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1635 - Vieillesse et avancement de succession
Normalement la succession se fait après le décès. L'invalidité -due à la vieillesse par exemple- provoque ce que l'on appelle l'avancement de succession, cependant le père s'entoure de précautions. Au passage on notera la pension prévue supposée couvrir la nourriture et l'entretien du couple âgé pendant un an.
Le vendredy douze iesme jour
de janvier l'an mil six centz
trente cinq avant midy au bour
de Messey par devant lesdicts Binet
et Bourdon tabellions audict lieu
Fut présent Pierre Garnier
filz de feu Jehan de la paroisse
de la Selle lequel considérant
son antiquitté, vieillesse et indisposition
de sa personne à ce aujourd'hui
baillé, quitté, et délessé par
forme d'avansement de sucsecion
à Pierre Garnier son fils
et présomptif héritier à se présent
et acseptant c'est à savoir tout
et chacunne les biens meubles
et héritages de toutes quallités
mors et vis1 en quelque lieu
ou lieux qu'ils soient situés et
assis et tout ainsy qu'il se
contienne et apartient come
s'il estoit spéciallement déclaré
bornés et divisés par ce présent
pour par ledit son filz jouir
et poséder desdicts héritages raquellir
lesdictz meubles et du tout dès à présent
comme de lors en faire et
disposer ainsy qu'il advisera bien
estre aux charges d'en fere et payer
les rente et devoir sieuriaux
que lesdictz héritages sont tenus
fere et font se présent advancement
ainsy fait au moyen et parce
que ledit Pierre Garnier père
a recongneu ne pouvoir plus
quand à présent fere valloir
lesdits héritages desquels il a
quitté la libre possession audict son
filz pour en disposer comme
o dessus est dit au moyen et par
ce que iceluy filz c'est submins
et obligé fere et payer
chacun an audit Pierre Garnier
son père et à Perine Duhasé
sa mère leur vie durante
le nombre de vingt quatre
boiseaux de segle mesure de
Condé et vingt boiseaux d'avoinne
à ladite mesme mesure pour pension
nouriture et alliment de sesdits père
et mère un pot gras ausy chacun
an vallant dix livres vingt livres
de beure fraictz une pippe de
sydre cy bonne et suffisante et
outre les entretenir d'abits linge
et chaussure leur vie durante
comme dit est et après leur désets
les fere inhumer avec tel service
et prière comme à leur estat apartient
et outre c'est ledit Pierre fils c’est
obligé de les acqiter de leur impost
à taille et de la somme de dix
huit livres que ledit père dit
estre obligé à Isabeau Paris
par obligation que ledit filz
sera tenu retirer si bien et
à tempt que ledit père n'en sera inquietté
lesquelles choses ravenants2
de ladite pension seront payée
par ledit Pierre filz à sesditz père
et mère comme s'ilz le pouv...
dépendre pour leur vivre et
entretien et sans que ladite présente
puisse préjudicier lesdites parties
à continuer leur demeure et
résidence ensemble pendant
laquelle ledit Pierre filz ne sera
tenu payer auchunne pension
ont ausy accordé que quelque
demeurante et résidence qu'ilz
puisse fere ensemble par cy après
ils n'acqueront aucunne societté
ny communauté de biens ains
chacun d'eux répondra de
ses faictz promesses et
obligations sans qu'ils en puisse
estre tenu ny obligé pour ladite
et à faute par ledit Pierre
filz de satisffere au contenu du
présent et de payer lesdites pensions
en ce cas ledit Pierre père poura
entrer en la propriété possession
et jouissance de tous ses héritages
sans contredi ny figure de procès
ce que ledit son filz a ainsy acordé
autremen ce présent n'ust esté faictz
consentant lesdites parties que le
présent contrat soit insinué partout
où besoin sera à laquelle fin ils ont
constitué leur procureur le porteur
des présentes pour requérir la présente
insinuation seulement Donc contents obligés
etc présent Charles Le Maistre
et Jacques Bain bourgeois dudit Messey3
________________
Notes :
1 Morts et vifs
2 provenant
1735 - Bail d'une ferme à Dompierre
Devant nous Etienne Bellanger
nottaire roial au siège de la Ferrière
et annexes, le septiesme jour de décembre
mil sept cent-trente-cinq avant midy, en
notre étude audit lieu de la Ferrière, a été présent
en sa personne, Jacques Letourneur, sieur de la Fromagerie,
de la paroisse de Dompierre, lequel ce jourd'hui affermé
tant par moitié que prix d'argent, pour le tems et terme
de six années entières et consécutives, qui comenseront à
Pasques prochain, et finiront à pareil jour et terme,
à Pierre et Thomas Bigeon, père et fils de ladite paroisse
de Dompierre, scavoir est le lieu et terre de la Fromagerie,
scitué en ladite paroisse de Dompierre comme elle se contient
tant en maisons, prais que terres labourables, et tout
ainsi qu'ils en ont joui par le passé et jouissent encore
