nouveaux cas exportés de Chine. Par conséquent, tous les pays doivent être prêts à prendre des mesures pour endiguer l’épidémie, notamment par une surveillance active, un dépistage précoce, l’isolement et la prise en charge des cas, la recherche des contacts et la prévention de la poursuite de la propagation de l’infection par le 2019-nCoV, et à communiquer l’ensemble des données à l’OMS. ».
L’annonce est jugée tardive par une partie de la communauté scientifique. La maladie s’était en effet propagée alors à 18 pays, infectant près de 8000 personnes et provoquant la mort de 170 d’entre elles.
Il faudra encore attendre le 29 février pour que le Gouvernement français, lors d’un Conseil des ministres exceptionnel, prenne les premières mesures sanitaires de lutte contre la propagation du virus, en interdisant des rassemblements se tenant en milieu confiné. Cette mesure est présentée conjointement à la décision de faire usage de l’article 49.3 de la Constitution afin d’adopter sans vote la réforme des retraites. Un mélange des genres qui trahit ou une impréparation du Gouvernement ou un manque d’engagement à mettre en œuvre, en urgence, une action collective et solidaire face à une pandémie devenant incontrôlable. Un mélange des genres à l’image également des injonctions contradictoires qui se succèdent au fil des déclarations des membres du Gouvernement et plongent les Français dans l’inquiétude, voire la peur.
Une succession de messages contradictoires
Concernant les tests de dépistage, la communication ministérielle insistera dans un premier temps sur l’utilité des tests: « Nous bénéficions en France d’un test rapide qui va être disponible de plus en plus largement sur le territoire dans les prochains jours" expliquait, le 27 janvier, le directeur général de la santé.
Le 23 février, Olivier Véran, qui vient de succéder à Agnès Buzyn, annonce : « Dans les hôpitaux de Paris, nous allons pouvoir être largement en mesure de répondre aux demandes, quelles qu’elles soient, de réalisation de tests »
En dépit des pressions de l’OMS, qui invitera à plusieurs reprises à tester massivement les populations, le nombre de tests réalisés chaque jour n’évoluera par la suite que faiblement, passant de 2 000 à 4 000 par jour, puis à 9 000 par jour fin mars, avant que le ministre n’annonce, à l’issue de près de deux semaines de confinement de la population, un changement de stratégie avec la commande massive de tests sérologiques afin de pouvoir en réaliser 100 000 par jour en mai ou en juin. Au moment de cette annonce, l’Allemagne réalisait déjà chaque semaine un demi-million de tests.
La question du stock de masques ne sera abordée de son côté que le 23 février. Le ministre de la santé annonce alors « faire le nécessaire pour que (les professionnels de santé) puissent disposer de masques adaptés à chaque situation, dans un marché qui s’est tendu au plan international ». Il ajoute : « Nous allons travailler avec les entreprises productrices de masques FFP2 sur le sol français, et nous passons une commande de masques en quantité »
Un mois plus tard, le 21 mars, le ministre affirme: « C’est parce que nous avons dès le début considéré que la disponibilité en masques allait être une difficulté, qu’il a été décidé, dès le mois de janvier, de recourir à l’importation de masques, avant même l’apparition de premiers cas sur notre territoire national. »
Malgré l’annonce de commandes réalisées en janvier, la pénurie de masque est flagrante. Aucune information ne filtre sur leur livraison. Les experts se bousculent en revanche sur les plateaux de télévision pour en affirmer l’inutilité et ce n’est finalement que le 28 mars qu’interviendra l’annonce de commandes massives de masques à la Chine et la mise en place d’un pont aérien.
Le feuilleton de la « chloroquine » aura de même mis l’accent sur les dysfonctionnements dans la chaine de décision. Dès le 26 février, le professeur Didier Raoult, directeur de l’Institut Méditerranée Infection à Marseille, explique les raisons pour lesquelles il estimait que la chloroquine pouvait agir efficacement sur la variété de coronavirus en cause. Il annonçait mettre en place un protocole thérapeutique dont les résultats encourageants seront publiés le 17 mars. Alors qu’il n’existe aucune alternative thérapeutique, et que l’usage de cette substance est très documentée, il faudra néanmoins attendre le 24 mars pour que le ministre de la Santé autorise l’utilisation de l’hydroxychloroquine pour traiter des malades infectés par le Covid-19, en restreignant toutefois le traitement aux patients présentant des formes graves de la maladie, pris en charge à l’hôpital.
