Articles & Revues
L’hôtel communal de Schaerbeek a 135 ans : ses 1030 secrets ou presque.
Article : RTBF
20 juillet 2022, Karim Fadoul21 juillet 1887, il y a 135 ans. Le roi Léopold II, en personne, accompagné du comte de Flandre et frère du roi le prince Philippe ainsi que du fils de ce dernier le prince Baudouin assistent à l’inauguration d’un des plus prestigieux et flamboyants bâtiments bruxellois : l’hôtel communal de Schaerbeek.
La cérémonie est grandiose. Officiels locaux et citoyens sont présents en nombre pour vivre le moment. Après trois années de travaux, ce palais de style néo-Renaissance flamande est enfin terminé. 135 ans plus tard, l’édifice, classé en 1995, trône toujours avec assurance et prestige sur la place Colignon.
Cet hôtel communal est l’un des plus remarquables du pays. Erigé à l’époque dans un quartier en plein essor et dans la perspective qui part de l’ancienne gare de Schaerbeek, à l’église Sainte-Marie en passant par la Cage aux Ours (place Verboeckhoven) et la place Lehon, le lieu recèle bien des secrets, anecdotes et histoires plus ou moins avouables. Peut-être pas 1030 comme son code postal, mais un certain nombre.
Roger Nols : un bourgmestre (in)déboulonnable ?
Article : Brussels Studies, 168
Mai 2022, Serge Jaumain et Joost Vaesen Faut-il déboulonner le buste de Roger Nols ? La question fait aujourd’hui débat. Interrogeant les raisons pour lesquelles la représentation et le souvenir de l’ancien bourgmestre de Schaerbeek paraissent si encombrants dans l’espace public, cet article souligne la nécessité́ de replacer les évènements contestés dans un contexte historique plus large. Il met en garde contre une critique centrée sur la seule personne de Roger Nols qui pourrait exonérer à bon compte celles et ceux qui ont soutenu ouvertement ou dans le secret des urnes, des discours et politiques racistes et xénophobes, tant à Schaerbeek que dans d’autres communes de la capitale. Cette réflexion permet de discuter les risques du « présentisme », c’est-à-dire l’utilisation du passé en fonction d’objectifs politiques actuels sans tenir compte de la réalité́ historique. Elle montre qu’il ne revient pas aux historiens de prendre une décision sur l’avenir d’un tel buste mais qu’ils ont par contre un rôle essentiel à jouer pour documenter le contexte dans lequel l’action de la personne contestée s’est inscrite.
La pauvreté ne touche pas que les chômeurs : L’insuffisance des politiques d’activation pour sortir de la pauvreté.
Article : Observatoire Belge de inégalités.be
28 février 2022 François GhesquièreLes politiques actuelles de lutte contre la pauvreté en Belgique s’inscrivent pleinement dans la philosophie de l’État social actif et en particulier dans le paradigme de l’activation : il ne faut pas (ou plus) redistribuer les richesses pour réduire les inégalités et aider les plus pauvres mais pousser ceux-ci vers l’emploi pour qu’ils ne dépendent plus de la sécurité sociale ou de l’assistance sociale. Dans cette perspective, le recours à des formations pour un public dont les qualifications ne correspondraient pas, ou plus, aux exigences des employeurs et à des sanctions pour punir les pauvres et éviter qu’ils ne sombrent dans l’assistanat permanent sont les principaux outils politiques mobilisés.
Les logiques de résurgence de la microbrasserie à Bruxelles
Article : Brussels Studies, 161
Octobre 2021, Pauline Delperdange Cas emblématique du redéploiement d’activités artisanales, la microbrasserie fait l’objet d’une résurgence notable à Bruxelles. Notre article vise à rendre compte de ce retour d’activités productives en ville, en répondant aux questions : par qui, comment, et où est produite la bière bruxelloise ? Il s’agit d’abord d’identifier les dynamiques de localisation de l’activité, passée et actuelle, dans l’espace urbain et l’hinterland économique de la région. Puis, à partir de l’analyse d’entretiens menés auprès d’une quinzaine de brasseurs, de rendre compte de l’hétérogénéité constituante du monde bruxellois de la microbrasserie, à travers l’identification de logiques entrepreneuriales plurielles qui impliquent une diversité de conceptions de la production urbaine et de modes de rapport à l’espace.
Histoire du chômage : de la charité au droit
Article : Observatoir Belge des inégalités.be
24 mai 2021 Joël Girès La plupart des gens sont dans une situation de dépendance financière vis-à-vis de leur emploi : à part pour les plus riches, ce sont les salaires qui permettent aux personnes de payer leur logement, leurs courses alimentaires, dépenses de santé, loisirs ou sorties. Dans le cas d’une perte d’emploi ou de l’incapacité de travailler, des mécanismes empêchent malgré tout de sombrer directement dans la spirale de la pauvreté : il s’agit des mécanismes de protection sociale comme l’assurance chômage ou l’assurance maladie-invalidité.
Ces dispositifs ne sont cependant pas acquis une fois pour toutes. On peut par exemple s’en apercevoir avec les fréquentes attaques contre l’assurance chômage qui, selon certain-e-s, serait trop « généreuse » et octroierait des « largesses » aux personnes qui ne « désirent » pas travailler et « profiteraient » dès lors du système. Selon les partisans de cette perspective, le chômage est pour une part non négligeable volontaire et la réduction des droits au chômage permettrait de responsabiliser les personnes au chômage afin de les motiver à retrouver un travail, et donc améliorer leur situation.
La charité pour les « sans-travail »
Cette vision (libérale) fait injustement reposer la situation de chômage sur la responsabilité individuelle des chômeurs/euses. Or, le chômage de masse n’est bien évidemment pas le résultat des personnes qui ne veulent pas travailler, mais celui de la situation économique de pénurie d’emplois. Pour connaître les conséquences de l’absence de dispositifs de sécurité sociale, nous pouvons observer une période pas si lointaine dans notre histoire, dans laquelle le travail salarié devient la norme sans qu’aucune protection sociale ne soit organisée : il s’agit de l’époque de l’essor du capitalisme industriel au XIXe et début du XXe siècles. À cette époque, perdre son travail signifie tomber assez directement dans la pauvreté. En réalité, les mots mêmes de « chômeur/euse » et de « chômage » n’existent pas encore au XIXe : un-e chômeur/euse est à l’époque désigné-e comme un-e « sans-travail », un-e « sans-ouvrage » un-e « vagabond-e » ou un-e « indigent-e » [1]. Se retrouver sans travail, c’est donc se retrouver dans la misère.
Les seules instances vers lesquelles peuvent se tourner les indigent-e-s sont les œuvres de charité et l’assistance publique, qui distribuent de la soupe ou des bons d’achat de pain de manière discrétionnaire. L’élite libérale gouvernante pense malgré tout qu’un système charitable ou d’assistance plus développé n’est pas souhaitable, car il pousserait les ouvrier-e-s à l’« imprévoyance », la paresse et l’oisiveté. Charles de Brouckère, bourgmestre de Bruxelles de tendance libérale entre 1848 et 1860 (celui-là même qui a donné son nom à la place et la station de métro) affirme ainsi que :
…si le gouvernement donne l’assistance sans aucune condition, il développe en nous un instinct qui n’est déjà que trop prononcé. Nous sommes généralement enclins à la paresse. Le travail est une peine qu’il faut prendre, une fatigue qu’il faut surmonter. Eh bien ! Lorsqu’on peut s’affranchir d’une peine ou d’une fatigue, on le fait très volontiers. Le gouvernement surexcite naturellement la paresse s’il donne des secours à tous ceux qui ne travaillent pas. [2]
L’imaginaire de l’époque renvoie assez principalement la personne sans travail à sa propre faute. C’est parce qu’elle est oisive, paresseuse et profiteuse qu’elle ne trouve pas de travail. Une maison d’assistance à Bruxelles indique par exemple, dans un rapport de 1894, qu’une bonne partie des sans-travail sont :
…déchus par leur propre faute, leur paresse, vêtus de haillons sordides, ne conservant guère l’apparence d’être humains qu’aux yeux de ceux qui ont la conviction de l’incessible dignité humaine. [3]
Sans aucune ressource, les sans-travail n’ont d’autre manière de subsister que de pratiquer la mendicité, très répandue au début du XIXe siècle. Des témoignages de l’époque mentionnent par exemple que Liège compte un tiers de sa population qui vit de mendicité en 1800 [4]. En plus des œuvres de charité et de l’assistance publique, on voit apparaître à la fin du XIXe siècle des maisons du travail, qui offrent une « assistance par le travail ». Son principe est d’offrir à des indigent-e-s, en échange d’un travail effectué dans des ateliers – par exemple fabriquer des fagots ou des sacs en papier –, une paie peu élevée, ou le gîte et le couvert [5]. Les partisans de cette forme d’assistance la défendent car elle n’est pas « gratuite » et permet de rééduquer les indigent-e-s au travail :
[l’assistance par le travail permet de] faire rentrer dans la classe ouvrière ceux que la misère, la débauche ou la paresse en ont arrachés. Nous voulons faire de la nouvelle génération ouvrière une génération sage, instruite, en défrayant complètement les parents de l’entretien de leurs enfants, sans recourir à l’assistance publique ou privée. [6]
Chômage : de l’assistance à l’assurance
Les syndicats ouvriers, s’ils peuvent diriger leurs affiliés vers les maisons du travail pour les aider, sont généralement contre le principe de l’assistance par le travail, du fait de la concurrence qu’elle crée par rapport au travail libre. Les syndicats organisent, de manière alternative, des caisses de solidarité en cas de perte du travail. Ces caisses préfigurent ce que sera l’assurance chômage : les ouvrier-e-s cotisent dans une même caisse, qui fournit un (faible) revenu de remplacement en cas de maladie ou de perte de travail. Cette forme de solidarité n’est dans un premier temps accessible qu’à une élite ouvrière, beaucoup ne pouvant se payer le « luxe » d’utiliser une partie de leur paie comme cotisation pour une caisse de chômage. De plus, en cas de chômage prolongé, ces caisses se vident rapidement et ne peuvent plus payer les chômeurs. Néanmoins, cette invention du mouvement ouvrier contribue à affirmer que le/la chômeur/euse n’est pas un-e paresseux/euse responsable de ne pas trouver de travail, mais un-e travailleur/euse privé-e de travail malgré lui/elle. Le chômage s’affirme, par l’existence des caisses syndicales, comme un risque assurable plutôt qu’une imprévoyance individuelle.
Après la Première Guerre mondiale, l’arrivée au pouvoir des socialistes engage l’État, encouragé par une récession économique importante, dans un soutien financier des caisses syndicales (à travers le Fonds national de crise). Cette situation provoque l’effroi du patronat, qui perçoit cette politique comme l’équivalent d’une subvention du syndicalisme ouvrier et craint l’influence de ces caisses sur les salaires et conditions de travail (en créant notamment un seuil minimum en dessous duquel il devient difficilement envisageable de descendre les salaires) [7]. Le patronat mène alors campagne contre la mise en place des débuts de l’assurance chômage. D’une part, il souligne les « abus » de ce système, et affirme que les personnes sans emploi sont potentiellement des « chômeurs/euses professionnel-le-s » coupables d’« oisiveté », d’avoir un « poil dans la main », de pratiquer la « fraude sociale », de s’adonner à des « séances prolongées d’estaminet » ou de « se déshabituer du travail » [8]. D’autre part, il pointe du doigt le gouffre budgétaire engendré par le soutien public aux caisses de chômage syndicales :
Il est nécessaire de mettre immédiatement un terme aux abus et aux gaspillages auxquels donne lieu le Fonds de Crise et de chômage, source de démoralisation et de charges intolérables pour les contribuables, rejaillissant de leurs côtés sur les prix de revient et le coût de la vie. [9]
Le patronat porte des coups au système et des réformes qui renforcent les sanctions à l’égard des chômeurs/euses sont votées. Mais face au chômage de masse qui prend forme, et malgré l’opposition patronale, l’idée d’une assurance chômage obligatoire est mise à l’étude dans la fin des années 1930. En effet, jusque là, la cotisation aux caisses de chômage reste facultative. Sur 1,8 million de salariés en 1933, 800 000 ne cotisent à aucune caisse syndicale, et n’ont comme seul recours que de faire appel à l’assistance publique en cas de perte de travail [10].
Après 1945 : sécurité sociale et assurance chômage
L’assurance chômage telle que nous la connaissons aujourd’hui dans sa forme globale n’est concrétisée qu’après la Deuxième Guerre mondiale, en 1944-45. Elle naît d’un compromis établi pendant la guerre entre les représentants patronaux et syndicaux, connu sous le nom de « Pacte social », qui donne naissance à la sécurité sociale et englobe l’assurance chômage. Cette dernière marque une rupture forte avec le fonctionnement des caisses de chômage avant la guerre dans la mesure ou l’assurance chômage est désormais obligatoire ; elle couvre donc tou-te-s les salarié-e-s. Elle n’est par ailleurs plus limitée dans le temps et couvre certains jeunes n’ayant pas encore travaillé [11].
