Les malheurs

1631 - Grande misère à Messei

Ce texte en assez mauvais état fait état des difficultés d'une famille pour survivre. Elle a d'abord eu des dettes, puis, pour échapper aux créanciers, une séparation de biens a été obtenue dans le but de sauvegarder le tiers des biens du mari par le moyen du douaire. La femme a donc reçu le tiers des biens de son mari mais ne peut les vendre car elle n'en est que l'usufruitière, l'héritage devant à sa mort parvenir à ses enfants. Malgré le douaire, la misère continue et la famille vit dans la pauvreté mais, comme elle possède des biens, elle ne peut bénéficier de l'aide due aux pauvres. Le conseil de famille demande donc, au bailliage d'Argentan, l'autorisation de vendre une partie des biens du douaire afin que les acquéreurs ne puissent être inquiétés au titre de la Coutume de Normandie qui interdit cette pratique. Cette pratique est relativement fréquente.

Aujourd’huy samedi vingt neuf

iesme jour de mars l’an mil six cents

trente et ung devant Guillaume

Bourdon, tabellion royal en la viconté de

Mortaing et Mathieu Gauquelin

son adjoint au siège et chatellenie de

Tinchebray, furent présentz Guillaume Clopied, Guillaume

Loret, Jehan Loret, Thomas Morin, Thomas Paris,

Germain Trenchant, Nicolas Bellenger, huissier,

Guillaume Binet, Nicolas Binet, Jehan Binet, Moize

Paris et Jossias Binet la Gorgerie

Auxquels et chacun d’eux, ils ont donné pouvoir de

comparaitre lundy prochain venant à Argentan et autres jours

ensuyvantz tant que besoing sera et, là,

dire et déclarer, pour lesdits parens

constituans, qu’ilz recongnoissent que c’est

la vérité que Françoisse Binet femme séparée

de biens1 d’avecq Charles Loret, son mary, sont

en grende extrême nécesisté étant chargé

de quatre petitz enfans qui périssent de faim

avec eux n’aiant auchun moien de vivre

sans vendre ny aliéner quelque partie du

bien qui auroit esté lessé pour tiers à ladite

femme suyvant le mandement par elle

obtenu de …..2 Gailler escuyer conseiller du roi

viconté d’Argentan le vingt quatre iesme de mars

dernier et assignation auxdits parens

audit jour pour en deslibérer, ny ensemencer

les composts d’avoigne estant prests

[à] recepvoir la semence sur [la]partie des

héritages ainsy délessés à ladicte femme et à sesdicts

enfant atendu mesme que les aumosnes leur

sont deniés3, ont iceux. par les susnommés

pour évitter \que/ ladicte femme., ledict Loret et lesdicts

enfans ne périssent de fain et attendu la

charté instante et qui n’ont auchun moien

pour vivre ny bien pour subvenir à leur

nourriture et entretien d’eux et de leursdicts

enfans qu’ils n’empeschent que justice les

autorise eux ou l’un d’eux de ladicte femme ou

sondict mary qu’ils vendent et aliènent

afin d’héritage à quelque personne que ce soit

de leur bien jusqu’à la somme de cent cinquante

livres4, pour lesdicts, provenantz de leur

vente et aliénation, estre enploiés tant

pour leur nourriture et de leurs enfans

que pour ensemenser leur composts et

avoir besteaux pour faire valloir leurs

héritages ainsy que par justice sera (acordé)

et de ladite déclaration …..

que ledict procureur et porteur des présentes

…...... lequel lesdits parents ont

promis tenir et ...etc5

*



Notes

1 C’est une façon assez fréquente d’éviter la perte totale des biens du mari

2 Le mauvais état du document et les difficultés de lecture que, malheureusement, je rencontre ne m’en permettent qu’une transcription partielle. On peut m’aider !

3 Possédant des biens, ils ne peuvent être sur la liste des pauvres et percevoir des aides.

4 La femme ne peut aliéner les biens reçus en héritage. Il s'agit aussi d’exonérer cette vente du droit de retrait pour 3 ans ou plus prévu par la Coutume.

5 AD 61 4E98/27/1


1621 - Noble Jehan Leverrier connaissant son impuissance et imbécilité...

Voici un exemple d'acte où la victime de démence sénile se met lui-même en tutelle.

Du dix huictiesme jour de novembre apprès

midy, l'an mil six centz vingt et un.


Fut présent noble Jehan Leverrier, sieur de

la Contrye, filz de déffunct Mathieu

Leverrier, escuier, vivant sieur de Saint

Georges, demeurant en la paroisse de Saint Brix,

lequel cognoissant son impuissance

et imbecilitté, qu'il ne pouvoit faire valloir

son bien, se nourrir de l'usufruit d'icelluy

ni conduire \où mener/ ses affaires, s'estant bouillé

brouillé et grandement endebté ….

de temps à raison desquelles choses \de quoy/ il est

en hazard de tomber en grande néccessité

et pauvreté. A ces causes et pour évitter

à l'inconvénient qui à cause des choses

susdites luy pourrait arriver \et pour y remédier/ c'est démys

et démet sur de tous ses biens et

héritaiges sur la personne de honeste

homme Jean Leclerc, son frère en loy

pour en jouir et posséder d'iceulx toult

et aultant que il faict ou pouroit

faire …. la présente donassion et

démision à la charge dudit Leclerc \présent et acceptant/ de

le nourrir, chauffer et vestir bien et honestement

comme à luy apartenant et apprès son décèds

le faire inhumer bien et honorablement

faire ses obsèques et funérailles

qu'il apartient à la charge \dudit Leclerc de payer

et aquitter les rentes sieurialles

et foncières que lesdits héritaiges

sont \peuvent être/ tenus de faire, enssembles payer

où deffendre ses debtes et hypothèques

\s’il en est deu/ par se qu'il fera rendre compte au tuteur

dudit Leverrier de la puissance de ses biens et héritaiges

pendant qu'il a esté en garde et le fera respondre

luy et touz autres pendant ladite garde

des desgradassions et ruines arrivés à ses....

e... heritaiges et en disposera ainsy qu’il verra bien ..

parties en constitue le porteur de ses

présentes pour en requérir \et faire/ l’insignuation

partout où besoin sera ……

obligèrent bien. Et présent honneste homme

Gilles Prodhomme ….. greffier

de Saint Aubert sur Orne et de

Pierre Brière de Putanges, tesmoings



La démence aux XVIIe et XVIIIe siècles



Parfois, au hasard de la lecture des archives, on trouve des actes qui abordent le sujet de la folie. Je voudrais ici livrer quelques cas sans en tirer de conclusions ce qui serait pour le moins hâtif. De plus, n’étant pas psychiatre, je n’ai pas de connaissances particulières en ce domaine.

