BUDGET : BAYROU ET L'ASSASSINAT DU MODÈLE SOCIAL FRANÇAIS
Le gouvernement Macron-Bayrou nous impose un budget qui n’est rien d’autre qu’une attaque frontale contre notre modèle social. Après les années d'austérité, voici la "réforme" du moment : moins pour les services publics, moins pour la solidarité, plus pour les plus riches.
François Bayrou, ministre des Finances, a présenté ses propositions pour le budget 2026, et comme prévu, l'ironie macronienne est de mise. On parle ici d'une "année blanche" pour les prestations sociales. Oui, vous avez bien entendu : maintenir les pensions à leur niveau de 2025, ce qui veut dire, en réalité, les geler. Mais ne vous inquiétez pas, Bayrou nous assure qu'il n'y aura pas d'augmentation d'impôts. Pourtant, il est évident que ne pas ajuster les barèmes fiscaux face à l'inflation revient à augmenter les impôts pour les plus vulnérables.
Alors que le gouvernement impose des sacrifices aux plus faibles, il continue de subventionner les plus riches et les grandes entreprises. Plus de 211 milliards d’euros par an sont offerts sous forme d’aides publiques aux entreprises, souvent pour des résultats minables : des licenciements massifs et des dividendes en hausse. C’est ça, l’économie macronienne : faire payer les plus pauvres pour engraisser les plus riches.
Mais Bayrou ne s’arrête pas là. Il veut également réduire les dépenses de santé, responsabiliser les malades, et dans une démarche franchement cynique, récupérer les fauteuils roulants et les cannes des défunts pour faire des économies. Une vision macabre de "l’économie sociale".
À côté de cela, le gouvernement ne trouve même pas le courage de taxer les grandes fortunes ou de lutter véritablement contre la fraude fiscale. Non, il préfère continuer à brader le patrimoine public, vendre des biens immobiliers à bas prix, privatiser ce qui reste de notre bien commun. Voilà l’avenir que nous réserve ce budget : une société plus injuste, plus inégalitaire, où les plus démunis payent pour sauver un système qui ne les protège plus.
Le seul "équilibre" que Bayrou promet, c’est celui qui écrase encore un peu plus les classes populaires pour engraisser une élite qui n'a que faire des malheurs de ceux qui triment pour survivre. Ces choix politiques ne sont pas seulement une trahison des principes républicains, ils sont une véritable mise à mort de notre modèle social.
Loi Duplomb : Le Retour du Poison sous le Masque du Progrès
Nos élus ont un don. Vraiment. Le don de faire passer les reculs pour du progrès.
Regardez la Loi Duplomb. On a réussi à faire voter une loi qui dit, noir sur blanc :
"Vous vous rappelez les pesticides interdits parce qu’ils étaient dangereux ? Bon ben... on les remet. Voilà. Débat clos."
Mais attention ... C’est pas du cynisme. C’est du pragmatisme. C’est pour aider nos agriculteurs. C’est pour nourrir les Français. Le tout validé par des gens qui n’ont jamais mis un pied dans un champ, sauf pour la photo de campagne.
Nous sommes en train de transformer la France en paradis fiscal pour les pollueurs.
Vous avez un poison à écouler ? Venez chez nous. On a des sols accueillants. Des nappes phréatiques ouvertes. Des ministres conciliants.
Et vous savez quoi ? Ça marche.
Les abeilles crèvent. Les sols s’effondrent. Les cancers augmentent chez les enfants d’agriculteurs.
Mais on continue. Parce qu’on a remplacé l’intérêt général par les fiches lobby. Parce qu’on confond la souveraineté avec la soumission aux intérêts privés.
C’est pas une loi agricole, la Duplomb.
C’est un signal. Un doigt d’honneur à la science. Une claque aux générations futures. Un renoncement méticuleux.
On pourrait transformer le modèle. Accompagner la transition. Payer dignement ceux qui cultivent sans empoisonner.
Mais c’est long, ça coûte, et ça demande du courage. Alors on préfère glisser des amendements en douce et faire croire que tout ça, c’est temporaire.
Comme le glyphosate. Comme la crise. Comme la démocratie.
On légalise le poison. On détruit les sols. Et on s’étonne que ça pue.
Mais c’est pas un accident.
C’est un choix politique
Godefroy, Jacquouille et l’Injustice fiscale
Il était une fois, en l’an de grâce 2025, un royaume étrange nommé "République Française". On y vivait entre magie administrative, incantations budgétaires et illusions fiscales.
C’est dans ce drôle de pays que furent téléportés, une nouvelle fois, Godefroy de Montmirail, chevalier des temps jadis, et son fidèle écuyer Jacquouille la Fripouille, spécialiste des fouilles de garde-manger et des bourses mal surveillées.
À leur arrivée, le paysage avait bien changé : les châteaux étaient devenus des "centres commerciaux", les scribes maniaient des "tablettes lumineuses", et les paysans… eh bien, ils avaient désormais un compte LinkedIn mais plus de quoi se nourrir.
"Messire !", s’écria Jacquouille en pointant du doigt une feuille volante collée sur un mur numérique, "regardez ! Le Grand Grimoire de l’INSEE parle d’une explosion de pauvreté ! Presque un manant sur six vit dans la misère, même en travaillant !"
Godefroy fronça les sourcils.
"Une malédiction, assurément. Peut-être un mauvais sort jeté par des sorciers du fisc ou des trolls de la Cour des Comptes ?"