Dans la logique administrative de ce régime, la personne sans travail est considérée a priori en situation de chômage involontaire. La situation des chômeurs/euses est donc différente de celle qui prévalait cinquante ans plus tôt, dans laquelle ceux-ci étaient présumés oisifs et coupables de leur sort. Ce point permet de marquer la différence entre le régime d’assurance et celui d’assistance. L’assurance chômage fait prédominer la conception selon laquelle perdre son travail est un risque social, contre lequel la société prémunit dès lors les individus. Cela signifie que la perte d’emploi ou l’incapacité de travailler sont considérées comme des événements fortuits auxquels les travailleurs peuvent être confrontés de manière indépendante de leur volonté. De ce fait, une assurance collective contre ce risque est organisée : elle consiste dans le fait que les parties prenantes de ce risque – employeurs et travailleurs – cotisent à un fonds public de sécurité sociale, qui fournit un revenu de remplacement à toute personne qui n’a pas, perd son travail ou est dans l’incapacité de travailler.
La philosophie de l’assistance est différente : son principe est celui de l’aide des plus démunis de la part d’instances charitables, œuvres philanthropiques ou assistance publique – nous l’avons vu. Dans ce régime, le/la chômeur/euse bénéficie du secours de ces instances lorsqu’il/elle prouve qu’il/elle est dans un « état de besoin ». Cette conception fonde une relation asymétrique entre le/la chômeur/euse et l’institution, et donne l’impression que le/la premier-e bénéficie d’une faveur de la seconde. L’instauration de la sécurité sociale en 1944-1945 fait dire aux observateurs de l’époque que l’assistance est vouée à disparaître ; dans la réalité, elle va persister. L’assistance publique est rassemblée en 1925 dans les Commissions d’Assistance Publique (CAP). Ceux-ci deviennent les CPAS en 1976. À la même époque (1974), un changement majeur est opéré : l’aide sociale n’est plus une faveur, mais devient un droit à un minimum de moyens d’existences [12]. Il s’agit d’un droit « résiduaire », c’est-à-dire un droit qu’une personne ne peut ouvrir que lorsqu’elle n’a pas droit à la Sécurité sociale. L’aide sociale est donc le dernier filet de sécurité lorsqu’une personne passe entre les mailles de la Sécurité sociale. Cette aide est néanmoins octroyée à la discrétion de chaque CPAS, en fonction de la situation individuelle du demandeur. La logique reste celle de l’assistance puisque l’« état de besoin » est toujours une notion opérante, les CPAS menant une enquête sociale pour estimer si les ressources du bénéficiaire potentiel de l’aide sont réellement insuffisantes pour (sur)vivre.
Ainsi, l’accès à ce droit est très hautement conditionné par le fait d’être dans une situation de pauvreté : le CPAS peut par exemple refuser d’octroyer une aide à une personne qui a un peu d’épargne, qui a des parents qui pourraient l’aider ou qui cohabite avec une personne qui touche un salaire. La différence avec le chômage est grande, puisque ce dernier est un droit à un revenu de remplacement pratiquement inconditionnel, accessible à toute personne privée involontairement d’un emploi, quelles que soient ses ressources.
Les politiques d’activation : un retour à l’assistance ?
La distinction qui a été faite précédemment entre l’assurance et l’assistance fait penser que ce sont deux logiques fort distinctes, matérialisées dans des institutions différentes (assurance chômage et CPAS). En réalité, il existe une porosité entre ces deux logiques, qui s’interpénètrent dans la pratique. Jusque dans les années 1970, les syndicats parviennent à consolider la dimension solidaire de l’assurance chômage [13], et à faire atteindre aux allocations des niveaux permettant de vivre correctement. Il faut noter que l’assurance chômage diffère largement d’une assurance privée : dans une assurance privée, la prime que l’on paie est fonction du risque ; ce n’est pas le cas pour l’assurance chômage, pour laquelle on cotise proportionnellement à son salaire. Du fait que les petits salaires cotisent moins dans l’absolu, alors qu’ils sont tendanciellement soumis à plus de risque, notamment de perte d’emploi, l’assurance chômage agit comme une instance solidaire qui redistribue les revenus dans une perspective d’égalité [14].
Mais en 1974, une crise économique majeure donne un coup de frein à l’élargissement de la protection sociale. D’un peu moins de 100 000 travailleurs en situation de chômage en 1974, on passe à plus de 500 000 en 1987 [15]. Cette situation entame le cycle des réformes néolibérales, qui comprime les dépenses sociales, notamment de l’assurance chômage. Une réforme majeure du chômage a lieu en 1980 et a pour principe de différencier trois catégories de chômeurs/euses : les « chef-fe-s de famille », les « isolé-e-s » et les « cohabitant-e-s ». L’objectif de cette réforme est d’accentuer la sélectivité familiale dans l’attribution des allocations de chômage pour réduire les dépenses : il est considéré qu’un-e chômeur/euse cohabitant-e partage ses ressources avec son/sa conjoint-e, et qu’il/elle a donc besoin d’une allocation moins élevée. On voit ainsi fortement réintroduite dans l’assurance chômage la notion d’« état de besoin », qui relève traditionnellement de la logique de l’assistance sociale. Cette réforme ancre par ailleurs les inégalités hommes-femmes dans le fonctionnement de l’assurance chômage puisque les cohabitant-e-s, pour qui les allocations sont les moins élevées, sont en grande majorité des femmes [16]. La sélectivité s’accroît encore à partir des années 1980 : les jeunes sortant-e-s des études sont notamment différenciés des travailleurs : ils/elles n’ont plus droit qu’à une « allocation d’attente » (aujourd’hui « allocation d’insertion ») inférieure à l’allocation de chômage des travailleurs/euses cotisants.
Par ailleurs, la responsabilité du chômage est progressivement déplacée de la situation économique au/à la chômeur/euse lui-même. La traduction de cette idée est la politique d’« activation » des chômeurs/euses mise en place dès le début des années 2000. Celle-ci consiste dans le fait que dorénavant, le/la bénéficiaire d’allocations de chômage doit prouver qu’il/elle cherche « activement » du travail pour maintenir son droit aux allocations, laissant penser qu’il/elle est un profiteur potentiel en permanence. Un train de réformes restreignant les droits au chômage est voté dans les années 2010 avec le principe commun d’accentuer la responsabilité individuelle des chômeurs/euses de leur (non) retour à l’emploi. En 2015, la députée N-VA Zuhal Demir, par la suite secrétaire d’État à la Lutte contre la pauvreté et à l’Égalité des chances (!), affirme de manière très claire :
Nous devons stimuler les chômeurs avec des réformes supplémentaires afin qu’ils trouvent un emploi. Quand ils réalisent qu’ils ne peuvent plus payer leurs factures, ils s’appliqueront davantage [17].
Les plus notables de ces réformes sont sans nul doute la limitation des allocations d’insertion dans le temps et la restreinte d’accès en fonction de l’âge mises en application en 2012 : d’une part, les chômeurs/euses bénéficiant des allocations d’insertion (sur base des études) sont exclus du droit aux allocations si ceux-ci n’ont pas trouvé d’emploi dans une période de 3 ans, alors que le droit était illimité auparavant ; d’autre part, la demande d’une allocation d’insertion n’est plus possible au-delà de 25 ans.
L’ensemble de ces réformes marque une prise en charge du chômage dont la dimension assistancielle est de plus en plus prégnante. Outre le fait que le montant de l’allocation de chômage est aujourd’hui largement dépendant de l’évaluation de l’état de besoin à travers la situation familiale, l’accent de plus en plus fort sur la responsabilité individuelle du/de la chômeur/euse vis-à-vis de sa situation menace l’accès au chômage dans sa dimension de droit. En effet, on voit apparaître une logique méritocratique de l’accès au droit aux allocations, qui affaiblit la conception de la perte d’emploi comme un risque social lié à une situation économique. En restreignant les droits, cette vision durcit les sanctions et exclusions, et provoque ainsi une relégation de plus en plus forte des chômeurs/euses vers le régime de l’assistance [18]. L’exemple le plus fort est que les chômeurs/euses désormais exclus du droit à l’allocation d’insertion doivent faire appel à l’aide des CPAS pour bénéficier de ressources (et une partie n’y fait pas appel, tombant alors potentiellement dans la pauvreté). Une proportion de plus en plus grande des chômeurs/euses est donc prise en charge par le régime résiduaire de l’assistance sociale, au lieu qu’ils/elles soient protégé-e-s par l’assurance chômage.
On le voit, le chômage balance continuellement entre les logiques assurantielle et assistancielle. Il le fait au gré des rapports de force politiques : la dominance de la logique assurantielle est inextricablement liée à une conception du chômage en termes de risque social, tandis que le retour à une philosophie assistancielle est connectée à une vision du/de la chômeur/euse responsable (et coupable) de son sort.
Notes
[1] F. Loriaux (dir.), 2015, Le chômeur suspect. Histoire d’une stigmatisation, Bruxelles, CARHOP-CRISP.[2] C. de Brouckère, s.d., La charité et l’assistance publique, Bruxelles, Encyclopédie populaire, p. 30 cité dans F. Loriaux (dir.), 2015, op. cit., p. 41.[3] Œuvre du travail, 3ème section, 1894, Maison du travail, rapport 1894, Bruxelles, p. 7 cité dans F. Loriaux (dir.), 2015, op. cit., p. 59.[4] F. Loriaux (dir.), 2015, op. cit., p. 54.[5] Voir C. Baillargeon, 2010, L’assistance par le travail : retour en arrière. Petite histoire de la Société liégeoise d’Assistance par le travail (1898-1923), IHOES.[6] C. de Roddaz, L. Claes et P.-J. Mulders, 1875, De l’assistance aux pauvres par le travail, Bruxelles, p. 8 cité dans F. Loriaux (dir.), 2015, op. cit., p. 58.[7] Voir G. Vanthemsche, 1994, La sécurité sociale. Les origines du système belge. Le présent face à son passé, De Boeck-Wesmael, Bruxelles.[8] G. Coomans, 1986, « La politique sociale de 1930 à 1936 », Courrier hebdomadaire du CRISP, n° 1117-1118, pp. 1-55.[9] F. Loriaux, 2005, « Histoire d’un acquis : l’allocation de chômage », CARHOP, p. 2.[10] G. Vanthemsche, 1994, op. cit., p. 28.[11] Il faut cependant noter que les conditions d’admission pour les jeunes qui rentrent sur le marché du travail étaient déjà très restrictives en 1945. Pour une histoire de l’évolution de l’assurance chômage après 1945, voir D. Draguet, 2015, Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le chômage (et le contrôle des chômeurs)… sans jamais oser le demander !, CEPAG ; F. Loriaux, 2005, op. cit ; F. Loriaux, 2016, « Le chômeur et l’État : entre assistance et assurance », Dynamiques régionales, n° 4, pp. 10-17. Pour une description plus précise entre 1945 et 2003, voir P. Palsterman, 2003, La notion de chômage involontaire (1945-2003), Courrier hebdomadaire du CRISP, n° 1806, pp. 5-48.[12] Voir D. Zamora, 2012, « Histoire de l’aide sociale en Belgique », Revue Politique, n° 76.[13] Faniel J., 2007, Le système d’assurance-chômage : un particularisme en sursis ?, Chronique internationale de l’IRES, n° 108 ; Leterme C., 2015, Les réformes du chômage en Belgique. La mise en cause d’une indemnisation à durée illimitée, Econosphères.[14] Voir : P. Feltesse et P. Reman (dir.), 2006, Comprendre la sécurité sociale pour la défendre face à l’État social actif, FTU, FEC, Charleroi.[15] F. Loriaux, 2005, op. cit.[16] En réalité, la composition de ménage joue déjà un rôle dans d’autres périodes précédentes pour définir le montant de l’allocation de chômage. Cependant, la « sélectivité familiale » s’est accentuée avec les volontés de compression des dépenses de chômage. Il faut également noter que l’assurance chômage fait preuve d’un fonctionnement sexiste depuis sa création. Dans les années 1950, par exemple, les femmes mariées risquent bien plus que leurs homologues masculins l’exclusion du chômage, les premières étant suspectées d’abuser du système. Voir : L. Babilas, « L’individualisation des droits dans l’assurance-chômage », Revue belge de sécurité sociale, pp. 1-26 ; P. Palsterman, 2003, op. cit.[17] https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_limiter-dans-le-temps-des-allocations-de-chomage-le-cd-v-econduit-la-n-va?id=8898512[18] La porosité entre assistance et assurance est analysée par Mejed Hamzaoui dans cet article : 2005, « Émergence et logiques de la politique d’activation du social et de l’emploi », Pensée plurielle, n° 10, pp. 19-28.Source : https://inegalites.be/Histoire-du-chomage-de-la-charite
Les affiches de sécurité, une conception très particulière de la prévention des accidents du travail
Article : Observatoir Belge des inégalités.be
1er mars 2021 Eric Geerkens En dépit de la mise en application d’une législation imposant, dès la sortie de la Seconde Guerre, des comités de sécurité, d’hygiène et d’embellissement des lieux de travail aux plus grandes entreprises, le risque d’accident ne cesse de croître dans des secteurs emblématiques de l’industrie lourde belge, comme la sidérurgie ou les charbonnages [2]. Dans le premier de ces secteurs, le taux de fréquence des accidents chômant (assortis d’une incapacité de travail d’un jour calendrier au moins, en sus du jour de l’accident) et le taux de gravité (approché par le nombre de jours d’incapacité de travail), stagnent durant les Trente Glorieuses. Chez le principal sidérurgiste belge, le taux de fréquence est supérieur au milieu des années 1970 à ce qu’il était vingt ans plus tôt. Dans les charbonnages, la fréquence des accidents mortels ne diminue guère depuis l’Entre-deux-guerres jusqu’au milieu des années 1950, mais la fréquence des accidents chômant, qui traduit mieux la réalité du risque professionnel dans le secteur, est quasiment multiplié par cinq au cours de la même période [3].Or ces deux secteurs, et plus particulièrement les charbonnages [4], font alors face à un déficit chronique de main-d’œuvre, qu’une mauvaise image en termes de risque professionnel pourrait aggraver alors même que le turn-over de la main- d’œuvre renforce la survenance du risque.