Des pesanteurs analogues seront pointées du doigt par d’autres praticiens. C’est ainsi qu’un généticien à la tête d'un important laboratoire de recherche du CHRU de Lille, dénoncera en ces termes la rigidité des autorités quand les laboratoires français pourraient développer rapidement les amorces et enzymes nécessaires à un dépistage massif : « Si on nous avait autorisés, nous les gens de la recherche, j’aurais mon congélateur plein d’enzymes, on aurait fait le protocole et on travaillerait à fond pour le CHU aujourd’hui. C’est comme ça dans toute la France. »
De fait, au fil des jours, de nombreux professionnels de santé et un collectif d’une centaine de médecins ont saisi le Conseil d’Etat ou porté plainte au pénal contre des membres du gouvernement, au motif qu’ils « avaient conscience du péril et disposaient des moyens d’action, qu’ils ont toutefois choisi de ne pas exercer ».
Au regard de la gravité de ces accusations et en vertu de sa mission de contrôle de l’action du gouvernement, la représentation nationale a le devoir d’examiner au plus vite les dysfonctionnements dans la gestion sanitaire de la crise pour comprendre comment notre pays n’a pu être en mesure de prévenir la propagation du virus et la multiplication des cas mortels comme en Allemagne ou en Corée du Sud , pays qui semblent s’être mis en situation de mieux juguler l’épidémie.
Sans esprit partisan, une telle commission permettrait de faire la lumière sur les dysfonctionnements et leur origine, d’identifier les responsabilités et de mieux appréhender les moyens efficaces de lutte contre la pandémie qui nous frappe, qui risque de perdurer et éventuellement se reproduire.
Cette commission d’enquête devra ainsi, notamment, établir :
-les raisons qui ont justifié des prises de décisions tardives voire contradictoires, notamment en matière de confinement ;
-pourquoi les pouvoirs publics n’ont pas été en mesure de définir clairement quels étaient les personnels qui devaient impérativement se rendre sur leurs lieux de travail ;
-pourquoi notre pays n’a pas été en mesure de fournir des masques en quantité suffisante, pour protéger les soignants, les travailleurs contraints de se rendre sur leurs lieux de travail, et protéger la population dans son ensemble ;
-pourquoi notre pays se trouve confronté à une pénurie de médicaments essentiels au traitement d’autres pathologies et ce en plein cœur de la crise ;
-pourquoi notre pays n’est pas en situation de faire face à un afflux de malades et d’apporter les soins nécessaires à chacun d’entre eux malgré le dévouement sans faille des personnels soignants ;
-les raisons qui ont conduit le gouvernement à décider de ne pas réaliser de dépistage massif de la population et si ce dépistage aurait permis d’endiguer l’épidémie ;
-les raisons qui ont conduit le gouvernement à décider d’autoriser l’hydroxychloroquine à l’hôpital, uniquement dans la prise en charge des formes les plus graves ;
Article unique
En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête de trente membres, chargée d’identifier les dysfonctionnements dans la gestion sanitaire de la crise du Covid 19 en France, de les évaluer et d’en tirer les conséquences pour permettre à notre pays d’être en mesure d’affronter, à l’avenir, une autre pandémie.
>> www.pcf.fr
06/04/20 - MONNAIE HÉLICOPTÈRE : ET S’IL PLEUVAIT DES BILLETS ?
03/04/20 - CRISE. LE PCF MET SES IDÉES SUR LA TABLE
Vendredi 3 Avril 2020 - Benjamin König
Les communistes ont présenté leurs mesures lors d’une conférence de presse.
Après avoir été reçus par le premier ministre le matin, les dirigeants du PCF ont innové ce jeudi avec une conférence de presse par visioconférence : une première. L’occasion pour le secrétaire national Fabien Roussel de présenter les propositions de sa formation en cette période de crise, réparties en six chapitres (disponibles sur pcf.fr) et partagées avec l’ensemble des forces syndicales, politiques et associatives. « À court et à moyen termes, a précisé le député du Nord, la priorité est de répondre à l’urgence sanitaire, notamment en mobilisant nos filières industrielles. » Si besoin par la réquisition, comme d’autres pays l’ont fait, ou la nationalisation. Une mobilisation générale contre la pandémie qui doit se traduire, pour le PCF, par des embauches massives dans les hôpitaux et les Ehpad, la revalorisation des salaires des soignants et un dépistage systématique. Les communistes ont également dénoncé la « jungle terrible du capitalisme » qui conduit les pays à se livrer à une concurrence féroce pour obtenir du matériel médical. Autres urgences : protéger les salariés, grâce à une prise en charge du chômage partiel à 100 % combinée à la mise à l’arrêt immédiat des entreprises non essentielles, et « l’égalité pour les confinés ». Il s’agit de bloquer les prix du gaz, de l’eau, de l’électricité, de rendre les transports gratuits ou du gel des loyers et des remboursements de prêts pour les plus précaires. Car « être confiné, ça coûte cher ! » a précisé Fabien Roussel.