Ils apprirent bien vite qu’on appelait cela « austérité ». Une coutume locale qui consistait à enlever de l’argent aux pauvres, car il n’y avait soi-disant plus assez d’or dans les coffres. Pourtant, les riches, eux, n’avaient jamais été aussi joufflus du porte-monnaie.
Jacquouille se gratta le crâne.
"Mais si les pauvres sont plus pauvres, et les riches plus riches… c’est qu’on a raté une marche, non ?!"
Un haut fonctionnaire du royaume, prénommé Éric de Lombard, leur expliqua que les très très riches, ces seigneurs nommés "ultra-riches", ne payaient quasiment pas d’impôt. Ils possédaient 30 % du royaume, mais grâce à de puissants enchantements fiscaux (nommés holdings et niches magiques), ils échappaient à l'impôt comme Jacquouille au bain annuel.
Mais tout n’était pas perdu : sept sages venus de contrées lointaines et détenteurs de parchemins sacrés nommés Prix Nobel d’Économie avaient proposé un remède : la taxe Zucman, un impôt plancher de 2 % sur la fortune des grands seigneurs.
"Ah ben c’est pas trop tôt, ça ! Qu’on leur taille un p’tit prélèvement dans les bourses !", jubila Jacquouille en tapant dans ses mains.
Mais Godefroy, plus sceptique, interrogea :
"Et les grands du royaume, que font-ils ?"
Leur hôte baissa les yeux.
"Ils craignent que les riches ne s’enfuient vers les paradis. Pas célestes, non. Fiscaux."
Et pendant ce temps, dans les bourgs, les maires, ces derniers chevaliers du service public, tentaient de colmater les brèches : distribuer à manger, loger les sans-abri, soigner sans médecin, éduquer sans profs. Avec trois écus et une bénédiction.
Jacquouille, assis sur un banc en plastique dans un centre d’aide sociale, regarda autour de lui.
"C’était pas mieux avant, c’était juste moins mal foutu."
Godefroy, l’air grave, conclut :
"Un royaume qui protège son or mieux que ses gens est un royaume en perdition."
Et ils repartirent, sans avoir tout compris… mais avec la certitude que, cette fois, la malédiction ne venait pas d’un enchanteur.
Elle venait de ceux qui gouvernent, et qui ont oublié que le peuple n’est pas un détail comptable.
Moi, c’est MatthieuQuiPaie. Et j’en suis fier.
Je paie des impôts.
Beaucoup ? Peut-être.
Mais je sais pourquoi je paie.
Je ne suis pas NicolasQuiPaie.
Le cadre qui pense que l’État lui suce le sang, qu’il entretient des assistés imaginaires.
Mais je ne méprise pas Nicolas.
Je le comprends.
Il bosse. Il cotise. Il regarde ses charges, il voit flou, il a peur.
Et quand on a peur, on cherche des coupables.
Alors on tape vers le bas.
Les chômeurs. Les retraités. Les jeunes. Les vieux. Les malades. Les fonctionnaires.
Les autres.
Moi je dis non.
Je refuse que la colère devienne haine.
Je refuse qu’on nous monte les uns contre les autres.
Je refuse qu’on transforme la solidarité en compétition.
Je gagne bien ma vie.
Et je sais que l’impôt, ce n’est pas un racket.
C’est un pacte.
Entre ceux qui peuvent et ceux qui ne peuvent pas.
Entre ceux qui ont eu et ceux qui viennent.
Entre générations, entre territoires, entre galères.
Je paie pour l’école de mes gosses.
Pour l’hôpital qui m’a soigné.
Pour les routes, les pompiers, la retraite de mes parents, la justice.
Je contribue. Et j’en suis fier.
Ce qui m’inquiète, c’est qu’on nous divise pendant que d’autres encaissent.
Les très riches, les ultra-riches, les invisibles du sommet.
500 fortunes, 1 000 milliards de plus en dix ans.
Pas un bruit.
Mais Nicolas, lui, il râle sur le RSA, sur les arrêts maladie, sur les croisières des retraités.
Toujours vers le bas. Jamais vers le haut.
Ce n’est pas la pauvreté qui coûte cher.
C’est l’indécence.
Celle de ceux qui ont tout, donnent rien, et regardent le reste se battre.
Alors oui, l’impôt est parfois injuste.
Oui, il faut en parler.
Mais pas pour diviser.
Pour mieux répartir. Pour mieux expliquer. Pour mieux construire.
La vraie question, ce n’est pas :
« Est-ce que je paie trop ? »
C’est :
« Pourquoi ceux qui ont dix fois plus paient proportionnellement moins ? »
Et « Pourquoi on veut faire croire que le problème, c’est ceux qui ont moins que moi ? »
Moi, c’est MatthieuQuiPaie.
Et j’en suis fier.
Ma chronique du dimanche.
Pourquoi les Français ne votent plus ?
Parce qu'ils ont compris. Pas tout d’un coup, pas par désintérêt. Mais à force de discours sans chair, de promesses recyclées, de gestes creux déguisés en stratégie. À force de voir l’essentiel remplacé par le commentaire. Ce n’est pas le rejet de la politique, c’est le rejet de son simulacre. Ils ne sont pas cyniques, ils sont lucides. Et à bien les regarder, ils ont raison.