Dans ce contexte, nombre de grandes entreprises, relayées par les assureurs contre les accidents du travail, vont déployer des stratégies de prévention, illustrées notamment par les affiches de Peretti. Fils d’un ouvrier mineur d’origine italienne, formé à la publicité à l’Académie des Beaux-Arts de Mons, avant de travailler pour un temps comme chronométreur du fond au Charbonnage de Tertre (bassin de Mons), Calisto Peretti (29.03.1937-18.06.2015) est sollicité par le chef du service de sécurité pour dessiner des affiches de sécurité [5]. Un fils de mineur immigré au service de la prévention des accidents auxquels sont particulièrement exposés les nouveaux mineurs, pour la plupart immigrés, l’image est belle. Trop peut-être. En effet, ces affiches participent d’une conception toute particulière de la prévention, qui a prévalu pendant près de quarante ans.
Alors que la responsabilité en matière d’accidents du travail est imputée, au titre de risque professionnel, aux seules entreprises invitées (mais non obligées) par la loi de 1903 à contracter une assurance, les campagnes de prévention vont d’abord durablement reporter vers les travailleurs la responsabilité de leur protection. Dans le prolongement du mouvement de prévention des accidents connu depuis les années 1920 sous le nom de Safety First [6], va s’imposer l’idée que 80 % des accidents du travail peuvent être attribués au facteur humain. Cette idée, - reprise par le Bureau International du Travail et tôt relayée en Belgique par le médecin dirigeant le Service médical du travail -, va se répéter à l’identique, comme un mantra, pendant quatre décennies. Alors que la notion de faute a, partiellement [7], été écartée de la loi sur les accidents du travail, l’idée de la faute persiste toutefois ; comme l’écrit Nadia Blétry : « le danger ne vient pas du travail qui crée des richesses mais de celui qui n’a pas respecté la consigne ou la règle, ou bien d’une attitude irresponsable » [8].
En découle une conception éducative de la prévention visant à inculquer aux travailleurs l’esprit de sécurité ; dès 1937, un dirigeant de l’organisation patronale interprofessionnelle belge (le CCI, ancêtre de la FEB) déclarait : « l’action la plus efficace à exercer consiste donc essentiellement en une action éducative ». La panoplie, très stéréotypée, des moyens mis en œuvre consistera notamment à organiser des tournois de sécurité entre ateliers ou établissements d’une même entreprise ou d’entreprises d’un même secteur, à instaurer des « semaine/mois de la sécurité », à afficher la statistique des accidents, à éditer un bulletin de sécurité et à mener des campagnes d’affichage. C’est dans de telles campagnes, menées à l’initiative notamment des deux principales organisations patronales de sécurité [l’Association des Industriels de Belgique (AIB) et l’Association Nationale pour la Prévention des Accidents du Travail (ANPAT)] [9], que Peretti s’est illustré.
Le corollaire immédiat de cette politique psychologisante de prévention est l’immunisation complète de l’organisation du travail qui peut ainsi demeurer un domaine de prérogative patronale exclusive. L’affiche ci-contre illustre bien cette occultation de la responsabilité patronale : l’imprudence des travailleurs est seule la cause de leur malheur et rien n’est dit, ni supposé, de la pression productive qui pourrait les avoir conduits à ne pas interrompre le fonctionnement de leur machine, pas plus que ne serait en cause un défaut du dispositif de protection.
Il convient de souligner que les organisations syndicales ont longtemps adhéré à cette représentation du risque et de la prévention. Dès les années 1930, une organisation comme la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne) a ainsi mené des campagnes de prévention qui puisent étonnement au même registre [10], reproduisant notamment certaines brochures éditées par le National Safety Council (USA). Les illustrations y mettent principalement l’accent sur la responsabilité individuelle du travailleur.
Il faudra attendre le tournant des années 1970, marqué par la contestation du modèle de concertation sociale de l’après-guerre - principalement focalisé sur l’octroi d’avantages pécuniaires -, pour enregistrer une remise en cause radicale de cette analyse. Ainsi le secrétaire du Conseil supérieur de sécurité, d’hygiène et d’embellissement des lieux de travail (CSSHE) invite à « démystifier cette légende de la victime responsable que l’on retrouve dans certains ouvrages de vulgarisation où les auteurs n’hésitent pas à répartir les causes d’accidents en attribuant 20 % de ceux-ci à des conditions dangereuses et 80 % à des actions dangereuses » ; et un représentant de la FGTB, siégeant à ce même conseil, considère que « la vieille légende du facteur humain responsable de la majorité des accidents a eu la vie trop longue et a fait trop de mal » [11]. La remise en cause des attitudes et pratiques en matière de sécurité n’est pas propre à la Belgique et se rencontre en Italie, en France autant qu’en Angleterre [12]. En Belgique, cette contestation se traduira notamment dans un arrêté royal du 20 juin 1975, amorce d’une politique qui impose aux employeurs d’assumer plus largement la responsabilité de la prévention, à travers le rôle dévolu à des chefs de sécurité désormais mieux formés [13].
Notes [1] « Les affiches de sécurité, une conception très particulière de la prévention des accidents de travail », analyse de l’Ihoes, n° 177, 18 décembre 2017.[2] Cette contribution reprend pour une large partie la substance d’un texte paru précédemment : Geerkens E., « La prévention des accidents du travail : de quelle prévention parle-t-on ? », in Bread & Roses. Une autre histoire des affiches syndicales, Bruxelles, Editions Meta-Morphosis, 2017, p. 54-57. Nous remercions les éditeurs de nous avoir permis de le reproduire largement ici.[3] Geerkens E., « Expériences et conditions du travail ouvrier », in Vanthemsche G. (dir.), Les classes sociales en Belgique : deux siècles d’histoire, Bruxelles, CRisP, 2016, p. 174-175 ; Geerkens E., « sécurité et santé au travail dans les bassins miniers wallons des années 1950 », in Morelli A. (dir.), Retour sur Marcinelle, Bruxelles, Couleur livres, 2018, p. 67-83.[4] Roels L., Het tekort : studies over de arbeidsmarkt voor mijnwerkers in het Luikse kolenbekken vanaf het einde van de negentiende eeuw tot 1974, Hilversum, Verloren, 2014.[5] Vande Vijver G., « Calisto Peretti. Un artiste au service de la prévention des accidents du travail », Analyse de l’IHoEs, n° 11, 27 novembre 2006, [En ligne] http://www.ihoes.be/PDF/CalistoPeretti Un artiste au service de la prevention accidents detravail.pdf.[6] Aldrich M., Safety first. Technology, labor and business in the building of american work safety 1870-1939, Baltimore-Londres, The Johns Hopkins University Press, 1997.[7] Sur une certaine permanence de la notion de faute dans la réparation forfaitaire, voy. Bruno A.-S. et Geerkens E., « L’indemnisation des accidents du travail. Justifications et contestations du forfait en France et en Belgique (1ère moitié du XXe siècle) », in Le RouxT. (dir.), Risques industriels : savoirs, régulations, politiques d’assistance, fin XVW-débutXXe siècle, Rennes, PUR, 2016, p. 135-152.[8] Blétry N., « Ceci n’est pas un risque. Les affiches de prévention des risques professionnels et sanitaires en France au XXe siècle », in Omnès C. et Pitti L. (dir.), Cultures du risque au travail et pratiques de prévention au XXe siècle. La France au regard des pays voisins, Rennes, PUR, 2009, p. 164.[9] Geerkens E., « Genèse et fonctionnement des comités de sécurité, d’hygiène et d’embellissement des lieux de travail en Belgique (19461975) », in Omnès C. et Pitti L. (dir.), Cultures du risque au travail et pratique de prévention au XXe siècle. La France au regard des pays voisins, Rennes, PUR, 2009, p. 106-108, 112.[10] Cf. Loriaux F., « La jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) et la protection des jeunes travailleurs en Belgique durant l’Entre-deux-guerres », communication présentée à la session Santé et environnement au travail (XVIIIe-XXIe siècles) de la deuxième conférence de l’European Labour History Network, Paris, 3 novembre 2017.[11] Geerkens E., « Genèse et fonctionnement des comités de sécurité... », op. cit., p. 114-115.[12] Causarano P., « La construction d’une conscience ouvrière du risque dans l’Italie des années 1960-1970 : luttes sociales, formation syndicale et “150 heures’ », in Cultures du risque au travail et pratique de prévention au XXe siècle. La France au regard des pays voisins, Presses universitaires de Rennes, 2009, p. 203-216 ; Hatzfeld N., « L’histoire des mobilisations. Ressources pour le présent », in Thébaud-Mony A., Davezies P., Vogel L. et Volkoff S. (dir.), Les risques du travail. Pour ne pas perdre sa vie à la gagner, Paris, La Découverte, 2015, p. 538-545 ; Sirrs C., « Accidents and Apathy : The Construction of the “Robens Philosophy” of Occupational Safety and Health Regulation in Britain, 19611974 », in Social History of Medicine, vol. 29 (février 2016), no 1, p. 66-88 ; Vogel L., « L’actualité du modèle ouvrier italien dans les luttes pour la santé au travail », in Goussard L., Tiffon G. et Durand J.-P. (dir.), Syndicalisme et santé au travail, Vulaines-sur-Seine, Editions du Croquant, 2017, p. 199-208.
[13] Sojcher-Rousselle M., Droit de la sécurité et de la santé de l’homme au travail : essai à partir d’une analyse critique du règlement général pour la protection du travail, Bruxelles, Bruylant, 1979, p. 270-2
Précarité énergétique et aide sociale en Région de Bruxelles-Capitale
Article : Brussels Studies #150
Anne Baudaux et Françoise Bartiaux Cette contribution ethnographique porte sur la précarité énergétique et les politiques d’aide dans la Région de Bruxelles-Capitale. Les données produites entre 2014 et 2017 consistent en observations de terrain et entretiens approfondis avec des personnes en précarité énergétique. Notre enquête montre que les pratiques et les émotions négatives de ces personnes doivent se comprendre en les contextualisant par la pénurie de logements modestes en Région bruxelloise et l’état médiocre du parc immobilier. Ce contexte est peu pris en compte par les aides publiques qui insistent au contraire sur les dispositifs techniques à installer dans le logement et sur les changements de comportements individuels des occupants. Ces différences de perspective et ces pratiques d’aide bureaucratiques parfois stigmatisantes ou infantilisantes contribuent à expliquer un recours limité aux aides destinées à combattre la précarité énergétique.
