PILSE

Pôle Inter-Laboratoires de Supports Expérimentaux pour le développement des aspects de chimie analytique, d’astrochimie et d’astrobiologie dans les missions spatiales et le traitement de données issues de celles-ci.

Ce projet a pour objectif de promouvoir la collaboration entre les laboratoires spécialisés dans le développement d’outils expérimentaux et analytiques pour l’étude de la matière organique extraterrestre et les laboratoires spécialisés dans le développement d’instruments spatiaux dédiées à l’étude de la matière organique in situ sur les objets du système solaire. Ces dernières années ont été particulièrement marquées par le retour de données de différentes missions spatiales telles que Rosetta et Mars Science Laboratory, et ont montré le besoin de couplage entre 1/ les équipes de recherche en astrophysique, astrochimie et astrobiologie qui simulent expérimentalement en laboratoire et/ou par approches de modélisation théorique les objets du système solaire considérés, 2/ les équipes spécialisées en techniques analytiques pour l’analyse de la matière organique extraterrestre, et 3/ les équipes responsables d’instruments embarqués sur des missions spatiales. Ce couplage de trois secteurs d’études différents en astrophysique, astrochimie et astrobiologie est indispensable dans le cadre des missions spatiales et permet de développer une approche interdisciplinaire pour mieux contraindre et analyser les données issues de missions spatiales. Il permet ainsi de répondre aux questions de l’évolution physico-chimique de ces objets et plus largement à la chimie des origines de la vie. La France regroupe plusieurs laboratoires experts dans ces domaines mais sans interactions réelles. Ce projet propose la création d’un groupement de recherche (GdR) français réunissant les acteurs dans le domaine de l’astrophysique et de l’astrochimie de laboratoire et de l’exobiologie ayant pour objectif de venir en support aux missions spatiales actuelles et de répondre aux futurs besoins analytiques de l’exploration spatiale mais aussi d’aider à la définition et à la conception de nouveaux instruments embarqués. Il permettra de créer une vitrine nationale autour de ces activités et de favoriser la visibilité des différentes compétences disponibles dans ce domaine.

Scientific Context

La vie telle que nous la connaissons sur Terre est principalement basée sur l’utilisation de matière organique, c'est-à-dire contenant principalement des atomes de carbone associés à d’autres atomes, notamment l’hydrogène, l’azote, le soufre, l’oxygène et le phosphore (les CHNOPS comme souvent décrits dans la communauté de l’exobiologie). La compréhension de l’évolution de la matière organique au sein d’environnements astrophysiques est donc une thématique clef des recherches menées en exobiologie. De quelle façon se forme la matière organique dans l’univers ? Comment évolue-t-elle et dans quels environnements astrophysiques ? Quel est l’impact des phases minérales sur son évolution ? Quels sont les contraintes pour sa préservation et sa détection ? Dans quelles conditions pourrait-elle évoluer vers des systèmes biochimiques ? Et sur quels critères peut-on distinguer cette matière organique abiotique de celle d'origine biologique ? Autant de questions cruciales auxquelles les chercheurs tentent de répondre. L’objectif est donc de fournir des indices sur la composition et la disponibilité de la matière organique et son interaction avec la phase minérale dans les milieux extraterrestres liés à la formation des systèmes planétaires et plus particulièrement dans notre système solaire, qui in fine a pu conduire dans certains environnements à des systèmes chimiques ayant pu précéder à l’émergence de systèmes biochimiques, la Terre en étant un exemple.

Pour comprendre cette évolution, plusieurs approches peuvent être envisagées.

La première d’entre elles consiste à observer les différents milieux astrophysiques à partir de moyens spectroscopiques de type télescopes au sol ou spatiaux. Ces observations permettent d’obtenir un inventaire des molécules organiques pouvant être présentes dans ces environnements. Elles renseignent aussi sur les processus physiques et chimiques pouvant avoir lieu au sein des environnements observés, et permettent de comprendre l’évolution de ces objets. Cependant, pour des raisons de distance, de densité, mais aussi de confusion spectrale, les informations fournies quant à l’évolution chimique de la matière organique dans ces environnements restent restreintes aux systèmes chimiques simples (9 à 10 atomes pour des molécules CHNO).