Il fut un temps où entrer à l’Assemblée, c’était embrasser un combat. Clemenceau y entrait comme on entre en guerre. Aujourd’hui, c’est un plateau de tournage. Les carrières s’y font à coups de clips, de joutes stériles et de suivis d’audience. On célèbre des communicants quand on aurait besoin de stratèges. Le pouvoir s’est vidé de sa densité. Il ne tranche plus, il temporise. Il ne choisit plus, il attend que l’opinion le fasse à sa place.
On appelle ça la République, mais c’est du branding. "République inclusive", "République apaisée", "République qui écoute", des titres de slides, pas des lignes d’action. Et pendant qu’on badigeonne les murs, le toit fuit. L’école décroche, l’hôpital s’effondre, la justice se crève les yeux. Ce pays ne manque pas d’idées, il manque d’actes. Mais la peur de déplaire a remplacé la volonté de faire.
Même le langage est malade. "La culture au cœur du projet républicain" : très bien. Mais si on n’en fait rien, autant graver ça sur une pierre tombale. Si la politique ne parle plus qu’en slogans, qu’en éléments de langage, qu’en mots qui passent, elle ne peut plus prétendre à l’autorité. Elle doit parler net, parler haut. Pas pour séduire, mais pour engager.
Et l’État ? Il devrait penser loin, anticiper, construire. Aujourd’hui, il panique. Il gère des crises comme un pompier épuisé. Il ne prévoit plus : il sous-traite la réflexion. Il n’oriente plus : il suit les courbes d’opinion. De Gaulle avait le Plan. Aujourd’hui on a des notes de cabinet qui tiennent lieu de doctrine. Rien ne s’inscrit dans le temps. Rien ne vise la profondeur. Juste tenir jusqu’à la prochaine échéance.
Et pourtant, le pays tient encore. Il tient sur les épaules des services publics. Pas les logos. Les gens. Les profs qui tiennent la classe avec des bouts de ficelle. Les soignants qui reviennent après leurs nuits blanches. Les magistrats qui font des miracles dans des délais intenables. C’est là, la colonne vertébrale. Et on l’use jusqu’à l’os.
On parle de jeunesse ? On lui vend de la flexibilité, de la mobilité, des outils numériques. Mais pas de récit. Pas de cause. Pas de promesse. Résultat : une partie d’entre elle construit ses propres codes dans la rue, au pied levé, souvent dans la colère, parfois dans l’inventivité. Et comment lui en vouloir ?
La politique nationale devrait être le théâtre de la souveraineté. Pas un concours de gestionnaires. Elle devrait inspirer, inquiéter parfois, mais toujours mobiliser. Pas juste rassurer ou endormir. Et pour cela, il faut des femmes et des hommes qui croient encore que gouverner, c’est risquer. Que décider, c’est trancher dans le vif. Que servir, c’est parler à l’intelligence, pas aux émotions préfabriquées.
Et puis, parfois, il faut savoir parler bas pour être entendu. Ne pas hurler plus fort que le chaos, mais incarner une cohérence tranquille. Il y a aujourd’hui des voix qui refusent le vacarme et le vide. Des voix qui préfèrent la rigueur à l’esbroufe, l’horizon aux postures. Des voix comme celles d’Aurore Lalucq ou de Raphaël Glucksmann, qui assument le temps long, les sujets complexes, les phrases sans effet mais avec fond. Ils ne vendent pas du rêve, ils reconstruisent du réel.
Il est temps de rendre au verbe sa gravité, à l’action sa verticalité, et au pays une voix qui ne cherche pas l’écho, mais la trace. Ce n’est pas du romantisme. C’est de la nécessité. Car sinon, un jour, la République parlera, mais plus personne ne répondra.
Comment comprendre l’impôt minimum sur les riches quand on s’appelle Bob et qu’on est maçon
Ceci est un clin d’œil à un ami artisan, rempli d’humour,
avec qui j’ai eu un échange très riche avant-hier sur la taxe Zucman et la justice fiscale.
Il s’appelle pas forcément Bob.
Mais on va l’appeler comme ça.
Parce que ça lui va bien. Et qu’il construit droit.
Bob, il a compris un truc simple, mais qu’on oublie souvent :
ce ne sont pas les plus pauvres qui coûtent cher à l’État.
Ceux qui coûtent vraiment,
ce sont ceux qui ont les moyens… de ne quasiment rien payer.
Je m’appelle Bob. Je suis maçon.
J’ai deux genoux en vrac, un fourgon qui tousse,
et un comptable qui s’appelle Gérard.
Un jour, en rentrant du chantier, j’ai entendu à la radio
que des gens avec plus de 100 millions d’euros
pouvaient payer 0,2 % d’impôts.
J’ai failli m’étouffer avec mon sandwich au pâté.
Moi, je paie plus que ça rien qu’en achetant du ciment.
J’ai demandé à Gérard si c’était vrai.
Il m’a montré un graphique.
J’ai rien compris.
Mais y avait une flèche qui descendait très bas. Et une mention : “très grosses fortunes”.
Et une autre très haute, avec écrit : “MOI”.
Y a un souci, non ?
Puis j’ai entendu parler de la taxe Zucman.
Un impôt minimum.
Pas sur les artisans.
Sur les gens qui ont plus de 100 millions d’euros.
Ceux qu’on ne croise pas à la CAF.
Je vous assure, c’est même pas une insulte. C’est un seuil.
Avec cette taxe, on pourrait récupérer jusqu’à 25 milliards d’euros par an.
De quoi rénover les écoles, les hôpitaux, les routes…
Et peut-être même mon dos.
