Sciences et casque à vélo

Pourquoi ce site ?

Cycliste au quotidien, adhérant d'une association membre de la FUB (*), je me suis récemment ré-interrogé sur ma pratique et le port du casque. Les opinions sur le casque, parmi les cyclistes et le public, sont souvent tranchées et les débats parfois vifs, notamment sur les réseaux sociaux. Mélangeant données factuelles, arguments rationnels et mésusages des statistiques, ces débats sont parfois teintés d'une très grande mauvaise foi. J'ai également été choqué par certaines - pas toutes, donc - affirmations de la FUB sur la question. On pourrait en rire si le sujet n'était pas important ou si la FUB n'avait aucune audience. Mais on touche à des enjeux de vie et de mort et la FUB représente nationalement les associations des cyclistes du quotidien...

(*) Fédération des Usagers de la Bicyclette

Qu'en disent les cyclistes et le public ?

Parfois tout et n'importe quoi, de: "ça devrait être obligatoire ! le vélo en ville abaisse l'espérance de vie d'un facteur 2 !!!" à "le casque ne sert à rien, cf les pays-bas: ils le portent pas et il y a beaucoup moins de morts". Il suffit de chercher dans les discussions et autres tweets les mots clés "casque" et "vélo" pour se rendre compte de l'ampleur de la méconnaissance du sujet.

Des arguments contestables de la FUB sur le casque ?

Ci-dessous quelques affirmations de la FUB. Je laisse le lecteur juge de leur pertinence au regard des études recensées sur ce site.

"Efficacité du casque : des résultats d’études contradictoires

Si certaines études concluent à son efficacité, du genre « ça peut pas faire de mal », une majorité d’autres trouvent cette affirmation plus discutable. "

"Des casques peu performants et souvent mal positionnés

Les tests des casques mis sur le marché mettent en évidence l’inadéquation des normes de résistance avec la cinématique de la trajectoire du cycliste en cas de collision (Icube-université de Strasbourg). Les casques pour enfants sont également inadaptés à leur morphologie."

"La FUB souligne cependant que son obligation [NDR: du port du casque aux moins de 12 ans], (...) peut induire des comportements à risque chez des jeunes qui se croient ainsi à l’abri de tout choc."

"Le débat sur le port d’un casque en vélo est une aberration certaine. Nous n’avons pas de chiffres exacts sur la proportion d’accidents que son port pourrait éviter."

"Aujourd’hui, les parents répètent à leurs enfants qu’il faut absolument mettre son casque. Or, les jeunes portent leur casque comme s'ils prenaient une manette de console de jeux entre leurs mains. A partir du moment où ils ont leur casque, ils pensent être invincibles."

"A cela s’ajoute le côté pervers du port du casque vis-à-vis des automobilistes qui sont moins vigilants en pensant que le casque est une protection suffisante."

"Le casque est uniquement un moyen facile d’évacuer les problèmes de la sécurité des cyclistes."

Que trouve-t-on sur ce site ?

Des résumés de publications scientifiques, c-à-d des compte-rendus d'études menées par des scientifiques professionnels et spécialisés. Avant publication ces compte-rendus sont examinés par d'autres spécialistes (les rapporteurs). Ceux-ci, en général de 2 à 4 pour une publication, ne se connaissent pas entre eux et ne sont pas connus des auteurs. Ils établissent chacun indépendamment un avis écrit et circonstancié sur la pertinence de l'étude, des hypothèses formulées, de la méthodologie appliquée, de l'adéquation des conclusions avec les résultats. Sur la base de ces avis, l'éditeur accepte ou refuse la publication, telle quelle (c'est rare) ou avec des modifications suggérées par des rapporteurs. Ce processus d'évaluation par les pairs (peer review) est au cœur de la méthode scientifique. Elle n'est pas exempte de défauts, mais reste LE standard de la recherche scientifique.

Comment sont choisies ces publications ?