actuellement. Ce fait moienant et parce que lesdits Bigeon,
père et fils, se sont conjointement et solidairement
obligés et mesme par corps, un seul pour le tout, en payer
chacun an audit sieur bailleur en sa maison, la somme de deux
cens livres, icelle somme de deux cens livres, paiable
en deux termes et paimens égaux, scavoir le premier à
la Saint Jean Baptiste prochaine et l'autre à Noël ensuivant
et ainsi d'an en an pendant le présent, se sont aussi lesdits
preneurs obligés en outre ce que dessus, de livrer chaque
année audit sieur bailleur, la moitié de tous les fruits de
ladite terre de quelques natures qu'ils soient, après qu'ils
les auront requeillis et dont ils feront des partages lors
de la récolte, et pileront les fruits tant poires que pomes
qui eschoiront audit sieur bailleur en leurs faisant
aider par une servante, et pour cet effet s'est ledit sieur,
réservé la moitié de la chambre a pomes dudit lieu,
herbageront lesdits preneurs, mèneront et ramèneront pendant
ledit bail une vache avec les leurs, herbagera ledit sieur bailleur
\chaque année/ un cheval, des porcs et volailles, dans son enclos pendant
qu'il l'aura de l'herbe sufisante et propre pour cet
effet, et après en les autres pièces de ladite terre avec
le bestial desdits preneurs, pairont en outre lesdits preneurs
les rentes seigneurialles de ladite terre, et bailleront aussi
chaque année six chapons, six poulets, les étrenes
au premier janvier et le paqueret à Pasques suivant
la coutume, les chapons à Noël, les poulets à la Saint
Jean Baptiste, avec un coin1 de beure honeste et un
fromage, et ainsi d'an en an pendant le présent. Convenu
en outre que ledit sieur bailleur s'est réservé la maison manable,
sa boulangerie, sa charterie comme de coutume, son jardin
à légumes, le petit chams de la Drere au bout du grand chans
Martin, avec tous les fruits à couteau tant pomes que
poires, noix de noyer, marons, serises, et prunes qui
sont \tant/ dans son jardin que dans son plant ou enclos et
hais d'autour, les quelles ledit sieur, s'est réservé avec les taillys
qui sont le long du bois de Monseigneur le comte de Bellisle
avec un petit pray, qui est sous un des taillis nommé le petit
pertiberry avec un bout du haut du prai de la Fromagerie jusque
au chemin qui sert à exploiter une pièce de terre nommée
l'herbage, et ce avec un petit chanevril qui est à la Pesnillere
comme ledit sieur en a joui ci devant, ne feront ni soufriront aucunes
démolitions ni dégradations de quelques manières qu'elles puissent
estre, tant par abat de bois ou autrement, fors le bois taillable
qui a coutume d'estre coupé, et ce sur les hais des terres où ils
laboureront chaque année et en la saison ordinaire, lesquelles
hais ils répareront, bêcheront le plant, aroseront les prais
chaque année, ne distreront aucun foin, paille, ni engrés
hors de desus lesdits héritages, et du tout en jouiront comme de
bons pères de familles, faucheront lesdits prenneurs les deux
prais réservé, laboureront aussi gratis les portions de
terre de réserve, et feront aussi gratis les charois nécessaires
pour ledit sieur bailleur quand il en aura besoin, tant pierre,
tems2 que bois de chaufage ou autrement, pour le service
de ladite terre, et en cas que ledit sieur eut besoin de quelques
charois hors de ladite terre, lesdits preneurs s'obligent faire deux
jours de charoi chaque année, et pour cet effet nouriront
leurs bœufs pendant ledit travail, bailleront aussi chaque
année audit sieur bailleur, dix gerbes de paille de bled et dix
d'avoine, convenu en outre que lesdits preneurs ne laisseront
point paistre leurs besteaux dans l'enclos où plant
ci-dessus, partie duquel ledit sieur poura faire labourer pour
son bénéfice s'il avise que bien soit. Dont du tout contentz,
à laquelle fin lesdits preneurs délivreront un autant du présent
à leurs frais, et le metteront sur eux exécutoire aux mains
dudit sieur bailleur toutes fois et quand si besoin est fait. Es présences
de François Chrétien de la Basouge en Bretagne et François Petit de la Ferrière,
qui ont avec lesdits parties et nous nottaire, signer au présent
après lecture faitte suivant l'ordonnance le susdit jour
et an, et en cas que ledit sieur bailleur veille se résilier du présent bail
à la fin des trois premières années, faire ce poura en le faisant
scavoir, trois mois avant l'expiration des trois premières années,
en glose: chaque année, tant, aprouvé
les faisances estimées à trente livres3
______________________
Notes :
1 morceau, motte
2 tant
*********************
1767 - Se réapproprier un bien sans passer par la Justice
Un père vend une partie de ses biens. Plutôt que de contester ces ventes en justice, ses deux fils décident de se les réapproprier, manu militari.