Le 12 juin, les sénateurs peuvent voter ça.
Je sais pas trop ce qu’ils vont faire.
Moi, quand y a une dalle à couler, je la coule.
Mon béton, je le pose ici. Pas dans un trust aux îles Caïmans.
Alors voilà.
Je m’appelle Bob. Je suis pas économiste.
Mais quand un type avec 100 millions paie moins que moi,
y a un mur qui a pas été monté droit quelque part.
Voilà, c’est fini.
Pas la fin de la Ligue des champions, non. Le devoir de vigilance.
Une loi pas hyper sexy, mais un peu utile quand même : elle disait, en gros, "Si tu fais bosser des gens à l’autre bout du monde, essaye qu’ils meurent pas pour que tu vendes ton T-shirt 1,99 €. Et si tu pouvais éviter d’exploiter des enfants et de détruire la planète au passage, ce serait sympa aussi."
C’était une loi française. Une idée noble. Presque émouvante. On en était fiers. Pas autant qu’on est fiers de notre baguette ou du camembert au lait cru, mais fiers quand même.
Et puis, 2025.
Macron. Conférence de presse molle. "Trop de paperasse. Trop de contraintes. Trop chiant."
Clac. Fini. Effacé. En une phrase.
Et l’Allemagne, dans un élan de solidarité rétrograde, décide de faire pareil. Voilà.
Le couple franco-allemand avance à reculons. C’est presque poétique.
On pourrait s’en foutre, comme on se fout d’un documentaire arte diffusé à 23h, ou même de l’émission "Histoires naturelles" diffusée à 2h25. Mais il se trouve que cette loi, c’était une réponse aux catastrophes : le Rana Plaza, Bhopal, AZF, Erika, Lafarge. Oui, Lafarge en Syrie. Toujours là quand il ne faut pas.
La loi n’était pas parfaite. Elle faisait ce qu’elle pouvait, parfois maladroitement, mais avec l’intention d’agir correctement, ce qui est déjà pas mal.
Aujourd’hui, même plus besoin de faire semblant.
Les entreprises peuvent tranquillement dire "On n’a rien vu, rien su, rien pu faire."
Et hop, une infographie verte et blanche avec des feuilles, une citation d’Albert Einstein, et tout le monde est content.
Avant, on avait des valeurs.
Maintenant, on a des "engagements RSE sur LinkedIn".
Avant, on disait "droits humains".
Maintenant, on dit "zone grise contractuelle avec clause de sous-traitance indépendante".
Et pendant ce temps-là, on continue à exploiter des mineurs dans des ateliers insalubres. À gratter le sol pour du cobalt, à forcer des enfants à manier des produits toxiques pendant que d’autres s’enfilent des cafés bio en terrasse. Et à flinguer la planète avec nos chaînes logistiques mondialisées, comme si c’était une ressource infinie.
Et tout le monde continue à s’indigner mollement sur Twitter, puis à commander des baskets en promo fabriquées à l'autre bout du monde. Sans doute par un enfant mal payé, quelque part dans une usine invisible. Une histoire banale, révélée entre deux reportages qu’on regarde sans vraiment les finir.
Voilà. C’est fini.
Et pendant ce temps-là, les multinationales continuent comme si de rien n'était.
Avec sérieux, avec méthode.
Et surtout, avec marge.
Retraites : et si on arrêtait de prendre tout le monde pour des imbéciles ?
Je ne suis ni ministre, ni haut fonctionnaire. Pas même un de ces « experts » en retraites qui confondent souvent un fichier Excel avec la vraie vie.
Je suis juste un citoyen. Élu d’une petite commune. Quelqu’un qui voit les gens autour de lui vieillir, bosser, s’user. Et qui commence sérieusement à se dire qu’il serait temps d’arrêter de faire semblant.
Parce qu’il y a quelque chose de profondément injuste dans la manière dont on parle des retraites. Comme si tout le monde avait eu la même vie. Le même départ, le même parcours, les mêmes chances. C’est faux. Et il faut qu’on ait enfin le courage de parler d’équité, pas seulement d’égalité.
Deux vies, deux réalités
Prenez Bernard. CAP de maçon à 17 ans. Sur les chantiers à 18. Soleil, pluie, béton, poussière. Une vie à porter du lourd, au propre comme au figuré. Il travaille depuis plus de 40 ans. Il a cotisé tôt. Il a coûté peu à l’État : 110 000 € pour toute sa scolarité, du CP au CAP.
Aujourd’hui, il a 60 ans. Il se lève avec le dos en vrac, les genoux qui grincent. Il a l’espérance de vie d’un homme qui a trimé toute sa vie : entre 15 et 17 ans après 60 ans. Souvent avec des douleurs pour seule compagnie.
Et puis il y a Patrick. Bac S, prépa, école d’ingénieur. Sorti à 24 ans, bien formé, bien financé (environ 200 000 € d’argent public pour son parcours). Il a commencé à cotiser plus tard, mais il gagne bien. Et surtout, il vivra plus longtemps : 6 à 7 ans de plus que Bernard. Il partira à la retraite en bonne santé, à vélo électrique, tranquille dans les Landes.
Et on ose nous dire : « Mais Bernard peut partir plus tôt, il a le droit à la carrière longue ! »
Sur le papier, oui. Mais à une condition : qu’il ait travaillé sans pause, sans chômage, sans maladie, sans accident. Autrement dit : qu’il soit un ouvrier de laboratoire, sans la moindre anicroche. Pas un vrai.