*

La Coutume de Normandie, dans son article 150, indique: "Les parents doivent être soigneux de faire mettre en sûre garde ceux qui sont troublés d'entendement, pour éviter qu'ils ne fassent dommage à aucun."

L'article suivant précise : "Et où il n'y auroit point Parens, les Voisins seront tenus de le dénoncer en Justice, & cependant les garder; & à faute de ce faire, les uns & les autres seront tenus civilement aux dommages et intérêts qui en pourroient avenir"

*

Dans les registres paroissiaux, les cas de démence identifiés comme tels me semblent rares.

-En 1695, le curé de Champcerie écrit : Guillaume du Mesnil Berard de la Chaise, escuyer sieur de la Pelleterie, mourut. Estant dans un grand délire, mit le feu dans sa maison et y fut presque tout réduit en cendre et ce qui resta de son corps fut le lendemain inhumé dans l’église paroissiale de Champcerie.

-En 1770, à Sainte-Opportune on lit : Le lundy vingt trois avril mille sept cent soixante dix, le corps de Marguerite Onfrey, fille de Jean Onfrey et de Barbe Durand, femme de Jacques Laîné de la paroisse de Ste Honorine-la-Guillaume, décédée samedi vingt et un dudit mois, âgée d’environ 35 ans a été par moi, curé de cette paroisse, inhumée dans le cimetière de cette église.

Cet acte est plutôt banal et ne fait aucune allusion à la cause de la mort. Pourtant, la Haute Justice locale (Durcet) mène une enquête car Marguerite Onfroy, femme de Jacques Lainé, de la paroisse de Sainte Honorine-la-Guillaume, a été trouvée pendue et étranglée dans un grenier à foin de la maison de Jean Onfroy, son père.

Divers témoins sont interrogés dont le curé de Sainte-Opportune qui déclare au bailli de la Haute Justice qu’il a connaissance que Margueritte Onfroy ... est tombée en démence depuis environ quatre ans, que sa folie a même redoublé depuis le commencement du carême dernier… Il l’a trouvée accroupie dans l’église de cette paroisse ainsi que sous le portail de l’église sans vouloir se lever, ni s’en aller, disant quelle voulait y demeurer le reste de sa vie pour prier dieu… Elle disait souvent qu’elle se délivrerait d’une manière ou de l’autre.

Le tribunal estime qu’il est prouvé qu’elle était en démence, sans conduite ni raisonnement. Il requiert donc que le cadavre de ladite Onfroy soit inhumé suivant les formes ordinaires malgré l’usage qui refusait aux suicidés une inhumation chrétienne.

On voit ici que les registres paroissiaux masquent ce genre de "détail".


Dans les registres notariés, ce sont les familles qui interviennent pour "garder l’héritage". Les actes deviennent plus explicites.

-En 1601, c’est le malade, soi-disant de lui-même, qui fait rédiger un acte.

François Thommeret, chirurgien, baille ses biens, par avancement d’héritage à ses fils et filles. En effet son indisposition, à raison de quelque maladie dont il est agité, il ne peut vaquer à ses œuvres et opérations librement, que cette maladie lui fait envisager un voyage en pays lointain. Il est facile de le tromper et qu’il est ordinairement conduit et mené dans les tavernes par des personnes qui tâchent par tous les moyens de capter le peu d’héritage qu’il a et lui font faire des marchés illicites.

Il confie donc ses biens à ses enfants à charge de luy fournir et administrer sa nourriture corporelle et entretien d’habits et aussi luy faire administrer les saints sacrements et le faire inhumer au cimetière de Juvigny près de ses défunts parents et amis.

-En 1746, à Tinchebray, Claude Thomas a tellement l’esprit troublé et est agité et tourmenté d’une fureur si violente que l’on est obligé de le tenir continuellement lié et enfermé pour empescher ses mauvaises actions et le tort et dommage qu’il pouroit commettre au public.

Ses fils ont consommé une bonne partie de leur bien à la dépense qu’ils ont faite pour ledit Claude Thomas. Ils sont aujourd’hui hors d’état de la pouvoir continuer. Ils demandent donc à être autorisé vendre les biens dotaux de feu leur mère que la Coutume Normande leur interdit de vendre pour l’entretien de leur père.


Dans les liasses judiciaires se trouvent de nombreuses affaires concernant ce triste état.

-On a vu plus haut le cas de Marie Onfray qui nécessitait un permis d’inhumer délivré par le bailly ou son lieutenant.

-En 1736, se présente devant le Lieutenant général du bailliage de Domfront le nommé Jacques Fourré, lequel conduisait avec une corde passée par sous les bras, un homme nue teste, nue pied et de tout le corps à la réserve d’un mauvais sac qui le couvre depuis la ceinture jusqu’aux genoux.

Le lieutenant général remarque en l’interrogeant que c’est un fou furieux et le fait conduire dans les prisons royales de la ville.

Interrogé Jacques Fourré dépose qu’il avait trouvé cet homme, qui lui est inconnu, assis entièrement nu contre la porte de la chapelle de Collière. L’inconnu est ensuite monté par une échelle dans le clocher de cette chapelle. Là il a cassé la porte, détaché les poids de l’horloge qui s’y trouve et jeté les cordes qui ont ensuite servi à l’amener.

Puis, le Lieutenant procède à un interrogatoire de l’inconnu, dialogue que je rapporte en entier ci-après :

-Interrogé de son nom

-Il a répondu avoir pour nom Jean Lair fils de Jean Lair et de Michelle Goupil demeurant, avant sa détention, dans la paroisse de Combourg, évêché de Saint Malo, âgé de quarante trois ans ou environ et avoir été pendant trois ou quatre mois chez le sieur Dupuy à Edel en Bretagne et qu’il est de la religion catholique et romaine.

-Interrogé pour quel raison, il a sorti de chez lui, lequel métier il faisait auparavant ?

-A répondu qu’il était sorti pour rien et qu’il n’avait plus rien, qu’il cherchait à gagner sa vie mais qu’il ne savoit travailler ne sachant ce qu’il l’en empeschait et qu’il faisoit le métier de domestique ayant servi en plusieurs maisons et qu’il avait été condamné aux galères par le président d’Avranches pour avoir été trouvé saisi d’onze onces de tabac qu’il avait acheté à bon marché pour s’en servir.

-Interrogé pourquoi il marchait tout nu ?

-A dit et répondu qu’il n’était pas besoin d’habit pour aller trouver son dieu et qu’il s’était trouvé hier dans un endroit où il y avait une église et l’ayant trouvée fermée, il avait monté avec une échelle au clocher, enfoncé la porte et monté sur l’horloge, pris les cordes et qu’il voulait s’en servir pour pendre ces bougres là et que Gillot, le bourreau, l’avait amené lié avec une corde.