Elle sont choisies uniquement pour leur objet d'étude, à savoir le lien entre le port du casque et la sécurité des cyclistes, et non pas sur la base de leurs conclusions pour avancer un point de vue ou un autre (cherry picking). La méthodologie utilisée est la suivante:

    • Recherche des articles scientifiques par les mots clés "helmet" (casque) et "bicycle" ou "cycling" sur la base de donnée SCOPUS (elle couvre plus de 22000 revues scientifiques actives, des millions d'articles). Cette recherche a conduit à 54 articles publiés en 2018 dont la liste (incluant les titres et résumés en anglais) est indiquée sur la page "Tous les articles". Sur cette liste, 25 articles ne sont pas pertinents par rapport au sujet traité ici (high-tech, compétition, ...). Leurs titres et résumés ne seront pas traduits, mais ils restent dans la page Tous les articles.
    • Pour la trentaine d'articles pertinents, traduction en français du titre et du résumé (établis par les auteurs) pour permettre un accès au plus grand nombre à ces travaux. Le seul choix que j'effectue est l'ordre dans lequel ces résumés sont traduits puis publiés.
    • Choix d'une illustration graphique par l'une des figures - souvent la première - de l'article ou à défaut la couverture de la revue.
    • Publication du titre, du résumé, et de l'illustration dans des pages "thématiques" (Efficace ? ; Effet pervers ? ; etc...) et du lien vers l'article original. Ici le choix des thèmes (et des titres), bien que dicté en partie par le contenu des articles, est subjectif.
    • Je ne donne aucune opinion sur la qualité de ces études ni ne commente leurs conclusions. J'insère parfois un commentaire [NDR: ...] pour faciliter la lecture du résumé.

Ces publications permettent-elle d'accéder à une connaissance objective ?

Certainement pas. En particulier, les chercheurs travaillent avec des agences publiques ou des entreprises qui ont leurs propres objectifs. Les thèmes généraux de leurs recherches sont très souvent orientés par ces objectifs. Une fois cela dit, les faits établis par ces travaux sont a priori fiables, notamment lorsqu'ils sont reproduits dans plusieurs études. La lecture des résumés publiés ici pourra donc vous aider à vous faire une idée des consensus scientifiques (ou au contraire des controverses) quant à l'efficacité et l'utilité du casque à vélo.

Qui suis-je ?

Enseignant-chercheur, je vis et je travaille à Caen (Normandie).

Je suis cycliste au quotidien, je ne porte généralement pas de casque, sauf en hiver en raison du risque accru de chute/collision la nuit sur chaussée mouillée ou verglacée et – il me faut bien l’avouer – des pressions affectueuses de mon entourage.

Je n'ai aucune compétence en médecine, en épidémiologie, ou en sciences du comportement. Mais je suis scientifique et je partage, avec ces autres scientifiques, une démarche commune: l'établissement de faits et d'hypothèses, la mise à l'épreuve des hypothèses, l'évaluation par les pairs de ces faits et hypothèses. Bref, une démarche scientifique (non exempte de défauts).

Je n'ai pas été victime ou responsable d'accident grave. Je n'ai pas connu et ne connais pas personnellement de victime directe ou de responsable d'accident grave impliquant un·e cycliste.

Je ne suis pas lié au lobby du casque (si tant est qu'il existe un lobby du casque...). Je ne vend pas de casque, je ne fais pas de publicité pour une marque de casque, je ne retire aucun bénéfice à publier ce site sauf la satisfaction de lire et diffuser un peu de connaissance scientifique.

Ai-je une opinion sur le sujet ?

Ce site n'a pas vocation à servir du prêt-à-penser - j'encourage vivement le lecteur à minima à parcourir en biais l'ensemble des résumés - ni à militer "pour" ou "contre" quoique ce soit, sauf les usages inconsidérés voire malhonnêtes de l'expertise scientifique et des statistiques. Je précise cependant ma position vis à vis du port du casque pour éviter toute ambiguïté.

Je suis convaincu que le casque est efficace pour protéger la tête des cyclistes. Il ne réduit pas le nombre d'accidents mais il en atténue les conséquences: moins de lésions cérébrales, moins de blessures à la face, moins de décès. Il n'est pas efficace à 100% comme d'ailleurs tous les dispositifs de sécurité. Je pense qu'il est légitime de le recommander pour les populations à risque (jeunes cyclistes - il est maintenant obligatoire pour les moins de 12 ans, cyclistes agé·e·s ou peu expérimenté·e·s), et pour toutes les autres lorsque les conditions de circulations présentent un risque accru de chute: circulation dans un trafic urbain dense et/ou agressif, chaussées glissantes, etc.... Enfin, je ne supporte ni les cris d'orfraie à l'endroit des cyclistes tête nue dans le trafic, ni les soupirs condescendants à propos des cyclistes casqué·e·s roulant paisiblement sur une piste cyclable. Tous ces choix sont légitimes... tant qu'ils sont éclairés !