A Monsieur le lieutenant général civil et criminel au bailliage de Domfront.
Monsieur,
Le procureur du roy vous remontre qu’il est informé que deux particuliers1 de la parroisse de Lonlay s’écartant des règles de la modération se livrent à des excès qu’il est de l’intérêt public de réprimer comme contraire au bon ordre et à la tranquilité qui doit reigner dans la société, que dans le desein d’y contrevenir ayant le trente may dernier au matin rencontré un marchand2 dans le grand chemin de Domfront à Tinchebray entre les villages de la Pignerie et des Bordeaux en la parroisse de Lonlay sous ce ressort, un d’eux chargea ce marchand de luy faire une commission à Domfront, mais que le même jour, le soir aux environs de soleil couchant, ces deux particuliers attendirent le marchand dans le grand chemin, l’un armé d’un fusil et l’autre d’un bâton garni d’un morceau de fer, nommé communément un voulge, que l’un d’eux prît le cheval de ce marchand par la bride, l’autre étant de l’autre côté du cheval luy demanda cinquante louis et de leur remettre les contrats d’acquêts qu’il avoit fait de leur père quittancés gratis, en luy tenant le bout du fusil à la poitrine, faute de quoy ils le turoient et le bruleroient, que ce marchand leur ayant répondu qu’il ne leur devoit rien, celuy qui tenoit le fusil tendu sur luy, luy répliqua qu’il ne s’agissoit point de cela, qu’il falloit faire ce qu’il disoit, mair leur ayant observé qu’il n’avoit point d’argent ny ses contrats d’acqêts sur luy,il luy fut répondu que cela se fist donc sous vingt-quatre heures, ce que ledit marchand promit faire, et comme il partait pour s’en aller l’autre particulier luy dît : que vous êtes heureux que je me sois trouvé là car sans moy vous auriez été tué et je vous conseille de n’en rien dire à personne.
Que les cinquante louis et les contrats n’ayant point été remis, le jour Saint Jean suivant, ledit marchand s’étant trouvé à la grande messe de Lonlay, un desdits particuliers le salua et en l’embrassant luy dit à l’oreille: vous n’avez donc point fait ce que je vous avoit dit à quoy ce marchand répondit qu’il ne croyoit pas luy devoir un liard, que s’il sçavoit luy en devoir un, il luy en donneroit deux. Ce particulier luy répliqua : n’importe si vous ne le faite pas vous verrez en peu ce qui vous arrivera.
Qu’effectivement entre le sept ou le huit juillet dernier une des maisons de la terre acquise par ce marchand située au lieu de la Marre en ladite parroisse de Lonlay, consistant en une salle grange et étables dont ledit marchand avoit fait bâtir à neuf la grange et l’étable dans laquelle il ne demeuroit personne se trouva brûlée et réduite en cendres avec deux porcs qui y étoient renfermés.
Que des maçons3 allants pour rebâtir dette maison furent rencontrés par un des particuliers qui leur demanda où ils alloient et sur ce qu’ils répondirent qu’ils alloient rebâtir la maison dudit marchand qui avoit été brûlée, ce particulier leur dît si elle alloit encore l’être.
Que ces mêmes particuliers ont sollicité, menacé, engagé par plusieurs fois le fermier de ladite terre notament le vingt neuf septembre dernier de sortir4 sinon et à faute de quoy ce qui luy étoit arrivé luy arriveroit encore et que s’il n’avoit été le fils de sa maraine cela ne seroit pas à arriver, que s’il ne se rétiroit il serait brûlé vil et qu’il dit audit marchand qu’il vouloit luy parler en particulier en luy assignant des endroits où se trouver et que s ‘il ne luy faisoit pas parler à son maître, il verroit ce qui en arriveroit, luy déffendant expressément de le nommer.