Ce n’est pas de l’égalité. C’est de l’aveuglement.
Résultat :
Bernard a commencé à travailler plus tôt,
il a cotisé plus longtemps,
il a coûté moins cher à la collectivité,
et il aura une retraite plus courte, plus pauvre, plus douloureuse.
Mais allons-y gaiement : tout le monde à la retraite à 64 ans. Égalité !
Non. Ce n’est pas de l’égalité, c’est de la paresse intellectuelle.
L’égalité, c’est faire comme si Patrick et Bernard avaient eu la même vie.
L’équité, c’est reconnaître qu’ils ne l’ont pas eue.
Ouvrons les yeux sur la pénibilité
Pourquoi ne parle-t-on jamais de la journée de travail dans les métiers pénibles ?
Peut-on demander à un ouvrier de 58 ans de faire 8 heures de chantier comme un cadre devant un écran ?
À une aide-soignante d’enchaîner les patients comme si elle avait 25 ans ?
La pénibilité, ce n’est pas un mot dans un rapport. C’est ce qui use, ce qui casse, ce qui vous grignote la vie année après année.
Et tout commence par les salaires
Quand on gagne peu :
on se soigne moins, on épargne moins, on subit plus.
Les inégalités de revenu sont les graines silencieuses des injustices de demain. Et elles poussent très bien dans le terreau des décisions politiques aveugles.
Une vraie réforme ? Parlons de justice.
Non, Patrick et Bernard ne peuvent pas avoir la même retraite.
Parce qu’ils n’ont jamais eu la même vie.
Un système vraiment juste ne devrait pas appliquer la même règle à tout le monde. Il devrait reconnaître les différences. Tout au long de la vie. Pas seulement à l’heure du départ.
Ah, et pour ceux qui se demandent :
Oui, je suis moi-même cadre.
Et justement, c’est pour ça que je me permets de dire tout ça. Pas par cynisme. Mais parce qu’un système plus juste ne me prive de rien.
Il donne juste à Bernard une chance, lui aussi, de respirer un peu.
Encore une femme tuée.
Par celui qui disait l’aimer. Son compagnon. Son ex. Son mari. Celui avec qui elle partageait sa vie, sa table, parfois ses enfants.
On ne les connaît pas toutes, mais on sait leurs prénoms : Nelissa, Julie, Samira, Amandine, Claire, Justine…
Elles avaient 22, 34, 47 ou 62 ans.
Elles travaillaient, riaient, faisaient des listes de courses, rêvaient de repos, de week-ends, de vie.
Et elles ne sont plus là.
En France, une femme meurt tous les deux ou trois jours sous les coups d’un homme. Chaque semaine, encore. Toujours.
Et on finit par s’y habituer. Un entrefilet. Une phrase. “Drame familial”. Comme si c’était un débordement. Une dispute de trop.
Mais ce ne sont pas des faits divers. Ce sont des crimes, des violences systémiques, des dominations.
Elles commencent petit : des remarques, des cris, du contrôle, des excuses… puis les coups. Et la peur. Qui isole, qui ronge.
"Elle aurait dû partir", entend-on.
Mais partir quand on a peur ? Pas d’argent ? Pas de soutien ? Quand la justice traîne ? Quand les plaintes dorment ?
C’est tout un système qui lâche : proches, institutions, justice.
Alors on le redit : ce n’est jamais une histoire privée. Ce n’est jamais de l’amour. Ce n’est jamais un accident.
C’est un meurtre. C’est un échec collectif. Et c’est une femme de trop.
Tant qu’il le faudra, on parlera. On criera. On tendra la main. Parce que l’amour ne tue pas. Et que la peur ne doit jamais être normale.
On est là. Et on ne lâche rien.
Et pour celles qui ont besoin d’aide : le 3919 est là.
📞 Gratuit. Anonyme. 24h/24.
On ne part pas de zéro.
On a grandi avec des modèles qu’on n’a pas choisis.
Des réflexes hérités, transmis sans même s’en rendre compte.
Des injonctions à la virilité dure, au silence, à la domination.
Ces vieux schémas laissent des traces : dans les corps, dans les relations, dans les attentes.
Ils enferment les hommes comme les femmes dans des rôles figés.
Et souvent, ils recommencent avec la génération suivante.
C’est là que l’éducation peut tout changer.
On a appris aux hommes à être forts, performants, invulnérables.
Aux femmes, à tout porter : maison, enfants, charge mentale, émotions.
Même quand elles travaillent autant, on attend d’elles qu’elles "gèrent".
Ce déséquilibre commence tôt : dans les jeux, les livres, les remarques du quotidien.
Mais on peut faire autrement.
L’école peut devenir un lieu d’émancipation.
Un endroit où les garçons peuvent être sensibles,
et les filles, ambitieuses.
Où l’on apprend à écouter, coopérer, prendre soin, exprimer ce qu’on ressent.
Où l’égalité devient une expérience, pas juste un concept.
Et pour ça, il faut former, accompagner, questionner.
Surveiller les petits gestes, les mots, les attentes.
Car c’est là que tout commence : dans les détails.
Être un homme, ce n’est pas fuir la tendresse.
C’est être là, engagé, humain.
C’est déconstruire pour mieux transmettre.
Changer l’éducation, c’est commencer à réparer.
Et surtout, à construire autre chose.
À Nantes, l’horreur. Derrière l’horreur, notre abandon collectif
Le drame survenu à Nantes est insoutenable.
