Sciences cognitives
- Fonctionnement du cerveau -
Ce qui suit provient en grande partie d'une formation proposée par la DEGESCO dans le cadre d'une formation libre du M@gistère : "Sciences cognitives de l'apprentissage - Enseigner avec les sciences cognitives"
Jean-Luc BERTHIER est l'ancien responsable national de la formation des personnels de direction à l'École supérieure de l'Éducation Nationale, de l'Enseignement supérieur et de le Recherche. Spécialiste en sciences cognitives de l'apprentissage et de la formation.
Introduction
On a, un temps, cru connaitre le cerveau à travers une science : la phrénologie.
Elle étudiait les bosses du crâne, imaginant que telle ou telle bosse était liée à une intelligence plus grande dans tel ou tel domaine.
Ce qui a donné lieu à l'expression "Avoir la bosse des maths".
On sait maintenant que la méthodologie liée à cette pseudoscience n'était pas assez rigoureuse pour en tirer quelconque conclusion.
Depuis les techniques d'observation médicales ont bien évolué, ainsi que les connaissances sur le sujet.
Et vous ? Qu'en savez-vous ?
Pourquoi est-il plus simple de retenir un numéro de téléphone écrit comme ça : 06 22 47 95 ... que comme ça : 0 6 2 2 4 7 9 5 ... ?
Pourquoi est-il dangereux de parler à une personne qui apprend à conduire ?
Comment fonctionne ma mémoire ?
"Moi je suis de type visuel, le reste je ne retiens pas !"
Réponses :
1) Le cerveau est limité en mémoire de travail. Grouper les chiffres 2 par 2 est la technique du "chunking".
2) Le cerveau est "mono-tâche conscient", il ne peut se concentrer consciemment que sur une tâche à la fois. Conduire et parler sont deux tâches conscientes.
3) Faire un nuage de mots en classe ou un Padlet et échanger sur les concepts qui émergent. En profiter pour corriger les idées reçues.
Exemple : Les "types" n'existent pas. Tous les sens de tout le monde fonctionnent. En revanche, on est plus ou moins habitués à les faire travailler.
Au contraire, il vaudrait même mieux faire travailler les sens où nous sommes le moins performants. Un cerveau plus équilibré est plus efficace.
Activité :
Voici l'effet Dunning-Kruger.
Par qui a-t-il été étudié ? En quelle année ?
Comment peut-on amener quelqu'un à prendre conscience qu'il ne maitrise pas encore bien un concept ?
Quels sont les différents types d'évaluation et à quel moment de cette courbe faut-il les utiliser ?
Réponses :
Par qui a-t-il été étudié ? En quelle année ?
En 1999 par Dunning et Kruger, des chercheurs en psychologie sociale,Comment peut-on amener quelqu'un à prendre conscience qu'il ne maitrise pas encore bien un concept ?
En évaluant ses connaissances réelles sur un sujet.Quels sont les différents types d'évaluation et à quel moment de cette courbe faut-il les utiliser ?
Cela peut être une évaluation diagnostique, afin de prendre conscience que ce que l'on croit savoir est peut-être faux et provoquer la chute de la réalité.
Cela peut aussi être une évaluation formative, afin de prendre conscience de montée en compétence.
Enfin, cela peut être une évaluation sommative, afin de vérifier la consolidation de ces compétences.
Comprendre comment fonctionne un cerveau
1) Traitement d'une information et mémorisation
Activité :
Essaie de mémoriser les zones de ton cerveau en regardant cette vidéo
Associer le geste à la parole aide à mémoriser
Mémoriser c'est connecter des neurones
Le cerveau est constitué d'un immense réseau de neurones.
Ce réseau est en perpétuelle modification, des liaisons synaptiques (entre les neurones) se modifient, disparaissent, se consolident.
Attention : Un neurone mort ne réapparait plus !Apprendre, c'est reconfigurer son réseau neuronal pour créer de nouveau chemins, associer de nouvelles idées, méthodes, ...
Les dendrites se multiplient, les liaisons synaptiques se consolident, la transmission dans l'axone s'accélère.Plus une nouvelle notion est connectée à des choses préexistantes dans la mémoire et à de nombreux sens, plus il est facile de la mémoriser.
Car il est possible d'y faire appel par de nombreux chemins différents.La construction du cerveau se fait pendant le sommeil. Pendant le sommeil, le cerveau trie, reconstruit, raccorde, élimine ce dont il s'est servit ou non récemment.
Le sommeil est donc indispensable.L'intelligence est un phénomène dynamique, plus on sait de choses, plus on les connecte, plus il est facile d'en apprendre de nouvelles.
Le concept selon lequel l'intelligence est limitée/fixée est dépassé.
Activité :
Seras tu capable de compter les points assez vite ? Que remarque tu ?