Source : Respectivement de gauche à droite : 罗布泊, 2013 ; BSI-BCO, 2016 ; Michel Hubert, 2020
Du « grand piétonnier » au projet urbain et métropolitain : atouts et défis pour le centre de Bruxelles (nouvelle édition)
Article : Brussels Studies #148
Michel Hubert, Eric Corijn, Julie Neuwels, Margaux Hardy, Sofie Vermeulen and Joost Vaesen Abstract
Le nouveau piétonnier est l’un des principaux projets urbains conçus pour le centre de Bruxelles au cours des dernières décennies. C’est en 2015 que la voie de transit du Centre – le boulevard Anspach – a été interdite à la circulation automobile. Le réaménagement de l’espace public et la rénovation des principales stations de métro sont aujourd’hui en voie d’achèvement. La réalisation et les défis de ce projet urbain sont, par définition, complexes. Des expériences menées dans le pays et à l’étranger, ainsi que les données réunies par le BSI-BCO, montrent qu’il aura un impact important à différents niveaux : qualité de l’espace public, logement et équipements, économie locale et emploi, mobilité, accessibilité et logistique, activités sociales et culturelles, etc. La présente note de synthèse met à jour un travail publié précédemment (n°115). La partie 1 expose le contexte général de ce projet qui n’a pas été épargné par plusieurs crises externes (lockdown suite aux attentats de Paris, attentats de Bruxelles, crise des tunnels et, bien entendu, crise du covid). La partie 2 développe les défis qui subsistent. En conclusion, la note propose quelques pistes concrètes d’amélioration de la qualité et de la gestion du projet.
Bruxelles : l’injonction à la mixité sociale, un outil de gentrification ?
Article : Observatoire Belge des inégalités.be
Francis Dewez [21/10/2020]La mixité sociale : un thème consensuel qui, à l’analyse, s’avère souvent beaucoup moins innocent.
Prenons l’exemple du discours officiel prononcé le 4 mai 2019 par Charles Picqué, à l’occasion du trentième anniversaire de la Région de Bruxelles Capitale [1] :
"Le premier défi, Mesdames, Messieurs, reste sans conteste de vouloir la mixité sociale et culturelle de nos quartiers. Et éviter le spectre de l’enfermement de nos populations dans la dérive de l’entre-soi des identités et de l’exclusion sociale.
Vouloir une société urbaine riche de sa cohésion, garante par la solidarité sociale qui est organisée, garante de cette cohésion. Opposée à toute fragmentation communautaire. Et il faut être, reconnaissons-le, un grand optimiste pour croire à l’inclusion mutuelle et réciproque et spontanée des identités sans que nous y œuvrions"
La mixité sociale .... pas pour tout le monde
Voilà pour le moins une vision des relations sociales à sens unique. On sait en effet combien les quartiers les plus riches de Bruxelles restent enfermés sur eux-mêmes, leurs habitants se confinant dans l’entre-soi de leurs semblables.
Les personnes issues des milieux aisés, elles aussi, se fréquentent tendanciellement entre-elles et ce n’est donc pas l’apanage exclusif des classes populaires. Rien d’étonnant, les modes de socialisation dans nos sociétés libérales poussent à cette ségrégation sociale : école, quartier, loisirs, soins de santé, trajectoire professionnelle, hiérarchisation des relations dans le milieu du travail.
Dans ce cas, pourquoi ne parle-t-on pas de la nécessité d’un brassage social dans les quartiers huppés de la Région bruxelloise comptant une forte concentration de familles très aisées ? On se trouve face à un véritable point aveugle, une réalité que les classes dominantes ne veulent pas voir lorsqu’elles parlent de mixité sociale.
L’homogénéité sociale des milieux privilégiés peut d’ailleurs être défendue de manière particulièrement agressive par ceux qui en bénéficient. Dans un ouvrage intitulé « Panique dans le 16e ! » [2] et illustré par Etienne Lécroart, les sociologues Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon relatent toute la hargne, allant jusqu’à la violence, manifestée par la population de ce quartier « chic » de Paris pour s’opposer à l’installation d’un établissement d’hébergement des sans-abris. Et ce refus de fréquenter le peuple ne se trouve pas seulement dans la grande bourgeoisie. Les études sociologiques menées sur les dynamiques de gentrification [3] montrent que les « classes créatives » [4], elles aussi, peuvent se révéler sélectives dans leurs relations sociales.
Ainsi, des lieux présentés comme vecteurs de mixité sociale comme les cafés branchés s’avèrent être en réalité des endroits exclusifs d’une certaine classe moyenne. L’enquête menée pour une étude publiée en 2015 aux éditions de l’Université de Bruxelles [5] fait apparaître que les clients de ces établissements se mêlent peu à la population des quartiers dans lesquels ces cafés sont implantés [6]. Toujours dans la même étude, on apprend comment les marchés peuvent être utilisés comme outils de gentrification par des astuces visant à évincer les marchands « populaires » au profit d’une offre correspondant à la population qu’on souhaite privilégier (food truck, produits bio, etc...) [7].
Cet exemple est révélateur de la face cachée des bonnes intentions exprimées par des responsables politiques qui prétendent souhaiter le brassage des populations tout en mettant en œuvre des politiques allant dans le sens contraire.
Faire la leçon aux classes populaires
Les classes populaires, classes à « éduquer » ? Outre une pensée limitée par des œillères, cette rhétorique trahit également un état d’esprit répandu chez ceux qui se vivent comme appartenant à une « élite ». Sous le vernis de propos humanistes faisant l’éloge de l’ouverture aux autres et de la tolérance, s’exprime en réalité un discours très peu tolérant faisant la leçon aux populations modestes. On se permet alors d’enjoindre ces classes populaires à s’ouvrir aux autres et à ne pas s’enfermer dans leur communauté ou leur condition sociale. C’est finalement la même posture lorsque certains médias abordent la question des gilets jaunes, un ton stigmatisant et méprisant. Discours paradoxal où c’est le mépris qui s’exprime à travers un appel à l’ouverture.
Les quartiers populaires sont aujourd’hui l’objet d’une dynamique qui vise à les transformer pour les rendre plus conformes à l’image d’une ville attractive dans la compétition mondiale opposant les grandes cités.
On se trouve ainsi dans une logique où le mode de vie et les exigences de la classe moyenne aisée sont privilégiés par rapport aux besoins réels des populations des quartiers populaires. Avec pour conséquence que le mélange des populations n’est encouragé que dans un sens : la venue dans les quartiers modestes de nouveaux habitants d’un niveau socio-économique plus élevé, avec à terme la transformation de ces quartiers et leur conformation aux goûts et usages de la ville des classes plus aisées.
La dynamique inverse, l’installation de nouveaux habitants de bas revenus dans les quartiers les plus favorisés de la Capitale, se situe hors du champ des projets urbanistiques, ou rencontre de très fortes résistances à même de bloquer les projets en cours. Seule compte l’ « amélioration » de l’image offerte par la ville.
La gentrification, un aspect de la lutte des classes
Lorsqu’on parle de mixité sociale, faut-il rappeler que l’espace urbain ne constitue pas un territoire socialement neutre où les populations se répartiraient selon leurs choix et leurs préférences ? Toute une série de contraintes et de mécanismes structurent le paysage social d’une ville.
L’accessibilité économique de certains quartiers déterminée par le niveau des loyers et la présence de commerces bon marché joue un rôle important dans le profil démographique de ceux-ci en y attirant une population à faibles revenus. Par contre, d’autres caractéristiques comme la qualité de l’environnement, la structure du bâti, les facilités de communication, la proximité du lieu de travail pourront exercer une pression sur cette population en y attirant de nouveaux habitants plus fortunés et en mesure d’imposer leur mode de vie.
Cette mise en concurrence des différentes fractions de la population se trouve orchestrée sur fond d’ambitieux projets urbanistiques. Ces projets se révèlent souvent être une source de profits financiers considérables pour les promoteurs immobiliers et les groupes financiers qui les pilotent. Pour ces opérateurs privés, l’objectif est avant tout de maximiser les profits et non pas de répondre à des besoins sociaux.
En cela, l’espace urbain n’échappe pas à la dynamique de la lutte des classes.
Conclusion : la mixité sociale, l’autre nom de la gentrification
La mixité sociale et la fréquentation de personnes de cultures et de milieux différents n’a en soi, bien évidemment rien de négatif. Bien au contraire, c’est l’occasion d’élargir son horizon sur d’autres cultures, d’autres modes de vie. Mais ce qui est pointé ici, c’est l’instrumentalisation qui est faite de cette thématique pour servir des intérêts autres que ceux des populations visées et où la domination sociale s’exprime de manière voilée. Derrière le terme de mixité sociale ne se cache-t-il pas la réalité de la gentrification des quartiers ?L’équation pourrait sembler difficile entre, d’une part, la nécessaire ouverture à l’autre, l’amélioration de l’environnement urbain et de la qualité des logements, et d’autre part, la pression sociale et économique exercée sur les fractions les plus modestes de la population. Difficile, mais pas impossible, à condition que les pouvoirs publics remplissent pleinement leur rôle régulateur en encadrant les loyers de manière contraignante et en menant une politique active de logement social. On pourrait alors garantir l’habitat à la population présente tout en améliorant leur cadre de vie.
Source : https://inegalites.be/Bruxelles-l-injonction-a-la-mixite
Maintenir l’espace de production de petite taille en ville : le cas des entreprises de construction bruxelloises (1965-2016)
Article : Bruxelles Studies # 147
Sarah De Boeck, Matthijs Degraeve and Frederik Vandyck [27/09/2020]Alors que les activités productives occupent une place importante dans l'agenda académique et politique de la Région de Bruxelles-Capitale (RBC), l'espace de production à petite échelle continue à disparaître à un rythme accéléré. Sur la base d'une combinaison de données quantitatives et qualitatives, cet article esquisse une perspective comparative historique quant à l'organisation spatiale des petites et moyennes entreprises de construction en RBC. Il en ressort qu'en 1965 et 2016, les entreprises de construction ont un schéma de distribution dispersé sur la superficie construite de la Région, qu'elles suivent l'expansion de la construction dans la Région et qu'elles connaissent une forte dépendance au sentier. Les entrepreneurs interrogés, axés principalement sur la rénovation, sont ancrés localement et travaillent principalement avec des clients, des employés et des fournisseurs locaux. Bien que la situation centrale et l'ancrage local des entreprises de construction aient une importante valeur ajoutée pour la RBC, leur présence est sous pression et, en raison de leur organisation à petite échelle, elles sont souvent invisibles aux yeux des autorités. Afin de continuer à garantir des activités économiques à petite échelle telles que celles du secteur de la construction dans la ville, cet article plaide pour une politique spatiale offrant un espace de production abordable et situé au centre.
Travail social et crise du logement à Bruxelles
Article : Observatoire Belge des inégalités.be [09/2020]
Andrzej Krzyszton, Nathan Rener Crise du logement. Derrière ces mots froids et impersonnels, il y a des familles, des personnes isolées, des situations réelles vécues au quotidien par des milliers de Bruxellois-es. Dans un tel contexte, le travail social peut apparaitre comme vain : en n’offrant que des solutions partielles pour quelques-uns, il ne fait, en l’absence de réponses structurelles et globales, que déplacer le problème vers d’autres, souvent tout aussi précaires. Voici quelques réflexions nées du travail d’accompagnement social au sein de l’Union des Locataires Marollienne (ULM).
Une crise d’accès au logement
La crise d’accès au logement à Bruxelles ne fait plus débat : elle est attestée à la fois par les données, qui montrent par exemple la proportion croissante de ménages qui ne peuvent plus se loger sur le marché privé en consacrant un tiers, voire la moitié de ses revenus, et par les acteurs de terrain qui en constatent quotidiennement les effets désastreux.
Cette situation se marque entre autres par la difficulté pour les locataires de défendre leurs droits. En effet, être locataire précaire, c’est dans bien des cas renoncer à ses droits. Que faire lorsque son chauffage tombe en panne, en plein hiver, et que malgré de nombreux appels, le propriétaire ne fait absolument rien ? Beaucoup préfèrent se taire, de peur de perdre le logement si chèrement acquis. Certaines remercient même leur propriétaire de leur avoir « gracieusement » loué un appartement, peu importe qu’il soit insalubre ou hors de prix. Ce dont il est question ici, c’est d’un rapport de force. La concurrence sur le marché du logement crée une situation dans laquelle les locataires précaires n’ont presqu’aucune marge de manœuvre réelle pour faire valoir leurs droits, leurs besoins et leurs désirs.
Le poids du secteur pharmaceutique en Belgique
Article : Santé conjuguée, n° 91, juin 2020, pages 20-22
Marcus Wunderle Le secteur pharmaceutique, poids lourd de l’économie mondiale, est remis en lumière à la faveur de la crise du Covid-19. Son importance pourrait encore s’accroître, notamment en Europe si les appels à la relocalisation sont entendus, stimulés, voire forcés, dans un contexte de dépendance envers les choix de production et de distribution. La Belgique, à la pointe de l’industrie au niveau européen, semble bien armée pour faire face à ces enjeux.