Un jeune a tué. D'autres enfants sont blessés. Des familles sont brisées.
Avant toute analyse, j’ai une pensée profonde pour les victimes, pour leurs proches, pour Madame la Maire de Nantes Johanna Rolland, pour l'équipe éducative du lycée, pour les élèves, leurs familles, et pour tous les habitants de la ville frappés de plein fouet par cette tragédie.
Oui, il y a des questions à poser.
Mais elles méritent mieux que des raccourcis faciles.
Plutôt que de crier à "l’ensauvagement" général, il faudrait plutôt s'inquiéter de la santé mentale de notre jeunesse.
Depuis la pandémie, les constats sont accablants :
Seuls 59 % des collégiens et 51 % des lycéens présentent aujourd'hui un bon niveau de bien-être mental.
Un chiffre alarmant, qui se traduit directement par une explosion des traitements médicamenteux : les prescriptions d’antidépresseurs ont bondi de 88 % chez les adolescents, et celles de somnifères de 137 %.
Cet état de fait, toujours valable quatre ans après la crise du Covid, est clairement dû au déficit de l’offre de soins, qui n’a pas été adaptée aux besoins psychologiques des jeunes.
Déjà en 2020, plusieurs voix s’élevaient pour réclamer des moyens supplémentaires, notamment en pédopsychiatrie, afin d'éviter que l’hôpital ne devienne le dernier recours face aux défaillances du système éducatif et social.
Mais ces alertes n'ont pas été entendues.
En tant que professeur, je peux en témoigner : aujourd'hui, sur le terrain, nous constatons les conséquences chaque jour.
Dans nos collèges, dans nos lycées, de plus en plus d'enfants montrent des signes évidents de mal-être psychologique.
Et pourtant, il est très difficile pour leurs parents d’obtenir rapidement un rendez-vous avec un spécialiste : les délais sont interminables, les structures débordées, les places manquent.
Dans ce vide, Internet est venu aggraver la blessure.
En exposant les plus fragiles à une violence constante, sans filtre, sans barrière.
Sur TikTok, des bagarres deviennent des défis viraux.
Sur X (Twitter), des exécutions circulent librement.
Sur Telegram, les pires atrocités sont accessibles en quelques clics.
Même Snapchat est devenu un terrain d'exhibition de la violence adolescente.
À force d’images choquantes et répétées, la violence n’est plus une anomalie.
Elle est devenue ordinaire.
Banaliser l'horreur, c'est éroder les limites, brouiller les repères, anesthésier les consciences.
La violence qui éclate aujourd’hui est aussi celle que nous avons laissée s’installer dans l’imaginaire de nos enfants.
Après chaque drame, la réponse est toujours la même : davantage de barrières, de portiques de sécurité, de contrôles à l’entrée des établissements scolaires.
À la suite de cette nouvelle agression mortelle, certains proposent d’encadrer nos collèges et lycées comme des aéroports, voire comme des prisons.
Installer des portiques partout coûterait des milliards d'euros, pour une illusion de sécurité.
Ces dispositifs créeraient un climat de suspicion permanent, sans pour autant empêcher des drames de se produire ailleurs : dans les rues, aux abords des établissements, sur le chemin du retour.
La violence n’est pas un objet métallique que l’on détecte avec une machine.
La violence est un mal plus profond, qui naît dans l’isolement, le désespoir, la perte de repères.
Plutôt que de répondre à la peur par de l'acier et des barrières, nous devons prendre du recul.
Analyser en profondeur la situation.
Voir que ce meurtre reflète d’abord un immense mal-être chez les adolescents.
Et comprendre qu’il serait infiniment plus judicieux d’investir cet argent sur le terrain : dans la santé mentale, dans l’éducation, dans la protection et l’accompagnement de notre jeunesse.
Protéger, ce n'est pas enfermer nos enfants derrière des portiques.
C’est leur redonner des raisons de croire en l'avenir.
Nous devons agir en régulant les plateformes numériques, en protégeant nos enfants de cette violence omniprésente et en redonnant aux jeunes des repères solides, un véritable accès aux soins psychologiques et une attention continue à leur santé mentale.
Sinon, d’autres drames viendront.
Et nous ne pourrons plus dire que nous ne savions pas
Un maire ne devrait pas endosser le rôle de médiateur, diront certains. Il devrait se limiter à signer des arrêtés et déléguer aux forces de l’ordre. Il ne devrait pas arpenter les rues aux côtés de ses élus pour dialoguer avec les jeunes et moins jeunes qui occupent l’espace public. Il ne devrait pas chercher à comprendre leurs difficultés, ni tenter d’ouvrir un dialogue pour les orienter vers d’autres activités.
Et pourtant.
Lorsque des habitants expriment leur inquiétude, lorsqu’ils ressentent un malaise en traversant certains lieux publics, il devient impératif d’adopter une approche réfléchie, humaine et proactive.
À La Réole, nous avons choisi la voie de la médiation et d’une présence active sur le terrain. Plutôt que de nous en remettre exclusivement à des mesures répressives, nous avons fait le choix d’être là. Avec mes collègues élus, nous consacrons plusieurs heures chaque semaine à circuler dans les rues, à tenir des permanences sur la place centrale, à organiser nos réunions dans l’espace public.
L’objectif est clair : renforcer le lien avec la population, comprendre leurs préoccupations, apporter des solutions adaptées.