Associer le geste à la parole aide à mémoriser
Les étapes du traitement de l'information
Perception (par les sens : parole, image, son, ...)
C'est en fait ce qui correspond aux "intelligences multiples",
sauf qu'en fait on reçoit tous ces messages,
mais on peut être plus sensible à un stimulus qu'à un autre.Encodage (des stimuli en message biologique par les neurones)
Traitement (conscient, inconscient, compréhension, association, catégorisation)
Stockage (dans les différents systèmes de mémoire : court, moyen, long terme)
Récupération (pour utiliser ces données en pensées et en actions)
Bien apprendre c'est améliorer chacune de ces étapes.
Activité :
Te rappelles-tu des différentes zones de ton cerveau ?
Associer le geste à la parole pour t'aider à te rappeler.
2) Surprise, incompréhension et plasticité cérébrale
Activité :
Te rappelles-tu des différentes zones de ton cerveau ?
Associer le geste à la parole aide à mémoriser
Des fonctions qui se développent tout au long de la vie
Des structures cérébrales complexes existant dès la naissance qui vont se perfectionner tout au long de la vie par l'expérience ou par l'école.
La subitisation numérique : être capable de compter comparer quasi instantanément deux quantités.
L'inférence statistique : attribuer la probabilité d'une réponse, réagir face à l'inattendu.
Le repérage spatial : très rapidement, le bébé est capable de distinguer haut/bas, droite/gauche, loin/proche, ...
La perception phonologique : être capable de découper mentalement un mot, une phrase, ... de les décomposer, les inverser, leur chercher un sens, ...
D'autres structures sont présentes dès la naissance : mémoire, attention, émotions, curiosité, ...
Activité :
Regarde cette vidéo, toi aussi entends tu ces hallucinations auditives ?
Quand il ne comprend pas immédiatement, le cerveau cherche un sens à ce qu'il perçoit.
Il cherche alors à prédire le résultat.
Apprendre = Prédire et se tromper !
Que veut dire ce mot que je ne connais pas ?
Au prochain carrefour, je dois prendre à droite ou à gauche ?
Toute la journée notre cerveau doute, se pose des questions, il ne connait pas toutes les réponses. Pour combler ces doutes il prédit la réponse la plus probable ! (Bayesianisme)Quand le cerveau découvre la bonne réponse, il reçoit un feedback.
Si la réponse est bonne, le cerveau renforce cette prédiction.
Si la réponse est erronée, alors le cerveau ajuste sa façon de prédire.
L'apprentissage est alors opportun.Apprendre c'est réduire l'écart entre la prédiction et la bonne réponse.
Plus on a vécu plus le cerveau est capable d'émettre des hypothèses nombreuses et fines.
Comprendre = Ajuster des concepts
chat, avion, cuillère,... personnalité, goût, beauté, ...
Notre cerveau catégorise, range, trie, ... des choses concrètes et abstraites, avec une rapidité et une facilité déconcertante.
C'est ce qui fait encore la spécificité de l'être humain sur les IA.Comprendre c'est développer de nouveau concepts, les raffiner ou les élargir, les scinder ou les relier.
Une échelle sert à grimper sur le toit, mais aussi à donner la taille d'une carte.
On amène une personne, un animal, ...
On apporte des fruits, des fleurs, de l'aide, ...Comprendre c'est savoir s'adapter à de nouvelles situations en faisant appel à ce que l'on a déjà mémorisé, tout en émettant des hypothèses le plus juste possible sur ce que l'on ne sait pas. C'est faire fonctionner son système 2 plutôt que son système 1 grâce à l'inhibition. C'est intégrer les arguments de l'autre dans ses propres estimations.
Activité :
Etre confronté à une situation déroutante et s'y adapter est le propre du fonctionnement du cerveau humain par rapport à l'intelligence artificielle (pour le moment). C'est faire preuve de flexibilité mentale.
Etudie ces "Dingbats" et retrouve les expressions qui y sont liées.
Ton cerveau va prédire des réponses possibles.
En regardant la réponse, tu vas recevoir un feedback sur ces prédictions.
Seront-elles correctes, ou non ?
Ton cerveau va alors s'adapter afin de renforcer les prédictions correctes et corriger celles qui sont fausses.
Tu vas connecter différemment celles qui étaient fausses.
Tu vas leur attribuer un autre sens, tu vas mieux les comprendre.
Réponses :
Par colonne :
Le clou du spectacle
Sautes d'humeur
Ronde de nuit
Le monde à l'envers
Crème renversée
???
Un trou de mémoire
Bras dessus, bras dessous
Zéro de conduite
Plus de peur que de mal
Une prise de judo
Avoir une idée derrière la tête
3) Système 1, Système 2 et Inhibition
Activité :
Regardez ces pubs, à quoi invitent-elles ?