Qu’en conséquence le fermier a voulu sorti plusieurs fois, ce qu’il auroit fait s’il n’en avoit été empêché par son maître.
Que le père de ces deux particuliers a encore vendu d’autres héritages à différentes personnes de Lonlay et de Chanu, lesquels les ont loués à plusieurs fermiers5 qui n’en peuvent jouir d’autant que lesdits deux particuliers les maltraitent d’effet et de parole, qu’ils ont tellement maltraité un desdits fermiers qu’il vouloit rendre plainte contre eux mais qu’ils l’intimidèrent et l’en empêchèrent par menaces, de sorte qu’à ce moyen, ils trouvent le secret de jouir des fonds vendus par leur père malgré les acquéreurs et les fermiers.
Qu’ils portent aussi souvent des armes à feu, vont à la chasse en tous tems et gâtent les bleds, se faisant craindre par les gardes, à un desquels ils ont fait dire qu’il eut a se donner garde d’eux et qu’ils avoient cherché l’occasion de le tuer.
Qu’un huissier ayant mis un de ces particuliers en prison à Tinchebray pour dettes luy fît sentir et à ses frères présents les mécontentements et les plaintes qui étoient sur eux, notament ce qu’ils avoient fait à ce marchand. Ce particulier luy demanda ce qu’on luy feroit bien dès qu’onn’avoit pas de témoins.
C’est donc pour tâcher d’en découvrir sur des faits aussi graves et aussi répréhensibles que le procureur du roy est obligé de vous donner la présente plainte tendante à ce qu’il vous plaise, monsieur, luy donner acte du contenu en icelle, l’authoriser d’obtenir et faire publier monitoire en forme de droit pour avoir révélation des faits y contenus, circonstances et dépendances, à l’effet de quoy les faits seront répétés de faire informer desdits faits aussi circontances et dépendances pour l’information faite à luy communiquée, requérir ce qui se trouvera appartenir.
Arrêté au parquet à Domfront ce trente novembre mil sept cent soixante sept.6
Rageot7
Marie du Rocher8
_______________
Notes :
1 Julie et Jean Hergault, frères.
2 Thomas Garnier (d’après l’enquête)
3 Dont Mathurin Bizet qui ne se souvient pas de menaces.
4 Sortir de la ferme, quitter le bail
5 Comme un nommé Lelièvre, fermier d’un nommé Chapron acquéreur de terres du père Hergault. Les Lelièvres auraient été battus par des revenants...
6 Voir le document AD61 6BP 3
7 Procureur du roi
8 Lieutenant général
1671 - Aveu à l'abbaye de Lonlay
L'aveu consiste à reconnaître que l'on "tient" un bien qui dépend d'un seigneur (ici c'est l'abbaye qui en fait fonction). Le fait de ne pas respecter les clauses de l'aveu peut annuler la possession du bien au bout de quelques années.
C’est la déclaration que rendent et baillent Michel Gautier mary et espoux de Jacqueline Germaine, fille de feu Jullien Germaine et Jullienne Buais, veuve dudit deffunct Germaine, aux vénérable abbé, prieur et religieux de couvent de l’abbaye de Lonlay de ce qu’ilz possèdent de maisons et héritages dans le bourg et bourgeoisie.
Posèdent une carée de maison1 composée d’une salle et grenier sur icelle avec un jardin à légumes2 le tout en un tenant, joegnant d’un bout la terre de Jean Vauljuas3 et d’autre Ba... Lepa…. dudit bourg de Lonlay et d’un costé la terre du sieur de la Baudyayre et d’aultre costé les héritiers de feu Philippe Huet4
en raison desquels héritages ledit Gautier et ladite Germaine sont tenus faire foy et hommage audits sieurs abbé et religieux et payer par chacun an huict deniers de rente apellée bourgeoisie au terme sainct Aunieu5
et faire une journée de corvée à faner dans la grande prayrie dudit lieu en ayant leurs despens6
et comparoir7 au gage-plege8, court9 et usage de ladite bourgeoisie
et aller fouller leur sarge10 et bureaux11 au moullin foullier de ladite baronnie en payant par eux trois deniers par aulne12
et de mesme seront exempté de coustume et estalage13 des denrées et marchandises qu’ils vendent et acheptent en ladite bourgeoisie
et seront subjects raserver14 les espaves15 qui eschoiront sur ledit fief et iceux annoncer ausdits sieurs religieux ou leur provost16
et de tout ce que dessus nous avons condamné lesdits Gautier et Buais payer et continuer au temps advenir lesdites rentes et faisances17 de ladite déclaration.
