Atelier 3

110 ans après Saussure :

diversité de théories et de méthodes dans les sciences du langage 

Coordinatrice : Malinka Velinova

(m.velinova@uni-sofia.bg)

 

S’il est un héritage en linguistique moderne qui soit incomparable de par son influence et l’ampleur des courants et des idées s’ensuivant (cf. Bronckart 2019), non nécessairement continuateurs mais aussi réactionnaires, explicitement ou implicitement, et par ailleurs circonscrits non seulement en sciences du langage mais aussi en sciences humaines en général, et qui ne soit pas incontestable, ne serait-ce que du point de vue de l’autorité et de l’authenticité du texte, faisant, quant à lui, autorité, c’est sans nul doute l’héritage légué – en particulier indirectement – par Ferdinand de Saussure.

Il existe des études très abondantes sur les divers aspects de l’influence des idées saussuriennes, telles qu’elles transparaissent dans le Cours de linguistique générale, chez différents linguistes de différentes écoles ou traditions nationales (cf., parmi d’autres, Arrivé 2012, Chiss et Puech 1994), pour ce qui est surtout de la seconde moitié du XXe siècle, lorsque sont publiés aussi, depuis 1956, plusieurs notes autographes de Saussure et des notes d’étudiants ayant assisté à ses cours (cf. Depecker 2012). Avec la publication, au tout début du XXIe siècle, des nouveaux manuscrits autographes découverts, en 1996, dans l’orangerie du château des Saussure à Genève, ont paru des études qui ont voulu réexaminer les interprétations antérieures des positions saussuriennes (cf. Bouquet 2005 et, pour un répertoire des publications sur et autour de Saussure entre 2006 et 2013, Gambarara, d’Ottavi et Testenoire 2014), et on a vu un regain d’intérêt porté à l’héritage du « père de la linguistique moderne » (cf. Rastier 2005, Raparelli 2015), se manifestant même à travers toutes sortes d’étiquettes comme saussurisme, post-saussurisme, néo-saussurisme, anti-saussurisme, a-saussurisme, saussurianisme...

Or, comme le souligne Christian Puech (2000 : § 29), il y a deux problèmes devant l’inventaire de l’héritage de Saussure : le caractère implicite du bien légué (« Saussure aurait transmis même ce qu’il n’aurait pas transmis ») et son caractère « dématérialisé », du fait de sa généralité.

Il ne s’agira pas tellement, pour nous, de revenir sur « l’effet-Saussure » (Pêcheux 1982 : 3), son authenticité, les différentes interprétations, réinterprétations ou mésinterprétations des manuscrits, qu’ils soient de sa main ou non. Nous souhaiterions plutôt jeter un peu plus de lumière sur l’état actuel de la recherche en matière de langues romanes, à travers des contributions se situant dans tous les domaines des sciences du langage, quelle que soit l’approche théorique ou méthodologique, aussi bien en synchronie qu’en diachronie, ainsi qu’en typologie des langues, dans des perspectives uni- ou interdisciplinaires, au sein d’études à visée purement théorique ou dans des études de cas basées sur l’exploration de corpus divers. Et tout cela, en ayant en vue, tant soit peu, les traces des idées saussuriennes, du moins pour vérifier l’affirmation de Raffaele Simone, par exemple, datant d’il y a plus d’une quinzaine d’années déjà, qu’« [à] quelques exceptions près, aujourd’hui on ne peut pas ne pas se dire saussurien, et [que] de ce fait personne n’a plus besoin de se proclamer saussurien » (2006 : 46 ; souligné par l’auteur).


(Auteure de l’argumentaire : Malinka Velinova)

 

Références bibliographiques :

Arrivé, M. (2012) : « Saussure dans les grammaires françaises de l’entre-deux-guerres », in Colombat, B., J.-M. Fournier et V. Raby, Vers une histoire générale de la grammaire française. Matériaux et perspectives, Paris, Honoré Champion, 169-189.

Bouquet, S. (2005) : « Après un siècle, les manuscrits de Saussure reviennent bouleverser la linguistique », Texto ! ; disponible sur : http://www.revue-texto.net/Saussure/Sur_Saussure/Bouquet_Apres.html.

Bronckart, J.-P. (2019) : Théories du langage : nouvelle introduction critique. Bruxelles, Mardaga [1re éd. 1977, sous le titre Théories du langage : une introduction critique.].

Chiss, J.-L. et C. Puech (1994) : « F. de Saussure et la constitution d’un domaine de mémoire pour la linguistique contemporaine », Langages 114, 41-53.

Depecker, L. (dir.) (2012) : L’apport des manuscrits de Ferdinand de Saussure, Langages 185.

Gambarara, D., G. d’Ottavi et P.-Y. Testenoire (2014) : « Publications autour de F. de Saussure, 2006-2013 », Cahiers Ferdinand de Saussure 67, 373-401.

Pêcheux, M. (1982) : « Sur la (dé-)construction des théories linguistiques », Documentation et recherche en linguistique allemande – Vincennes 27, 1-24.

Puech, C. (2000) : « 7. Saussure : réception et héritage », Modèles linguistiques 41, 79-93.

Raparelli, F. (2015) : Istituzione e differenza. Attualità di Ferdinand de Saussure. Milano, Mimesis.

Rastier, F. (2005) : « Saussure au futur : écrits retrouvés et nouvelles réceptions. Introduction à une relecture de Saussure », Texto ! ; disponible sur : http://www.revue-texto.net/Saussure/Sur_Saussure/Rastier_ Saussure.html.

Simone, R. (2006) : « Saussure après un siècle », in Saussure, L. de (éd.), Nouveaux regards sur Saussure : mélanges offerts à René Amacker. Genève, Droz, 35-54.


Comité scientifique :

Hava Bat-Zeev Shyldkrot (Université de Tel Aviv)

Marie-José Béguelin (Université de Neuchâtel)

Francesco Dedè (Université de Milan)

Isabel Desmet (Université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis)

Gueorgui Jetchev (Université de Sofia « Saint Clément d’Ohrid »)

Carmen Mîrzea Vasile (Université de Bucarest / Institut de linguistique de l’Académie roumaine « Iorgu Iordan – Al. Rosetti »)

Isabela Nedelcu (Université de Bucarest / Institut de linguistique de l’Académie roumaine « Iorgu Iordan – Al. Rosetti »)

Thierry Ponchon (Université de Reims Champagne-Ardenne)

Louis de Saussure (Université de Neuchâtel)

Olivier Soutet (Sorbonne Université)

Assen Tchaouchev (Université de Sofia « Saint Clément d’Ohrid »)

Anne-Gaëlle Toutain (Université de Berne)

Thomas Verjans (Université de Toulouse-2 Jean Jaurès (Le Mirail))

Eugenia Vucheva (Université de Sofia « Saint Clément d’Ohrid »)



Source de l'image : Matsuzawa, K. (2012) : « Puissance de l’écriture fragmentaire et "cercle vicieux" », Genesis 35, 41-58, fig. 8, p. 56.