Mais pour le PCF, il faut préparer « les jours d’après », raison pour laquelle le parti s’appuie sur un réseau de chercheurs, intellectuels et scientifiques pour faire « émerger des idées, évoluer les propositions ». Car, selon Fabien Roussel, « le gouvernement commence déjà à préparer les esprits à l’austérité, à des jours difficiles, comme en 2008. Mais ce n’est pas la même crise ! ». Avec une question centrale, celle de l’impôt, « et pas la charité proposée par M. Darmanin ». D’autant qu’un plan de relance et d’investissements sera nécessaire, prévient le PCF, ainsi que des moyens massifs pour les services publics, à commencer par l’hôpital : « C’est valable pour la France comme pour l’Union européenne, qui fait totalement défaut. » Regrettant que du côté du gouvernement, les discours semblent changer mais « les actes concrets sont absents », Fabien Roussel a exposé de nombreuses propositions de régénération démocratique, avec un comité d’urgence nationale, le blocage des dividendes pour les grandes entreprises recevant de l’argent public et, surtout, la remise en cause des cadeaux fiscaux.
02/04/20 - COVID-19 : CE QU'IL FALLAIT RETENIR DU GRAND ORAL D'ÉDOUARD PHILIPPE
Jeudi 2 Avril 2020 - Cyprien Caddeo
Baccalauréat, municipales, déconfinement : alors que le confinement entrait dans son 17e jour, Édouard Philippe a tenté de répondre aux questions des Français, jeudi soir, sur TF1 et LCI.
Ils se partagent les rôles. Alors qu’Emmanuel Macron se réserve les grands discours à la nation “en guerre” contre le coronavirus, Édouard Philippe, lui, écope des passages télévisés face aux journalistes, aux médecins et aux Français. Vous n’aviez pas envie de gâcher un si beau confinement avec une intervention fade du chef du gouvernement ? On vous comprend, mais voilà ce que vous avez manqué.
'Le déconfinement, c'est pas pour demain matin''
Le premier ministre n’a pas voulu se montrer trop optimiste, sur le plateau de la première chaîne. Seule certitude : les Français doivent se préparer à plusieurs semaines de confinement supplémentaires. Quant à l’hypothèse d’un déconfinement, elle dépend de “plusieurs inconnues”, selon Édouard Philippe, comme la future existence d’un traitement ou d’un vaccin au coronavirus, ou les capacités à opérer “massivement” des test sérologiques sur la population. Le premier ministre a confirmé que plusieurs options étaient sur la table, comme celle d’un déconfinement partiel, qui ne concernerait que certaines régions ou seulement, dans un premier temps, les plus jeunes. Néanmoins, ce ne sont, pour le moment, que des pistes.
Renforcement des contrôles pour les vacances de Pâques
Même si la tentation est forte, “il ne doit pas y avoir de départs en vacances”. C’est le message qu’a martelé le locataire de Matignon, alors qu’une partie de la France entre en vacances le 4 avril. Des mesures de contrôle renforcées devraient être déployées par le ministère de l’Intérieur pour éviter la circulation du virus. Par ailleurs, Christophe Castaner a indiqué qu’une application pour smartphone afin de remplir son attestation de déplacement serait mise à disposition le 6 avril. Les personnes dépourvues d’imprimante seront ravies.
Plus de tests
La France a été très en retard sur la politique de dépistage, mais selon le premier ministre, “nous avons dépassé les 20 000 tests par jour, nous allons passer à 30 000”.
Un baccalauréat inédit
C'est une évidence, actée par le premier ministre, les épreuves du bac ne se tiendront pas dans les circonstances habituelles. Édouard Philippe a écarté, ce soir, la possibilité de reporter le baccalauréat au mois de juillet, car cela risquerait de chevaucher les dates de certains concours d'entrée aux écoles supérieures. Il avait d'abord été envisagé, si les cours reprenaient entre le 4 et le 18 mai, qu'une épreuve écrite ou orale (au lieu de cinq ou six habituellement) portant sur une matière principale du bac (littéraire, scientifique, etc.) pouvait avoir lieu fin juin. Le premier ministre a néanmoins annoncé privilégier la piste d’un contrôle continu complet, qui fonderait l’obtention du diplôme sur les notes accumulées durant les deux premiers trimestres.