La seconde approche réside dans l’analyse en orbite et/ou in situ d’objets du système solaire tels que les comètes, astéroïdes, météorites ou surfaces planétaires. Par leur relative proximité, ces objets sont analysables avec une palette plus importante de méthodes d’analyses. Ceci peut se faire par le biais de missions spatiales dont l’objectif est d’aller à la rencontre (voire au contact) de certains de ces objets et d’en analyser la composition (e.g. missions spatiale Rosetta, Hayabusa pour les petits corps, Mars Science Laboratory/ExoMars pour Mars, Cassini-Huygens pour Titan et le système de Saturne). Des analyses sont également réalisées sur des échantillons extraterrestres provenant de ces objets que sont les météorites et les échantillons ramenés sur Terre lors de missions dédiées (missions Stardust, Hayabusa). Sur Terre, l’analyse en laboratoire permet d’avoir recours à des méthodes analytiques plus variées, plus sophistiquées et plus performantes que celles embarquées. L’ensemble de ces données permet de comparer différents états des matières organique et minérale naturelles et d’établir un premier schéma d’évolution de ces matières suivant l’objet. Cependant, ces échantillons sont souvent le résultat final de l’évolution de la matière dans leur environnement respectif, et d’autres moyens sont nécessaires pour retracer son évolution globale.

La troisième approche se concentre donc sur la compréhension des processus de formation et évolution de ces molécules organiques que ce soit par la mise en place de systèmes expérimentaux terrestres permettant de simuler les conditions de différents environnements astrophysiques et d’étudier en laboratoire l’évolution de la matière organique avec ou sans minéraux ou par l'étude d'environnements naturels terrestres analogues. L’intérêt de ces approches est de pouvoir à la fois étudier des systèmes simples (approche bottom-up consistant à décrire les étapes successives de croissance moléculaire) et des systèmes complexes (approche top-down, consistant à apporter une description affinée d’un matériau considéré comme analogue d’un matériau extraterrestre). Ces études réductrices et systémiques permettent in fine de comprendre l’évolution globale du système étudié. Ce type d’approches est par exemple utilisé pour comprendre l’évolution de la matière organique des grains interstellaires jusqu’à leur incorporation au sein d’objets du système solaire tels que les comètes. D’autres recherches utilisent ce type d’investigations pour comprendre quels types d’environnements pourraient être susceptibles de permettre le développement de systèmes chimiques dits prébiotiques, c’est-à-dire ouvrant vers la possible émergence de systèmes biochimiques et donc, à terme, de la vie. Le couplage des résultats obtenus par ces approches expérimentales à ceux obtenus sur des sites naturels terrestres considérés comme favorable à une synthèse organique abiotique de type prébiotique, apporte alors des éléments de réponse sur les conditions ayant pu permettre l'émergence et l'évolution de la vie sur Terre. Par ailleurs, les expérimentations en laboratoire et la connaissance des environnements naturels propices à une synthèse organique de type prébiotique produisent des analogues qui peuvent servir de supports aux missions spatiales de manière à mieux comprendre comment les observables récoltées par ces missions sont affectées par leur environnement que ce soit en termes de limites de détection, d’effets d’écrantage des minéraux ou de sels, ou d’interactions diverses dans des systèmes complexes pouvant impacter l’analyse.

Scientific Objectives

L’émergence d’une synergie entre ces trois approches complémentaires est essentielle pour obtenir une vision globale de l’évolution de la matière (organique et/ou minérale) au sein d’environnements astrophysiques et d’en définir ses origines. Cette synergie permettrait d’anticiper et d’aider à analyser les données des missions spatiales ou des observations grâce aux analogues de laboratoire tout en améliorant les techniques embarquées par l’analyse d’échantillons représentatifs d’environnements extraterrestres. Par sa nature interdisciplinaire, la problématique réunira des astrophysiciens et des astrochimistes, des cosmochimistes et géochimistes, des géologues, des biologistes et des géobiologistes, à la rencontre de physiciens et de chimistes rompus à des techniques analytiques sophistiquées.