-Interrogé pour quel raison, il voulut frapper et maltraiter plusieurs personnes en courant par les bourgs et villages et entré par force dans les maisons ?

-A dit et répondu qu’il ne pouvait pas battre personne qu’avec son cul, n’ayant ni verges, ni bâton.

Finalement, le procureur du roi requiert que Jean Lair soit conduit par la maréchaussée à Mortain, ville la plus proche en direction de la Bretagne, pour en faire ce qu’ils jugeront à propos .

Une semaine plus tard, la maréchaussée faisant la sourde oreille, le fou est toujours là : le geôlier n’en peut plus des emportements et fureurs de Jean Lair.

L’avocat du roi réitère sa demande et ordonne à Robert Lecointre, cavalier de la maréchaussée de se saisir ce jour, sur le midi, de Jean Lair pour le conduire dans les prisons de Mortain sauf à la maréchaussée de Mortain à le reconduire à un autre maréchaussée pour le reconduire à Combourg, son origine, et y être ensuite renfermé et gardé par ses parents pour éviter tous malheurs et accident pouvant arriver par les furies et l’emportement dudit Lair. Faute de quoi, l’avocat du roi consent que les prisons soient ouvertes à Jean Lair et, en cas qu’il arrive quelque accident ou malheur de la part de Jean Lair, la faute en sera imputée à la maréchaussée qui devrait veiller à sûreté publique par des visites exactes et continuelles dans les paroisses de cette élection.


-En 1750, César Alexandre Dubois, écuyer, sieur de Belhôtel, homme âgé, passe deux contrats avec sa servante, la femme Boutron : une donation et un contrat de mariage. La famille étant d’ailleurs bien informés par eux-mêmes de la faiblesse d’esprit du seigneur de Belhotel et de sa prodigalité, est d’avis que ledit seigneur de Behôtel soit mis au nombre des interdits, luy et ses biens, sous la curatelle et garde de l’un d’eux.

Un conseil de famille ( une quinzaine de personnes, toutes nobles) se réunit en urgence et nomme un de ses fils tuteur. Un appel du sieur de Belhôtel est enregistré mais reste sans suite.

*

Sous l’ancien régime, dans notre région, la démence est considérée comme relevant de la sphère privée, famille ou voisinage. Les proches doivent prendre le fou en charge ce qui peut mettre en péril leurs moyens d’existence et leur héritage. On peut alors en trouver trace dans le notariat ou les actes judiciaires pour une mise en tutelle.

Quand le fou quitte le cocon familial, il devient un errant, un vagabond. Il apparaît alors dangereux, il fait peur, on le craint mais personne ne sait qu’en faire sinon l’éloigner, soit par retour dans sa famille, soit en l’enfermant ou même en l’envoyant aux galères. C’est alors que le traitement de la folie devient judiciaire.

Il semble donc qu’on n’envisageait pas de traitement de type médical hormis à partir du règne de Louis XIV, l'enfermement dans des hôpitaux ou maisons de force qui feront l'objet d'un prolongement de cet article.


Les mendiants


Cette population, qui semble assez nombreuse, nous est surtout connue dans les registres par les actes de décès, mais on en rencontre également dans les mariages (il en est même qui font des contrats de mariage).

Le plus jeune d'entre eux, à ma connaissance, anonyme, est décédé à l'age de 2 ans, inhumé en la paroisse St Martin d'Argentan1

Un pauvre mendian dont on ignore le nom agé d'environ deux ans a esté inhumé par nous dans le cimetière de cette paroisse ce 16eme septembre 1710 présence de Messire Louis Baudoin et de Philippe Graindorge


Le plus âgé, à ma connaissance, est décédé à Ste Croix sur Orne

Un homme inconnu qui ne s'est point nommé, qui s'est seulement dit de St Quentin en Picardie, mendiant de profession, âgé de quatre-vingt quinze ans, selon ce qu'il a dit, décédé d'hier chez André Ballue fermier à la Cour de Ste Croix a été inhumé dans le cimetière de cette paroisse par nous soussigné curé le dix janvier mil sept cent soixante et dix en présence d'André Ballue, laboureur à la Cour de Ste Croix, et d'André Lesage,journalier. Lesquels ont signé avec nous.


Les mariages de mendiants semblent assez fréquents, ils rédigent également des contrats. Ainsi à Ecouché2

Le 6 octobre (1699) a esté célébré par moy soubsigné, vicaire, le mariage d'entre Jacques Heuzé, mendian, veuf et de Michelle Leseigneur fille de Sainctin Leseigneur et Marie Cachelou, tous deux de ce bourg. Les bancs contrôlés à Escouché par Belzais le 6 octobre. Présence de Messire Jean Guitton, prebtre, Jacques Cheradame, François Guillochin et la mère de ladite mariée et plusieurs autres soubsignés.


Auparavant, on trouve dans le notariat d'Ecouché leur contrat de mariage à la date du 18/9/16993. Ce contrat omet la profession du marié mais précise que le père de la future mariée est décédé. En conséquence la mère et le frère (Morice Leseigneur) de la mariée promettent 20 livres dont il sera payé 100 sols (5 livres) la veille des épousailles et 5 livres un an plus tard. Le reste soit 10 livres restant aux mains dudit Morice Leseigneur pour servir de dot et ligne de la future et des enfants sortant dudit mariage.


Le 10 novembre 1699 on trouve un autre contrat de mariage à Ecouché entre entre mendiants avec une clause particulière:

Au traité de mariage qui au plaisir de dieu sera fait en face de ste église

catholique, apostolique et romaine entre Guillaume Louvet fils naturel de Guillaume

Bourlier ; pauvre et mendien, d'une part, et Marie de Courmaseulle aussi pauvre

et mandienne, fille de Michelle et de Gilette Milcent ses père et mère de cette

ville d'Argentan d'autre part. Lesquels se sont donné la foy de mariage et promis

s 'épouse la première réquisition qui en sera faitte par l'unne des dittes parties

et ont lesdittes parties déclaré n'avoir aucuns biens ni meubles en leur possession

et qu'en cas qu'ils en puissent amasser ensemble, ils sont convenus de se les donner

au plus vivant d'iceus. Es présence de Thomas Durant et Michel Cristofle d'Argentan

tesmoins


Bien évidemment, des enfants naissent.

Ainsi, à Goulet, on trouve 2 familles de mendiants dans les années 1740-1760.

-Pierre Décot et Barbe Pasquier ont 7 enfants connus (3 décèdent jeunes – 2 au moins auront une descendance)

-Charles Auvray dit Garin et Marie Louise Deslandes en auront 2 (si l'un décède rapidement, l'autre se mariera)

A Mantilly4 se trouve un acte de naissance qui nous renseigne également sur les déplacements.