A esté ainsy rendu en la forme et manière que dessus les pledz de la baronnie dudit Lonlay tenus par nous, Anne Dupont, sieur de la Pennière, sénéchal de ladite baronnie, à l’adjonction18 de Jacques Delaunay, greffier d’icelle baronnie, le vingt quatre iesme jour de novembre, l’an MVIC soixante et unze.
A Dupont
le merc19 de ladite Jullienne Buais
_______________
Notes :
1 Une carrée de maison : désigne un immeuble pas forcément carré
2 c’est un type de lieu de vie classique : maison et jardin à légumes. Il y manque cependant le clos à chanvre qui s’y adjoint très souvent. Il semble que ce soit insuffisant pour subsister. Le couple semble aussi se livrer au tissage.Le mari peut avoir de son côté une propriété qui ne dépend pas de l’abbaye, ou encore être journalier/manouvrier. Il peut avoir une bête ou deux subsistant sur les communes
3 Pour Vaugeois
4 Nom douteux
5 Probablement Saint Ernier, fête le 9 août, très révéré dans la région
6 Leurs provisions et leurs outils
7 Comparaitre
8 Instance juridique propre à la Normandie où l’on rend aveu.
9 Au sens de cour de justice
10 Tissu de serge (tissu fait sur un métier à tisser de 4 lames)
11 Tissu de bure
12 Mesure de longueur
13 Des droits de coutume et d’étalage
14 Réserver
15 Objet mobilier (mort ou vif) dont on ne connaît pas le propriétaire
16 Prévôt
17 Redevances en nature
18 Le greffier est l’adjoint du sénéchal
19 La marque
1671 -Clameur lignagère à Montabard
La clameur lignagère, en droit normand permet de réclamer n'importe quel bien vendu depuis moins de 3 ans par une personne à laquelle on est lié par le sang (droit de sang et ligne). Ici une femme réclame le bien vendu par son père quelques mois plus tôt. Elle le retrouve pour la même somme. Ce qui complique un peu les choses c'est que ce bien a, entretemps, été loué.
Fut présent messire François de Monteclair,
chevallier, seigneur marquis de Monteclair,
et autres terres et seigneuries, stipullé
et représenté par maître Estienne Lemonnier,
prebtre, porteur de sa procuration généralle
et spécialle. Lequel, pour obéir à
la clameur lignagère qu’estoit prest de luy
signifier Michelle Merye, veuve de feu
François Lelarge et fille de de Gilles Merye
Laisné pour retirer à droit de sang et
et ligne dudit seigneur marquis de Monteclair
les maisons et héritages dont ledit Gilles
Merye l’aisné père de ladite Michelle Merye
avoit fait vente audit seigneur marquis
par contrat passé par devant Jacques
L’evesque, notaire et tabellion royal au
Mayne le 22ème jour de juin dernier a, par
ce présent, fait rendue à ladite Michelle Merye
desdites maisons et héritages mentionnéz
jouxtez et déclaréz et bornés audit contract de
la vente qui luy en a esté faitte, et tout ainsy
qu’il est contenu audit contract, duquel contract
ledit sieur Lemonnier a mis aux mains
de ladite Michelle Merye avec un bail à ferme
fait desdites maisons et héritages par ledit
seigneur marquis à Gilles Merye le jeune
pour vertu d’iceux jouir desdites maisons et
héritages et continuer la durée dudit
bail tout ainsy qu’eust fait ou peu faire
ledit seigneur marquis cessant le présent et [f..]