La politique fiscale d’après-crise
À un téléspectateur qui l’interrogeait sur de possibles augmentations d’impôts une fois l’épidémie traversée, le premier ministre a considéré que “c’était la pire chose à faire pour sortir de la crise” et compte sur “un plan de relance européen voire mondial”. Sans préciser les canaux d’action. Une action de la Banque centrale européenne ?
Des municipales encore incertaines
Il faut encore attendre le 23 mai pour avoir une décision définitive. Ce qui est sûr, c’est que dans les villes où une liste a gagné dès le premier tour, le résultat est bel et bien validé et il n’est pas question de revenir dessus. Cela concerne quelque 30 000 communes. Pour les 5000 restantes, deux scénarios se dégagent, selon le premier ministre. Soit, conformément à la loi du 23 mars 2020, le second tour des élections municipales est fixé au 21 juin 2020. Soit, s’il est irréalisable de le maintenir compte-tenu de l’état de l’épidémie, alors il sera reporté au mois d’octobre. Auquel cas le premier tour des villes concernées sera annulé, et une nouvelle élection à deux tours se tiendra. Les gagnants du premier tour, dans des villes comme Lille, Paris ou Montpellier, sont donc en sursis, suspendus à la décision du 23 mai.
02/04/20 - IL Y A URGENCE ! LE BILLET DU DR CHRISTOPHE PRUDHOMME. AUJOURD’HUI : RÉQUISITION
Jeudi 2 Avril 2020 - Christophe Prudhomme, médecin au Samu 93
« Nous subissons depuis le début de l’épidémie le manque de moyens de protection, notamment de masques, non seulement à l’hôpital, mais aussi en ville, où nos collègues médecins, infirmières, ambulanciers travaillent dans des conditions indignes, qui les mettent en danger. Aujourd’hui, la situation devient plus grave, avec un début de rupture d’approvisionnement en médicaments essentiels, notamment les anesthésiques, absolument indispensables pour endormir les patients intubés et ventilés en réanimation. Nous sommes là face à une mise en danger immédiate de la vie des patients. Cette situation était prévisible et rien n’a été fait. Depuis plusieurs années, nous avons été nombreux à protester et à demander au gouvernement de prendre des mesures face aux ruptures d’approvisionnement qui augmentent d’année en année dans les pharmacies. Il s’agit là de la conséquence directe des choix de l’industrie pharmaceutique, qui a privilégié sa rentabilité financière au détriment de la sécurisation de sa production. Tout cela est connu et a été largement analysé par des associations comme l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament, dont les appels auprès des pouvoirs publics sont restés sans réponse.
Il n’est plus possible, face à cette crise, de se contenter de faire appel à la bonne volonté des entreprises et d’organiser des visites à visée médiatique, Monsieur le président de la République. L’urgence est à la réquisition immédiate des entreprises, pour que la priorité soit donnée à la fabrication des produits indispensables au bon fonctionnement de notre système de santé. Le bricolage, c’est fini ! Seule la réquisition permet de prioriser les productions, de les répartir en fonction des priorités et de contrôler les prix. Il est par ailleurs insupportable de constater que la Communauté européenne ne sert à rien aujourd’hui. Chaque pays mène sa propre politique, s’est replié derrière ses frontières, et il existe même une concurrence brutale pour s’approprier les rares moyens disponibles sur place où qui sont commandés à l’étranger.
L’inhumanité de l’organisation de notre économie dans le cadre de la mondialisation libérale est mise en pleine lumière. Monsieur le président, vos belles paroles sur le thème » Demain, tout ne pourra plus être comme avant « ne peuvent suffire. L’urgence est là, et c’est maintenant que les choses doivent changer, avec une première étape : la réquisition par l’État des entreprises indispensables pour sauver des vies aujourd’hui. Car, demain, nous compterons les morts qui auraient pu être évitées. »
01/04/20 - À L’HEURE DU CONFINEMENT. VERS UNE AGGRAVATION DES INÉGALITÉS ? (1/2)
Mercredi 1 Avril 2020 - Avec les tribunes de Sophie Binet Cosecrétaire générale de l’Ugict-CGT et Louis Maurin Directeur de l’Observatoire des inégalités
Les femmes en première ligne
Sophie Binet, Cosecrétaire générale de l’Ugict-CGT
Infirmières, aides-soignantes, aides à domicile, caissières, assistantes maternelles, personnel de nettoyage… les héros en première ligne face au coronavirus sont majoritairement des héroïnes, à qui l’on demande, tels les ouvriers de Tchernobyl, de monter au front avec des protections dérisoires. Ces professions, féminisées, se sont construites autour des compétences présumées naturelles des femmes, et sont donc moins bien rémunérées, sous prétexte qu’il ne s’agissait pas de « vrais métiers, de vraies qualifications ». Les femmes composent l’essentiel des personnels au contact direct des malades ou du public, elles courent donc davantage le risque d’être infectées. Mais, alors qu’elles assument toujours 73 % des tâches ménagères, elles sont aussi les premières affectées par la fermeture des crèches et des écoles.