Le cinquieme jour de may 1694 nous a été présentée

une fille par Peronne Lebossé accompagnée de Margueritte Bourget

se disant bourgeoise de la vile d'Argentan, laquelle a dit que cette

fille est née du mariage de Guilleaume Louvel décédé depuis

cinq mois ou environ et de Marie Monier5 aussy de la ville

d'Argentan d'où ils seroint venus dans ce pays pour mandier

leur vie et ladite Peronne a aussy dit qu'elle a accouché

ladite Monnier de cettedite fille au lieu de Rubesnard.

Lesquelles déclarations ont esté faites en présence de

Mihel de Montgodin, Jean Guesdon et du parein et de

la mareine cy après denomméz. Après quoy ladite fille

a esté baptisée par nous curé soussigné et a esté

nommée Jullienne par Jean Desgrippes la lande et

Jullienne Godin parein et mareine


Parfois, on en trouve qui sont autorisés à mendier suite à un événement fascheux (incendie par exemple). On verra un tel acte, même si c'est un faux, dans cet article.

Mais c'est surtout par les décès qu'on les voit apparaître dans les BMS. Ils ont alors de 2 origines :

-soit locale comme cette Catherine Heudiard : Le 4e jour de juin 1740, par nous sous signé vicaire de Briouze, a été inhumée dans le cimetière de cette paroisse le corps de Catherine Heudiard mendienne soit disante de la paroisse de St Hilaire aagée de soixante ans ou viron6 3E2/60/1/3

-soit extérieure, parfois lointaine comme celui décédé à Ste Croix

Ils sont généralement logés pour leurs dernier jours

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Notes:

1 AD61 Argentan Saint-Martin AC0006_42 vue 46

2 AD61 Ecouché 3E1/153/1/2 vue 61

3 AD61 4E81/92

4 Mantilly AD 61 Edépot190/17 vue 32

5 Mariés à Mauvaisville (Argentan) le 27/11/1692

6 AD61 Briouze 3E2/60/1/3


1763 - Enquête sur la mort d'un mendiant

Un ménage de mendiants âgés est accueilli par des particuliers à l'Epinay-le-Comte. Le mari décède d'où une enquête. Ce texte issu des BMS permet aussi d'apprécier la charité des habitants à une époque où l'on a commencé à enfermer les errants.


Aujourd'hui quinziesme jour de juin l'an mil sept cent

soixante trois, sur deux heures après-midy, René Legranger,

sergeant royal au bailliage de Domfront, y reçu, exerceant résidant

à l'Epinay........ à la requeste de Monsieur le procureur du roy du

baillage royal de Domfront, y demeurant en laditte ville où il a eslu son

domissille, agissant pour lui sur l'avis quy nous a été donné ce jour

par Etienne Gohier et Jean Duray, Simeon Fleury et plusieurs autres

habittans de la paroisse de l'Epinay que un nommé François Gauttier,

mandians et cherchant la charitté quy aurait été logé aussy par

charitté avec son épouse ausy mandiante par ledit sieur Fleury dans

un petit apartemens d'une petite chambre située au haut de la ville

de l'Epinay. Et comme cet homme, étant caduc de viron quatre-vingt

ans, ce serait ce matin levé pour aller chercher sa substance de vie

et comme il était …., demeurant dans cette petite chambre, voulant

descendre d'icelle dans l'embas au desous de laditte chambre, il luy

aurait pris une faiblesse tant par l'âge que …...............,

ce serait écrié à sa femme « viens à mon secours » et pour lors laditte

femme ce voyant surprise de pareil accidents aurait eu recours

aux voisins de son domissille qu'elle aurait pour lors apellés et ne

voyant aucune vie à cet homme que seulement un soupir de

mort, elle ce seroit le jour et heure cy dessus accompagnée de son

voisinage de venir à son aide.Et comme dans ce bruit commun

quy aurait été répandu par plusieurs personnes,nous, requeste que

dessus, me serais exprès transporté dans le domissille dudit funt

François Gauttier où étant, ayant soumis et interpellé Renée

Charmereien, femme dudit Gauttier, de nous déclarer le genre

de mort dudit funt son mari, elle nous a répondu que son

âge vétusté était tombée en faiblesse et voulant ce lever pour

descendre de laditte chambre, une faiblesse l'aurait pris comme

cy dessus est dit et pour lors tombé mort et l'aurait fait

ensevelir en des linceuls [en] présence du voisinage comme n'ayant

aucun atacque de genre de mort que seulement la vétusté et

faiblesse du secours de nature. Veu quoy, ayant trouvé ce cadavre

ensevely dans ses linceuls dans l'embas soubs la ditte chambre

veu que lesdits Gohier, Colin, Duray, Fleury et plusieurs autres apellés à ce

secours, nous ont déclaré que la dite déclaration de la ditte veuve

est véritable, pourquoy nous avons rédigé le présent procès-

verbal pour servir et valoir aussy qu'il apartiendra et le déposer

à justice....1

_____________________

Notes :

1 AD61 Epinay-le-Comte 3E2/155/2 vue 2


1765 - Arrestation d'un vagabond à Passais

La charité ne s'exerce pas toujours. La tendance au XVIIIe siècle est à l'exclusion soit par enfermement, soit par expulsion. Au passage, on remarquera les critiques du procureur sur la maréchaussée de Domfront.

Le procureur du roy du bailliage

Remontre à Monsieur le Lieutenant général que le nommé Vivier, sergent de la paroisse de Passais auroit arrêté, à la clameur publique, un inconnu. Lequel par sa figure et ses habillements annonce quelque chose de répréhensible. Les déclarations du roy enjoignent aux prévost des maréchaussées de veiller et de faire les recherches de tous les gens dépourvus de tous certificats, passeports mais la brigade xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx de maréchaussée composée de cinq, soumise à l’ordre du sieur grand prévôt d’Alençon qui jusqu’ici a toujours marqué et fait voir une négligence outrée et qui ne fait aucune démarche puisque, journellement, les cavalliers qui la compose, au moindre bruit qui se passe dans la ville où aux écarts, s’enferment tous ensemble dans quelque endroit secret en sorte que quelque réquisition soit verballe ou autrement qu’on puisse leur faire, ils sont invisibles où s’excusent sur des affaires imaginaires. Mais comme cette matière reste à traiter dans un autre temps, le procureur du roy croiroit manquer aux devoirs de son ministère s’il ne veilloit et n’employoit tous ses soins xxxxxxxxxxxx pour réprimer tous les abus qui se commettent au sujet de la répréhension des vagabonds.