ladite rendue ainsy faitte moyennant que [ladite]
Michelle Merye s’est obligée payer les charges
portées par ledit contract et reconnu que
ledit seigneur marquis luy a laissé entre [les]
mains les dix huict cent livres que ledit
seigneur avoit retenu entre ses mains lors
dudit contract de vente pour payment de
fermages à luy deue par ledit Merie, laquelle
somme jointe avec celle de quattre vingt
livres p qui est pour les cinquante livres
payées contant par ledit seigneur audit Merye
et vingt livres pour le vin dudit marché, et le
surplus pour les frais et l’en abondances
dudit contract demeurera constituée sur ladite
Michelle Merye au denier dix huict suivant
l’ordonnance à commencer à procréer
arrérages de ce jour pour estre payée du
jourd’huy en un an et ainsy continuer ladite rente
d’an en an jusqu’au racquis et amortissement
de ladite rente que ladite Merye poura faire toutes
fois et quantes en payant ladite somme pour
arrérages et prorata qui pour lors dudit
amortissement seront deues sans que ledit
seigneur soit préjudicié en son hipotèque
généralle et spécialle tant sur lesdits
héritages rendus que sur les autres biens
dudit Merye pour estre payé de ladite somme
suivant ledit bail qui demeurera pour cet
effet en sa force et vertu et sans
novation. Lequel seigneur marquis au
moyen de ce que dessus s’est tenu pour
bien et deument remboursé de ladite
Michelle Merye. Le tout fait en la présence
et du consentement dudit Gilles Merye
l’aisné, lequel a par ce présent deschargé ledit
seigneur de l’obligation, de l’entretien dudit
contract de vente et consenty la constitution
et réservation cy-dessus et de nouveau
accordé et convenu avec ladite Merye qu’il
pourra payer et continuer la faisance des
parties de rente portées par ledit contract
ou autres plus aisnées à son choix pour
l’asseurance dudit acquest, comme aussy
l’hipotèque desdites rentes payées et amorties
demeure réservé sans novation pour vertu
desdits contracts du jour et dabte
qu’ils portent en cas d’éviction, et quand à
l’entretien de tout ce que dessus, lesdites parties
en ont obligé scavoir ledit Lemonnier tous
les biens dudit seigneur marquis de
Monteclair et lesdits Merye, père et fille,
tous leurs biens meubles et héritages. Fait
ce huictiesme jour d’aoust mil six cents
soixante huict. Présence de Marin Levavasseur
et jacques Jacques Thouin de la paroisse
de Montabar, tesmoingt
le merc Michelle Merye
Signent :
E Lemonnier
G Merye
M Levavasseur
Jacques Touin
Suit la reconnaissance du contrat le 25 avril 16711
___________________________
Notes :
L’héritage et les femmes en Normandie.
La règle générale est simple :
« Tant qu’il y a des mâles ou descendans de mâles, les femelles ou descendans de femelles ne peuvent succéder, soit en ligne directe ou collatérale »1
Cependant, « Le Pere peut en mariant ses filles, les réserver à sa succession, & de leur Mere pareillement »2
Le cadre légal étant ainsi posé, je vous propose d’examiner quelques cas, extraits du notariat de la Ferrière-aux-Etangs du milieu du XVIIe siècle.
*
* *
Filles héritières en l’absence de frères.
Dans ce cas simple, le partage se fait comme pour les hommes :
la puisnée exécute le partage en autant de lots qu’il y a de sœurs, puis il est procédé à la "choisie".
C’est le premier de trois lotz
des héritages que faict Marie Deguernel
à Jacquellinne et Margritte Deguernel
ses sœurs, filles de deffunct Jullien
Deguernel de la parroisse de la Ferrière des
héritages à eux apartenant, venus succedéz
et eschus à causse de la mort et trépas
de déffuncte Jullienne Gautier leur mère3
et à causse de la légitime du tiers des biens
dudict feu leur père suyvant la coustume.
Tous lesquelz héritages estant sis et situés
au village des Landes, à l’Heur du Bois et à
la Noée, le tout en ladicte parroisse de
la Ferrière … ses4 présentz lotz sont
ainsy faictz par la dicte Marie pour par
icelles Jacquellinne et Marguerite
Deguernel ses sœurs procéder à la choissie
d’iceux et luy en rendre ung par non
choix.
Et premièrement
Qui aura ce présent lot…
…………………
……5
*
* *
Filles héritières de leur sœur
L’année suivante, l’une des filles ci-dessus décède. Un nouveau partage a lieu.
C’est le premier lot de deux
lotz et partages des héritages
que fit et baille Jacques
Mezenge6 ayant espousé Marie
Deguernel fille de deffunt
Julien Deguernel à Toussaintz
Delafonteine ayant aussi
espousé Margueritte Deguernel
fille aisnée dudict deffunt Jullien
Deguernel des héritages à eux
venuz succedéz et eschuz auxdicts
Delafonteine et Mezenge à cause
de leursdictes femmes par la mort
et trépas de déffunte Jacquelinne
Deguernel7 autre fille dudict
déffunt Jullien, sœur desdictes Margueritte
et Marye Deguernel, lesquelz
héritages sont sis et sittués
au lieu des Langes Gautier de
la paroisse de la Ferrière, soubz la
bourgeoisie et sieurye dudict lieu
et sous le fief et mazure
de la Coupellière, lesquelz partages
ont esté faictz par ledict Mézenge
en la forme et manière qui
ensuict
Et premièrement
…..8
*
* *
Fille cohéritière de son père avec son frère.