La décision du gouvernement de conditionner l’arrêt maladie pour prise en charge des enfants relève d’une énorme hypocrisie. Comment imaginer pouvoir télétravailler tout en prenant en charge ses enfants, a fortiori quand il faut leur faire la classe. C’est cette réalité que vivent les enseignant.e.s obligé.e.s de jongler entre les cours à assurer et le suivi de leurs enfants. Que dire de celles qui n’ont pas le capital culturel pour assurer ce métier, et qui sont témoins impuissantes du décrochage de leurs enfants ? Enfin, le confinement est aussi synonyme de violence, notamment pour les 230 000 femmes victimes chaque année en France de violences conjugales qui sont enfermées en tête à tête avec leur agresseur. Il se traduit aussi par un moindre accès aux services sanitaires jugés secondaires, comme l’IVG par exemple ou l’accouchement, comme le démontrent les pics de mortalité maternelle et infantile observés suite au virus Ebola en Afrique. À l’image du programme du CNRS imaginé aux heures sombres de l’Occupation, c’est maintenant qu’il faut débattre de notre projet de société pour l’après-confinement. Pas question, que sitôt le retour à la normale, la hiérarchie « naturelle » reprenne ses droits, à l’image du renvoi violent des femmes au foyer en 1918 après qu’elles eurent joué un rôle déterminant dans l’effort de guerre. Réévaluer les priorités à l’aune des besoins humains doit conduire à revaloriser les métiers à prédominance féminine et à y investir massivement : prise en charge de nos ainé.e.s, des enfants, de notre santé, métiers du social, du relationnel et de l’éducation devraient être le premier objectif et indicateur de bien-être de nos sociétés. La stratégie du choc doit s’inverser. Cette fois-ci, il ne servira pas comme après 2008 à imposer austérité et casse des protections sociales. Cette crise a (encore) été causée par les politiques court-termistes du capital, imposons un changement de logiciel pour mettre le progrès technologique au service du progrès social et environnemental.
Renforcer les solidarités
Louis Maurin, Directeur de l’Observatoire des inégalités
Comme toutes les crises, celle liée au coronavirus va d’abord frapper les moins protégés. Être confinés à cinq dans un deux-pièces n’est pas la même chose que dans une maison. À l’école, les enfants prendront d’autant moins de retard que leurs parents pourront prendre le relais des enseignants. L’effondrement de l’activité économique fait s’effondrer l’emploi. La montée du chômage frappe d’abord les salariés précaires. Il faudra des mois pour se relever du trou d’air.
Les conséquences sanitaires sont les plus lourdes. Certaines professions parmi les plus mal rémunérées de notre pays, comme les aides-soignantes ou les caissières, sont en première ligne. La situation des sans-abri et de tous ceux qui vivent dans des logements de fortune, dans des conditions de vie déjà dramatiques, est préoccupante.
Ne tombons pas pour autant dans le misérabilisme. Une partie des classes moyennes, comme les infirmières, ou des catégories supérieures, comme les médecins, prennent aussi d’énormes risques. Une partie des jeunes confinés dans de petits logements dans les grandes villes ne sont pas parmi les plus pauvres. Enfin, n’oublions pas que la première des inégalités face au virus est celle de l’âge, pas du niveau de vie.
Confiné ou pas, il faut réfléchir à l’avenir. Il faudra une montagne d’argent pour financer la prise en charge du chômage partiel et amortir le choc de la crise économique qui va suivre. Il faut se poser la question des services publics que nous voulons : vaut-il mieux supprimer la taxe d’habitation (20 milliards par an) ou investir dans nos écoles, nos hôpitaux, nos transports publics ou nos commissariats ? C’est aussi l’occasion d’introduire une contribution progressive sur l’ensemble des revenus, destinée à amortir le choc de la crise et de nouveaux services collectifs modernes. Non pas seulement une nouvelle taxe qui cible les 1 % les plus riches, mais un effort généralisé, dont la part serait croissante en fonction des niveaux de vie.