L’autopartage en région bruxelloise
Article : Bruxelles Studies # 146
Mareile Wiegmann, Imre Keserü et Cathy Macharis [01/09/2020]Cette fact sheet vise à mettre en évidence les différences et les points communs entre les profils des usagers des services d’autopartage avec stations et des services d’autopartage en « flotte libre », en s’appuyant sur l’analyse d’une enquête menée auprès de 5 375 usagers bruxellois. Il en ressort que chez ceux des services en flotte libre, qui sont quelque peu plus jeunes, le pourcentage de propriétaires de voiture(s) est plus important, tout comme le nombre d’hommes. Les deux types de services s’adressent à des personnes disposant d’un niveau d’instruction élevé et sont utilisés une à trois fois par mois environ. Ils servent manifestement à des fins différentes, sachant que les usagers de l’autopartage en flotte libre ont fait état de motifs de déplacement plus variés et sont nettement plus nombreux à posséder une voiture. Par ailleurs, si apparemment les usagers une fois inscrits utilisent moins souvent leur voiture, il reste difficile d’en déterminer les répercussions au niveau de l’utilisation des transports publics, car les usagers des services en flotte libre délaissent partiellement les trajets en transports publics au profit de l’autopartage.
IBSA : Baromètre conjoncturel
Crise du Covid-19 : Quels sont les principaux effets de cette crise sur l’activité économique et le marché du travail bruxellois ?
BAROMÈTRE CONJONCTUREL DE LA RÉGION BRUXELLOISE N°33 — édition spéciale Covid–19 — Été 2020
Fin 2019, le coronavirus fait son apparition en Chine, qui essuie alors les premiers coups sévères sur le plan économique. Les chaînes d’approvisionnement et les échanges commerciaux du monde entier sont, eux aussi, déjà perturbés. Fin février 2020, la vague de contamination atteint également l’Europe et les États-Unis. Les pouvoirs publics de nombreux pays mettent en place des mesures de confinement pour permettre aux hôpitaux de faire face à la crise sanitaire. Le commerce international de biens et services ainsi que la production et la demande de nombreux pays sont alors paralysés, engendrant une crise économique sans précédent. Depuis début mai, la levée graduelle des mesures de confinement de nombreux pays induit une reprise progressive de l’activité économique mondiale.Beaucoup d’incertitudes pèsent toutefois sur cette reprise. De plus, le choc a été tellement grand lors des deux premiers trimestres de l’année que l’économie mondiale connaîtra une forte récession en 2020, avant de reprendre doucement en 2021. La Belgique connaîtrait également une forte récession cette année avec une contraction du PIB national de 10,5 % par rapport à 2019, avant de rebondir de 8,2 % en 2021 (prévisions du BFP du 23 juin).
Le Covid-19 comme maladie professionnelle : une inégale protection
Article : Observatoire Belge des inégalités.be [06/2020]
Joël Girès Le Covid-19 est aujourd’hui reconnu comme maladie professionnelle par l’État belge. Cela signifie qu’il est dans certains cas considéré comme une maladie causée directement et de manière déterminante par le travail. Dans cette situation, les salariés incapables de poursuivre leur activité professionnelle parce qu’ils y ont contracté le Covid-19 peuvent bénéficier d’indemnités supérieures à celle de l’assurance maladie (90% du salaire contre 65%), et être remboursés de la part personnelle des dépenses de soin de santé (c’est-à-dire la part non remboursée par l’assurance maladie). Cependant, cette reconnaissance n’a pas été directe. Elle a d’abord été restreinte puisque pendant le pic de l’épidémie en Belgique, seuls quelques métiers et secteurs étaient concernés [1].
La délimitation des métiers et secteurs pour lesquels le Covid-19 peut être reconnu comme maladie professionnelle n’est pas une question uniquement technique ; elle est aussi fortement politique. L’élargissement de la reconnaissance à tous les secteurs essentiels a par exemple été défendu par les syndicats [2] et a trouvé comme adversaire les milieux patronaux. L’élargissement de la reconnaissance à tous les secteurs essentiels a finalement eu lieu tout récemment (bien qu’elle ne soit pas encore d’application au moment où sont écrites ces lignes) [3]. Dans les opposants à cette reconnaissance élargie, on peut citer Pieter Timmermans, représentant de la Fédération des Entreprises Belges (FEB) et sans ambiguïté porte-parole de la réticence à ce que le Covid soit reconnu comme maladie professionnelle :
Je me fais simplement la réflexion : une « maladie professionnelle », ça veut dire que c’est lié à l’activité professionnelle… D’après ce que j’entends par les experts et autres, la plupart des personnes qui ont été contaminées, c’est parce qu’ils sont revenus de vacances de ski, à cause des « lockdown party ». J’ose même dire que l’endroit où vous travaillez, c’est probablement l’endroit le plus sûr pour ne pas être contaminé. (RTBF, 30 avril) [4]
Cet article a pour but de montrer en quoi ce discours est infondé sur base des informations qui sont actuellement à notre disposition.
Source : https://inegalites.be/Le-Covid-19-comme-maladie-309
Un retour de la bicyclette, aussi à Bruxelles ?
Article : Brussels Studies #144
Amandine Henry, Thomas Ermans and Fanny de Smet d’Olbecke [06/2020]Ces dernières années, les cyclistes semblent prendre d’assaut les rues de la capitale. Cette visibilité accrue traduit-elle réellement un retour de la bicyclette à Bruxelles ? Comment appréhender correctement l’évolution de la pratique cycliste ? Dans cette fact sheet, les auteurs font le point sur les différentes sources et approches qui permettent de quantifier la pratique du vélo à Bruxelles. Ils mobilisent ces divers apports pour décrire les grandes tendances de son évolution récente.
Le commerce à Bruxelles : réconcilier l’urbain avec un secteur en reconfiguration
Article : Brussels Studies #143
Benjamin Wayens, Tatiana Debroux, Pernelle Godart, Céline Mahieu, Mathieu Strale and Emmanuel d'Ieteren (05/2020)La Région de Bruxelles-Capitale comptait en 2017 20 700 points de vente de biens et de services, par lesquels transitent 87 % des dépenses effectuées par les Bruxellois. Ce commerce de détail offre environ 9 % de l’emploi régional. Cette note de synthèse fait le point des connaissances sur la distribution à Bruxelles, un secteur économique indispensable, mais complexe à appréhender du fait de sa diversité et traversé par de profondes évolutions de la consommation, de l’environnement urbain et de l’organisation interne du métier. Après avoir esquissé le cadre de l’analyse en définissant le commerce au travers de ses fonctions, de ses formes et de ses acteurs, les auteurs dressent plusieurs constats associés à des dynamiques majeures du secteur (transformation de l’offre, de la demande et évolution de la régulation publique, notamment). La troisième partie de la note répond à ces constats par l’identification d’enjeux clairs dont la prise en compte par le secteur, soutenu par les autorités publiques, pourrait réconcilier le commerce et l’espace urbain.
Confinement du temps de travail – élargissement du surtravail ?
Article : Confinement - Regards et expériences de chercheur.es en SHS
Hadrien Clouet [04/2020]Le confinement décrété en réponse à l’expansion de la pandémie virale du Covid-19 entraîne une certaine bifurcation dans les rapports de production. Une série d’entretiens conduits par le biais d’outils de vidéoconférences depuis le 16 mars[1] ainsi que les sources écrites en circulation montrent que les temporalités de la production évoluent très rapidement pour de nombreux salariés interviewés. Mais le niveau des rémunérations ne suit pas forcément. Deux formes de travail gratuit[2] voient le jour : l’une, liée à l’augmentation du temps de travail pour son emploi ; l’autre, liée à la non-reconnaissance d’un certain travail dans le cadre de l’emploi.
Variations du travail dans l’emploi
La signification du télétravail – concentré chez les cadres – est ambigüe à cet égard. Une partie des salariés expliquent raccourcir leur durée effective de travail par rapport à la durée formelle d’emploi payée : ils accomplissent en quatre ou cinq heures des tâches pour lesquelles ils demeurent d’ordinaire huit heures d’affilée en poste. Soit ils organisent différemment leur activité pour accroître leur efficacité, soit (ce qui n’est pas exclusif) ils profitent d’échapper à la supervision hiérarchique physique pour réduire les attentes ou le produit du travail, limitant la dépense d’énergie à salaire constant.
Mais une autre configuration émerge plus régulièrement : celle d’un accroissement du temps de travail nécessaire, pour un même salaire. Le télétravail se mue pour la plupart des enquêtés en hausse non-compensée de la durée d’activité. Les interruptions pour raison familiale (comme s’occuper des enfants, qui surgissent souvent au cours des entretiens à distance), l’obligation de se former à des outils numériques, l’introduction d’une série de temps morts ou l’inflation des durées de réunions en visioconférence les conduisent à dépasser leurs horaires quotidiens d’avant crise. La conjointe d’un technicien de maintenance, secrétaire dans un service de comptabilité, expliquait ainsi : « on peut compter au moins deux heures supplémentaires de travail par jour, car je dois installer des logiciels inconnus, me former toute seule, puis l’utiliser pour répondre au flux de mon employeur, ce qui me prend beaucoup plus de temps que d’utiliser mes outils habituels. Le télétravail, c’est 8 heures de travail faites en 10 heures ».
Exclusion du travail hors de l’emploi
Une toute autre forme d’extension du travail gratuit est illustrée par l’imposition implicite de nouvelles activités aux salariés, qui ne sont pas formellement exigées. On peut notamment penser à la délégation aux salariés eux-mêmes de leurs protections, parmi les ouvriers et les employés qui se rendent toujours dans leur établissement d’exercice. Les salariées, souvent des femmes, qui préparent ou fabriquent leurs masques ou leurs blouses de protection, en constitue un exemple frappant : le temps de travail payé n’évolue pas, mais le travail nécessaire, effectivement accompli, est en hausse, exercé en partie au domicile, ou confié aux proches, voire à des réseaux de solidarité.
Par ailleurs, les frontières entre télétravail et chômage partiel demeurent poreuses. Le ministère du travail a même annoncé qu’il vérifierait la conformité des demandes de chômage partiel, suspectant que certains employeurs demanderaient un remboursement des indemnités versées à leurs salariés… tout en exigeant de ces derniers qu’ils travaillent comme d’accoutumée. Les syndicats ont pu pointer des situations où les salariés sont renvoyés à domicile sans plus d’information, travaillent quelques jours en télétravail et n’apprennent qu’ultérieurement qu’ils étaient couverts par le statut de chômage partiel. Dans ce cadre, outre l’illégalisme, chaque heure de travail accomplie est grevée de 20 % du salaire nominal, par la décote de l’activité partielle.
A l’inverse, ce sont parfois les personnels qui prennent l’initiative de convertir leur chômage partiel en activité continue. C’est ce qu’indiquait un enquêté qui exerce une véritable chasse aux salariés indûment présents sur le lieu de travail, mus par un investissement que l’employeur tente lui-même de limiter.
En outre, pour de nombreux salariés, les temporalités se désarticulent, dans le sens où la durée écrase les rythmes et les horaires[3] : une fois confinés en télétravail, le labeur dominical, nocturne, ou discontinu ne donne plus lieu à compensation. L’espace joue contre le temps ; un même geste professionnel, accompli à des horaires extraordinaires, en devient normalisé par son assignation à domicile. « Je bosse la nuit, alors que je n’aurais jamais fait cela auparavant… ou si, mais en le facturant à mon employeur », expliquait un technicien informatique interviewé. Trois conclusions provisoires peuvent être tirées de ces exemples différents. D’abord, l’appartenance à une classe sociale et la position dans la division du travail déterminent largement les modalités d’exploitation en cours. Ensuite, le temps de travail des salariés enquêtés tend à s’accroître dans la période, avec des exceptions notables. En dernier lieu, l’éthique laborieuse et la centralité du travail surpassent dans certains cas les consignes publiques et les injonctions des employeurs, avec des salariés prêts à prendre des risques pour se rendre sur leur lieu de travail, sans pour autant y gagner monétairement. L’homo oeconomicus semble bien loin du quotidien des salariés.
Source : https://confinements.hypotheses.org/181
Le logement : la solution innovante pour les sans-abri
Article : Observatoire Belge des inégalités
Alice Romainville, Chahr Hadji [04/2020]Le nombre de sans-abri augmente. Conséquence d’une politique de l’urgence qui n’a même pas la prétention, pour le moment, d’être de plus long terme. À croire que le sans-abri, figure repoussoir qui nous pousse à accepter bas salaires, loyers abusifs et boulots de merde, a une fonction dans la société qui en arrange certains...
À Bruxelles, où vivent 500 000 ménages environ, plusieurs milliers de personnes vivent sans logement, c.-à-d. dans la rue ou dans des formes alternatives de logement, hébergements d’urgence, squat, etc. Le chiffre exact – La Strada a dénombré 4187 sans-abri durant une nuit de novembre 2018 – reste tout à fait hypothétique, vu la difficulté de recenser une population mouvante, difficile à enfermer dans des catégories précises, et qui ne cherche pas spécialement à se faire voir. La réalité du sans-abrisme est d’ailleurs largement sous-estimée par ces chiffres.