Probablement "réservée à partage" par son contrat de mariage, cette femme hérite de son père. Cependant une règle s’impose : le garçon hérite des deux tiers des biens et sa sœur du tiers9.
Ensuit la teneur de trois lots d’héritage que
faict et baille Gilles Ledemé, mary et espoux de
Gillette Thierrée à Nicollas Thierrée pour en
choissir deux et laisser l’autre pour non choix
audit Ledemé suivant qu’il est ordonné par
justice pour fere autres partages, lesdits héritages
situés au lieu du Plessis en la paroisse de Banvou
et au lieu du Hamelin de ladite paroisse, à eux eschus de la
succession de deffunt Jean Thierrée, leur père.
Qui aura le premier lot aura trois rangées d’arbres
dans le jardin de devant la maison manable dudit Thierrée
….
Qui aura le segond lot aura trois rangées
d’arbres dans le millieu du jardin de devant
….
Qui aura le tiers et dernier lot des trois
lots aura aussi trois rangées d’arbres dans
le jardin de devant la maisson manable10
…11
*
* *
La veuve et son douaire
Stricto sensu, il ne s’agit plus là tout à fait d’un héritage : la coutume s’efforce par ce moyen d’assurer la subsistance de l’épouse survivante (qui recouvre la propriété et jouissance de ses biens si elle en a).
C’est le premier lot de trois lotz
et partages des heritages procédantz
de la succession de deffunct Henry Challes
que fait et baille Suzanne Challes veufve
dudit deffunct Henry Challes à Michel
Challes son filz, eschus tant pour luy
que pour ses frères et
seurs pour par eux en prendre
et choisir deux desdits lotz et laisser
l’autre par non choix à la dite veufve
pour par elle en jouir à droit de
douaire sa vie durante12 seullement
et laisser les deux autres à sesdits
enfans pour par eux en jouir
et en faire partage comme ilz
verront bon13.
__________________
Notes
1 Article 248 de la Coutume de Normandie
2 Article 258
3 Il s’agit ici du partage des biens propres de leur mère et du douaire de celle-ci sur le tiers sur les biens de leur père. Un partage précédent, perdu semble-t-il, a du avoir lieu selon la règle 2/3 pour les héritières du père, 1/3 pour le douaire de sa femme.
4 Pour « ces »
5 La date est presque toujours indiquée après l’énoncé des lots. (Ici : Le vingtiesme jour d’apvril l’an mil six centz quarante huict...)
6 Le mari prend la place de sa femme : fait les lots, les choisit "à cause de sa femme". Cependant il ne devient pas propriétaire des biens de sa femme mais il les administre sans pouvoir les vendre.
7 Elle ne semble pas mariée mais si elle l’était, elle n’a pas d’enfant et le mari ne peut hériter.
8 Ce partage est daté : Le neuf juin mil six centz cinquante neuf… La choisie a lieu le 12 juin
9 Cette règle 2/3 de la valeur de l’héritage pour les garçons et 1/3 pour les filles s’applique quelque soit leur nombre. Les lots peuvent alors être partagés entre les frères – ou les sœurs – s’il y a lieu.
10 On notera au début de chacun des trois lots, la façon dont se démembre une propriété.
11 Partage du 37/9/1653
12 Il ne s’agit donc pas de la propriété de ces biens mais seulement de leur usufruit. Cela empêche généralement le partage en lots de la propriété paternelle car il faudrait alors re-morceler ce lot lors du décès de la veuve.
13 Partage du 18 août 1660
1669 - Loyal échange et contréchange à Montreuil au Houlme
Ce type d'acte se présente de prime abord comme une vente ordinaire. Les échanges, très prisés, se suivent parfois en "cascade" propre à donner le tournis. C'est, peut-être, un moyen de remédier au morcellement incessant des propriétés qu'impose la Coutume par le strict partage des terres qu'elle provoque. Au passage, on remarquera les nombreuses lignes de formules juridiques, souvent abrégées de "etc", qui paraissent bien hermétiques.
Le cinq jour de décembre mil six cent soixante
et neuf devant les tabellions royaux.