L’après-coronavirus nous donne l’occasion de reconstruire de nouvelles solidarités, de mieux répondre aux besoins sociaux. Il ne faudra pas se limiter au domaine de la santé. On devra s’interroger sur ce qui nous relie et nous sépare. Se poser la question de la valorisation du travail de ceux qui servent les autres, de la caisse à l’hôpital en passant par les livraisons ou les maisons de retraite. Se demander comment on a pu donner autant d’audience aux discours de haine contre une poignée de boucs émissaires (les étrangers en particulier). Nous devons fonder l’action publique non sur qui nous divise mais nous rassemble, autour d’un effort universellement partagé.
01/04/20 - CARTE SCOLAIRE : LES NON-ANNONCES DU MINISTRE
Mercredi 1 Avril 2020
Pendant que les enseignants tentent d’assurer la continuité scolaire, la belle machine de l’éducation nationale, elle, ne s’arrête pas.
Pendant que les enseignants tentent d’assurer la continuité scolaire, la belle machine de l’éducation nationale, elle, ne s’arrête pas. Dès le milieu de la semaine dernière, les Dasen (directeurs académiques des services de l’éducation nationale, ex-inspecteurs d’académie) de plusieurs départements présentaient – à distance – aux syndicats des projets de carte scolaire incluant de nombreuses fermetures de classe, comme en Seine-Maritime ou dans les Bouches-du-Rhône. Devant le tollé suscité, Jean-Michel Blanquer a voulu rassurer en déclarant, le 27 mars, qu’il n’y aurait « pas une seule fermeture de classe en zone rurale sans l’accord du maire », tandis qu’en zone urbaine, « on va réétudier l’équilibre entre ouverture et fermeture ». Seulement, les chiffres sont là : avec seulement 440 postes ouverts quand il en faudrait 3 300, la moitié des académies vont en perdre à la rentrée, celles de Créteil et Versailles, déjà fragiles, étant les plus touchées. Le ministre envisagerait toutefois une « enveloppe supplémentaire » de postes. Mais sans la chiffrer.
30/03/20 - LETTRE D'ANNIE ERNAUX
Lundi 30 Mars 2020
Monsieur le Président,
« Je vous fais une lettre/ Que vous lirez peut-être/ Si vous avez le temps »
À vous qui êtes féru de littérature, cette entrée en matière évoque sans doute quelque chose. C’est le début de la chanson de Boris Vian Le déserteur, écrite en 1954, entre la guerre d’Indochine et celle d’Algérie.
Aujourd’hui, quoique vous le proclamiez, nous ne sommes pas en guerre, l’ennemi ici n’est pas humain, pas notre semblable, il n’a ni pensée ni volonté de nuire, ignore les frontières et les différences sociales, se reproduit à l’aveugle en sautant d’un individu à un autre. Les armes, puisque vous tenez à ce lexique guerrier, ce sont les lits d’hôpital, les respirateurs, les masques et les tests, c’est le nombre de médecins, de scientifiques, de soignants.
Or, depuis que vous dirigez la France, vous êtes resté sourd aux cris d’alarme du monde de la santé et ce qu’on pouvait lire sur la banderole d’une manif en novembre dernier - L’état compte ses sous, on comptera les morts - résonne tragiquement aujourd’hui.
Mais vous avez préféré écouter ceux qui prônent le désengagement de l’Etat, préconisant l’optimisation des ressources, la régulation des flux, tout ce jargon technocratique dépourvu de chair qui noie le poisson de la réalité.
Mais regardez, ce sont les services publics qui, en ce moment, assurent majoritairement le fonctionnement du pays : les hôpitaux, l’Education nationale et ses milliers de professeurs, d’instituteurs si mal payés, EDF, la Poste, le métro et la SNCF. Et ceux dont, naguère, vous avez dit qu’ils n’étaient rien, sont maintenant tout, eux qui continuent de vider les poubelles, de taper les produits aux caisses, de livrer des pizzas, de garantir cette vie aussi indispensable que l’intellectuelle, la vie matérielle.
Choix étrange que le mot « résilience », signifiant reconstruction après un traumatisme. Nous n’en sommes pas là. Prenez garde, Monsieur le Président, aux effets de ce temps de confinement, de bouleversement du cours des choses. C’est un temps propice aux remises en cause. Un temps pour désirer un nouveau monde. Pas le vôtre ! Pas celui où les décideurs et financiers reprennent déjà sans pudeur l’antienne du « travailler plus », jusqu’à 60 heures par semaine.