Ce qui ajoute au scandale de cette situation, c’est son aggravation rapide ces dernières années – dans une ville où, au même moment, se construisent énormément de logements neufs à destination des classes moyennes et supérieures. Toujours d’après La Strada, le nombre de sans-abri a pratiquement quadruplé en 10 ans, entre 2008 et 2018. Plus alarmant encore, c’est 247 enfants dans une situation de sans-abrisme dont 20 dans l’espace public qui ont été dénombrés.
La "politique du thermomètre" menée par les pouvoirs publics et la façon dont les médias traitent le sujet ont tendance à nous faire croire que la vie en rue devient dure quand arrivent les grands froids. En été les sans-abri sont, dans les discours, plutôt traités sous l’angle répressif et celui des gènes occasionnées, par la mendicité entre autres. Pourtant les sans-abri accumulent les problèmes quelle que soit la saison : il y a l’accès au logement, aux soins de santé, au revenu minimum, mais aussi l’impossibilité de subvenir à ses besoins vitaux (se laver, aller aux toilettes, boire de l’eau potable, manger, changer de vêtements), et le risque, très élevé lorsqu’on vit en rue, d’être battu·e ou attaqué·e [1].
Le sans-abrisme n’est pas une fatalité. Le problème trouve sa source du côté du marché du logement, de la chasse aux chômeurs, de la politique migratoire. Mais le "traitement" administré par les pouvoirs publics est aussi à côté de la plaque. Quelques mesures politiques assez simples – dans la mesure où il s’agit de faire plus des choses qui se font déjà timidement aujourd’hui – pourraient changer complètement la donne. Ce qui manque, ce ne sont pas des innovations sociales, mais un brin de courage politique.
Distanciation sociale ou physique ?
Article : Union de la Presse Francophone Belge
Michèle Lenoble-Pinson "Attesté depuis 1959, le mot « distanciation » (dérivé de « distance ») a soixante ans. La distance, c’est l’« intervalle mesurable qui sépare deux choses ou deux personnes l’une de l’autre ». Se tenir à deux mètres de distance.
À la fin des années soixante, la distanciation est revendiquée en poésie, en nouvelle critique et dans la présentation de la publicité à la radio. Entré comme néologisme dans le Supplément de la première édition du Grand Robert de la langue française, le mot fait partie des « Mots dans le vent » (Librairie Larousse, 1971). Pourtant, trop peu utilisé, confiné, le mot « distanciation » n’entre pas dans l’usage courant.
À la mi-mars 2020, les autorités sanitaires mettent le mot « distanciation » sur la scène publique en l’accompagnant de l’adjectif « sociale ». « Distanciation sociale » entre brusquement dans la langue quotidienne de tous les Belges parce que la locution désigne l’une des mesures de prévention sanitaire que chacun doit respecter afin de retarder la propagation de la maladie covid-19 (abréviation de « coronavirus disease 2019 »), identifiée en décembre 2019 et causée par le virus « SARS-CoV-2 ».
La distanciation sociale à respecter est, en réalité, une distanciation « physique » : chaque citoyen doit maintenir une distance d’un mètre cinquante entre lui et autrui. Le sens est néologique parce que « distanciation » est d’abord un terme de théâtre. Sa haute fréquence d’emploi dans les règlements et les médias lui vaudra une nouvelle acception dans l’édition 2021 du Petit Larousse illustré. En Suisse, la Chancellerie fédérale privilégie « éloignement social ». L’anglicisme « social distancing » est à éviter.
Au théâtre, qu’appelle-t-on « distanciation » ? Au milieu du XXe siècle, le dramaturge allemand Bertolt Brecht préconise une technique théâtrale appelée « Verfremdungs (Effekt) ». Par opposition au théâtre traditionnel, Brecht crée le « théâtre épique », dans lequel l’auteur « prend ses distances » vis-à-vis de son personnage. Dans cet esprit, il invite l’acteur à jouer comme à distance du personnage, sans se confondre avec lui ; il invite également le spectateur à prendre ses distances avec l’action dramatique afin de porter sur la pièce un regard critique et objectif. L’« effet d’éloignement ou de distanciation » en résulte. Lorsque les pièces de Brecht sont jouées en France, « Verfremdungs » est traduit par « distanciation ».
Par exemple, dans « Maître Puntila et son valet Matti » (1948), un maître qui n’est humain que s’il est ivre illustre le thème, cher à Brecht, de la double personnalité contradictoire. La distanciation fait appel à la persuasion rationnelle et aussi à la suggestion affective. Parfois mal compris, diversement interprété, l’effet de distanciation a joué un rôle important dans l’évolution de la mise en scène contemporaine.
Après s’être tenu confiné dans les coulisses, le mot « distanciation » revient sur la scène, en Belgique, en France et dans la francophonie, où la mesure sanitaire qu’il désigne joue un rôle majeur dans la lutte contre la maladie covid-19."
Ce que « se laver » signifie : histoire de pratiques et d’expériences
Le cas des bains-douches des charbonnages belges (1911-1950)[1]
Prépublication : Le Mouvement social #202?/?
Sophie Richelle (2020)Introduction
“Je remets ma lampe au guichet de la lampisterie et me rends aux bains douches. C’est presque comme dans un sauna, il y a une vapeur d’eau qui flotte partout. Des hommes chantent, d’autres sifflent, d’autres encore fument leur cigarette avec un délice évident. Certains se promènent nus. La salle se vide lentement. Je trouve une douche libre. L’eau chaude me fait du bien. Je me lave avec soin car je suis noir comme un « pygmée congolais ». Je sors de la douche, je m’habille, puis me regarde dans la glace : horreur ! Mes yeux… sont cernés de noir, comme les ailes du nez, le pli du menton, le creux des oreilles. Je suis à moitié lavé. Je m’assieds sur le banc de pierre et essaye de remettre mes idées en place. J’ai faim. J’ai soif. Je suis vidé. J’ai mal partout et je dois encore marcher une heure pour rentrer à la maison. Tout à coup, je n’en peux plus, des grosses larmes me coulent sur les joues”[2].
Une communauté d’hommes, des chants, de l’eau chaude, une cigarette, du délice, des traces, se faire du bien, de la fatigue, des pleurs… C’est par ces mots que José Chaineux, mineur de 1940 à 1956 au Charbonnage du Hasard, à Cheratte décrit la fin de sa première journée de travail à la mine. Une foule d’éléments s’enchevêtrent et s’ajoutent à la définition du verbe « se laver ».
En Belgique au tournant des 19e et 20e siècles, les bains-douches dans les charbonnages[3], au même titre que les bains-douches dans les écoles et que les établissements de bains publics communaux, participent à la création d’un maillage de dispositifs populaires d’hygiène de plus en plus fourni[4]. À cette époque, bien que les salles de bains privées soient l’apanage des plus aisés, les normes d’hygiène et d’ablution totale se répandent dans l’ensemble de la société[5]. En 1900, une grande enquête sur les établissements de bains du pays est demandée par le Conseil supérieur d’hygiène publique[6]. Faisant le point sur les infrastructures disponibles, ce dernier conclut à « l’insuffisance des établissements publics populaires dans les grands centres et dans les contrées industrielles du pays »[7]. Il rappelle également aux industriels la responsabilité qu’ils ont de fournir des bains-douches à leurs travailleurs[8]. Ce faisant, l’ère des bains publics populaires prend son essor en Belgique.
Habits de travail
Article : Travail, genre et société # 41
Juliette Rennes, Clotilde Lemarchant et Lise Bernard (2019)"Dans Trois guinées, paru en 1938, Virginia Woolf se livre avec humour à une sémiologie sociale du vêtement masculin : « Votre habillement à vous [les hommes] ne couvre pas seulement la nudité, il ne flatte pas seulement la vanité, il ne crée pas seulement de la beauté, mais il sert à afficher votre statut social, professionnel ou intellectuel. Si vous permettez cette humble comparaison, vos vêtements remplissent l’office des étiquettes chez l’épicier. Mais ici, au lieu d’annoncer : “Voici de la margarine, voici du beurre pur, voici le meilleur des beurres sur le marché”, ils annoncent : “Cet homme est intelligent – il est licencié ès lettres. Cet homme est très intelligent : il est docteur ès lettres. Cet homme compte parmi les plus intelligents : il est membre de l’Ordre du mérite”. C’est cette fonction-là, cette fonction publicitaire de vos vêtements qui nous paraît la plus singulière » [Woolf, 1977, p. 61]. Si la dimension « publicitaire » du costume singularise, selon Virginia Woolf, les pratiques vestimentaires des hommes des classes dominantes, les autres fonctions du vêtement se déclinent elles aussi différemment selon la position sociale, le sexe et l’âge .
En privilégiant une approche sociologique et une perspective de genre, on s’intéresse ici plus spécifiquement au vêtement porté au travail, qu’il s’agisse ou non d’un uniforme réglementaire. Les fonctions et les significations variées de l’uniforme professionnel – le confort, la protection, l’autorité, le grade, le prestige, l’appartenance à un collectif professionnel [Francequin, 2008 ; Villelongue, 2011] –, peuvent se retrouver, de façon moins explicite, dans les usages de vêtements de travail non imposés. Observer les habits des travailleuses et des travailleurs en activité et la façon dont ils sont portés permet d’enquêter sur les normes qui traversent les groupes professionnels et la manière dont ces normes sont mises en œuvre ou éventuellement subverties ou transgressées. Que signifie, par exemple, le fait de revêtir une tenue professionnelle initialement conçue pour l’autre sexe dans les métiers quasiment non mixtes ? Dans quelle mesure un uniforme assure-t-il son rôle d’« uniformisation » des individus et de dissimulation des différences sociales ? Les habitus de genre conduisent-ils les travailleurs des deux sexes à porter de manière différente un même vêtement de travail ? Par-delà l’opposition entre « cols bleus » et « cols blancs », quels attributs vestimentaires soulignent (ou invisibilisent) des distinctions sociales et statutaires au sein d’un espace professionnel ? "
Les expériences contemporaines de co-habitat en Région de Bruxelles-Capitale
Article : Brussels Studies #142Emmanuelle Lenel, François Demonty et Christine Schaut (2019)
Depuis quelques années, les projets de co-habitat fleurissent à Bruxelles, en particulier dans les quartiers centraux populaires, avec le soutien du milieu associatif et de certains acteurs politiques. Cet article interroge tout d’abord les raisons de leur succès. S’appuyant ensuite sur une enquête de terrain de deux ans auprès de 9 projets de co-habitat, il analyse également d’une part, les typologies architecturales qui leur sont attachées et les principes idéologiques qui les sous-tendent, et d’autre part, les usages qui en sont faits par les habitants. L’article met notamment en lumière les décalages qui peuvent exister entre les espoirs fondés dans un vocabulaire spatial supposé favoriser la création d’une vie communautaire et les usages et attentes des publics précaires particulièrement ciblés.
Médor : Les yeux ouverts
Magazine n°17 | Hiver 2019-2020
Ce numéro a été piloté par Chloé Andries, Quentin Noirfalisse, Céline Gautier
Collection disponible au Centre de documentation
Des chômeurs radiés en Belgique, entre normes et expériences vécues
Article : La Revue Nouvelle du Travail #14
Didier Demazière et Marc Zune (2019)"La recherche d’emploi est négligée par les enquêtes compréhensives sur la condition de chômeur. Mais elle est centrale dans les politiques d’activation, qui visent la transformation des chômeurs en chercheurs d’emploi. Cet article analyse les tensions entre ces normes d’activation et les expériences vécues à partir d’un cas rarement étudié : celui des chômeurs indemnisés et radiés pour défaut de recherche d’emploi. L’enquête par entretien biographique permet de comprendre comment ils investissent la recherche d’emploi et quelles significations ils lui attribuent. Nous montrons que leurs expériences de recherche d’emploi ne sont pas reconnues comme légitimes, car elles sortent du cadrage institutionnel qui réduit la recherche d’emploi à la collecte de preuves tangibles. Ainsi les chômeurs radiés sont à la recherche d’un emploi, mais celle-ci prend des formes alternatives, moins formelles et moins écrites que ce qui est contrôlé et validé au guichet des services publics de l’emploi. "
Fontes n° 114
Marnaval 1855-1875
Sommaire :
Couverture : Marnaval – Carte d’État Major (détail) – IGN Géoportail (1 page)> Sommaire (1 page)> Éditorial : Fontes de terroir – Élisabeth Robert-Dehault (1 page)> Dossier : Histoire d’entreprise – Marnaval (seconde partie) 1855-1875 – Changement de régime – Francis Marchal – Elisabeth Robert-Dehault (24 pages)> Allégories : Fontaines à Huesca – Signé “Durenne – Sommevoire” (4 pages)> Allégories : L’art et ses allégories à Bruxelles – Micheline Casier (4 pages)> L’esprit de la métallurgie capté par l’objectif des premiers photographes – Samuel Mourin (2 pages)> La coulée : Une manifestation étincelante – Souvenirs en photos – Sylvain Roze – Micheline Casier (6 pages)> Colloque : Réflexions sur l’objet, le monument - Une histoire mais aussi un espace – Dominique Perchet (2 pages)> Fontes funéraires - Catalogues ardennais (1 page)> Brèves (1 page)> Arrêt sur image : Publicité Durenne annuaire Firmin-Didot de 1877 (1 page)Collection disponible au Centre doc.
