Si nous voulons rester en-dessous des 2 °C, devons-nous en conclure qu'il ne nous reste que 8 ans d'émissions ? 

On l'a vu, une partie du CO2 émis par les activités humaines se retrouve dans l'atmosphère et va rester stockée dans ce réservoir pendant longtemps. L’effet du CO2 est alors qualifié de « cumulatif », c’est-à-dire que c’est la somme des émissions passées, présentes et futures, que l’on nomme « émissions cumulées », qui contrôle le réchauffement climatique associé. De ce fait, pour stopper le réchauffement, il est nécessaire d'arrêter d'émettre du CO2 (ou trouver une méthode pour compenser nos émissions). Cela veut aussi dire que pour limiter le réchauffement à un certain objectif (1.5 °C ou 2 °C par exemple), on peut définir le « budget carbone » : c’est une estimation des émissions anthropiques cumulées de CO2 qui permettront d’atteindre cet objectif. Ce budget carbone total prend en compte les émissions depuis le début de l’ère industrielle jusqu’à la neutralité carbone.

On peut également évaluer le budget carbone restant, à compter de la date de calcul, qui est obtenu en soustrayant le CO2 déjà émis au budget carbone total : c’est ce qu’il « reste » à émettre pour limiter le réchauffement à 1.5 °C ou 2 °C par exemple. 

Le budget carbone est souvent donné en GtCO2 ou gigatonnes de CO2 (soit 1 milliard de tonnes de CO2).  

Cinq paramètres doivent être estimés pour calculer le budget carbone restant : 

Le rapport SR15 du GIEC montre que le budget carbone restant est de 420 GtCO2 (à partir du 1er janvier 2018) pour avoir 2 chances sur 3 de limiter le réchauffement à 1.5 °C. Au rythme de 2017, où il a été émis 42 GtCO2, cela correspond à 10 ans d’émissions à ce rythme à compter du 1er janvier 2018 (donc 8 ans si l'on compte à partir de 2020). Pour avoir 1 chance sur 2 de limiter le réchauffement à 1,5 °C, le budget carbone restant est de 580 GtCO2, soit à peu près 14 ans d’émissions au rythme de 2017. Si, en revanche, on considère une diminution linéaire des émissions de CO2, il faudrait atteindre la neutralité carbone dans environ 20 ou 30 ans, pour avoir respectivement 2 chances sur 3 et 1 chance sur 2 de limiter le réchauffement à 1.5 °C. De plus, environ la moitié du budget carbone qui permettrait de rester en dessous d'un réchauffement de 2 °C avait déjà été émis en 2011. 

La figure ci-dessous montre les liens entre scénarios d'émissions, concentration en CO2-éq et réchauffement. 

Figure 1.(a)    Les émissions de CO2, en lien avec les Representative Concentration Pathways (RCP) (lignes) et les catégories de scénarios utilisées par le groupe de travail III du GIEC (zones colorées). Pour en savoir plus sur les RCP, voir ici. Les catégories de scénarios (zones colorées) sont définies à partir de concentration en CO2-éq en 2100. (b)   Augmentation de la température moyenne à la surface du globe au moment où les émissions mondiales de CO2 atteignent un total cumulé net donné, tracé en fonction de ce total. La zone colorée montre la répartition des projections passées et futures, et s'estompe avec la diminution du nombre de modèles disponibles. Les ellipses montrent le réchauffement anthropique total en 2100 par rapport aux émissions cumulées de CO2 de 1870 à 2100 (voir a), les nombres correspondent à la concentration de CO2-éq en ppm). La largeur des ellipses en termes de température est due à l'impact des différents scénarios pour les facteurs climatiques autres que le CO2. L'ellipse noire remplie montre les émissions observées jusqu'en 2005 et les températures observées au cours de la décennie 2000-2009 avec les incertitudes associées. (c) Lien entre les émissions cumulées de CO2 (en GtCO2) des catégories de scénarios et leur variation associée dans les émissions annuelles de GES d'ici 2050, exprimée en pourcentage de variation (en pourcentage de GtCO2-éq par an) par rapport à 2010. Les ellipses correspondent aux mêmes catégories de scénarios que dans les figures (a) et (b). 
Source : D'après AR5, Synthesis Report, figures SPM.5 et SPM10. 
Sources : AR5, WGI, Chapitre 12 ; SR15, SPM.