Le procureur du roy du bailliage

Requiert qu’il vous plaise vous transporter à l’heure qu’il vous plaira aux prisons royalles de cette ville pour faire prêter interrogatoire à l’inconnu qui a été incarcéré ce jourd’huy et l’interroger d’où il est, quel est son nom, de quel endroit il est sorty, s’il a été prisonnier, quel crime il a commis, s’il a été sentencé, flétry, s’il sest échappé des prisons, pourquoi et comment, quels sont ses complices, où ils sont, quel est son dessein, où il voulloit aller, qu’est-ce qu’il va faire de ses ciseaux, couteaux et rasoirs et autres instruments dont on l’a trouvé saisi, enfin où sont ses passeports, extraits de baptême et autres pièces qui pourraient servir à sa libération, pour après l’interrogatoire prêté et communiqué au procureur du roy, être par la suite par luy requis et conclus ce qui se trouvera appartenir.

Arrêté au parquet, ce huit juin mil sept cent soixante cinq.

Leroyer des Arcis

***

le 9/6/1765

Interrogatoire par Louis Garnier, sieur de la Fosse, lieutenant civil, assesseur criminel au bailliage royal de Domfront.

-Interrogé de son nom, surnom, âge, qualité, demeure et de sa religion.

-A dit et répondu qu’il s’apelle Pierre Fournier, âgé de soixante ans ou environ, demeurant audit bourg de Poligny, province de Bretaigne, de la religion catholique, apostolique et romaine.

-Interrogé s’il sçait pourquoy il a été arresté, d’où il venoit et où il alloit et quels sont ses associés.

-A dit et répondu qu’il ne scait pas pourquoy on l’a mis en prison, venait d’Alençon et qu’il s’en retournoit chez lui et n’a aucun associé.

-Interrogé où il a esté aresté et de quelle profession il est.

-A dit qu’il a été arresté du costé de Passais dans un champ de gueret et qu’il est tailleur de pierre à rasoir et qu’il en a aussy fait à feu.

-Interrogé depuis quel tems il est sorty de son païs, pourquoy il en est sorty et quel est le lieu de sa naissance.

-A dit qu’il y a environ un mois qu’il est sorty de Poligny et qu’il en est sorty pour aller chercher de pierre propre à tailler et qu’il est natif de Poligny

- Interrogé et sommé de nous dire quelle conduitte il a tenu depuis dix ans.

-A dit et répondu qu’il s’est toujours promené par les villes en vendant des pierre à raisoir et qu’il a été du costé de Nantes, de Vannes et ailleurs.

-Interrogé si la véritté n’est pas qu’il a été incarcéré, et où il a été, quel crime il avoit commis et par quel hazard il en est sorti.

-A dit et répondu qu’il a été incarcéré à Guere, petite ville [de] l’autre costé de Poligny, qu’il l’a encore été …... pour avoir tantôt brûlé des ruches de mouches à miel et tantôt pour avoir mandié.

Et qu’il est sorty des prisons de Geret après avoir creusé les murs de sa prison de nuit, et de celles de Saumur, qu’il en est sorty après avoir couppé ses fers ou plutôt détachés de ses jambes et après les avoir jettés dans des latrines avec plusieurs personnes qui étoient venus le voir.

-A luy représenté qu’il ne nous dit pas la vérité vu qu’on ne luy auroit point mis les fers aux pieds pour avoir brûlé des ruches de mouches à miel ou pour avoir mandié.

Et sommé de convenir avec nous qu’il a été sentencié comme bany de son [païs] ou envoyé au galère, flétry ou marqué, qu’elle étoit déffinitivement la nature de son crime, qu’ils étoient pour lors ses associés, qu’est-ce qu’ils sont devenus et qui sont ceux qu’il a plus particulièrement fréquenté depuis ce tems là.

-A dit et répondu n’avoir point commis d’autre crime … qu’il ne se souvient point d’avoir été sentencié, bany de son pais ny envoyé au galère et n’a jamais eu d’associés et par conséquent n’a eu d’habitude criminelle avec qui que ce soit.

-Interrogé s’il a son père, comment il s’appele, le nom de son curé et celuy de ses plus proches parents, s’il est marié, s’il a des enfans.

-Dit qu’il y a longtemps que son père est mort, qu’il s’appeloit Pierre Fournier, que le curé de sa paroisse s’appele Luirel, qu’il a différents parents qui ne veulent pas le reconnaître quoy que cependant il ait été juge criminel et qu’il ait porté la robbes, qu’il a eu plusieurs femmes qui sont mortes, a eu des enfants, ne sçait s’ils vivent.

-Interrogé si la vérité n’est pas qu’il a été trouvé saisy de ciseaux, couteaux, rasoirs et autres différents ustensiles, où il les avoit pris et quel étoit l’usage qu’il en vouloit faire.

-A dit qu’il avoit deux rasoirs, un couteau, des siseaux et que c’étoit pour son usage particulier.

-Ce fait avons cessé d’interroger le répondant.

***

Rennes 13/7/1765

Soussigné brigadier de la maréchaussée de Bretagne raporte… m’être transporté au bourg de Poligné pour vérifier si le nommé Piere Fournier, prisonnier à Domfront qui a été arrêté vagant est natif de Poligné comme il l’a déclaré… A cet effet je me suis adressé aux nommés Jean Gautier, ancien trésorier, Joseph Hard, Joseph Hirel, Julien Heudiard et Julien Létel, tous domicilés du bourg de Poligné, lesquels m’ont déclarés bien connoître le dit Pierre Fournier pour être de la paroisse et pour un fort honnête homme, m’ont déclarés que depuis années la teste avoit tourné audit Pierre Fournier ce qui le faisoit ainsy courir et vaguer….

Buis

***

Le 27/7/1765

Le procureur du roy du bailliage royal de Domfront

Remontre à messieurs les officiers qu’en conséquence de l’interrogatoire que Pierre Fournier, retenu prisonnier comme errant et vagabond en aprêté et sur les réponses qu’il a fait. Il a fait les informations nécessaires pour se faire instruire du genre de vie dudit Fournier. Il paroit les lettres et certificat ci-joint que ledit Fournier est un homme qui a perdu l’esprit quoique cependant malicieux, mauvais et mal intentionné. Il paroit par le certificat qu’il y a très lontemps que ledit Fournier est errant et vagabond et que l’on ignore dans son pays quels crimes il auroit commis depuis son départ de chez luy. Les édits et déclaration de sa majesté ordonnent que ces sortes de gens seront arrêtés et mis en maison de force. Il n’y en a aucune dans le ressort de ce bailliage, c’est pourquoy le procureur du roy conclus à ce que ledit Fournier soit condamné comme vagabond et errant aux gallères à perpétuité. Arrêté au parquet, ce vingt sept juillet mil sept cent soixanre cinq.

Leroyer des Arcis

***

3/8/1765 Le tribunal se montre plus clément que le procureur

…. Ordonnons que ledit Fournier sera élargi des prisons et conduit hors la ville avec deffences audit Fournier de reparoistre sur l’étendue de ce bailliage1...