Ce travail n’est pas solitaire. Il s’inscrit dans une logique de coopération étroite avec la gendarmerie, la police municipale et tous les autres acteurs concernés. Chacun intervient dans le cadre de ses compétences, au sein d’une action coordonnée et partagée.
Cette démarche vise à produire des résultats concrets, à démontrer que la mairie n’est pas indifférente aux réalités du quotidien. Notre ambition reste la même : permettre à chacun de trouver sa place dans la société.
Dans cette optique, nous avons mis en place une cellule de veille réunissant gendarmerie, police municipale, services départementaux, mission locale, communauté de communes et responsables scolaires. Sa mission est simple mais essentielle : agir concrètement, en apportant une réponse adaptée et concertée.
La prévention est un pilier central de notre approche. Mais lorsque celle-ci ne suffit pas, il faut savoir réagir de manière juste et proportionnée.
Je suis lucide : s’impliquer expose. Les agressions verbales et physiques envers les élus locaux ne cessent d’augmenter. En 2023, plus de 2 600 faits de violence contre des élus ont été enregistrés, soit une hausse d’environ 15 % par rapport à l’année précédente.
J’ai moi-même été menacé. Et pourtant, il ne faut pas céder. Ne pas céder au climat de peur. Ne pas céder du terrain. Il faut continuer à analyser les causes profondes des tensions et travailler ensemble à des réponses durables.
Garantir la tranquillité publique ne signifie pas renoncer à l’accompagnement social. C’est même tout l’enjeu. Interdire la consommation d’alcool sur la voie publique, par exemple, peut paraître liberticide. Mais une décision sans action de suivi est vide de sens. C’est pourquoi nous avons renforcé notre présence sur le terrain, dialogué, rappelé les règles, et, lorsque nécessaire, verbalisé. Car les règles doivent être respectées.
Ce travail exige du temps, de l’énergie, de la constance. Il nécessite une vision qui dépasse les clivages politiques. Une vision où la fermeté et le dialogue avancent ensemble, sans s’opposer.
Alors non, un maire ne devrait peut-être pas agir ainsi. Ou peut-être que si, justement. Parce qu’un maire, avant tout, est là pour ses habitants. Tous ses habitants.
Je m'appelle Bruno Marty.
Mais depuis que je suis maire de La Réole, beaucoup m'appellent « Bruno, le Maire ».
Et forcément, ça prête à sourire.
Parce que non, je ne suis pas le Bruno Le Maire, le grand économiste qui officiait à Bercy.
Je suis l'autre Bruno, celui du terrain, celui des territoires.
Et si nous partageons un prénom et une fonction, nous ne partageons pas la même vision des collectivités locales.
L'ancien ministre de l'Économie n’a cessé, ces dernières années, de pointer du doigt les collectivités comme responsables de la dérive du déficit public.
Mais de ce côté-ci de la République, nous savons que ce procès est injuste, infondé, et surtout dangereux pour la démocratie locale.
En 2023, les collectivités ont représenté à peine 6 % du déficit public, alors qu’elles assurent plus de la moitié de l’investissement civil en France.
Elles respectent leur « règle d’or » budgétaire, n’endettent pas les générations futures pour faire fonctionner leur administration, et maintiennent tant bien que mal des services publics indispensables.
Alors pourquoi les accuser ?
Parce qu’il est plus simple de faire porter les efforts de redressement sur les maires et présidents de collectivités que de réformer en profondeur l’État central.
La vérité, c’est que depuis des années, l’État prédit un avenir budgétaire irréaliste pour les collectivités :
des baisses de dépenses de fonctionnement jamais vues,
des investissements contenus alors même qu’on exige d’elles de répondre à l’urgence climatique,
et une prétendue volonté de désendettement qui n’a aucun ancrage dans la réalité locale.
Et pourtant, malgré cela, les maires continuent.
Ils investissent, ils recrutent là où il le faut, ils absorbent les chocs inflationnistes, les réformes fiscales à répétition, les hausses imposées de cotisations.
Sans plainte, sans cris, mais avec responsabilité.
La vérité, c’est que les collectivités ne peuvent plus être les boucs émissaires d’un système centralisé à bout de souffle.
Elles ne peuvent pas être à la fois les chevilles ouvrières de la transition écologique, de l’action sociale, des services publics de proximité…
et les cibles faciles dès que l’État dérape.
La loi de finances 2025, avec ses ponctions, ses gels de TVA et ses coupes dans les dotations d’investissement, nous fait franchir un seuil inquiétant.
À La Réole comme ailleurs, l’investissement public est essentiel : pour nos écoles, nos routes, notre transition énergétique.
Il est temps de reconstruire un vrai dialogue entre l’État et les collectivités.
Pas un dialogue de sourds, pas des chiffres plaqués sans concertation.
Mais une approche sincère, partagée, qui tient compte des contraintes et des réalités de chacun.
Nous n’attendons pas de faveur.
Nous demandons du respect.
Car les collectivités, loin d’être le problème, sont une grande partie de la solution.
Alors oui, je suis Bruno, le Maire.
Mais de La Réole.
Et je parle au nom de tous ceux qui, comme moi, croient encore que la République se construit aussi dans nos mairies.
J’ai grandi dans une famille où l’éducation était, disons-le, patriarcale. Mais ce serait mal raconter mon histoire si je m’arrêtais là. Car il y avait ma mère. Présente. Présente jusqu’au bout des silences. Présente dans les gestes, dans l’attention, dans la douceur. C’est elle qui m’a élevé au quotidien.