Furent présens Marin Martin de la parroisse de
Montreuil et Louize Cullier sa femme, l'une des
seurs et héritières de feu Pierre Cullier. Lesquels,
en un et chacun d'eux et un seul pour le tout,
sans divizion, renonsant au bénéfice d'icelluy
et à l'ordre d’exécution et de discution, ont
baillé, quitté, cédé et délaissé affin d'héritage
perpétuel à tousjours mais promettant
garantir à Maistre Richard Heron, sieur du
Fontenil, lieutenant au siège de Briouze,
présent pour luy, les siens hoirs ou ayant
cauze et ce en bon et loyalle eschange,
c'est à scavoir une petite portion de terre en
clos à chennière comme il se contient et
tout et autant qu'il en apartient audit Martin
et à sa dite femme en l'endroit avec les haies et fossés
et arbres fruictiers à ladite portion apartenant,
jouxte de deux costés et d'ung boult ledit sieur
et d'autre boult le chemin audit Martin appartenant
sis et scitué au village du Haut Palley soubz
la baronnie de Briouze sans rentes ny
faisances ainsy ledit Martin et sadite femme
l'ont promis garantir fors etc. Et en contréchange
et récompens de ce faict, ledit sieur a baillé audit
Martin et à sadite femme une portion de terre en
jardin d'arbres sur laquelle y a une vielle
grange et mazurre et comme ladite portion se
contient par les mercs et divizes planté
à droicte ligne de l'une l'autre, jouxte ledit
sieur lieutenant d'ung costé et d'ung boult,
d'autre costé ledit Martin et sadite femme et d'autre
boult Jacques Persehaye, sieur de Palley, tenue
ausy de ladite Baronnie de Briouze audit terreur1
de Palley ausy sans rentes etc. Et lesquels
eschanges et héritages, ils ont dit estre esgalles
et valleur à valleur. Donc etc, et quand à ce
tenir en obligés .. biens. Es présent Daniel
Sérée, sieur de la Montaignie, et Léonard
Gravier, tesmoings.2
_______________
Notes :
1 terroir = village
1669 - Loyal échange et contréchange à Montreuil au Houlme
Ce type d'acte se présente de prime abord comme une vente ordinaire. Les échanges, très prisés, se suivent parfois en "cascade" propre à donner le tournis. C'est, peut-être, un moyen de remédier au morcellement incessant des propriétés qu'impose la Coutume par le strict partage des terres qu'elle provoque. Au passage, on remarquera les nombreuses lignes de formules juridiques, souvent abrégées de "etc", qui paraissent bien hermétiques.
Le cinq jour de décembre mil six cent soixante
et neuf devant les tabellions royaux.
Furent présens Marin Martin de la parroisse de
Montreuil et Louize Cullier sa femme, l'une des
seurs et héritières de feu Pierre Cullier. Lesquels,
en un et chacun d'eux et un seul pour le tout,
sans divizion, renonsant au bénéfice d'icelluy
et à l'ordre d’exécution et de discution, ont
baillé, quitté, cédé et délaissé affin d'héritage
perpétuel à tousjours mais promettant
garantir à Maistre Richard Heron, sieur du
Fontenil, lieutenant au siège de Briouze,
présent pour luy, les siens hoirs ou ayant
cauze et ce en bon et loyalle eschange,
c'est à scavoir une petite portion de terre en
clos à chennière comme il se contient et
tout et autant qu'il en apartient audit Martin
et à sa dite femme en l'endroit avec les haies et fossés
et arbres fruictiers à ladite portion apartenant,
jouxte de deux costés et d'ung boult ledit sieur
et d'autre boult le chemin audit Martin appartenant
sis et scitué au village du Haut Palley soubz
la baronnie de Briouze sans rentes ny
faisances ainsy ledit Martin et sadite femme
l'ont promis garantir fors etc. Et en contréchange
et récompens de ce faict, ledit sieur a baillé audit
Martin et à sadite femme une portion de terre en
jardin d'arbres sur laquelle y a une vielle
grange et mazurre et comme ladite portion se
contient par les mercs et divizes planté
à droicte ligne de l'une l'autre, jouxte ledit
sieur lieutenant d'ung costé et d'ung boult,
d'autre costé ledit Martin et sadite femme et d'autre
boult Jacques Persehaye, sieur de Palley, tenue
ausy de ladite Baronnie de Briouze audit terreur1
de Palley ausy sans rentes etc. Et lesquels
eschanges et héritages, ils ont dit estre esgalles
et valleur à valleur. Donc etc, et quand à ce
tenir en obligés .. biens. Es présent Daniel
Sérée, sieur de la Montaignie, et Léonard
Gravier, tesmoings.2
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Notes :
1 terroir = village