Réponses :
Ces pubs invitent à prendre du recul et à ne pas juger trop vite une situation.
Le cerveau fonctionne selon deux modes, le système le plus rapide est le moins réfléchi, il réagit par réflexe.
Cela demande un travail supplémentaire de ne pas y faire appel et re prendre du recul sur la situation.
Notre cerveau possède deux modes de pensée :
Système 1 : Peu conscient, peu gourmand en ressources, rapide, ... Mais qui peut produire des erreurs.
Système 2 : Conscient, réfléchi, gourmand en ressources, lent, ... Mais susceptible de produire des pensées et des actes de qualité.
Inhibition : Elle permet de passer de l'un à l'autre.
L'inhibition permet de modifier la part accordée à chacun de ces deux système.
Dans un monde où tout va très vite et où l'on passe d'une information à une autre, le système inhibiteur fait souvent la part belle au système 1.
L'inhibition peut permettre de ralentir.
Exemple : Ne pas juger trop vite une personne ou une situation. Prendre le temps d'analyser la situation, réfléchir aux conséquences de ses actions ou de ses paroles.
L'inhibition peut aussi permettre de mettre en place des automatismes.
C'est très utile pour libérer de la mémoire de travail et ne plus avoir à réfléchir consciemment à certaines tâches..
Exemple : Si la lecture n'est pas un automatisme, et doit donc se faire de manière consciente, alors il est impossible de se concentrer sur le sens.
Comme pour parler et conduire en même temps quand on apprend à conduire.
La mémoire procédurale (mémoriser une routine, une méthode qui se répète, une procédure) aide à mettre en place ces automatismes.
Exemple : Elle est très utile en mathématiques afin d'automatiser certaines procédures de calcul : on met en place des méthodes afin de permettre au cerveau de fonctionner en mode automatique.
Activité :
Te rappelles-tu des différentes zones de ton cerveau ?
Associer le geste à la parole aide à mémoriser
4) Attention sélective et mémoire de travail
Activités :
Etes-vous attentifs ? Allez-vous identifier l'assassin ?
Faire pause à 0:54, comment l'assassin a été repéré ?Regardez la réponse avant de mettre la suite de la vidéo.
Réponses :
Vous aviez beau être concentrés sur la vidéo, avez-vous remarqué les 21 changements qui ont eu lieu dans cette scène ?
Essayez de vous en rappeler avant de mettre play.
Mémoire de travail et attention
L'humain dispose, dans la zone frontale de son cerveau, de modules neuronaux spécialisés dans le traitement d'informations, leur compréhension, la réflexion, la décision et l'exécution. C'est la mémoire de travail, elle est très fortement sollicitée dans toutes les activités scolaires.
Limitation en durée de la mémoire de travail
En échange de toute ses compétences, la mémoire de travail ne peut pas stocker les informations très longtemps (quelques secondes à quelques minutes). Impossible d'y stocker plus longtemps une information !
Quand on lit un paragraphe, on retient l'idée globale de celui-ci, et on oublie chaque mot qui le compose. Idem en observant une photo.
Activité : De mémoire, redessiner le dessin de cerveau un peu plus haut (sans le regarder à nouveau). Quelle est sa couleur ? Son expression ? Quels accessoires porte-t-il sur lui ?Plusieurs astuces permettent d'éviter l'oubli :
le ciblage attentionnel ("Regardez ce dessin de cerveau, son expression, ses accessoires,..." permet d'attirer l'attention sur des détails)
l'effort de rétention en mémoire d'élément clefs
la reprise immédiate
le regroupement d'informations en paquets (chunking)
la planification en rythme expansé
Activité :
Tente de retenir cette liste de mots (tu as 60 secondes).
Limitation en taille de la mémoire de travail
La mémoire de travail est aussi limitée en taille (environ 7 éléments).
Essayez de retenir les élèments de cette liste, vous en oublierez.Mais il est possible de repousser cette limite, pour cela :
Regrouper les informations (le chunking)
Est-il plus facile de mémoriser : C05A3S1U0A6R4
ou 100USACAR3456 ?Améliorer la compréhension et les liens entre les informations
Créer une histoire pour créer du lienDécomposer la complexité de l'information
Alléger les supports de travail
Le rôle de l'enseignant est donc de faciliter autant que possible le travail de la mémoire de travail : narration du cours, ciblage attentionnel, éléments clefs, répétition, reprise immédiate, reformulation, explications, liens, ...
Un élève qui ne suit pas en cours perd tous ces éléments.
Activité :
Tente de t'inventer une histoire pour te rappeler de cette liste de mots.
Bilan
Activité :
Quelle histoire t'étais-tu inventée la dernière fois ? De combien de mots de rapelles-tu ?
