Je me souviens, sais-tu, je me souviens encore. Le poudroiement doré d'un soleil déclinant jetait des ors sublimes sur la mer enivrée qui déroulait au loin jusqu'aux confins des cieux ses écharpes brunâtres d'agate et d'onyx... Un grondement profond ponctué de silences glissait tel une écume à la pointe des vagues et se mourait, crissant, dans les plis de la grève luisante et palpitante comme peau de requin, où persistait encore la trace de l'oiseau, l'empreinte du pêcheur, l'évent d'arénicole...
Pour l'heure je n'écoutais tes doux mots de sirène, mélopée langoureuse aux accents pénétrants, qui tels un chapelet perlait tout de rosée et venait s'échouer au creux de mon oreille. Tout entier succombant au charme de tes yeux je m'abîmai, fébrile, en leur contemplation jusqu'à ce que l'eau vive de ces aigues-marines extirpât de mon âme une plainte muette qui du coeur chaviré révéla le naufrage, l'existence baignée de douloureux sanglots...
Alors, fille des eaux, en un jaillissement ton pas franchit l'écume et ta diaphane main s'agita tristement en un dernier adieu. Et mon coeur se fendit en mille résurgences tandis que l'astre mort ensanglantait la mer...