Après vivre…
il nous reste les mots
jusqu’à ce que mentent les mots,
jusqu’à ce que manquent les mots,
les mots, succédanés, placebos d’amour,
improbables paravents
qui taisent pudiquement
la béance de nos plaies,
la vacance de nos jours.
Après vivre…
il nous reste les mots,
ceux qui s’écrivent avant qu’on nous menotte,
ceux qui se disent avant qu’on nous garrotte,
les mots à perdre haleine
pour éviter la haine,
les mots pour nous tenir debout
même si souvent ils plient,
trébuchent et bafouillent,
ne cachant plus rien de nos vies
qui partent en quenouille.
Après vivre…
il nous reste les mots,
les mots pour la colère
et les mots pour…s’y faire,
les mots comme on se vautre,
les mots et plus rien d’autre.
Les mots causent tout seuls,
prêchent dans le désert,
nous arrachent la gueule
à force d’être amers.
Les mots tournent en rond,
parlent souvent de la mort
pour ne pas dire qu’ils crèvent
d’avoir si mal parlé d’amour,
pour ne pas dire qu’ils rêvent
de glisser, une fois encore,
au petit jour,
comme une larme de bonheur,
sur une joue.
Après vivre…
il nous reste les mots,
les mots pour ne pas défaillir ;
les mots pour ne pas tressaillir ;
Après vivre…
il nous reste les mots…
pour…tenir.