Ici nous nous tournons vers nos désirs pour la suite : comment voulons-nous faire évoluer ce projet ? Avec quels partenaires et sur quels territoires ? Quoi garder de ce travail dans le Pic Saint-Loup, et quoi modifier ?
Voici quelques pistes que nous explorons pour la troisième itération du projet.
En 2021, le scénario s’est déployé sur une période de 6 mois. Bien que trop long d’un point de vue de la narration (sans parler de l’endurance du public !), il était absolument nécessaire pour nous de prendre ce temps entre les premiers épisodes de l’histoire en avril, et le dernier événement en septembre. En effet, il y avait énormément de matière à créer pour la première fois, ainsi que beaucoup de problèmes logistiques à découvrir et à résoudre. Mais depuis le début, notre intention est de jouer sur un temps plus court. Plusieurs formats nous paraissent possibles et intéressants à expérimenter, d’un point de vue artistique.
Mais ces questions de format sont intimement liées à celle de la diffusion, et les considérations artistiques n’existent donc pas toutes seules : quels temps et quels espaces trouverons-nous pour faire exister un spectacle qui porte une telle forme ? Au-delà de la résidence de territoire, quels créneaux hors-les-murs existent-ils, où notre proposition pourrait être diffusée ? Expérimenter avec des multiples formats, entre la version qui dure d'un à trois mois (programmation exceptionnelle) et celle qui dure 4 jours (programmation légèrement plus conventionnelle), nous permettrait de travailler sur ces questions importantes, et d’intégrer ce travail dans les prochaines phases d’écriture.
Cependant, quel que soit le format choisi, le projet restera toujours « hors-gabarit » quelque part… et c’est voulu !
Jusqu’ici nous avons beaucoup emprunté des modèles de narration classique comme l’écriture dramatique et du feuilleton en particulier. Cependant, nous nous intéressons beaucoup aux codes de jeux interactifs, et les modes narratives qu’ils offrent.
Maintenant il nous semble intéressant de tout réfléchir en termes de la communauté de gens qui suivront ce projet du début à la fin. Comment notre spectacle peut-il servir à animer cette communauté ? Quelles interactions peut-il générer, non seulement entre le public et l’univers du projet mais aussi entre les participant·e·s eux/elles-mêmes ? Comment faire en sorte que les membres de cette communauté puissent se reconnaître et s’identifier, qu’ils puissent découvrir par eux/elles-mêmes des temps et des espaces de jeux. Peut-on imaginer un dispositif numérique amusant et facile à utiliser, qui appuierait l’expérience et permettrait au public d’y participer quand, et comme, il veut ? Comment démultiplier les portes d’entrée vers l’expérience, de façon que le public puisse nous rejoindre en dehors du cadre que nous avons déjà imaginé ?
La partie jeu de rôle de ce projet se base pour l’instant sur les missions à remplir : les maîtres-du-jeu invitent le public à faire une action, depuis chez eux, en ligne, ou quelque part dans l’espace public. Bien sûr ces missions doivent être aussi intéressantes, drôles ou amusantes que possible. Ils doivent aussi avoir un sens pour le public, dans le cadre de l’histoire que nous voudrions raconter ainsi que dans leurs vies quotidiennes. (L’écriture de ces missions est un enjeu majeur pour la suite du projet, c’est pourquoi nous cherchons à compléter notre équipe avec une compétence en matière de game design.)
Pour l’instant, nous cherchons encore à établir le bon rapport entre les personnages de la fiction et celui de l’entité « Les Infiltrés » (ce dernier servant à la fois de maitre-du-jeu, à la fois de narrateur.) La question que nous nous posons est la suivante : qu’est-ce que le fait de remplir une mission pour un organisme mystérieux peut-il me révéler comme vérité à propos de ce qui se trame dans l’histoire ?
Le scénario n’étant pas terminé, les prochaines étapes du projet doivent permettre l’écriture d’avancer et se finaliser. À ce niveau, un des chantiers principaux entoure le personnage de Tony Tinag, qui doit évoluer. Pour le dire simplement, dans la version de 2021, son coté bouffon a pris un peu trop le dessus, en dépit des profondeurs nécessaires pour porter l'histoire que nous avons l'intention de raconter.