_______________

Notes

1 AD61 6BP


1725 - Famine à Bellou-en-Houlme

Etrait des BMS de Bellou

Le lecteur se souviendra que l’année 1725 il est

arrivé une cherté subite, que le seiggle qui ne valait

d’ordinaire que soixante sols a valu un lundy à

Breouze jusqu’à 13 lt, l’avoine 7 lt et le sarasin

7 lt. La plupart des habitans de France seroyent

morts de faim sans les bleds des pays étrangers

et principalement d’Angleterre, d’Hollande et des pays

du Nord, pendant cette année, il est presque toujours

tombé de l’eau, principalement depuis le 25 avril

jusqu’à la fin de l’année. A peine a-t-on pu faire

la récolte des bleds, principalement de seigles, mais

l’on ne peut faire de pain sans le faire sécher dans

le four. Il y a plus de 200 chartées de foins perdues

dans Bellou par l’abondance des eaus. La plupart

des seigles que l’on a semé n’ont point levé, d’autant

qu’ils ont pourrist dans l’épie par les eaux. Le

cinquantième denier a été établi cette années sur

tous les biens que la terre produit. Et il y a appréhension

que l’année 1726 ne soit pas abondante en bleds et

principalement en seigle. La province de Normandie

a le plus soufert de la France pour la cherté

des bleds et il y a eu plusieurs séditions dans les grosses

villes1 de la part de la populace à cause de la

cherté des bleds et de la pauvreté.



Le lecteur se souviendra que l’année

1726 a été malheureuse par la disette

des bleds et principalement la Normandie.

Il n’y a presque point eu de récolte

de seigle. Les seigles que l’on avoit semés

ayant pourry dans la terre ou ayant

disparu après être levés. Dans cette année

les 2 tiers de Bellou ne mangeoyent pas

à demi vie de pain. Les tributs excessifs,

la paroisse imposée pour le gros de la taille

à …. mil six cent livres sans les

autres impositions. Le duc de Bourbon

fut destitué de … ministre a

………….. qu’il dépensoit le moins.

Les garçons tirèrent au mois de m…

au sort pour la milice et le sort

tomba sur six. L’argent très rare

en France. Pendant 1725 1726, sans les

bleds des pays étrangers, la France

auroit péri par la famine2.

_________________

Notes

1 Dont Caen. Voir le "Journal d’un bourgeois de Caen"

2 Bellou en Houlme 1725 vue 95


1613 - Du passage des troupes

Des troupes sont passées près d'Argentan, des habitants ont été molestés, en représailles des soldats furent tués, la ville fut condamnées à indemniser le régiment, le clergé refuse de participer à cette indemnisation...


Factum et mémoire comme le procès

du clergé d'Argentan est arrivé contre les

habitans de ladicte ville


Faut entendre que au commencement du mois d'aoust mil VIC XIIII, le régiment de Cambray descendit en Normandie, conduit par le sieur de Marsillac, lieutenant du sieur de Rambure, et passants près d'Argentan quelques soldats insolents estantz venuz en ladite ville, s'enyvrèrent et se mirent en querelle contre quelques habitans avecquez tumulte d'iceux, qui en armes se mirent en deffences contre lesditz soldatz et en fut tué deux ou trois. Et le lendemain furent emportés par leurs camarades et compagnons à leurs capitaines qui, néanlmoins qu'ilz feussent grandement indignés, avoient incontinent fait desloger leurs troupes près dudit lieu d'Argentan pour les évader et esloigner de ladite ville.

Et comme ils estoient jà esloignés d'icelle ville de viron deux ou trois lieues pour s'en retourner furent révocqués par quelques uns d'auctorité dans le pais et introduitz dans les fauxbourgz dudit Argentan où ilz avoient vescu à discrétion l'espace de cinq ou six jours et cela fait se seroient retirez de ladite ville et fauxbourgz.

Et viron quinze jours après quelquez uns desditz habitantz, faisantz estat de tenir le Corps de ville1 sans y avoir voulu admettre ny convoquer auchun Ecclesiasticquez, se seroient transportés vers lesditz capitaines et auroient composé avec eux et puis paier par capitulation la somme de quatre mil tant de livres pour retirer d'eux quelquez uns desditz habitantz parentz d'auchuns dudit Corps de ville qu'ilz tenoient prisonniers, que l'on disoit avoir fait ladite occision, dont et de l'un desquelz fut faicte exécution de mort par justice en la ville de Sées, instance desditz capitaines.

Et est à noter que ledit meurtre n'est pas arrivé par une émotion populaire, ny à son de tocsaint par ce qu'il se trouvera que cela est arrivé par personnes particulières où les gens d'églize n'avoient interest et que avant le tocsaint sonne, l'homicide estoit commis, et encor ne se trouvera qu'il ait esté commandé à personne de sonner le tocsaint.

Ce que lesdictz du Corps de ville avoient fait, ce a esté pour descharger leurs parents qui estoient en péril de la vie detenuz prisonniers, information faicte dont y en a eu un exécuté de mort, comme dit est, le reste du procès criminel encor pendant et évocqué au présidial d'Alençon.

Laquelle somme de quatre mil tant de livres a esté ainsy délivrée ausditz capitaines qui néaulmoins avoit esté sequestrée par ce qu'ilz n'osoient la recepvoir et estoient prestz de rendre icelle comme en scrupule et doute qu'il en seroit fait levée sur le peuple.

Ledit Corps de ville a présenté requeste au Roy en son privé conseil, affin qu'il pleust à sa Majesté que ladite somme feust levée et cueillie sur tous les habitants et ont obtenu ladite requeste et permission de faire ladite levée sur tous lesditz habitantz.

Et soubz prétexte qu'ilz ont fait couler ces motz par le patent, exemptz et non exemptz, privilégiés et non privilégiés, ilz ont comprins2 les gens d'églize d'icelle ville dans leur rolle et taxés à sommes excessives et encor avec tant d'excès que quatre ou cinq desditz gens d'églize sont plus taxés que ne sont tous les officiers de ladite ville qui sont en nombre de plus de soixante, la vérité se verra par le rolle de ladite assiette.


Nota/

Faut noter que au lieu de quatre mil deux centz livres que lesdits cappitaines ont reçu par capitulation, lesditz du Corps de ville ont fait emploier dans leurdite requeste, cinq mil deux centz livres affin d'en faire paier la plus grande partie ausditz du clergé.

Non contens de cela, auroient encor voulu lesditz habitans contre toute équité et ordonnance des roys et privilèges desditz Ecclésiastiquez les contraindre par chacun jour faire la santinelle, guet et eschauguette sur une haute tour de l'églize par la prinse de leurs biens. Veu cela lesditz gens d'églize auroient tasché à se faire recepvoir opposantz par le juge bailly de la ville qui les auroit refusés et n'auroit daigné ny voulu les ouyr.