Nous sommes nombreux à ne plus vouloir d’un monde dont l’épidémie révèle les inégalités criantes, nombreux à vouloir au contraire un monde où les besoins essentiels, se nourrir sainement, se soigner, se loger, s’éduquer, se cultiver, soient garantis à tous, un monde dont les solidarités actuelles montrent, justement, la possibilité.
Sachez, Monsieur le Président, que nous ne laisserons plus nous voler notre vie, nous n’avons qu’elle, et « rien ne vaut la vie » - chanson, encore, d’Alain Souchon. Ni bâillonner durablement nos libertés démocratiques, aujourd’hui restreintes, liberté qui permet à ma lettre - contrairement à celle de Boris Vian, interdite de radio - d’être lue ce matin sur les ondes d’une radio nationale.
Annie Ernaux
Appel aux dons !
Dimanche 29 Mars 2020 - Appel des syndicats CGT de la santé de l’Ain
Dans un contexte d’approvisionnement tendu, nous faisons un appel aux dons.
Afin de protéger les soignants et les patients accueillis, la CGT lance un appel aux collectivités, entreprises et particuliers disposant de stocks en priorité de surblouses, blouses hydrophobes et/ou de gel hydroalcoolique mais aussi de masques chirurgicaux, FFP2, lunettes de protection, gants…
Chaque don est important !
Merci de prendre contact avec l’UD de l’Ain : ud1@cgt.fr
INFOS
Informations départementales et locales
http://www.etiktable.fr/ le portail de l'alimentation responsable (des producteurs locaux) de la Communauté d'agglo de Bourg-en-Bresse
https://www.ch-bourg-en-bresse.fr/ l'hôpital de Fleyriat - le dossier de presse du CH Fleyriat du 20 mars
Producteurs locaux
Dimanche 29 Mars 2020
COVID 19 : Les producteurs alimentaires du bassin de Bourg-en-Bresse - maraîchers, producteurs de produits laitiers, de viande ou de volaille de Bresse - ont depuis le début du confinement des difficultés à écouler leur production.
La CA3B et les communes du Bassin de Bourg-en-Bresse proposent de mettre directement en lien les producteurs et les consommateurs via ce site internet :
http://www.etiktable.fr/actualite-covid-19/
Attac Bourg recommande vraiment ce site complet et à jour.
Communiqué de Presse
Jeudi 26 Mars 2020 - Fabien Roussel, Secrétaire National du PCF . Paris
Face au Coronavirus, nous avons besoin de solidarité entre les peuples et les nations d’Europe (Fabien Roussel - PCF)
Dans son allocution de Mulhouse hier soir, le Président de la République a beaucoup parlé de « guerre ». Mais, bien qu’il se soit exprimé à l’une des frontières de notre pays, il n’a qu’à peine évoqué la solidarité européenne. Et pour cause : l’union européenne est aux abonnés absents ! La crise sanitaire, économique et sociale que précipite la pandémie de coronavirus met à nu la totale faillite de la construction capitaliste de l’UE. La passivité de la Commission européenne et des gouvernements européens face à une crise mondiale aussi grave est proprement scandaleuse.
Ceux-ci sont incapables d'impulser de la coopération ou de l'entraide entre les Etats, livrés à eux-mêmes. En quelques jours, les critères budgétaires de l’Union européenne appliqués aux Etats sont apparus ubuesques. Ils ont d'ailleurs été levés, preuve qu'ils sont un frein aux politiques d'investissement et de soutien aux économies nationales. De plus, les mesures proposées telle que le rachat de dettes souveraines par la BCE sont loin d'être à la hauteur de la crise qui frappe les Etats membres. La pandémie exige une grande solidarité et une totale coopération entre les peuples et les nations d’Europe. Elle requiert une mutualisation des moyens, notamment en matière de production de matériels sanitaires. Comment peut-on croire que les 28 pays de l’Union européenne seraient incapables de réunir des industriels, des ingénieurs, des outils de productions pour faire face aux besoins criants de tous les hôpitaux ?
Nous disposons des forces suffisantes pour produire en urgence des respirateurs, des masques, des médicaments. De même, la Banque centrale européenne doit répondre immédiatement aux besoins de tous les pays de l’Union européenne confrontés à l’arrêt de leur économie. La création de monnaie et les prêts à taux 0% sont des outils à mettre au service des Etats de manière exceptionnelle.