Brass’Art à Molenbeek : laboratoire urbain du « faire-ensemble »
Article : Brussels Studies #141
Nadia Fadil et Maryam Kolly (2019)Ce papier prend le cas du café culturel Brass’Art, situé sur la place communale de Molenbeek, comme point de départ d’une étude qui vise a comprendre la construction d’un espace commun urbain à vocation pluraliste. Basé sur une ethnographie entre mai 2017 et janvier 2018, cet article veut montrer comment la présence de l’alcool dans ce lieu mobilise et concentre des répertoires divers, voire contradictoires – de types discursif, éthique et affectif – activant la constitution de l’espace public. Le cas d’étude de Brass’Art est emblématique en ce qu’il reflète à l’échelle micro et locale les implications d’une coexistence entre acteurs avec des sensibilités et des orientations religieuses diverses. Suivant une méthodologie pragmatiste, le papier essaie de démontrer que le subtil rééquilibrage du rapport de force entre majoritaires et minoritaires ne se fait pas tant par des négociations conscientes ou des stratégies d’« indifférence civique » que par des ajustements pratiques au principe d’un « faire-ensemble ».
Titres-services : la précarité organisée au service des classes aisées
Article : Observatoire Belge des Inégalités.be
Alice Romainville Utiliser l’argent public pour subventionner les aides-ménagères immigrées et sous-payées des familles riches : il fallait y penser. Coup de projecteur sur un système qui institutionnalise les inégalités sociales, les discriminations et la précarité, avec des résultats très médiocres en termes de « tremplin vers l’emploi ».
Comment ça marche ?
Le travailleur – dans l’immense majorité des cas, une travailleuse – signe un contrat avec une entreprise, généralement privée, de titres-services. Les clients de cette entreprise sont des ménages qui peuvent faire appel aux travailleurs titres-services pour différentes sortes de services à domicile (mais le ménage est de loin le service le plus demandé). Ils peuvent s’adresser directement à l’entreprise, mais il arrive souvent que la travailleuse apporte sa propre clientèle à l’entreprise.
Une prestation d’une heure est payée par 1 titre-service. Les chèques sont achetés par les utilisateurs auprès de la société Sodexo, qui sert d’intermédiaire. Le système est largement subsidié par les pouvoirs publics (régionaux, depuis 2015) : pour chaque titre-service acheté 9 € par l’utilisateur, les pouvoirs publics bruxellois interviennent à hauteur de 13,70 €, de façon à ce que l’activité soit rentable pour les entreprises de titres-services. Les titres services utilisés permettent de plus aux utilisateurs de bénéficier d’une déduction fiscale.
Sodexo, l’intermédiaire, est une multinationale française qui s’est spécialisée dans la restauration collective et la sous-traitance de services. C’est une société-holding : elle s’est développée en rachetant des filiales dans de nombreux pays. Son chiffre d’affaires annuel est, en 2018, de 20 milliards d’euros. Elle est cotée en bourse, mais son fondateur, le milliardaire Pierre Bellon, en est toujours l’un des principaux actionnaires.
Quant aux entreprises de titres-services, ce sont parfois de petites entreprises, mais 10 % d’entre elles comptent plus de 250 travailleurs [2]. On compte proportionnellement plus de grosses entreprises dans le secteur des titres-services que dans les autres secteurs d’activités.
La Maison du Peuple de Bruxelles : l’époque des grèves
Article : Pavé dans les Marolles #7
Frédérique Franke Résumé des épisodes précédents : nous avons vu qu’à partir de 1870, un vaste mouvement d’auto-organisation du prolétariat s’articule autour des coopératives ouvrières. En 1895, la Société Coopérative Ouvrière de Bruxelles achète un terrain rue Joseph Stevens, entre l’église de la Chapelle et la place du Sablon. Victor Horta est choisi comme architecte. Il réalise un batiment plurifonctionnel abritant le siège du Parti Ouvrier Belge ainsi que les bureaux des organisations syndicales socialistes, les magasins coopératifs sans oublier un magnifique café. Un grand navire, un mix étonnant de matériaux : pierre bleue, brique, fer, fonte, bois, verre. D’une modernité phénoménale ! La Maison du Peuple de Bruxelles ouvre ses portes en avril 1899.
Épisode 3 : Luttes pour le suffrage universel
Pour comprendre ce qui se joue entre ses murs, nous devons commencer par un rapide retour en arrière concernant le contexte politique de ces années-là. En 1893, suite à la première grève générale pour l’obtention du suffrage universel qui est suivie par 200.000 personnes pendant une semaine, le parlement à dominante catholique lâche du lest avec la mise en place du vote plural. Son principe : tous les hommes belges de naissance et âgés de vingt-cinq ans accomplis vont pouvoir aller voter mais certains pourront donner jusqu’à deux voix de plus. Qui bénéficiera de ce privilège ? Les petits propriétaires, les rentiers, les professions libérales, les titulaires d’un diplôme universitaire ou les personnes exerçant dans la fonction publique. Le but de ce système électoral est de minimiser le raz de marée du vote ouvrier. Malgré cela, 28 députés socialistes entrent à la Chambre suite aux élections de 1894. Côté catholique, on compte 104 députés quant aux libéraux, ils en ont 20. Ce vote plural, sorte de variante du vote censitaire, sera utilisé en Belgique de 1894 à 1918.
Le congrès d’avril 1901 réaffirme donc la volonté du POB d’obtenir le suffrage universel masculin pur et simple par tous les moyens classiques dont il dispose y compris la grève générale et l’agitation de rue. En mars 1902, une demande de révision de la Constitution allant dans ce sens est déposée à la Chambre. Il est décidé lors d’un meeting à la Maison du Peuple de faire monter la pression avant que n’en soit rendu le résultat. En avril 1902, effectivement, ça chauffe! À Bruxelles, pendant plusieurs jours, des manifestations partent de la rue Joseph Stevens et se frottent aux forces de police. La répression se fait de plus en plus dure mais la foule, elle, augmente. Ainsi, le 9 avril, on compte un gros milliers de manifestants, le lendemain, 10.000 personnes se retrouvent devant la Maison du Peuple. Les actions des cortèges dans la ville se font plus audacieuses : vitrines de magasins brisées et barricades. Le 10 avril, la Garde Civile fait évacuer la Maison du Peuple sous la menace des fusils.
Mais que fait IEB ? Découvrez-le dans son Rapport annuel 2018
À travers son rapport d’activités 2018, IEB est fière de vous présenter le bilan de ses actions et engagements : une présence aux côtés des comités, collectifs et associations mobilisés à leurs échelles autour de revendications sociales et environnementales. Un combat inlassable pour une véritable démocratie urbaine.
Également disponible en version papier au Centre doc.
Article : Brussels Studies #140
Benoît Quittelier et Nicolas Horvat (2019)Personnes sans-abri et mal logées en Région Bruxelles-Capitale
Le 5 novembre 2018, le Centre d’appui au secteur de l’aide aux sans-abri a organisé un cinquième dénombrement des personnes sans-abri et mal logées en Région de Bruxelles-Capitale. Les résultats issus de cette enquête viennent compléter une étude qui s'étale aujourd'hui sur dix ans. Cet article présente la méthodologie employée et les grandes tendances observées. Il propose également quelques éléments d'analyse susceptibles d'éclairer l'évolution du phénomène.
Article : Brussels Studies #139
Alexandre Donnen (2019)La place Fontainas comme espace frontière. La production de la ville au regard de la sexualité, du genre, de l’ethnicité et de la classe sociale
"Située entre le quartier « gay » et le quartier « populaire » Anneessens, la place Fontainas a été le lieu de plusieurs actes de violence prétendument homophobes, contribuant à la catégoriser comme un espace d’insécurité, particulièrement pour les populations homosexuelles. En réponse à ce type de violences, les mesures adoptées par les instances publiques se multiplient mais peinent néanmoins à sortir d’une logique sécuritaire, souvent binaire et essentialisante. À partir d’un travail d’observation directe et d’entretiens sur et autour de la place Fontainas, le présent article entend adopter une nouvelle approche. Il appréhende cet espace à partir de la notion de frontière et, à travers une analyse intersectionnelle, rend compte des mécanismes socio-urbains qui participent à établir des ruptures en termes de sexualité, de classe sociale et d’ethnicité. Par contre, dans chacune des zones étudiées, la continuité de la domination masculine invisibilise et contraint l’accès des femmes à l’espace public. "
La dramatique histoire de Léon et Camille : essai de géographie littéraire le long des boulevards bruxellois
Article : Brussels Studies #92
Tatiana Debroux, Laurence Brogniez, Jean-Michel Decroly et Christophe Loir (2015)"L’analyse spatiale d’un texte littéraire publié à la moitié du 19e siècle offre de redécouvrir le genre de la littérature panoramique et les riches informations qu’elle peut apporter sur le contexte urbain qui l’a vu naître. A travers un essai de géographie littéraire basé sur le récit singulier d’une romance contrariée, nous souhaitons montrer l’apport d’une réflexion interdisciplinaire autour de l’espace et des productions artistiques, qui gagnent à être interrogés au prisme l’un de l’autre. Le récit étudié ici est construit autour des boulevards bruxellois et de leur fréquentation sociale : l’analyse des lieux, de la temporalité, du parcours des personnages et leur traduction cartographique révèle la structuration socio-spatiale de la ville dans son ensemble. Elle offre aussi de précieuses informations concernant les usages de l’espace et ses représentations, que ne permettent pas d’approcher les sources historiques traditionnelles."
La gélatine alimentaire de Darcet (1777-1844) : controverse autour d’un produit
Nicolas Sueur (2017)
"Au début du XIXe siècle, Jean-Pierre-Joseph Darcet (1777-1844), un chimiste, imagine un produit qu’il destine à devenir un aliment du quotidien : la gélatine, produit remontant à la fin du XVIIe siècle. Darcet rêve, à la suite de son père et de Cadet-de-Vaux, de faire de la gélatine un véritable aliment destiné aux masses laborieuses. Le produit rencontre un certain succès. Il se diffuse dans un certain nombre d’institutions (institutions de bienfaisance, hôpitaux, dépôts de mendicité, prisons). La France n’est pas le seul terrain d’expérimentation de cette gélatine alimentaire. L’initiative du chimiste est encouragée par l’administration et approuvée par les autorités médicales. Darcet mobilise un petit réseau d’individus et de familiers afin de diffuser sa gélatine. Cependant le produit ne parvient pas à s’affranchir de son statut d’ersatz. La gélatine se heurte à une série d’obstacles qui l’empêche de devenir un aliment du quotidien. En dehors des aspects techniques et des problèmes de conservation, la machine et la fabrication du produit paraissent trop coûteuses aux administrateurs et philanthropes. Des voix dissonantes se font également entendre qui critiquent la dimension nutritive du produit mais aussi sa salubrité. Malgré le scepticisme des autorités médicales et scientifiques, des fabriques se développent qui répondent à une demande sociale. "
Bruxelles: le quartier européen, un quartier sacrifié à l'Europe ?
Article : RTBF
Myriam Baele et Ambroise Carton 21/09/2019"Vous connaissez certainement le rond-point Schuman à Bruxelles, pour l’avoir vu si souvent à la télévision, englué dans une manifestation.
Vous connaissez peut-être aussi, en bordure du rond-point, les bâtiments les plus connus de l’Union européenne : le Berlaymont, en forme de croix avec son enfilade de drapeaux, et le bâtiment du Conseil aux milliers de châssis en bois, qui héberge les sommets des chefs d’États. Plus loin, le Parlement européen, Place du Luxembourg, porte bien son surnom de "Caprice des Dieux", pour sa forme de fromage et son gigantisme.
Mais au-delà de ces 3 édifices et de ce rond-point, c’est toute une portion de Bruxelles qui est dédiée à l’Europe : plus de 80 îlots, à la fois méconnus et mal-aimés.
Après 60 ans d’enracinement progressif de l’Europe à Bruxelles, ceux qui fréquentent ce coin-là l’aiment peu et les Bruxellois n’y vont pas.
La sauce n’a pas pris : pourquoi ?"
"Nous avons évoqué dans un précédent billet le faste des jardins de Versailles à la fin du XVIIe siècle, faste auquel les jeux d’eau participaient grandement. Peut-être à sa lecture vous êtes-vous interrogé sur la manière dont Versailles, si éloigné de la Seine, pouvait disposer d’une abondance d’eau suffisante pour alimenter autant de fontaines. Cela a été rendu possible au prix d’une entreprise colossale : la construction de la machine de Marly.