Certains disaient que j’avais été « élevé comme une fille ». Moi, je dis que j’ai eu la chance d’être élevé pleinement, avec toute la richesse des émotions humaines.
Malgré ma carrure, ma voix grave, je n’ai jamais ressenti le besoin de me battre pour exister. Je n’ai jamais voulu imposer. J’étais sensible, et on me le reprochait. On me traitait « d’efféminé », comme si c’était une insulte. Mais quand je pleurais, ce n’était pas de la faiblesse : c’était de la vie qui débordait.
Je repense à tout ça en lisant Le coût de la virilité de Lucile Peytavin. Ce livre met des chiffres sur ce que je pressentais confusément : cette virilité qu’on impose dès l’enfance , « sois fort », « pleure pas », « montre qui est le chef », elle coûte. Et elle coûte très cher.
Près de 100 milliards d’euros par an. C’est ce que la société française dépense pour réparer les dégâts de comportements violents, dangereux, très majoritairement masculins :
96 % des détenus sont des hommes
99 % des violeurs
97 % des auteurs de violences sexuelles
84 % des accidents mortels de la route
Ce n’est pas une question de biologie. C’est une construction. Une éducation à la dure. À la domination. À la répression de tout ce qui ressemble à de la tendresse.
Moi, j’ai eu la chance d’échapper à ce formatage. Peut-être parce que j’ai été élevé avec douceur. Peut-être parce que j’ai pu pleurer, douter, aimer. Et aujourd’hui, je mesure la puissance de cette autre manière d’être un homme.
C’est de ça qu’on devrait parler. Pas de virilité. Mais d’humanité.
Lucile Peytavin ne stigmatise pas : elle alerte. Elle propose de repenser l’éducation des garçons. D’oser l’empathie, la coopération, la paix. Parce qu’une société avec moins de violence, c’est une société plus juste, mais aussi plus heureuse.
Alors oui, il est temps. Temps de dire à nos garçons : tu peux pleurer. Tu peux être doux. Et tu restes pleinement un homme.
Ce matin, en marge d’un cours, un échange avec mes élèves a résonné profondément.
Leurs mots font écho aux nombreuses discussions que j’ai avec les jeunes que je croise à La Réole.
Des voix franches, directes, souvent bouleversantes. Des voix qui disent l’angoisse, le doute, la lucidité aussi.
Nos jeunes grandissent dans un monde en crise permanente : crise écologique, sociale, économique, géopolitique…
L’avenir leur apparaît souvent flou, brumeux, presque interdit.
Et cette pression silencieuse pèse lourd : un sentiment d’impuissance, une anxiété qui ronge, une peur de ne jamais trouver leur place dans un monde qui s’effrite.
Une génération sous tension, mais pas résignée
Les études le confirment : jamais une génération n’a autant ressenti de solitude, d’inquiétude, de colère froide face à l’état du monde.
Les réseaux sociaux, paradoxalement, exacerbent ces malaises : défilé constant de catastrophes, d’injustices, mais aussi d’idéaux inaccessibles. La réussite y semble toujours plus belle… mais toujours plus lointaine.
Et pourtant…
Dans ce désarroi, je perçois autre chose.
Une forme de clarté, de vigilance, de volonté.
Ces jeunes ne se résignent pas.
Ils cherchent, ils interrogent, ils refusent les hypocrisies.
Ils veulent qu’on les écoute, qu’on les soutienne, qu’on leur donne les clés, pas les réponses toutes faites, mais la possibilité d’agir.
Notre responsabilité d’adultes
Nous avons une immense responsabilité : ne pas leur laisser seuls le fardeau d’un monde que nous n’avons pas su préserver.
Mais je veux leur dire, aujourd’hui, les yeux dans les yeux :
Vous n’êtes pas les héritiers d’un chaos.
Vous êtes les artisans d’un monde nouveau.
Vous avez en vous la flamme, la créativité, l’audace, et une puissance de mobilisation que personne avant vous n’avait.
Oui, le chemin sera rude. Réinventer nos sociétés pour respecter la planète. Redonner du souffle à la démocratie. Renverser les injustices. C’est un chantier colossal.
Mais l’Histoire montre que les plus grandes avancées ont toujours émergé de périodes sombres, grâce à des gens déterminés qui ont décidé de ne pas céder.
Engagez-vous là où votre cœur bat
À vous, jeunes qui doutez parfois de votre force : chaque pas compte.
Engagez-vous dans la politique, pour en faire autre chose que ce que l’on vous en montre.
Engagez-vous dans les associations, foyers vivants de solidarité et de résistance.
Engagez-vous dans vos choix quotidiens : consommer moins mais mieux, soutenir le local, réduire votre empreinte, élever votre conscience.
Ces gestes, ces choix, multipliés, mis en commun, font basculer des montagnes.
Et surtout : ne restez pas seuls.
Car seul, on plie.
Ensemble, on bâtit.
La solidarité est votre plus belle arme.
Un monde blessé, mais pas sans avenir
Oui, ce monde est cabossé, parfois même violent.
Mais il vous appartient aussi.
Vous avez le droit, et le devoir, d’en faire un monde juste, vivant, accueillant.
Nous avons besoin de vos rêves, de vos colères justes, de votre énergie inépuisable.
Relevez la tête. Rejoignez le mouvement. Prenez votre place.
Le futur ne se subit pas.
Il se crée.