A raison de quoy, se seroient pourveuz par autre requeste au conseil privé du Roy, où ilz auroient remonstré ce que dessus avecquez l'injure et l'injustice que on avoit commisse pour la teneur desdites lettres à leur grand préjudice contre les saints décretz et ordonnance royaux en ce que l'on auroit adjouté par surprinse ces mots exemptz et non exemptz, privilégiés et non privilégiés.

A quoy le Roy leur auroit décerné ses patentes par lesquelles il mande au bailly d'Alençon ou son Lieutenant audit Argentan de descharger et non comprendre soubz ces motz ( exemptz et non exemptz, privilégiés et non privilégiés) lesditz gens d'églize, ains3 entend les faire jouir et les conserver entièrement en toutes leurs franchises et libertés, immunités et privilèges, pour autant qu'ilz en ont et qui leur en a esté concédé par lesditz saintz décretz et ordonnances royaux.

Ce fait, ilz ont signifié lesdites patentes auxditz habitantz, Echevins et Syndic, mesmes aux Assietteurs et Collecteurs deladite levée, leur faisantz défences de par le Roy de ne les comprendre en leurdite assiette, qui néaulmoins n'en auroient tenu compte mais auroient surtaxé, comme dit, lesditz gens d'églize à des sommes excédantes leur revenu titulaire et à toute outrance se seroient efforcé les contraindre et exécuter en leurs biens rompant leurs portes par grande violence et trop grande animosité.

A quoy lesditz Ecclésiastiques se sont opposés avecquez protestation de faire assigner les habitans et collecteurs au conseil privé du roi, mais lesditz collecteurs n'ont attendu cela, ains auroient fait assigner lesditz gens d'églize pour procéder sur ladite opposition devant Messieurs les présidents et éleuz d'Argentan, où iceux Ecclésiastiquez auroient demandé leur renvoy au privé conseil du Roy où la cause estoit pendante en règlement de juridiction, qui en ont esté refusés mais auroient condamné lesditz du clergé paier par provision combienquez lesditz gens d'églize n'aient voulu auchunement procéder devant eux ny les recognoistre pour juges, ains avoient déclaré les prendre à partie ou cas qu'ilz passassent oultre.

De laquelle sentence de provision, lesditz gens d'églize sont appellantz en leur \appel / relevé au Conseil privé du Roy suivant l'arrest dudit conseil et la commission sur ce intervenue en dabte du sixme jour de juillet dernier.

Mais faut noter que lesditz habitans vouloient premièrement procéder4 à la Court des Aides à Rouen sur l'opposition et avoient donné assignation ausditz Ecclésiastiquez à y procéder par un mandement qu'ilz avoient obtenu, lesquelz Ecclésiastiquez estoient allés vers le Roy en son conseil et avoient obtenu deffences de ne procéder ny à la Court de Parlement ny à la Court des Aides jusquez à ce que par le Conseil en eust ordonné, déclarant encor derechef le Roy en sondit Conseil, n'avoir aucunnement entendu comprendre lesditz du Clergé soubz cesditz mots : exemptz et non exemptz, privilégiés et non priviligiés, ains vouloit qu'ilz feussent exemptz et maintenuz en leurs franchisses et immunités.

Faut noter que par les Concordatz faitz entre sa Majesté et le Clergé que le Roy retient la cognoissance des procès dudit Clergé en son privé conseil ou en ses Courtz de Parlement, partant faut requérir qu'il plaise au Conseil retenir la Cause pour en juger diffinitifvement.

Il faut aussy noter que lesditz habitans veulent dire que quelques gens d'églize ont émeu5 la querelle desditz soldats, chose du tout eslongnée de la vérité.

Il n'est pas vraysemblable que auchuns desditz gens d'églize feussent à ladite querelle, veu que lesditz capitaines et soldatz n'en tenoient de prisonniers, Mais tenoient ceux qui avoient fait le mal et qui avoient le moien de paier sans y appeler lesditz du Clergé qui estoient à prier Dieu pour estre le jour et feste de la solemnité de Saint Germain patron de ladite ville.

Ce trouvera au contraire que ceux qui ont homicidé lesditz soldatz estoient parentz et alliés deditz tenantz le Corps de ville.

A raison de quoy, l'un d'iceux auroit fait advance de la somme de huit centz escuz pour libérer lesdictz malfacteurs et séditieux, ce qui se prouvera facillement.

Et encor pour monstrer l'animosité desditz habitantz contre lesditz du Clergé que lorsque lesditz soldatz estoient esditz fauxbourgs, s'efforçoient de les faire entrer dans les logis desditz gentz d'églize avec bultins et éticquettes à eux baillées par lesditz du Corps de ville, là où ilz ont estrangement et cruellement traicté lesditz Ecclésiastiquez, en quoy est remarqué l'animosité qu'ilz portent auditz du Clergé

Et pour monstrer encor davantage l'animosité que lesditz du Corps de ville portent auditz du Clergé, c'est qu'ilz ne sont contentés avoir imposé lesditz Ecclésiastiquez en leurdit rolle, mais aussi y ont imposé quatre curés des parroisses circonvoisines : à scavoir, Messires Paul Ango, curé de Sévigny, Christofle Loisel, curé d'Aunou, Thomas Laffilard, curé de Colmer et Germain Jullien, curé de Coulandon, lesquels sont plus haut taxés que tous ceux du Corps de ville qui sont vingt quatre et ce à cause de petitez maisons qu'ilz ont dans les fauxbourgz de ladite ville.

Oultre faut remarquer que lesditz collecteurs assietteurs ont fait assigner ledit Syndic affin qu'il portast leur faict par devant le Bailly contre le Clergé, à quoy ledit Syndic a respondu qu'il n'estoit tenu à cela, à cause qu'ilz avoient excessivement taxés lesditz Ecclésiastiquez qui estoit la cause de leurs deffences ainsy que l'on pourra voir par l'acte présenté de ce faict cy attachée6.

Antiennement, les terres des pretbres estoient exemptes des tailles ainsy qu'il est remarqué en Genèse 47 ch. : subjecit terram pharaoni et cunctos populos ejus, prater terram sacerdotum7.

Davantage les terres des pretbres sont déclarées nobles et ne doivent point de centz et sont exemptes de tributz, de taillez et de toutez charges publiquez, et s'il arrive que quelques uns les y veille contraindre, le prince leur en doit faire faire satisfaction et en prendre la deffence : nemo cogat clericum ad censum persoluendum de suis bonis : quod si fecerit, per regiam potestatem ad satisfaciendum compellat8...

L'empereur Constantin a tant honoré le sacerdoce qu'il a fait un ordonnance en leur faveur par laquelle il voulloit qu'ilz feussent exemptz de toutes sortes de gens d'armes, juxta sanctionem (inquit) quam dudum neministis et vos et mancipia vestra nullus nouis collationibus obligabit sed vacatione gaudebitis paetera neqz hospites occipietis9.

