Si nous voulons rester en-dessous des 2 °C, devons-nous en conclure qu'il ne nous reste que 8 ans d'émissions ?
On l'a vu, une partie du CO2 émis par les activités humaines se retrouve dans l'atmosphère et va rester stockée dans ce réservoir pendant longtemps. L’effet du CO2 est alors qualifié de « cumulatif », c’est-à-dire que c’est la somme des émissions passées, présentes et futures, que l’on nomme « émissions cumulées », qui contrôle le réchauffement climatique associé. De ce fait, pour stopper le réchauffement, il est nécessaire d'arrêter d'émettre du CO2 (ou trouver une méthode pour compenser nos émissions). Cela veut aussi dire que pour limiter le réchauffement à un certain objectif (1.5 °C ou 2 °C par exemple), on peut définir le « budget carbone » : c’est une estimation des émissions anthropiques cumulées de CO2 qui permettront d’atteindre cet objectif. Ce budget carbone total prend en compte les émissions depuis le début de l’ère industrielle jusqu’à la neutralité carbone.
On peut également évaluer le budget carbone restant, à compter de la date de calcul, qui est obtenu en soustrayant le CO2 déjà émis au budget carbone total : c’est ce qu’il « reste » à émettre pour limiter le réchauffement à 1.5 °C ou 2 °C par exemple.
Le budget carbone est souvent donné en GtCO2 ou gigatonnes de CO2 (soit 1 milliard de tonnes de CO2).
Cinq paramètres doivent être estimés pour calculer le budget carbone restant :
le réchauffement déjà atteint.
la réponse climatique liée aux émissions cumulées de CO2 : c’est ce qui relie la quantité de CO2 dans l’atmosphère à une température de réchauffement.
l’inertie pour des émissions nulles : le changement climatique qui surviendrait sur le long-terme, après avoir arrêté d’émettre du carbone dans l’atmosphère. Elle est déterminée par l’inertie propre aux composants physiques du système climatique, comme l’océan, la cryosphère (surfaces gelées), ou les terres émergées, mais aussi par l’inertie propre au cycle du carbone (sa durée de vie dans l’atmosphère notamment).
la contribution du réchauffement dû à d’autres facteurs que le CO2 (par exemple le méthane).
les rétroactions, comme les gaz à effet de serre relâchés par la fonte du permafrost.
Le rapport SR15 du GIEC montre que le budget carbone restant est de 420 GtCO2 (à partir du 1er janvier 2018) pour avoir 2 chances sur 3 de limiter le réchauffement à 1.5 °C. Au rythme de 2017, où il a été émis 42 GtCO2, cela correspond à 10 ans d’émissions à ce rythme à compter du 1er janvier 2018 (donc 8 ans si l'on compte à partir de 2020). Pour avoir 1 chance sur 2 de limiter le réchauffement à 1,5 °C, le budget carbone restant est de 580 GtCO2, soit à peu près 14 ans d’émissions au rythme de 2017. Si, en revanche, on considère une diminution linéaire des émissions de CO2, il faudrait atteindre la neutralité carbone dans environ 20 ou 30 ans, pour avoir respectivement 2 chances sur 3 et 1 chance sur 2 de limiter le réchauffement à 1.5 °C. De plus, environ la moitié du budget carbone qui permettrait de rester en dessous d'un réchauffement de 2 °C avait déjà été émis en 2011.
La figure ci-dessous montre les liens entre scénarios d'émissions, concentration en CO2-éq et réchauffement.
Source : D'après AR5, Synthesis Report, figures SPM.5 et SPM10.