Et l’histoire justement doit se développer aussi, pour mieux toucher le fond dont nous avons l’ambition de traiter, c’est-à-dire l’argument dramatique qui nous flèche durant toute l’écriture du projet BIVOUAC :
« En tant qu’espèce nous nous vantons de notre intelligence, du degré de notre évolution,
cependant nos bêtises nous conduisent sans relâche vers l’extinction. »
Comme pour chaque itération du projet, le scénario de la prochaine sera rédigé en fonction du territoire choisi. L’enchaînement des épisodes ainsi que certains détails des trois personnages de l’histoire seront enrichis d’éléments et d’inspirations trouvé·e·s sur place.
Les trois parcours spectateurs, que nous avons exposé dans la partie Saison 2, étaient proposés au public d’une manière cloisonnée, c’est-à-dire, de nombreuses informations narratives que nous avons donné à un groupe étaient occultées des deux autres, et vice versa. Pour donner un exemple, seules les complices « Colibri » avaient entendu parler de la Fondation Orbis Vivens et donc savaient, dès le départ, de quoi s’agissait leur projet. Inversement, les complices « Namasté » et « Inconscient » n’ayant pas entendu parlé de ce faux organisme non-gouvernemental dans le cadre de leur parcours d’infiltration, pouvaient théoriquement supposer que la Fondation Orbis Vivens et l’Opération Colibri étaient belle et bien réelles.
Nous avons donc fait ce choix de cloisonnement avec une envie de créer du jeu, pensant motiver les participant·e·s à être actifs, à aller chercher l'histoire au-delà des limites de ce que leur avais été révélé. Nous espérions que, grâce à cette approche, des personnes dans un groupe créeraient eux/elles-mêmes des liens avec des personnes d’autres groupes, afin de recouper des informations et avancer dans l’histoire. Mais, en réalité, nous avons observé que cette démarche a plutôt desservi l'expérience pour beaucoup de participant·e·s, en les privant de nombreux détails qui auraient enrichit leur compréhension des enjeux de l'histoire. Nous avons aussi découvert que les participant·e·s sont rarement aussi proactif·ve·s que nous pouvons espérer.
Cependant, tandis que nous mettons en question notre façon radicale de cloisonner ces groupes d'Infiltré·e·s, nous retenons encore l’idée de proposer trois parcours distincts, chacun associé au point de vue de l’un des trois personnages principaux.
Dans un grand jeu de rôle tel que BIVOUAC a l'intention d'être, tout le monde devrait être considéré comme joueur, les comédien·ne·s tout comme les participant·e·s lambda. De cette logique découle notre notion de complicité : les artistes avec le public œuvrent ensemble à faire exister l'histoire, et à donner sens à l'expérience.
Jusque maintenant, l’un des endroits où nous avons réussi à créer cette complicité était au sein du groupe des complices noyau. Là il s’agissait de personnes choisies, invitées spécialement à suivre le projet, à observer notre démarche et à nous soutenir, avec leurs conseils ou même leur participation. Ces personnes-là était démarquées des autres participants du fait que nous leur avons donné quasiment toutes les clés du projet, et notamment ils ont eu l’occasion de rencontrer les comédiens hors-personnage, avant de les croiser en costume et en plein jeu.
Ces rencontres ont eu lieu lors des réunions organisées à cet effet, où était présent·e·s habitant·e·s, élu·e·s, participant·e·s, personnes ressources, ami·e·s, ainsi que l’équipe artistique et celle de la coordination.
Après ces expériences, nous sommes convaincus que ce type de réunion est essentielle pour créer la complicité que nous cherchons, et désormais nous voudrons les proposer à tous les participants du projet. Cette rencontre pourra s’imaginer sous forme d’assemblée générale, même en distanciel si nécessaire (nous avons eu l’occasion d’expérimenter les deux formats, ont eu systématiquement des bons retours, et avons senti à chaque fois une vraie envie de jouer de la part des participants).