La crise de l’Union européenne démontre la nécessité d’en finir avec les dogmes de la « concurrence libre et non faussée », comme avec les politiques d’austérité européennes. Pour reconstruire une Europe de la coopération et de la solidarité entre les peuples, il faudra demain mettre en place un nouveau pacte européen pour sortir enfin des règles d’or budgétaires qui ont tant affaibli les services publics, dont ceux de la santé.
Le Président de la République aime à évoquer « le jour d’après ».
Pour le PCF, le jour d’après se prépare maintenant, avec ses alliés et partenaires européens.
CORONAVIRUS - Isabelle Taraud : "halte aux indécentes distributions de dividendes ! "
Jeudi 26 mars 2020 - Journal l'Humanité
La loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 vient d’être adoptée sans aucune mesure prise pour encadrer les distributions des dividendes aux actionnaires et les rémunérations des dirigeants, souligne Isabelle Taraud, avocate spécialisée en droit du travail.
Retraites et valeur du point : l’entourloupe du gouvernement
Lundi 10 Février 2020 - Laurent Mauduit
En dévoilant la réforme des retraites, Édouard Philippe s’était engagé à ce que la valeur du point soit indexée « sur les salaires ». Mais la promesse est à présent reniée. L’indexation sera fonction d’un nouvel indicateur que l’Insee ne calcule pas encore.
La réforme des retraites a donné lieu depuis de longs mois à de si nombreux mensonges, approximations, changements de pied, subtilités en tous genres et autres habiletés de la part du gouvernement que l’on pensait désormais tout connaître du projet officiel. Et qu’au moins, le Parlement pourrait voter en connaissance de cause. Erreur ! Dans cette liste interminable des ruses utilisées par le pouvoir, il va falloir compter avec une autre, sans doute la plus spectaculaire de toutes : la valeur du point – paramètre absolument décisif de la retraite pour tous les Français qui veulent légitimement savoir si le pouvoir d’achat de leur pension baissera ou non – ne sera pas indexée, comme l’avait promis Édouard Philippe sur les salaires, mais sur un autre indicateur, celui du revenu moyen d’activité par tête, qui présente l’inconvénient majeur… de ne pas encore exister !
Fabien Roussel : « Nous sommes dans un pays autoritaire, très autoritaire »
Mercredi 5 Février 2020 - RFI
De la réforme des retraites à la pauperisation de la société française, Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, répond aux questions de Frédéric Rivière. Selon lui, la réforme des retraites est « une frabrique à pauvres ».
« Nous vivons un moment historique »
Vendredi 31 Janvier 2020 - Journal l'Humanité
Des salarié.e.s de l'Opéra National de Lyon mobilisé.e.s contre la réforme des retraites chantent « Va Pensiero » avant une représentation de Tosca, jeudi 30 janvier 2020.
FINANCES. LES FONDS DE PENSION BIEN AU CŒUR DU PROJET DE RÉFORME
Vendredi 17 Janvier 2020 - Pierric Marissal
Trois articles du texte de loi, actuellement devant le Conseil d’État, favorisent directement les plans de retraite par capitalisation, donc profitent aux organismes de gestion d’actifs et aux assureurs comme BlackRock, Axa ou Amundi.
ACRIMED « LES MÉDIAS DÉFINISSENT LE PÉRIMÈTRE DE CE QUI EST ACCEPTABLE »
Jeudi 16 Janvier 2020 - Grégory Marin
Après un mois de mobilisation contre les retraites, l’Association critique des médias (Acrimed) analyse pour l’Humanité le traitement médiatique de ce conflit social. Entretien avec Pauline Perrenot et Frédéric Lemaire, membres d’Acrimed.
SANTÉ. « LE MINISTÈRE NOUS DEMANDE DE PRODUIRE, NOUS, ON VEUT SOIGNER »
Mercredi 15 Janvier 2020 - Alexandre Fache
Plus de 1 200 médecins hospitaliers ont menacé, hier, de démissionner de toutes leurs fonctions administratives si le ministère n’engageait pas des négociations sur les salaires et le budget. Un coup de force inédit.
RETRAITES. UNE CONCESSION EN TROMPE-L’ŒIL QUI NE CHANGE RIEN
Lundi 13 Janvier 2020 - Cyprien Boganda
Le premier ministre consent à retirer « temporairement » l’âge pivot pour mieux faire travailler plus longtemps les jeunes générations. Une combine qui redouble la détermination des opposants à la réforme, avec une nouvelle journée d’action mardi.