Refaites cet exercice que vous avez fait au début de la séquence. Maitrisez vous mieux le vocabulaire ?
Activité :
Voici la courbe de l'oubli.
Par qui a-t-elle été étudiée ? En quelle année ?
Si on ne fait pas de rappel, au bout de 10 minutes, quelle part de l'information a-t-on oublié ?
Même en faisant des rappels réguliers, nous rappelons nous de toute l'information ?
Combien de temps faut-il au minimum pour assimiler une information ?
Que remarque-t-on sur la perte d'information au fur et à mesure que l'on fait des rappels ?
Réponses :
Par qui a-t-elle été étudiée ? En quelle année ?
En 1885, par Ebbinghaus, un physicien et psychologue Allemand ayant travaillé sur la mémoire.Si on ne fait pas de rappel, au bout de 10 minutes, quelle part de l'information a-t-on oublié ?
Au bout de 10 minutes, sans rappel, on a oublié en moyenne la moitié des informations étudiées.Même en faisant des rappels réguliers, nous rappelons nous de toute l'information ?
Non, la mémoire n'est pas parfaite.Combien de temps faut-il au minimum pour assimiler une information ?
Pour assimiler durablement une information, il faut au minimum plusieurs semaines, sinon plusieurs mois.Que remarque-t-on sur la perte d'information au fur et à mesure que l'on fait des rappels ?
Plus on fait de rappels, plus l'oubli d'une information se fait lentement.
Activité :
Cette vidéo a été revue plusieurs fois au cours de cette séquence.
L'as-tu définitivement mémorisée ?
L'objectif de l'éducation obligatoire de 3 à 16 ans dans tout ça est de produire un cerveau fonctionnel et équilibré pour un maximum de personnes en France.
Travailler toutes les zones du cerveau : langage, logique, l'empathie,... Afin que quelles que soient les situations auxquelles seront confrontés les jeunes adultes formés, ils puissent y faire face avec un bon équilibre.
C'est pour cela que de nombreuses matières sont enseignées et qu'une ouverture culturelle est proposée.
Cet ensemble de compétences identifiées, forme le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, objectif final du collège.
L'optimisation des fonctions cognitives et exécutives
Attention :
Ensemble des fonctions permettant de percevoir, stocker et récupérer des informationsMémoire de travail :
Ensemble de fonctions permettant de gérer le déroulement d’une pensée ou d’une actionMémoire :
Processus de sélection d’1 stimulus extérieur ou intérieur + son maintien à la conscienceInhibition :
Fonction de régulation et de contrôle entre système rationnel de pensée et automatismesRaisonnement :
Ensemble des fonctions permettant de traiter, comprendre, organiser, déciderFlexibilité mentale :
Adaptation à des situations et idées nouvelles, souplesse d’esprit
Ensemble, elles permettent de raisonner, résoudre des problèmes, s'organiser et planifier. Apprendre c'est développer de façon la plus complète possible l'ensemble de ces fonctions du cerveau (plus que d'accumuler des savoir et des compétences).
Ressources
Cogni’junior est une association loi 1901 de vulgarisation scientifique, lancé depuis septembre 2013.
Son but est de concevoir du matériel pédagogique, particulièrement des scénarios illustrés visant à introduire certaines notions fondamentales des sciences cognitives aux enfants.
Ces scénarios sont accompagnés d’activités et de différents supports de manière à ce que la diffusion des connaissances se fasse de façon intuitive, ludique et interactive, lors d’interventions (classes, hôpitaux, événements culturels, etc.).
Leur programme principal est appelé OCEANA, il dure une heure par semaine pendant un trimestre. Le matériel est proposé sur Internet en libre accès à cette adresse.
La chaine YouTube "Cerveau, mode d'emploi" propose de nombreuses vidéos à l'attention des primaire/collège afin de mieux comprendre leur cerveau.
La chaine YouTube de Steve MASSON, propose de nombreuses vidéos à l'attention des lycéens et adultes sur "Comprendre la neuroplasticité pour mieux apprendre".
Professeur à l'Université du Québec à Montréal où il dirige le Laboratoire de recherche en neuroéducation. Il est l'un des rares neuroscientifiques au monde à avoir enseigné à l'école primaire et secondaire avant d'enseigner à l'université et de diriger un laboratoire de recherche.
Applications et logiciels
PrograMemo !
Dans la même veine, PrograMemo est un tableur qui permet d'ordaniser ses révisions autour de plusieurs notions.
Se former
L'UCO d'Angers propose un Diplome Universitaire en 3 ans qui vise à intégrer les neurosciences dans sa pratique professionnelle par le moyen d’un projet à caractère scientifique.
Ce DU forme les professionnels de l’enseignement, de la santé et de l’accompagnement, aux domaines neuroscientifiques liés au développement de la personne et aux problématiques éducatives.