Les objectifs des missions spatiales et des simulations en laboratoire sont similaires et synergiques : obtenir des données physico-chimiques sur un environnement astrophysique donné et mieux comprendre son évolution. Pour cela, les simulations expérimentales, potentiellement nourries par la connaissance des conditions prévalant dans des systèmes analogues naturels, ont un rôle important à jouer pour le développement de l’instrumentation future pour l’exploration spatiale ainsi que pour le traitement et l’interprétation des données issues de ces missions spatiales. Les simulations en laboratoire sont essentielles au cours des différentes étapes (en termes chronologiques) des programmes spatiaux à travers les différents points ci-dessous :

1- Orienter le choix des environnements dans lesquels les missions spatiales doivent rechercher des composés d’intérêt ;

2- Optimiser le développement des instruments d’analyses couplées chimiques/minéralogiques des missions spatiales ;

3- Tester et contribuer à qualifier les instruments et les prototypes analytiques des missions spatiales ;

4- Anticiper les contraintes instrumentales liés aux environnements dans lesquelles se dérouleront les analyses ;

5- Développer et valider les méthodes de traitement des données issues de ces missions ;

6- Valoriser les retours scientifiques des missions spatiales développées.

Le point 1 est relatif à la pertinence des analogues choisis ainsi qu'à la capacité qu’ont les simulations expérimentales à estimer dans quelles conditions la matière organique va pouvoir être produite et sous quelle forme elle va pouvoir être récupérée et analysée. Ce point est directement relié au point 2 puisque l’anticipation de la réactivité et du type de matière pouvant se trouver dans un environnement donné permet le développement d’outils analytiques spécifiques. Le point 3 concerne l’utilisation d’échantillons naturels (météorites, environnements de la subsurface terrestre favorisant une synthèse organique abiotique) ou la synthèse d’échantillons alliant organique et minéral pouvant se trouver dans l’environnement astrophysique considéré. Ces analogues permettront de tester les outils analytiques développés pour les missions spatiales de manière plus représentative qu’avec des étalons organiques ou inorganiques seuls. Ces trois premiers points permettent (point 4) de minimiser les risques liés aux missions spatiales en définissant de manière plus spécifique les environnements pouvant contenir ces matières, et en optimisant les outils analytiques nécessaires pour la détection de celles-ci et la détermination de leur origine biotique ou abiotique.

De plus, l’approche expérimentale en laboratoire couplée à l'analyse d'échantillons analogues naturels permet de développer en amont les scripts de protocoles et outils d’analyse pour le traitement des données issues des missions spatiales (point 5). Ceci peut se faire via deux approches complémentaires. Tout d’abord, grâce aux analogues naturels ou synthétisés en laboratoire, les protocoles d’analyse peuvent être optimisés par rapport à ce qui peut être classiquement fait à l’aide de standards. De plus, les simulations expérimentales permettent de préparer le traitement des données issues des analyses d’objets astrophysiques en développant un ensemble de méthodes et de protocoles qui permettra une interprétation plus rapide et plus simple des données reçues. L’ensemble des points 1 à 5 permettra une optimisation de la valorisation scientifique des missions spatiales développées (point 6).

Par ailleurs, cette approche permettra de prendre en charge les missions de retour d'échantillons avec des équipements analytiques performants préalablement testés et optimisés à l'aide d'échantillons analogues.


Un Groupement de Recherche pour rapprocher ces communautés

L’implication des expérimentations de laboratoire et des études d'analogues naturels dans le domaine spatial est indispensable au développement des missions spatiales.

Dans cette optique, nous proposons de mettre en place au niveau national un Groupement de Recherche interdisciplinaire (PILSE : Pôle Inter-Laboratoires de Supports Expérimentaux pour le développement des aspects de chimie analytique, d’astrochimie et d’astrobiologie dans les missions spatiales et le traitement de données issues de celles-ci) rassemblant les laboratoires experts dans le développement de l’instrumentation spatiale, ceux spécialistes des simulations expérimentales et/ou des approches par modèle numérique ainsi que ceux spécialistes de méthodologies analytiques. La synergie proposée par ce GdR permettra de diminuer de manière importante les risques liés à ces missions tout en augmentant les gains scientifiques de celles-ci, particulièrement pour la caractérisation de la matière organique. Il est impératif, à l’heure actuelle où la recherche de matière organique et de traces de vie dans le système solaire et au-delà est inévitable, de bien contraindre les systèmes étudiés et d’approfondir les résultats afin d’obtenir des conclusions non ambiguës.

Ce GdR permettra d’identifier l’ensemble des compétences disponibles au niveau national et de créer ainsi une vitrine à l’international. L’objectif à terme sera de permettre une identification rapide des lieux de compétence pour optimiser le développement des recherches afférentes à cette thématique.