Critique du chapitre 4
Dans ce chapitre, Camus continue de décrire la vie quotidienne de Meursault, mais le temps passe rapidement et, après avoir montré une journée typique de travail, l’auteur choisit de ne pas alourdir le récit avec des détails inutiles sur sa routine. Ce qui reste important, ce sont les moments de plaisir, tels que les sorties de Meursault au cinéma et ses moments passés avec Marie, notamment leur journée à la plage. La plage devient un lieu symbolique, où l’eau, élément fondamental, reflète la quête sensuelle et immédiate de Meursault, dénuée de préoccupations métaphysiques. Le plaisir physique qu’il ressent lorsqu’il nage, lorsqu’il joue avec Marie, est principalement basé sur l’intensité sensorielle de l’instant. Comme l'explique l’analyse, cette expérience peut être comparée à l’acte sexuel, un désir physique intense qui se transforme parfois en amertume, comme lorsqu’il ressent "l'amertume salée" de l’eau.
Le contraste entre ce plaisir sensoriel et l'agression de Raymond est frappant. Le chapitre met en lumière le décalage entre l'indifférence de Meursault et l'explosion émotionnelle de ceux qui l'entourent. La dispute de Raymond avec sa maîtresse, et la violence qui en découle, perturbe cette ambiance sereine. Là encore, Meursault montre son détachement et son incapacité à juger les événements de manière morale. Au lieu de réagir à la violence ou d’intervenir, il choisit de ne pas appeler la police, ce qui pourrait être perçu comme égoïste, mais, en réalité, c'est une démonstration de son nihilisme existentiel. Meursault ne croit pas que son intervention changerait quoi que ce soit ; ainsi, il préfère laisser les choses suivre leur cours, fidèle à son principe de non-action. Ce refus de participer aux normes sociales ou morales constitue un autre aspect de la critique de Camus sur l’absurdité de la condition humaine, où il est inutile d’agir si les conséquences sont inévitables ou dénuées de sens.
L’arrivé des policiers met en lumière une autre facette de Raymond. Son extérieur de "dur à cuire" se fissure sous la pression, et, au lieu de jouer le rôle du macho, il montre de la soumission et de la peur. Cela renforce l’idée que l’image de soi construite par Raymond est une façade, une manière de se conformer aux attentes sociales pour éviter de confronter l’absurdité de sa propre existence. Ce paradoxe, entre l’apparence et la réalité, est une constante dans le roman, et Raymond sert de miroir à la société qui impose des comportements préétablis et des rôles sociaux rigides.
Lorsque Meursault et Marie se retrouvent après l’incident, l'attitude de Meursault reste indifférente à la perturbation autour de lui. Il mange avec appétit, sans se laisser affecter par la dispute de Raymond. Ce détachement se renforce lorsqu'il accepte d’être témoin pour Raymond sans jugement moral. Ce type de neutralité, ou même d’indifférence, qui marque Meursault, contraste avec les réactions émotionnelles attendues dans la société.
La fin du chapitre, avec le portrait de Salamano, est une autre réflexion sur l’absurdité de la condition humaine. Le chien de Salamano, qui a disparu, est un autre symbole de la dépendance affective et de l'attachement. Bien qu’il ait maltraité le chien, l'homme semble affecté par sa perte, ce qui montre que derrière son apparence de haine se cache un amour sincère. Ce passage ouvre un parallèle intéressant avec la relation de Meursault à sa mère, Maman, et à la vie en général. Le fait que Meursault, en entendant Salamano pleurer, pense brièvement à Maman, révèle la connexion implicite entre les deux pertes. La perte du chien fait surgir en Meursault un souvenir de sa propre mère, soulignant la thématique de l’indifférence à la souffrance et de la difficulté de trouver un sens à la vie et à la mort.
Critique du chapitre 5
Le chapitre cinq présente une collision entre les deux mondes de Meursault : sa routine de travail et ses moments de week-end. Raymond appelle Meursault au travail, ce qui l'agace, car il craint que son patron ne désapprouve les appels personnels. Meursault préfère garder sa vie professionnelle inchangée, bien qu’il croie que les événements et les choix personnels n'ont aucune importance. Comme la mort de sa mère ne lui fait plus rien, il considère que les rencontres de la vie ne sont que des événements sans conséquence. Il se contente de sa routine quotidienne et, bien qu’on lui propose de déménager à Paris, il montre une totale indifférence. Il se sent bien en Algérie et ne voit aucune raison de changer de lieu. Meursault admet, en rétrospective, qu'il avait eu des ambitions lorsqu'il était étudiant, mais qu'il les a perdues lorsqu'il a dû abandonner ses études. Cet épisode montre que bien que Meursault soit capable de changer, il choisit de ne pas le faire, mettant en lumière son indifférence face à la vie.
Le thème de l'indifférence de Meursault se renforce lorsqu'il accepte d'épouser Marie sans enthousiasme, simplement parce qu'elle le demande. Ses décisions sont fondées sur le fait qu'il ne voit aucune raison de ne pas agir d’une certaine manière, sans se poser de questions. Bien qu’il n’ait pas d’attachement émotionnel pour Marie, il l'apprécie. Son rejet de Paris, qu'il trouve sale et sombre, renforce son indifférence vis-à-vis des attentes sociales et son désir d’une vie simple. Meursault rejette l’idée d’avoir des ambitions ou de se conformer aux normes de la société. Cette attitude le rend incompatible avec les attentes sociales, ce qui, plus tard, sera utilisé contre lui.
La petite femme nerveuse qui rejoint Meursault au restaurant offre un contraste intéressant avec sa propre existence. Elle semble être guidée par un programme ou une routine préétablie, tandis que Meursault, bien qu’il suive une routine, le fait de manière consciente. La femme semble ne pas avoir de contrôle sur ses actions, elle les suit simplement. Ce contraste met en lumière l’unicité de Meursault, qui, bien qu’il vive une routine, le fait en toute connaissance de cause, contrairement à la femme qui est simplement une marionnette de son environnement.
Enfin, Salamano apparaît comme une figure pitoyable et vulnérable à la fin du chapitre, après la perte de son chien. Bien qu’il ait d’abord paru détestable, la perte de son compagnon lui confère une humanité qui dévoile des nuances de son caractère. Ce contraste avec l’indifférence de Meursault face à la mort de sa mère invite à réfléchir sur ce que représente véritablement la perte. Meursault, qui ne réagit pas à la mort de sa mère, semble insensible, mais son empathie envers la douleur de Salamano montre qu'il est capable de comprendre la souffrance des autres, même s'il ne l'exprime pas comme la société l’attend. À travers cette connexion, Camus introduit les thèmes de la vie, de la mort, de la mémoire et du sens de l'existence.