Il s'agit d'une première itération du projet, une sorte de maquette réalisée à petite échelle et dans des conditions plutôt "contrôlées".
En 2020, la compagnie OVNI bénéficie d'une résidence "Artistes au collège", un dispositif qui permet d'accueillir un artiste ou une compagnie au sein d'un établissement scolaire. Invité·e·s par le Collège La Galaberte à Saint-Hippolyte-du-Fort et par le Conseil Départemental du Gard, nous investissons un espace de travail pour une durée de plusieurs mois. En contrepartie, notre présence doit donner aux élevés l'occasion de participer à notre processus artistique.
Cependant, notre thème de la rumeur donne un élément assez délicat à notre démarche, que nous avons besoin de mettre à l'épreuve. Notamment le fait d'incruster des personnage fictifs au sein d'un quotidien bien réel, sans réellement prévenir le public concerné. Cette résidence est une occasion pour nous d'aborder un public non prévenu d'une manière régulière, de jouer nos personnages en dehors de tout cadre théâtral, et de tisser une histoire fantastique, suivant un scénario pré établi, au fil de nos rencontres avec les collégiens.
Notre proposition est une manière de détourner le dispositif "Artistes au collège", et nous les remercions le Conseil Départemental du Gard, le collège La Galaberte et surtout l'équipe pédagogique du collège de jouer le jeu.
Une "vraie fausse" résidence
C'est d'abord un personnage fictif et son projet totalement fabriqué qui ont fait l'objet de la résidence au sein du collège.
Tony Tinag, performer décalé issu de la scène alternative hollywoodienne, vient à Saint-Hippolyte-du-Fort pour travailler sur la mise en place de son projet BIVOUAC. Ce performance contestataire écologique est née d'une intuition forte, que l’Homme doit trouver un moyen de renouer son lien à la nature au risque de voir notre civilisation s’effondrer. Tony va partir vivre dans une grande étendue naturelle et sauvage du Piémont Cévenol, il va s'exposer aux éléments et à la faune sauvage, et se nourrir de ce qu'il trouve, dans un but d’élever les consciences et sensibiliser le grand public à l'urgence climatique. Mais son projet est plein de contradictions, tout comme l’artiste lui-même : à la fois naïf et orgueilleux, Tony est trop imbu de sa propre personne, et sa recherche artistique tourne principalement autour d’un défi intensément personnel et de son désir d'audience. Le sens de son projet va se perd peu à peu dans la vacuité de ses interventions sur les réseaux sociaux.
La mise en scène d'un qui pro quo
En parallèle, une autre artiste est également accueillie en résidence au collège : Jeanne Fleury, comédienne et habitante de Saint-Hippolyte-du-Fort, qui débarque au collège au même temps que Tony avec un projet d'écriture dramatique. Fascinée par l'histoire d'une légende locale, Jeanne se prépare à rechercher la disparition de deux sœurs fileuses qui aurait eu lieu à Saint-Hippolyte-du-Fort au cours du 19e siècle. C'est une histoire que Jeanne envisage à adapter en pièce de théâtre.
Visiblement, Tony et Jeanne ne se connaissent pas. Ils ne semblent pas s'apprécier particulièrement non plus. Surtout, ils ne s'attendaient pas à partager la vedette de cette manière. Étant donné que leurs projets respectifs ne semblent avoir aucun rapport, ils peuvent se demander s'il n'y pas eu d'erreur quelque part. Les deux artistes s'installent dans un bureau partagé au Foyer du collège, où la cohabitation s'annonce légèrement tendue.
L'histoire vire progressivement au fantastique
Les deux projets avancent, les deux artistes poursuivent leurs recherches respectives. Chacun progresse d'une manière intuitive, et partage son progrès avec les élèves du collège lors des rendez-vous réguliers. Petit à petit ses deux projets, qui sont à priori sans aucun rapport apparent, commencent à présenter quelques points en commun finalement : la survie dans un milieu sauvage et hostile, par exemple ; ou le fait de trouver abri dans une grotte souterraine ; et enfin, l'irruption inattendu du fantastique dans un cadre supposé être totalement réel.
Les collégiens sont spectateurs de ce virage. Les artistes, intègres à leur personnages, sont aussi surpris que les élèves par la tournure des choses. Ces derniers sont livrés à eux-mêmes, ils doivent se débrouiller pour distinguer le lard du cochon. Leurs professeurs, complices avec nous, les accompagnent dans la réflexion et le questionnement, mais ne donnent aucune réponse concrète pour expliquer ce qui se passe réellement.
À quel moment va-t-on comprendre qu'il s'agit d'une fiction ?