Plusieurs de nos voyageurs – Lambert Friedrich Corfey, Christian Friedrich Gottlieb von dem Knesebeck, Johann Balthasar Neumann, Christoph Pitzler et Leonhard Christoph Sturm – livrent leur fascination pour cet “ouvrage inouï” qu’ils ont vu entre 1686 et 1723.
Les jardins de Versailles étant agrémentés d’un riche dispositif de fontaines dès les années 1660, plusieurs systèmes d’adduction d’eau ont été employés avant la construction de la machine de Marly, comme le pompage des étangs situés aux alentours de Versailles. En 1678, on envisagea de pomper les eaux de la Seine en contrebas de la colline de Marly.
Une collaboration wallonne
Corfey, qui est venu deux fois voir la machine de Marly, en septembre 1698 et en avril 1699, donne le nom de son auteur : le liégeois de Ville.
Arnold de Ville a présenté le projet de la Machine en octobre 1678, à la suite à un appel d’offres lancé par Colbert, mais il n’en est pas le seul auteur. Rennequin Sualem, maître-charpentier et mécanicien liégeois, concepteur de machines minières, est parfois considéré comme le véritable créateur de la Machine. En 1668, Sualem avait conçu dans sa Wallonie natale une machine hydraulique au fonctionnement similaire à celle de Marly. En 1678-1679, on devait à la collaboration entre de Ville et Sualem deux machines hydrauliques, à Saint-Maur et à Saint-Germain-en-Laye.
Cette candidature wallonne n’est pas surprenante : depuis plusieurs siècles, les mécaniciens liégeois étaient passés maîtres dans la technique des pompes d’exhaure employée pour évacuer l’eau contenue dans les mines.
La construction de la machine de Marly au sens strict a duré quatre ans, de 1681 à 1685.
Vauban, l’ingénieur hydraulicien le plus renommé de l’époque, a d’abord fait construire une digue pour diviser la Seine et canaliser les eaux du fleuve. Le débit du fleuve, ainsi accéléré, permettrait aux roues de la Machine de tourner à une vitesse suffisante pour fonctionner.
Ce sont également des artisans liégeois qui ont fourni une grande partie des pièces de la machine de Marly, dont près de quatre cents pompes et des centaines de milliers de livres de pièces de bois."
Article : Brussels Studies #138
Charlotte Casier "En 2018, les ressortissants de l’Union européenne représentaient 275 000 individus en Région de Bruxelles-Capitale, c’est-à-dire 23 % de la population domiciliée. C’est le résultat de l’augmentation continue des effectifs de ce groupe entre 2000 et 2018, liée à l’importante immigration issue des nouveaux États membres, de la croissance continue des effectifs français et de la reprise de l’émigration depuis le Sud de l’Europe à partir de 2008. En termes géographiques, la présence des Européens est renforcée entre 2000 et 2015 dans le Sud-Est de la première couronne urbaine, bien que simultanément, l’augmentation importante des effectifs polonais, roumains et bulgares contribue à accroître la présence européenne dans certains quartiers de l’Ouest de Bruxelles. "
Collection disponible au Centre de doc.
"Né d’un réseau informel de connaissances nouées autour de la Plateforme Marolles qui s’est battue contre la construction d’un parking sous la place du Jeu de Balle, « Pavé dans les Marolles » c’est un petit journal gratuitement distribué dans une cinquantaine de lieux du quartier, un site à consulter, une page Facebook où s’abonner, faits par des habitant-e-s et usagers (qui ne partagent pas toujours les mêmes idées), pour raconter, pour s’amuser, faire des pieds de nez, et ne pas s’en laisser compter par les Contrats de quartier… "
Source : http://www.pave-marolles.be/
02/08/2019
Article : Observatoire Belge des inégalités.be
Une volonté d’inclusion sociale … quelle réalité quand on pousse la porte ?
"Les magasins dits “d’alimentation durable” fleurissent à Bruxelles. Les produits qu’ils proposent sont locaux, issus de circuits courts, artisanaux, on y favorise le vrac dans une démarche de réduction des déchets. Ces magasins existent sous différentes formes : certains choisissent celle de la coopérative, d’autres celle du commerce traditionnel."
Source : http://inegalites.be/Une-consommation-alimentaire
Collection disponible au centre doc.
Article : Belgeo
Brice Navereau, Josselin Tallec et Jean-Marc Zuliani"Si la notion de « petite ville » est sujette à de nombreux débats, l’interprétation de leur développement tend à les placer dans une relation de dépendance active vis-à-vis de différentes formes d’entraînement métropolitain devant pallier un plus vaste phénomène de désindustrialisation. Face à un relatif basculement géographique de l’activité économique au profit des grandes villes et métropoles, ces territoires se retrouveraient « sous influence » et leurs fonctions traditionnelles de centralité sont mises à mal.
En revenant sur les trajectoires récentes des tissus productifs des petites villes de Gaillac et Graulhet (Tarn), nous observons l’émergence de nouveaux marchés et produits. Ces constats nous amènent à interroger les arrangements sociaux présidant aux recompositions discrètes de l’activité. Nous observons plus particulièrement des interactions marchandes inscrites dans des « mondes de production ». Elles nous donnent également à voir des « centralités d’innovation » organisées à partir de ces petites villes. Les composantes spatiales de ces relations économiques nous renseignent alors sur des territoires renouvelant leurs places dans la mondialisation de l’économie. Elles se révèlent également et pour partie découplées des fonctions de médiation exercées par leur environnement urbain régional (les villes moyennes de Castres, Albi et la métropole toulousaine)."
Article : ARAU
"Beliris a introduit une demande de permis pour la construction d’un tunnel sous les voies de chemin de fer situées juste au nord de la Gare du Nord. Cet ouvrage est destiné à connecter les deux parties du projet de métro 3, à savoir les infrastructures existantes de prémétro (à adapter), d’une part, et le projet de nouveau tunnel sous Schaerbeek et Evere, d’autre part.
Ce « bout de tunnel » servirait dans un premier temps de zone de rebroussement et de stockage des rames de métro pour l’exploitation du tronçon Albert – gare du Nord dont la mise en service est planifiée pour 2024 ; la mise en service de la ligne de métro 3 « complète » (Albert –Bordet) étant quant à elle prévue pour 2030 au plus tôt."
Article : Observatoire Belge des inégalités.be
"Le secteur du nettoyage constitue dans la plupart des pays de l’Union européenne une importante source d’emploi pour une population peu qualifiée, majoritairement féminine. En ce qui concerne la Belgique, près des deux tiers des emplois dans ce secteur sont occupés par des femmes [1]. Les conditions de travail pénibles dans l’activité de nettoyage résultent des dérégulations introduites par le recours généralisé à la sous-traitance et au travail à temps partiel. Cet article se propose de montrer l’importance des inégalités hommes-femmes dans le secteur et d’en décomposer les mécanismes, propres à l’organisation du travail."
Article : Brussels Studies #137
Mathieu Strale
"La mobilité entre Bruxelles et sa périphérie est une problématique multidimensionnelle qui soulève des enjeux socioéconomiques, environnementaux et politiques. Pourtant, les données précises à son sujet sont relativement limitées. Dans ce cadre, cet article propose d’aborder la question par le biais d’une analyse géographique empirique. Apparaissent ainsi les conditions et façons différenciées de se déplacer vers Bruxelles depuis son aire métropolitaine, qui sont synthétisées au sein d’une typologie."
Source : https://journals.openedition.org/brussels/2831Collection disponible au Centre doc.
"D’où remonte-t-elle cette défiance plaquée sur des cartons bruns a priori recyclables, brandis par des milliers d’étudiants doux, mais pas comme des moutons – ils ont défilé sur les mêmes boulevards que les 40 000 nationalistes flamands de 1961 et 1962, les 300 000 pacifistes antimissiles de 1983 ou les 350 000 marcheurs blancs de 1996 ? S’ils avaient un lieu de ralliement ou une cible faisant consensus, ces défenseurs du climat iraient-ils à la Bastille, au Parlement ou chez Engie, face au parc Maximilien, où siège l’une de ces multinationales énergétiques incarnant la domination du capital ?
Qui sont-ils au juste, ces promeneurs verts, alliés de facto à la cause « jaune », sans gilet, sans vrai leader, mais sensibilisés par cette précarisation qui nous tend les bras ? Rêvent-ils des barricades ou du Grand Soir ? C’est sûr, il se passe quelque chose au Royaume des (consensus) mous. On le sent, la presse le répète, les partis de pouvoir en marche vers les élections du 26 mai en ont peur. Mais quoi, au fait ? Que se passe-t-il ? D’accord, la cité au sens étymologique du terme, la « polis », la communauté de citoyens libres et autonomes, redresse la tête, des générations si peu rebelles se disent qu’il n’est finalement pas trop tard. Et, pour peu, les 50 000 amis de la Plateforme citoyenne de soutien aux migrants, composant un groupe fermé sur Facebook, se rêveraient à gommer l’épouvantail du populisme décomplexé surfant sur cette obsession migratoire qui nous pèse..."
Collection disponible au Centre doc.
Article : Observatoire Belge des inégalités.be
"Le logement social n’a plus la cote dans le monde politique. Pourtant, il est la seule mesure politique véritablement sociale en matière de logement. Parce qu’il permet tout à la fois de sortir de la logique du logement-marchandise, d’éviter l’appropriation des subsides publics par quelques-uns, de lutter contre les discriminations au logement, d’assurer la justice sociale et le droit à la ville, il est temps de lui redonner une place de choix."
Source : Observatoire Belge de inégalités.be
Article : Brussels Studies #136
"Le mauvais appariement spatial – les demandeurs d’emploi ne résident pas là où se trouvent les emplois – peut constituer une entrave importante sur le marché du travail, surtout pour les groupes vulnérables. Dans cette étude, nous examinons le rôle de cette inadéquation spatiale dans la métropole bruxelloise. À l’aide d’un indice de pondération amélioré, le distance-weighted spatial mismatch index, qui intègre l’inadéquation induite par la localisation, nous comparons le mauvais appariement spatial entre le marché de l’emploi hautement et faiblement qualifié et le marché de l’emploi faiblement qualifié avec et sans connaissances linguistiques. Au sens le plus large de la métropole bruxelloise, les résultats montrent un mauvais appariement spatial jusqu’à 50 % plus élevé pour les demandeurs d’emploi faiblement qualifiés par rapport aux hautement qualifiés. Pour les faiblement qualifiés sans connaissances linguistiques, il apparaît jusqu’à 115 % plus élevé par rapport aux faiblement qualifiés avec connaissances linguistiques. Cette différence découle principalement d’un excédent relatif de demandeurs d’emploi faiblement qualifiés (sans connaissances linguistiques) en Région de Bruxelles-Capitale et d’un déficit relatif dans les communes de la première ceinture autour de la Région."
Collection disponible au Centre doc.
Des usines et des hommes
Revue annuelle de l'asbl Patrimoine Industriel Wallonie-Bruxelles
N°9 : Sites industriels en jeu
Revue du Cercle d'Histoire de Bruxelles
et extensions
Sommaire N°144 (juin 2019)
Collection disponible au Centre de doc.
Revue du Nord
Histoire
Nord de la France. Belgique. Pays-Bas
Sommaire du N°425 (avril-juin2018)
"Publiée sous les auspices de l’Université de Lille SHS, des Universités d’Artois, du Littoral Côte d’Opale, de Picardie – Jules-Verne, de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis, avec le concours notamment du Ministère de la Culture, du Conseil général du Pas-de-Calais, du Conseil régional, du Centre national du Livre, du Centre d’histoire judiciaire, du Laboratoire Halma UMR 8164, la Revue du Nord, aujourd’hui sous la direction de Jean-Marc Guislin, fut créée en 1910 par Alexandre de Saint-Léger.
Revue d’histoire (et même de géographie et de littérature à l’origine), cette publication s’ouvre aussi à l’archéologie. De quatre numéros par an jusqu’en 1989, elle passe à cinq à compter de 1990 : quatre numéros d’histoire (trimestriels), un numéro d’archéologie (paraissant en fin d’année).
Dans une présentation soignée, avec couverture en quadrichromie et illustrations fréquentes, les livraisons courantes de la revue groupent six, huit, dix articles principaux, avec résumés en français et anglais. Ces articles émanent surtout d’enseignants et chercheurs universitaires, quelquefois de membres de sociétés savantes régionales.
Entrent dans le champ historique et archéologique de la revue, la France du Nord, la Belgique et les Pays-Bas. Les études portant sur l’Europe du Nord ou de l’Est sont ponctuelles. Le champ géographique constitue un des critères de sélection des articles.
Pour l’évaluation de son activité, la revue fait appel aux avis d’un comité scientifique composé de douze personnalités étrangères et françaises."