Le concile d'Agathe10 excommunie tous ceux qui molestent et persécutent les pretbres, leur interdit la communion et les prive de l'entrée de l'églize s'ils ne font grande pénitence Si quis seculariu... per calumnia... ecclesiam aut clericu.. fatigare fentaverit et victus fuerit : an ecclesia liminibus et catholicorum communione nisi digne poeniteat arceatur : Il n'y a donc point de doute que lesditz du corps de ville ne soient de droit excommuniés avec tous les complices.

Davantage ilz sont infracteurs des ordonnances des roys et particulièrement de nostre invincible Roy à présent séant, comme ayant confirmé toutes les ordonnances de feu ses prédecesseurs touchant cet affaire aux Estatz Généraux tenus à Paris, et partant sont amendables et punissables avec tous despens, dommaiges et interestz desditz du Clergé.

Lesditz habitantz veullent dire aussy que auchuns Ecclésiastiques possèdent héritages de leurs acquestz et autrement mais ilz dénient posséder héritages en plus outre que leur revenu titulaire et sy quelques gens d'églize ont acquis ce a esté des denier de pupilles dont ils sont gardains11 et n'ont faict acquests en outre le remploicte de la valleur de leur tiltre patrimonial.

Et est à noter qu'ilz disent que l'on a quelques fois enrollé auchune gens d'églize pour contribuer à quelques empruntz mais cy cela est, il y a fort longtemps car depuis le concordat fait par feu de bonne mémoire Henry le quatriesme avec le Clergé de France qui fut le premier jour de may mil cinq centz quatre vingt saize au Cam Traversy12 les gens d'églize n'ont esté auchunement imposés sinon à certain emprunt envoyé par sa Majesté en l'année mil VCC IIIIXX XVIII où cinq desditz gens d'églize furent imposés qui n'en ont rien paié attendu l'opposition qu'ilz en avoient formée et dont y a encor procès pendant au Parlement à Rouen.

La coppie dudit concordat est cy attachée collationnée devant les tabellions de ladite ville d'Argenten deument signée où est tout au long exprimé la volonté du Roy exemptions et franchises des gens d'églize13

________________

Notes:

1 Corps des officiers municipaux.

2 Compris – De même, plus loin, on trouvera prinse pour prise, surprinse pour surprise

3 Mais

4 Faire un procès

5 Se sont joints à

6 On ne trouve pas ici cet acte. Par contre on y trouve la copie de l'édit de Henry IV accordant des privilèges au clergé

7 Citation abrégée du chapitre 47 de la Genèse : au sujet des terres de Pharaon, pour son peuple, seulement la terre des prêtres. (On voit ici que l'on fait feu de tout bois.)

8 Approximativement : Personne ne peut contraindre le clergé à payer le cens ( impots), et dans ce cas il peut faire appel au roi...

9 Approximativement : personne ne pourra vous imposer de nouvelles charges sur vous mêmes et vos biens.

10 En 506

11 Tuteur

12 Camp de Traversy : Henry IV y tint son conseil privé et y signa dix lettres patentes en faveur du Clergé(voir « Les assemblées du clergé de France origines, organisation, développement, 1561-1615 » (1906) – Louis Serbat)

13 AD61 1G921 (ne sera pas disponible en ligne)


1635 - La peste à Sainte-Honorine-la-Chardonne

En l’an mil six cent trente six cinq

le dernier jour de septembre, Nicolas

de Hugeur fut prins de maladie

contagieuse de peste et mourut le

vendredi quatriesme octobre et fut

inhumé au simetierre de Sainte Honorine

comme selon sa prétendue religion1 et

avoist esté visité en sa maladie de

plusieurs personnes et assisté au

convoy de son corps à la sépulture

et qui retournèrent disner à la Boderie2

où il faisoit sa demeure. Cela fait

il ne vie se présenta aucun mal

jusques à viron quinze jours après

que une sienne fille fut prise

de ladite maladie.

Madeleine Boysne femme dudit

Nicolas décéda,

Hélie son fils,

la fille de Salomon Aubrée sa servante,

une fille pour Nicolas Aubrée,

deux fils et une fille pour Jehan Collin,

Madeleine Le Bon femme de Daniel Le Hugeur,

Pierre Chatelier, fils Guillaume,

la femme de Gabriel Levain,

une fille pour Mathurin Soubien

Isabeau femme de Baltazar Le Verrier et

trois de leurs enfants,

Jehan et Guillaume Boisne fils Jehan,

Marie Boisne leur sœur et deux petites

filles sorties hors mariage de Isabeau

fille dudit Jehan Boisne.

Lesdits dessus moururent devant le quinzième

jour de novembre audit an.

Le mercredi quatorze jour dudit mois de novembre

mourut Louis Barbey,

le dix sept jour dudit mois décéda Marguerite

fille de Eustache Lefebure et fut inhumée

au simetière dudit lieu.

Ledit jour décéda Anne Pitard veuve de Jehan Chauvin.

Le dix huit jour dudit mois décéda Isac Chauvin.

Ledit jour décéda Jehanne fille de Eustache

Lefebure et fut enterrée ledit jour au simetière

dudit lieu.

Le lundi dix neuf dudit mois décéda Jehan

Boisne fils Guillaume

Le mardi vingt jour dudit mois décéda

Ester fille dudit Jehan Boisne fils Guillaume.

Ladite maladie fut dans ladite paroisse jusques

près de la Saint Michel 1637

Tou par conte fait en mourut jusques

à onze vingt3, compris les dits dessus, en entier

lesquels furent :

Jehan Boisne fils Jehan, Jehan Boisne fils

Mauguerin, Daniel Jardin, Isaac Chauvin,

la veuve Jehan Chauvin, Jacques Dujardin, Françoise

femme de Louis Corbin, ung surnommé Faudrap,

Jehan Corbin fils Louis, Gilles Pillastre et

sa femme, la femme de Pierre Martin,

deux de ses enfans, Jacques Mahere et sa femme,

Jean Malhere fils Gilles, sa femme et trois

enfans, David Martin, sa femme et deux enfans,

deux enfans pour Jehan Rouleau,

Gabriel Levain, sa femme et quattre

enfans, Pierre Chastelier et deux enfants,

le fils de Jehan Collin, la femme de Pierre

Gallet et deux enfans, Pierre Martin fils

François, sa mère et ung enfant, Simon Sébire

sa femme et ung fils4.

_______________

Voir en ligne : Sur la peste

Notes :

1 Il s’agit donc d’un protestant

2 En ce lieu-dit existe toujours un manoir, siège d’une troupe théâtrale

3 11 20 = 220

4 AD61 Ste Honorine la Chardonne, vue 31.